samedi 11 mai 2019

Cet après midi, un message amical qui m'a fait longtemps réfléchir :

Cher Monsieur,
je suis en train de regarder le message où vous dites avoir déjà beaucoup parlé de la béarnaise.
Et je me fais la remarque que c'est très difficile de retrouver tous ces endroits. Pourtant ça serait très intéressant puisqu'à chaque fois vous ajoutez quelque chose de nouveau. Cette fois-ci, le concept étrange de suspension émulsionnée. Vous devriez mettre des mots clés. Et faire une base de données privée avec tout ce matériel: tweets, billets de blog etc. Sinon c'est tout  un trésor de pédagogie et de vulgarisation qui se perd. Vous en avez conscience j'espère.



Et ma réponse : 

Oui, je publie dans des endroits variés, mais cela prendrait sans doute encore plus de temps de mettre de l'ordre... et cela ne m'amuse pas ! D'où des livres, périodiquement, où, là, je fais un effort d'organisation, de cohérence !
 
Et rien ne se perd, puisque tout est en ligne.
 
Au fond, ce n'est pas si compliqué. Il y a :
- mon blog Google, où j'ai regroupé tous mes blogs qui étaient séparés : là, on peut utiliser la fonction de recherche, pour trouver un sujet parmi mille ;
- des billets AgroParisTech
- des billets quotidiens Inra
- quelques blogs Pour la Scienc
- plus les articles dans des revues variées
Mais, tout cela est pour des interlocuteurs différents, d'où pas de redondance.
 
bon samedi
 
 
PS. J'ai oublié mon site... où c'est également ordonné. Et je vais faire un autre billet pour expliquer mes livres, et leurs destinataires. 





Méfions-nous de nos ignorances... et de l'information qui nous est donnée !



Il y a des raisons d'être optimiste : alors que des idéologues jouent les marchands de cauchemars, jusque dans une presse qui devrait être de service public, on voit des esprits raisonnables s'élever contre les mensonges délivrés publiquement. Cela fait chaud au coeur d'être dans une communauté rationnelle !
Mais il est encore plus merveilleux de voir des collègues plus jeunes se lancer dans le salutaire combat de la Raison : tout n'est pas perdu, bien au contraire.
Cette introduction générale pour partager avec mes amis un message reçu après une conférence que j'avais eue le plaisir de faire à l'Ecole de chimie de Rennes, par un étudiant de première année, et que je livre (avec son accord) :

Récemment, j'ai pu mener une petite expérience "sociale" sur quelques camarades de promo. Avec deux autres étudiants, nous devions préparer un exposé pour un cours d'anglais. Le hasard faisant que l'exposé allait se passer le 1er avril, j'ai proposé à ceux qui faisaient l'exposé avec moi de parler de science dans les médias.
Nous avons donc présenté à la classe trois sujets controversés dans les médias, en leur expliquant qu'au vu de la date particulière, nous allions leur présenter des arguments volontairement erronés, et qu'ils devraient les trouver pendant la présentation, puis nous les donner à la fin de celle-ci.
Nous avons donc présenté des arguments contre les vaccins, contre les ogm, et contre le glyphosate. Ce que la classe ignorait, c'est que l'intégralité des arguments que nous proposions étaient faux. A la fin, ils ont rebondi sur les vaccins et un peu sur les ogm, pensant avoir trouvé tous les pièges. Nous avons donc confirmé l'absence de risque pour les vaccins et les ogm sur la santé.
Je leur ai ensuite posé la question : "Qui savait, avant l'exposé, que le glyphosate donnait le cancer ?" (j'ai volontairement utilisé le verbe "savoir" pour qu'ils soient moins hésitants sur la réponse, le but étant de les interpeller sur leurs erreurs). Les trois quarts ont levé la main. Puis, j'ai repris et démonté tous les arguments que je leur avait auparavant présenté contre le glyphosate (j'ai simplement repris ceux d'Envoyé Spécial).
Ils furent très réceptifs et personne ne s'est offusqué, bien que quelques approfondissements furent demandés. Notre professeur d'anglais a alors très justement dit : "Si une classe de scientifiques comme celle-ci peut se construire un avis complètement erroné sur un sujet, simplement parce qu'ils ont été influencés par les médias qui se fichent des faits scientifiques, comment une personne normale a-t-elle la moindre chance de détecter des tromperies présentées comme scientifiques ?".
Cette question n'a probablement pas de réponse, mais peut-être qu'il existe des pistes pour résoudre le problème qu'elle soulève : comment rendre les gens moins crédules face à tout ce qui les choque dans les médias, et comment leur (re)donner confiance en la science ?"


Ce message est d'autant plus réconfortant que, lorsque j'étais à l'Ecole de chimie de Rennes, une classe de lycéens de Concarneau avait été récompensée pour un travail montrant qu'il n'existait pas de lien entre vaccination et autisme : merveilleux professeurs que ceux qui avaient encadré les élèves !

Conservation de sorbets et glaces

Ce matin, une question à propos de l'utilisation de l'azote liquide, pour la réalisation de glaces ou de sorbets :

Quelles sont les conditions de conservation d’une glace réalisée avec de l’azote liquide ?
J’ai cru comprendre que la texture de ces glaces était dû à la taille et à la forme des cristaux formés via une réfrigération rapide versus standard.
Mais est-ce seulement une question de température (dans ce cas quelle serait la limite) ou d’autres paramètres rentrent-ils en compte ?


Il faut rappeler que l'on ne manipule l'azote liquide qu'avec des précautions :
- lunettes (très important : une goutte dans l'oeil et l'on est aveugle)
- loin de ceux qui n'ont pas de lunettes (les projections sont fréquentes, parce que l'azote liquide est très... liquide)
- stockage dans un récipient qui N'EST PAS hermétiquement fermé (sans quoi cela exploserait)
- et autres...

Cela étant dit, la réponse à la question posée doit commencer par une explication du  mécanisme de la formation des glaces et sorbets (voir le détail dans Mon histoire de cuisine) :
- de gros cristaux se forment quand la cristallisation est lente
- de petits cristaux se forment quand la cristallisation est rapide.
Avec l'utilisation de l'azote liquide, la cristallisation se forme en quelques dizaines de secondes (bien plus vite, donc, qu'avec une sorbetière), de sorte que les cristaux sont très petits.
D'où la consistance bien supérieure, pour les sorbets et glaces à l'azote liquide, par comparaison avec les sorbets et glaces faits à la sorbetière.


Mais la question du stockage est différente. 

Une fois que l'on a une glace ou un sorbet (quel que soit son mode de préparation), il peut évoluer, surtout quand la température est fluctuante... et cette évolution conduit à un grossissement des cristaux : les plus petits disparaissent au profit des plus gros. Et la consistance devient donc moins intéressante que lorsque les glaces et sorbets ont attendu, parce que, alors, ils n'ont plus cette consistance due à leurs tout petits cristaux.
D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle les industriels qui vendent des glaces ajoutent (le plus souvent) des "polysaccharides", composés cousins de l'amidon, qui ralentissent considérablement le grossissement des cristaux... mais au détriment de la qualité gustative.
Cela étant, si l'on n'ajoute pas ces composés, un sorbet azote liquide ou un sorbet sorbetière : c'est le premier qui gagne quand même, parce qu'il part de plus loin !


Au fait, revenons à la question : il s'agissait de bien conserver une glace à l'azote liquide. Et c'est la même question que pour n'importe quelle glace, à savoir que plus la température de stockage est basse, meilleur le résultat. Et, comme dit, des polysaccharides sont utiles pour des stockages plus longs (quel intérêt ?) : pectines, agar-agar, gomme arabique, gomme guar... Ils sont extraits de matières naturelles, comme je l'explique, donc, dans Mon histoire de cuisine, où je fais une "histoire morale et naturelle" de ces produits.


vendredi 10 mai 2019

Florilège d'inepties. Je me réserve d'en ajouter

Le bio est bon pour la santé : rien que cette généralisation est idiote, ou ignorante, ou malhonnête, selon les personnes qui la profèrent.. Mais je veux surtout rappeler ici que le bio n'est pas un critère de qualité ; c'est seulement un cahier des charges et que cultiver bio maladroitement peut conduire à faire des fruits et légumes malsains.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai toujours affiché un intérêt pour l'agriculture raisonnée : quand on raisonne, on fait mieux que quand agit comme un automate idiot.


Les vaccins provoquent l'autisme : rien que cette généralisation est idiote, ou ignorante, ou malhonnête, selon les personnes qui la profèrent. On rappellera que la relation prétendue entre vaccination et autisme a été très soigneusement étudiée, et qu'il a été établi qu'elle était fausse. Elle avait été avancée au début des années 1990 par un article frauduleux publié par le Lancet, article qui fut caractérisé comme "sans doute la plus dommageable des fraudes médicales des 100 dernières années". Cet article scandaleux fut publié par le médecin  (il ne mérite pas ce titre), rétracté en 2010... mais il  reste cité par des  anti-vaccinistes.
Terminons en donnant des informations attestées :

Le 28 janvier 2010, un tribunal de 5 membres de l'Ordre anglais des médecins (GMC) prouva la véracité de plus d'une trentaine des inculpations contre Wakefield, parmi lesquelles quatre inculpations pour « malhonnêteté », et douze pour abus contre enfants victimes de troubles du développement. Le tribunal a jugé que Wakefield a « failli à son devoir de consultant responsable », a agi contre l'intérêt de ses patients, « malhonnêtement et de manière non responsable » lors de son étude. The Lancet rétracta immédiatement et complètement la publication de l'étude de 1998 de Wakefield sur la base des résultats de l'enquête du GMC, notant que des éléments du manuscrit furent falsifiés. Wakefield fut radié du registre médical (c'est-à-dire renvoyé de l'Ordre des médecins) en mai 2010 et n'est plus autorisé à exercer la médecine au Royaume-Uni.
En janvier 2011, un article de Brian Deer publié dans le British Medical Journal identifia les travaux de Wakefield comme une « fraude élaborée ». Dans un article faisant suite à ce dernier, Deer affirme que Wakefield prévoyait de lancer une entreprise s'appuyant sur une campagne de propagande anti-vaccins. Un prospectus pour les investisseurs potentiels dans l'entreprise de Wakefield suggérait qu'un test de dépistage pour la maladie que Wakefield voulait appeler « entérocolite autistique » pouvait produire jusqu'à 28 millions de Livres Sterling de revenus (plus de 32 millions d'euros), avec des tests de dépistages effectués dans le cas de litiges entre patients et médecins comme marché initial, aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Cependant, entretemps, l'étude de Wakefield ainsi que les recommandations publiques contre l'utilisation du vaccin combiné ROR furent liées à un fort déclin des taux de vaccinations au Royaume-Uni ainsi qu'à une augmentation des cas de rougeoles y correspondant, le tout résultant en de sérieux troubles de la santé ainsi que plusieurs décès.



Les OGM provoquent des cancers : rien que cette généralisation est idiote, ou ignorante, ou malhonnête, selon les personnes qui la profèrent. D'autre part on rappellera que des milliards d'êtres humains dans le monde mangent depuis des décennies les fruits et légumes OGM, et en souffrent si peu parce que la population mondiale ne cesse d'augmenter !


Les additifs sont mauvais pour la santé : rien que cette généralisation est idiote, ou ignorante, ou malhonnête, selon les personnes qui la profèrent. On voudrait bien laisser des imbéciles ou  ignorants continuer à avoir de telles idées, mais il y a le risque qu'ils influencent des âmes qui ne sont pas gauchies, et que  cela conduise à des décisions collectives coûteuse, et nous pâtirons  nous-mêmes, qui sommes (hélas) dans la même collectivité que ces individus pernicieux. Il y a donc lieu de combattre les idées fausses et irrationnelles.


Il y a des risques à consommer des aliments qui contiennent des additifs : là, c'est particulièrement ineptes... parce que c'est juste, mais, surtout, parce qu'il y a la confusion entre danger et risque.
Par exemple, un couteau est dangereux, à savoir qu'il peut tuer. La vraie question n'est donc pas le danger, mais le risque, à savoir que si l'on veut éviter des accidents, il vaut mieux ranger le couteau dans un tiroir que de se le suspendre au dessus de la tête par un fil de soie !
De même, pour tous les composés de notre alimentation, jusqu'à l'eau. Par exemple, un consommation excessive d'eau peut provoquer de graves troubles. Et chaque composé de notre alimentation est "dangereux" à des degrés divers. Par exemple, le sucre est cariogène... mais il y en a (du "saccharose") dans tous les tissus végétaux, d'où la saveur douce des carottes, oignons, etc. Ou l'acide acétique glacial (cela signfie "pur") est très acide... mais on serait idiot d'en consommer pur, et, en dilution, on peut faire des solutions moins acides que du jus de citron ou que des framboises.
Mais c'est là un gros sujet, et je renvoie à mille billets précédents.


La nature est bonne : ben voyons,  le lion, la peste, le choléra, la foudre sont notoirement connus pour être favorable à la vie humaine.


Vins ou aliments "naturels" : c'est mensonger, car est naturel ce qui n'a pas l'objet d'une transformation par l'être humain. Tout aliment est artificiel, et idem pour le vin. En revanche, on peut parler de yaourt nature, de vin nature, à la limite.


Aliments ultratransformés : notion idiote ou malhonnête, ou idéologique (une idéologie qui conduit à mentir est donc malhonnête), comme nous l'avons montré dans une séance de l'Académie d'agriculture de France. Voir : https://www.academie-agriculture.fr/actualites/academie/seance/academie/des-matieres-premieres-agricoles-aux-aliments-quel-impact-des?020518



jeudi 9 mai 2019

Rumeurs délétères ! N'ayons pas peur de l'acide citrique !

Les rumeurs ont la vie dure. Récemment, lors d'une conférence, j'ai eu des questions à propos de l'acide citrique : la personne qui m'a interrogé était manifestement très convaincue que l'acide citrique était cancérogène. J'ai eu beau lui expliquer que ce acide est présent dans la totalité de nos aliments de façon naturelle, elle m'a rétorqué avec beaucoup d'aplomb que c'étaient "les cancérologues de Villejuif" qui le lui avaient dit (on verra que c'est donc un mensonge qu'elle m'a fait !).

Dans un tel cas, il est inutile de perdre son temps à vouloir convaincre un interlocuteur qui ne veut pas être convaincu. En revanche, de retour au laboratoire, je suis allé faire un peu de recherche... et c'est là que j'ai retrouvé l'acide citrique dans le "Tract de Villejuif".
Voici ce que j'ai notamment trouvé :

Le tract de Villejuif est une liste fantaisiste, prétendument publiée par l'« hôpital de Villejuif » en France, et signalant faussement comme cancérigènes un certain nombre d'additifs alimentaires, tout particulièrement E330 (acide citrique). Elle a d'abord circulé sous forme de photocopies dans les années 1970. Bien que l'hôpital de Villejuif (l'Institut Gustave-Roussy, de son vrai nom) ait démenti à plusieurs reprises1 être à l'origine de ce document, cette légende urbaine se remet parfois à circuler épisodiquement, y compris de nos jours par propagation électronique (Référence : https://www.gustaveroussy.fr/?p_id=12).


Historique d'une rumeur délétère

En juin 1975, les listes de la première nomenclature unifiée des additifs alimentaires pour les pays de la CEE sont publiées au Journal officiel. Les additifs y sont classés à l'aide d'un code « E plus trois chiffres ». En décembre, le magazine français Science et vie  [une revue de vulgarisation, pas toujours écrite par de bons journalistes !] publie un tableau résumant et commentant cette codification, et classant 29 additifs comme « suspects » ou « dangereux ». L'acide citrique (E330) est présenté comme « suspect ».

En 1975, la CEE interdit aussi l'utilisation de neuf colorants alimentaires, mais suspend cette interdiction pour un an. Plusieurs organisations de consommateurs protestent et, au début de 1976, organisent un boycott de tous les colorants. En avril, le numéro de Que choisir [pas certain qu'il faille faire confiance à ce journal] est intitulé « Boycottez les colorants », et le magazine publie une liste de 107 colorants, en présentant 70 comme dangereux ou suspects. L'acide citrique est à nouveau présenté comme « suspect. »

Le premier exemplaire connu du tract a été publié en février 1976 en France, sous forme d'une page dactylographiée. Son auteur est inconnu. Il fait référence à l'article de Science et vie, [bravo pour la référence scientifique !] mais pas encore à l'hôpital de Villejuif. Il classe les additifs alimentaires en « cancérigène », « suspect », ou « inoffensif ». Des versions successives indiquent « distribué à l'hôpital de Villejuif », « distribué par l'hôpital de Villejuif » et enfin « L'hôpital de Villejuif informe... » Des détails fantaisistes sur les effets des additifs apparaissent, ainsi que des noms de marques à éviter.

Des copies circulent à travers l'Europe pendant une décennie, sous la forme d'un tract ou d'un pamphlet, transmis entre amis ou collègues, citant outre l'acide citrique neuf autres additifs et une liste de produits décrits comme toxiques et cancérigènes. La Grande-Bretagne est touchée en 1984, et le Danemark en 1989. En 1990, une version allemande du texte est diffusée parmi le personnel de la Commission européenne à Bruxelles.

Le tract attire l'attention d'experts lors de sa diffusion, qui le considèrent aussitôt comme suspect, en raison de la description incorrecte de l'E330 comme toxique cancérigène « le plus dangereux ». Mais les démentis officiels n'entravent pas sa diffusion.

Le tract circule toujours en France en 2018 au travers des réseaux sociaux. Le 11 février 2018, le député MoDem du Loiret, Richard Ramos, invité par la chaîne de télévision France 5 à l’émission C Politique, brandissait encore une copie du tract pour étayer son réquisitoire véhément contre la grande distribution, en dénonçant la présence de l’additif E330 dans plusieurs échantillons qu’il avait apportés sur le plateau, sans mentionner et apparemment sans savoir qu’il s’agissait de l’acide citrique, et sans être contredit sur ce point par les invités et journalistes présents sur le plateau.


J'ai poursuivi mes recherches, et voici ce que donne l'Agence nationale du médicament :

Sur la base de plusieurs études toxicologiques réalisées chez l’animal, l'acide citrique n'est pas suspecté d'être ni cancérigène (voie orale, dose testée 2 g/kg/j, rat) ni reprotoxique (espèces testées : rat, souris, lapin, hamster) ni tératogène (espèces testées : rat, lapin, hamster). Dans les études plus générales après administration répétées par voie orale (espèces testées : rat, souris, chien), les effets toxiques majeurs se limitent majoritairement à des les changements dans la formulation sanguine et à une modification de la cinétique d'absorption / excrétion des métaux.
Les valeurs des NOAELs (No Observable Adverse Effect Levels) après administration orale, sont assez élevées comme par exemple : une NOAEL de 1200 mg / kg / j (étude de cancérogénèse chez le rat), une NOAEL de 2500 mg/kg/j (étude de toxicité reproduction chez le rat), une NOAEL de 7500 mg/kg/j (étude de toxicité reproduction chez la souris)...
De plus, l’acide citrique n’a pas montré de caractère génotoxique que ce soit après des études in vitro et in vivo (doses testées allant jusqu’à 3 g/kg).
Aucune DJA (dose journalière acceptable) n'a été spécifiée pour l'acide citrique et ses sels communs par le Comité mixte FAO / OMS d'experts en additifs alimentaires ni par l’agence européenne EFSA (European Food Safety Authority).
Une « DJA non spécifiée » est l’expression employée quand il n'est pas jugé nécessaire d'attribuer une DJA chiffrée à une substance. C’est le cas d’une substance dont les données des études toxicologiques, biochimiques et cliniques réalisées permettant de conclure que la consommation d'une substance, dans un aliment dans les proportions requises pour obtenir l'effet désiré, ne présentent pas de danger pour la santé.
L'acide citrique est considéré comme un excipient «GRAS» (généralement reconnu comme sûr) par la FDA  sans restriction quant à la quantité d'utilisation dans les bonnes pratiques de fabrication. Aussi, l'acide citrique est considéré comme un additif alimentaire sans restriction de la quantité utilisée dans les bonnes pratiques de fabrication. Toutefois dans certains produits à destination des consommateurs européens, la teneur en E330 est limitée  :3000 mg/L pour les jus de fruits ; 5000 mg/L pour les nectars de fruits.


Une honte ! 

Finalement,  je suis furieux contre la personne idiote que j'ai rencontrée, parce qu'elle colportait paresseusement  des ragots imbéciles, ce qui est un facteur de dissension dans nos communautés.
En revanche, mes interactions (limitées) avec elle eu l'intérêt de me permettre de rappeler ici que cette liste de Villejuif est un faux. C'est aussi l'occasion de bien dire que le terme d'"additif" n'est en aucun cas synonyme de risque. C'est l'occasion de dire que l'usage des additifs est extrêmement encadré...  contrairement d'ailleurs à l'usage des produits traditionnels !
Je signale d'ailleurs ici des échanges nombreux et cocasses sur Twitter,  à propos de la consommation de pommes de terre avec la peau : pour des raisons que je ne comprends pas bien, certains de mes interlocuteurs refusent de considérer qu'il y a le moindre risque à consommer la peau. Mais, après tout, j'ai bien vu en vente des cigarettes bio...

mercredi 8 mai 2019

La chair est faible


J'avais pourtant promis  ici que je ne parlerais plus ni de nutrition ni de toxicologie... mais voici que, en l'espace de quelques jours, une revue m'interroge sur les "bienfaits santé", comme ils disent, des différents modes de cuisson, et que je me vois en train de discuter de toxicité de la peau des pommes de terre ou de l'acide citrique.
A la revue, j'ai quand même dit que leurs questions étaient idiotes, et, aux questions sur les pommes de terre, je ne me suis pas exprimé, me limitant à donner des abstracts de publications scientifiques... mais quand même, j'ai vacillé !
Je me refais donc à moi-même cette promesse de ne plus parler de toxicologie ou de nutrition, d'autant qu'il est complètement inutile de parler de ces sujets en public, en s'adressant à des personnes qui ne veulent pas être convaincues.
La seule excuse que je puisse me donner est tirée d'un échange avec des étudiants, qui me signalaient combien certains de mes billets à ces sujets pouvaient leur être utiles : ils avaient besoin d'informations venant de sources un peu sûres, disons rationnelles. Ah, là, s'il s'agit d'affermir l'esprit de ceux qui sont bien engagés, il y a quelque utilité à dire des faits justes, même dans des domaines où je ne suis pas parfaitement légitime (je fais quand même ma bibliographie, et certains de mes amis sont d'excellents experts).

Mais quand même, il vaut mieux que je me consacre à mon coeur de travail : il y a largement de quoi faire. Et notamment  :
- à expliquer, à répéter, que nous mettons en oeuvre, quand nous cuisinons, des transformations moléculaires qui ne sont que... des transformations moléculaires
- à expliquer, à répéter, qu'une molécule est une molécule, qu'elle soit produite par synthèse moléculaire ou par fermentation, ou par extraction d'un produit agricole
- à expliquer, à répéter, que les cuisiniers appliquent des températures qui feraient frémir d'effroi n'importe quel chimiste organicien bien constitué
-  à expliquer, à répéter, que le monde est fait de molécules, d'atomes, qu'il n'y a pas de "force vitale" ou d'"énergies inconnues", que les sorciers, magiciens, rebouteux, et autres sont des naïfs ou d es escrocs
- à expliquer, à répéter, que la science (de la nature) se distingue de la technologie, et a fortiori de la technique
- que oui, il y a encore beaucoup à découvrir, mais que cela ne justifie pas toutes les prétentions hurluberlues, surtout quand les études ont été faites et qu'elles ont réfuté les prétentions depuis des années, voire des siècles (Faraday avait réfuté les tables tournantes, Chevreul a réfuté les baguettes divinatoires ou autres pendules, il n'y a pas de "mémoire de l'eau", etc.
- que nous avons besoin de beaucoup de Rationalité !

mardi 7 mai 2019

S'agit-il de composés ?

Décidément, la question des "composés" n'est pas résolue, parce que la culture chimique de certains de  nos amis n'est pas considérable. Aujourd'hui, un ami cuisinier intéressé par la cuisine note à note m’envoie une coupure de presse à propos de cuisiniers qui utilisent du cannabis, et il m'interroge : s'agit-il de composés utilisables pour la cuisine note à note ?

Le cannabis (Cannabis L.) est un genre botanique qui rassemble des plantes annuelles de la famille des Cannabaceae.  Bref, il s'agit d'une plante.  Et comme toute plante, c'est un mélange de très nombreux composés ! Le premier est l'eau, puis il y a sans doute, dans l'ordre des quantités décroissantes, de la cellulose, de l'hémicellulose, des pectines, des lipides, des protéines, et une foule de composés utiles pour la vie de la plante, avec finalement des "métabolites" tels que les chlorophylles et les caroténoïdes (puisque la plante est verte, et qu'elle est capable de photosynthèse), des sucres, des acides aminés... et les composés psychotropes.
Mais la question de mon ami mérite d'être analysée : pourquoi n'a-t-il pas pu comprendre de lui-même qu'une plante n'est pas un composé pur ? Manifestement, parce qu'il ne sait pas ce qu'est un composé.

Et, aujourd'hui, je propose la méthode d'explication historique. 

Pensons donc au 18e siècle, quand les chimistes commencèrent à s'intéresser à la constitution de la matière. Pour la chimie minérale, les opérations de calcination, par exemple, montrèrent qu'il y avait des "éléments", à savoir des produits qu'on ne pouvait plus décomposer, et qui, au contraire, entraient dans la composition d'autres matières. Par exemple, quand on fait brûler du soufre (poudre jaune) avec du fer (de la limaille, ou fer broyé), on obtenait du sulfure de fer (pas ce nom là à l'époque). Inversement, quand on s'y prenait bien, on pouvait décomposer le sulfure de fer en soufre et en fer. Bref, le soufre et le fer sont des éléments, alors que le sulfure de fer n'en est pas un.
A la même époque, les chimistes s'intéressèrent à la matière organique, mais c'était beaucoup plus difficile, parce que les produits animaux ou végétaux se décomposent quand on les chauffe, et aussi parce que, à l'époque, on ignorait encore la composition des gaz, et notamment des gaz formés lors des combustion de ces matériaux. C'est seulement quand furent identifiés le dioxygène, le dioxyde de carbone, le diazote, la vapeur d'eau, etc.  que l'on  a pu analyser les gaz produit lors de distillation sèche de tissus animaux ou végétaux
Ainsi, quand on met une plante dans une cornue et que l'on chauffe, on récupère des gaz variés, à côté de carbone et d'eau. À la même époque, quelques chimiste qui comprenaient bien que la distillation décompose les matières organiques eurent l'idée de faire des extraits avec des solvants tel que l'eau, l'huile ou  l'alcool.
C'est ainsi, par exemple,  que Louis Jacques Thenard obtint des extraits de viande dans l'alcool, ce qu'il nomma "osmazôme". Ou encore que Beccari et Kesselmeyer  séparèrent de la farine une matière qu'ils nommèrent amidon et une autre matière qu'il nommèrent gluten. Ni l'amidon ni le gluten n'étaien des composés purs, puisqu'on pouvait encore les décomposer davantage. Par exemple, le gluten pouvait se séparer en une fraction soluble dans l'eau (les gliadines) et une fraction insoluble dans l'eau (les gluténines). On pouvait encore décomposer ces deux fractions,  en différentes protéines, certes apparentées, mais avec quand même des propriétés différentes. Et finalement chaque sorte de protéines est faite de molécules toutes identiques.
Autrement dit, la farine n'est pas un "composé" (disons "composé chimique" pour ceux qui  en ont besoin)  puisque l'on peut le décomposer en gluten et amidon ; et le gluten n'est pas un composé puisque l'on peut le décomposer en gliadines et gluténines ;  et la fraction gliadine n'est pas un composé puisque c'est un mélange de plusieurs gliadines particulières. A ce stade, une gliadine particulière, telle l'alpha gliadine est un composé particulier, parce que toutes ses molécules sont identiques. Tout comme l'eau est un composé : dans de l'eau, il n'y a que des molécules toutes identiques, à savoir des molécules d'eau. Et l'éthanol est un composé puisqu'il est fait de molécules toutes identiques, à savoir des molécules d'éthanol. L'huile, en revanche, n'est pas un composé puisqu'elle est faite de milliards de composés différents, certes très semblables mais différents : les "triglycérides". Dans l'huile, il y a donc des milliards de sortes de molécules différentes : on dit des milliards de triglycérides différents. Et pour chacun de tes triglycérides, il y a des milliards de milliards de molécules toutes identiques.
Le  blanc d'oeuf ? Ce n'est pas un composé non plus puisqu'il est fait d'eau et de protéines,   et il existe environ une vingtaine de protéines différentes, avec encore des milliards de milliards de molécules de chaque protéine, c'est-à-dire de chaque de chaque sorte moléculaire.


Ces explications étant données, j'ai rencontré un autre ami qui m'a interrogé sur la possibilité de diviser les molécules. 

Oui, on peut diviser une protéine et l'on obtient alors, dans certains cas, des molécules nouvelles qui sont des acides aminés (on en trouve vingt différents dans les protéines des organismes vivants). Oui, on peut diviser de l'eau, c'est-à-dire diviser des molécules d'eau, et l'on  obtient alors des atomes  :  les molécules sont des assemblage d'atomes. Pourrait-on diviser encore les atomes ? Oui, mais cette fois la puissance du feu n'est pas suffisante, et l'on passe la physique subatomique, qui a résulté de l'introduction d'énergies supérieures à celle du feu. C'était la la limite de la chimie, qui, elle,  s'intéresse aux assemblages  d'atomes.