Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
vendredi 11 janvier 2019
Les Hautes Etudes de la Gastronomie
Je m'en veux un peu de ne pas avoir fait état, ici, de l'Institut des Hautes Etudes de la Gastronomie, que j'ai contribué à créer il y a quinze ans.
L'idée est simple : s'il y a des intellectuels français qui attirent des auditeurs étrangers, nous gagnons tous, intellectuels ou auditeurs, à ce que les "enseignements" soient regroupés, car un bouquet peut être plus beau qu'une fleur isolée.
Contrairement à d'autres institutions d'enseignement gastronomique, nous ne voulons pas "remplir des cases d'un programme", avec des matières à traiter, fut-ce par des moins bons, mais seulement livrer la quintessence de la réflexion en matière gastronomique... dont je rappelle la définition : la gastronomie est la connaissance de tout ce qui se rapporte à l'être humain qui se nourrit. Et à ce titre, sont convoquées les sciences de la nature, les sciences de l'humain et de la société, la technologie, la technique, l'art...
De fait, c'est un extraordinaire bouquet que nous ne cessons de perfectionner, année après année.
En pratique : les auditeurs s'inscrivent (petites promotions d'une trentaine de personne maximum) et ils viennent deux semaines en France (une semaine à Paris, une semaine à Reims), pour une série de cours à la pédagogie modernisée, mêlant du pratique au théorique. Cela coûte de l'argent, bien sûr, mais les auditeurs sont nourris, logés, et surtout, ils sont exposés à des esprits parmi les plus beaux.
Pour avoir une idée du programme, mis en oeuvre par l'Université de Reims Champagne Ardennes et le Cordon bleu, voir :
http://www.heg-gastronomy.com/en/
Mais ces Hautes Etudes de la Gastronomie ont évidemment une relation avec le Centre International de Gastronomie moléculaire, puisque je suis le président du Comité pédagogique de l'Institut... et que vous pouvez compter sur moi pour que je me préoccupe très précisément de tout ce qui s'y passe !
La validation, un état d'esprit
La validation est un état d'esprit
Je suis étonné a posteriori de ne jamais avoir entendu le mot "validation" lors de mes études de physico-chimie point, car c'est la chose la plus essentielle de la science.
Et d'ailleurs dire le mot validation et bien insuffisant parce que très abstrait ; avec ce mot, c'est d'un état d'esprit tout entier dont il est question. En effet, ill ne s'agit pas seulement de vérifier un calcul, mais de douter de tout ce que nous produisons. Ou, plus exactement, de "remettre en cause" tout ce que nous produisons.
Hier, par exemple, lors d'une discussion de laboratoire, j'ai entendu un de mes jeunes collègues dire que il était "sûr" que deux valeurs étaient identiques. Sûr, vraiment ? Rien que prononcer ce mot "sûr" est un symptôme qui révèle que l'état d'esprit de la validation n'est pas suffisamment implanté. En réalité, à l'analyse, il y avait la production de deux valeurs pour une même quantité, et notre notre jeune collègue voyait une égalité de ces deux valeurs obtenues à la suite de longues expériences qui se répétaient. Or les deux valeurs n'étaient évidemment pas identiques, mais seulement très proches.
Une incise rapide : les deux valeurs ne pouvaient pas être identiques, car à l'aide d'un instrument de mesure très précis, on aurait une infinité de décimales. Or la probabilité que deux mesures tombent sur les mêmes décimales (à l'infini) est nulle, stricto sensu ! C'est là un résultat élémentaire de la théorie de la mesure.
Et la question était donc plutôt, étant données deux valeurs différentes, de savoir si, connaissant les incertitudes expérimentales, on peut considérer raisonnablement qu'elles correspondent à une même grandeur, ou bien à des grandeurs différentes.
C'est ici que s'introduisent les méthodes statistiques, qui permettent de dire quelle est la probabilité que les deux résultats correspondent à une même grandeur ou, inversement, que ces deux résultats correspondent à des grandeurs différentes. Il y a une question de probabilité, ce qui exclut absolument la certitude, le "je suis sûr que". Et l'on se référa à d'autres billets qui expliquaient que tout résultat expérimental doit obligatoirement être associée à des incertitude de mesure, à des estimations des incertitudes, à des déterminations expérimentales de ces incertitudes, et l'on retiendra ici que s'impose donc une comparaison statistiques... sans oublier qu'une pièce de monnaie qu'on lance en l'air peut parfaitement tomber 100 fois sur pile.
Mais cette question est bien élémentaire et nous devons revenir à la validation. La validation, cela consiste à répéter les expériences, ce qui conduit donc à comparer les résultats de ces expériences.
Mais, la validation, cela consiste aussi à douter du résultat des comparaisons, à imaginer et mettre en œuvre des façons différentes d'attaquer la question par des méthodes différentes. Dans un autre billet, j'ai évoqué le diable qui est caché derrière tout les calculs, derrière tous les résultats d'expériences, derrière tous les gestes expérimentaux.
Mais je veux ici évoquer les exemples. Ainsi quelqu'un qui utilise une balance de précision pour peser un objet dont la température n'est pas exactement celle de la pièce s'expose à ce que des échanges de chaleur engendrent des courants d'air par convection, ce qui faussera résultat de la mesure. Plus élaboré, quelqu'un qui enregistre des spectre de résonance magnétique nucléaire en ignorant que le pH a un effet sur la résonance de certains protons s'expose à confondre les protons lors de l'interprétation ; de même pour la présence d'ions paramagnétique, par exemple.
Notre culture scientifique toujours insuffisante et donc une menace virgule qui justifie que ce soit une bonne pratique d'être très au courant de la science qui se publie chaque jour
Le diable est tapi
Mais cette observation a des conséquences bien plus grave, quand on se souvient que le ou la scientifique moderne est loin de tout savoir, et que, par conséquent, même si nous savions tout ce qui a été publié, nous serions ignorant de tout ce qui reste à découvrir.
Et c'est cela qui nous menace véritablement !
Les rapporteurs, les pairs à qui nous soumettons nos manuscrits en vue de leur publication sont là pour nous aider à voir les écueils inconnus, mais il y a les autres ! Et c'est une bonne métaphore d'imaginer que les scientifiques sont comme les marins qui naviguent près des côtes, donc ils ignorent tout de la topographie des fonds.
Bien sûr il y a les rochers qui émergent, mais il y a aussi ceux qui sont à une profondeur inférieure au tirant d'eau du navire. C'est cela, le diable qui nous menace à chaque instant. C'est cela qui justifie que nous qu'on servions en tête sans cesse ce mot de "validation".
Je suis étonné a posteriori de ne jamais avoir entendu le mot "validation" lors de mes études de physico-chimie point, car c'est la chose la plus essentielle de la science.
Et d'ailleurs dire le mot validation et bien insuffisant parce que très abstrait ; avec ce mot, c'est d'un état d'esprit tout entier dont il est question. En effet, ill ne s'agit pas seulement de vérifier un calcul, mais de douter de tout ce que nous produisons. Ou, plus exactement, de "remettre en cause" tout ce que nous produisons.
Hier, par exemple, lors d'une discussion de laboratoire, j'ai entendu un de mes jeunes collègues dire que il était "sûr" que deux valeurs étaient identiques. Sûr, vraiment ? Rien que prononcer ce mot "sûr" est un symptôme qui révèle que l'état d'esprit de la validation n'est pas suffisamment implanté. En réalité, à l'analyse, il y avait la production de deux valeurs pour une même quantité, et notre notre jeune collègue voyait une égalité de ces deux valeurs obtenues à la suite de longues expériences qui se répétaient. Or les deux valeurs n'étaient évidemment pas identiques, mais seulement très proches.
Une incise rapide : les deux valeurs ne pouvaient pas être identiques, car à l'aide d'un instrument de mesure très précis, on aurait une infinité de décimales. Or la probabilité que deux mesures tombent sur les mêmes décimales (à l'infini) est nulle, stricto sensu ! C'est là un résultat élémentaire de la théorie de la mesure.
Et la question était donc plutôt, étant données deux valeurs différentes, de savoir si, connaissant les incertitudes expérimentales, on peut considérer raisonnablement qu'elles correspondent à une même grandeur, ou bien à des grandeurs différentes.
C'est ici que s'introduisent les méthodes statistiques, qui permettent de dire quelle est la probabilité que les deux résultats correspondent à une même grandeur ou, inversement, que ces deux résultats correspondent à des grandeurs différentes. Il y a une question de probabilité, ce qui exclut absolument la certitude, le "je suis sûr que". Et l'on se référa à d'autres billets qui expliquaient que tout résultat expérimental doit obligatoirement être associée à des incertitude de mesure, à des estimations des incertitudes, à des déterminations expérimentales de ces incertitudes, et l'on retiendra ici que s'impose donc une comparaison statistiques... sans oublier qu'une pièce de monnaie qu'on lance en l'air peut parfaitement tomber 100 fois sur pile.
Mais cette question est bien élémentaire et nous devons revenir à la validation. La validation, cela consiste à répéter les expériences, ce qui conduit donc à comparer les résultats de ces expériences.
Mais, la validation, cela consiste aussi à douter du résultat des comparaisons, à imaginer et mettre en œuvre des façons différentes d'attaquer la question par des méthodes différentes. Dans un autre billet, j'ai évoqué le diable qui est caché derrière tout les calculs, derrière tous les résultats d'expériences, derrière tous les gestes expérimentaux.
Mais je veux ici évoquer les exemples. Ainsi quelqu'un qui utilise une balance de précision pour peser un objet dont la température n'est pas exactement celle de la pièce s'expose à ce que des échanges de chaleur engendrent des courants d'air par convection, ce qui faussera résultat de la mesure. Plus élaboré, quelqu'un qui enregistre des spectre de résonance magnétique nucléaire en ignorant que le pH a un effet sur la résonance de certains protons s'expose à confondre les protons lors de l'interprétation ; de même pour la présence d'ions paramagnétique, par exemple.
Notre culture scientifique toujours insuffisante et donc une menace virgule qui justifie que ce soit une bonne pratique d'être très au courant de la science qui se publie chaque jour
Le diable est tapi
Mais cette observation a des conséquences bien plus grave, quand on se souvient que le ou la scientifique moderne est loin de tout savoir, et que, par conséquent, même si nous savions tout ce qui a été publié, nous serions ignorant de tout ce qui reste à découvrir.
Et c'est cela qui nous menace véritablement !
Les rapporteurs, les pairs à qui nous soumettons nos manuscrits en vue de leur publication sont là pour nous aider à voir les écueils inconnus, mais il y a les autres ! Et c'est une bonne métaphore d'imaginer que les scientifiques sont comme les marins qui naviguent près des côtes, donc ils ignorent tout de la topographie des fonds.
Bien sûr il y a les rochers qui émergent, mais il y a aussi ceux qui sont à une profondeur inférieure au tirant d'eau du navire. C'est cela, le diable qui nous menace à chaque instant. C'est cela qui justifie que nous qu'on servions en tête sans cesse ce mot de "validation".
Le vitello tonnato
À propos de vitello tonnato, un jeune ami italien me fait observer que la recette est "difficile".
Difficile ? Je vais en ligne, et je trouve une recette qui dit, en substance, que le vitello tonnato est une assiette de tranches très minces de veau cuit, recouvertes d'une espèce de sauce mayonnaise au thon.
Et mon ami italien de s'exclamer que ce n'est pas la vraie recette ! Je poursuis alors la recherche devant lui, et je trouve mquasi instantanément une recherche "originale" du Piémont. Comme il est originaire de cette région, il convient sans beaucoup de vérification que cette recette est admissible... mais la lecture fait apparaître que la description est peu différente de la précédente, à quelques détails près, telle la présence de l' œuf dur broyé plutôt que du jaune d' œuf cru, la présence d'anchois, etc.
Je propose finalement de retenir, au premier ordre, que l 'on fait cuire du veau et qu'on le met en minces tranches. Puis que l'on couvre d'une sauce au thon. Certes, ce n'est pas une véritable mayonnaise, mais, en tout cas, c'est extrêmement simple, puisque l'on broie du thon avec de l'oeuf dur, un peu d'huile et divers ingrédients qui donnent du goût : anchois, câpres, etc. Mais j'observe aussi, après consultation d'autre recettes tout aussi "originales", que ces derniers ingrédients diffèrent.
Surtout, j'observe que tout cela est très simple. Parce que finalement, on fait quand même cuire du veau pendant assez longtemps dans un bouillon avec des aromates, et des légumes, on coupe en tranches et l'on réalise une sauce en quelques instants à l'aide d'un mixeur.
Compliqué ? Je ne trouve pas. Long ? Oui, pour la cuisson du veau... mais on peut faire autre chose pendant ce temps, et le temps total de production de la recette est très court. Alors ?
Alors il y a surtout la question artistique à considérer, et c'est la difficile question du goût, du dosage des ingrédients, de leur origine, de la subtilité de leur traitement. Et là, oui, c'est compliqué... et merveilleux, mais comme je ne suis pas un artiste, je ne peux en parler, et j'invite mes amis artistes culinaires à s'exprimer sur ce point.
Difficile ? Je vais en ligne, et je trouve une recette qui dit, en substance, que le vitello tonnato est une assiette de tranches très minces de veau cuit, recouvertes d'une espèce de sauce mayonnaise au thon.
Et mon ami italien de s'exclamer que ce n'est pas la vraie recette ! Je poursuis alors la recherche devant lui, et je trouve mquasi instantanément une recherche "originale" du Piémont. Comme il est originaire de cette région, il convient sans beaucoup de vérification que cette recette est admissible... mais la lecture fait apparaître que la description est peu différente de la précédente, à quelques détails près, telle la présence de l' œuf dur broyé plutôt que du jaune d' œuf cru, la présence d'anchois, etc.
Je propose finalement de retenir, au premier ordre, que l 'on fait cuire du veau et qu'on le met en minces tranches. Puis que l'on couvre d'une sauce au thon. Certes, ce n'est pas une véritable mayonnaise, mais, en tout cas, c'est extrêmement simple, puisque l'on broie du thon avec de l'oeuf dur, un peu d'huile et divers ingrédients qui donnent du goût : anchois, câpres, etc. Mais j'observe aussi, après consultation d'autre recettes tout aussi "originales", que ces derniers ingrédients diffèrent.
Surtout, j'observe que tout cela est très simple. Parce que finalement, on fait quand même cuire du veau pendant assez longtemps dans un bouillon avec des aromates, et des légumes, on coupe en tranches et l'on réalise une sauce en quelques instants à l'aide d'un mixeur.
Compliqué ? Je ne trouve pas. Long ? Oui, pour la cuisson du veau... mais on peut faire autre chose pendant ce temps, et le temps total de production de la recette est très court. Alors ?
Alors il y a surtout la question artistique à considérer, et c'est la difficile question du goût, du dosage des ingrédients, de leur origine, de la subtilité de leur traitement. Et là, oui, c'est compliqué... et merveilleux, mais comme je ne suis pas un artiste, je ne peux en parler, et j'invite mes amis artistes culinaires à s'exprimer sur ce point.
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