Patrice Robichon, Correspondant national de l'Académie et Conseiller scientifiquePernod-Ricard en faisait la conclusion :
"L’introduction de cette séance et les présentations qui l’ont suivie ont montré comment la mise en place du « Paquet Hygiène », depuis le 1er janvier 2006, contribue à renforcer la qualité et la sécurité microbiologique des aliments en accentuant les exigences vis-à-vis des producteurs et des metteurs en marché. Ceux-ci doivent appliquer une démarche préventive, l’HACCP, qui consiste en l’analyse détaillée et validée des dangers, et en des actions pour la maîtrise de ces dangers en certains points critiques de contrôle.
Ces exigences ont été sources d’innovation en recherche-développement au niveau national, dotant les opérateurs de la filière alimentaire de différents outils d’expertise et de démarches (test de croissance, microbiologie prévisionnelle, analyse quantitative des risques) ; leur permettant d’être précurseur en Europe et de répondre sur justification scientifique à la législation.
Le résultat de ces démarches convergentes permet aux industriels de garantir la sécurité sanitaire des denrées alimentaires qu’ils fabriquent et mettent sur le marché, tout en préservant les qualités sensorielles et nutritionnelles des produits, de mieux répondre aux attentes des consommateurs pour des produits sains et naturels, exempts de conservateurs, et donc de renforcer leur compétitivité.
Une écoute attentive des intervenants, qu’il faut remercier pour la qualité de leurs présentations, amène à tirer les conclusions suivantes:
Il s’agit d’obtenir un niveau élevé de protection du consommateur tout en tenant compte des enjeux économiques et culturels.
Tous les exploitants de la chaîne alimentaire sont concernés dans l’objectif de maîtriser chacun des maillons de la chaîne alimentaire, des agriculteurs jusqu’aux consommateurs auxquels il faudra rappeler, voire inculquer les bonnes pratiques d’hygiène domestique.
Le « Paquet Hygiène » harmonisé est suffisamment flexible pour s’adapter à tous les types de production qu’elle soit industrielle ou artisanales. Ce point est fondamental pour la préservation de notre patrimoine culinaire.
La méthode HACCP est actuellement une pratique plutôt empirique et surtout centrée sur les dangers. C’est une approche qualitative de la sécurité microbiologique des aliments. Cela entraîne que les mesures de maîtrise retenues ne sont pas optimales. L’expérience plutôt qu’une démarche scientifique reste souvent la base des décisions prises par les exploitants du secteur alimentaire.
Le projet Quant’HACCP, soutenu par l’ANR, a permis de faire évoluer cette pratique vers une démarche quantitative utilisable par les entreprises, fondée sur la modélisation des risques pour la santé publique : l’HACCP quantitative permet de relier les objectifs de sécurité sanitaire au moment de la consommation (FSO) avec les valeurs limites opérationnelles en usine, et de modéliser l‘évolution des propriétés physiques et microbiologiques des produits en cours de procédé et pendant leur durée de vie pour estimer l’efficacité de chaque mesure de maîtrise.
Les exemples qui ont été présentés illustrent la capacité des nouveaux outils à s’adapter à différentes exigences et à aider les gestionnaires du risque comme les professionnels à choisir sur des bases plus objectives parmi les différentes options qui se présentent à eux pour la maîtrise de la sécurité microbiologique des aliments.
Les outils de microbiologie prévisionnelle, couplés à une connaissance fine des étapes du procédé de fabrication du produit et du comportement du germe d’intérêt dans celui-ci, sont employés pour prévoir la concentration du germe étudié et ce, à diverses étapes de la vie du produit. En tant que président du GIS Sym’Previus, je m’en réjouis.
La détermination de la durée de vie microbiologique doit intégrer de nombreux facteurs. En effet, l’aliment est une matrice complexe dans laquelle le comportement des micro-organismes doit être évalué en prenant en compte un ensemble de sources de variabilités de terrain, variabilités liées aux micro-organismes, à la composition de l’aliment, à son environnement de production, aux procédés d’élaboration, de stabilisation et de conditionnement, et aux conditions raisonnablement prévisibles de stockage, de distribution et de consommation.
Les modélisations doivent tenir compte de cette complexité.
Il convient de continuer à développer notamment la modélisation de l’impact des procédés (contamination par les surfaces, par l’air…), l’impact de l’atmosphère contrôlé des emballages (projet ANR en cours), l’effet du potentiel d’oxydo-réduction (projet ANR en cours),et d’une manière générale, de mieux caractériser l’environnement de aliment (procédé /atelier), l’impact de l’aliment (caractéristiques physico-chimiques au niveau micro-local) dans un objectif de mieux modéliser les modes de contamination et le comportement des pathogènes dans l’aliment.
Finalement, même si des progrès sont toujours possibles et même souhaitables, jamais le système de production et de commercialisation des aliments n’a été aussi sûr.
Il reste à en convaincre les consommateurs car nombreux sont ceux (60%) qui estiment que l’alimentation est de moins en moins sûre. Les scientifiques se doivent d’y contribuer. Ils n’ont pas plus raison que leurs concitoyens, mais il est de leur responsabilité de faire partager leur connaissances, les faits, ce qui est vrai, ce qui est faux, ce qui est douteux ou encore inconnu. Puisse cette noble institution les y encourager !