Certaines idées très fausses ne cessent de courir, polluant nos discussions, contaminant notre vie en collectivité, faussant les décisions de nos communautés. Il y a des fantasmes, des croyances, des opinions, des lubies…, mais les plus fausses de ces idées fausses sont celles sur lesquelles on érige des raisonnements.
Par exemple, les « carrés ronds » : sont-ils rouges ? Bleus ? Graves ? Aigus ? Sucrés ? Salés ? Bien sûr, on a le droit de s'amuser à imaginer des choses, mais il semble essentiel de bien se rappeler alors que ce sont des imaginations, des fictions. La question, d'ailleurs, n'est pas neuve, puisque l'on se moque depuis le Moyen Âge de théologiens qui discutaient à l'infini pour savoir combien d'anges pouvaient tenir sur la pointe d'une épingle. Si les anges n'existent pas, ce n'est pas la peine de faire de tels calculs idiots, d'y passer tant de temps.
En sciences de la nature, l'une de ces idées fausses est celle des « technosciences », selon laquelle il n'y aurait pas de différence entre les sciences de la nature et… on ne sais pas très bien (ça dépend des auteurs, qui agitent parfois leur plume de façon bien inconsidérée) si « techno » se rapporte à la technique ou à la technologie.
En gros, l'idée est essentiellement politique (au mauvais sens du terme, celui de la politique politicienne, le pouvoir avant le bien collectif), et elle tend à faire croire (ce qui n'est pas juste, ni vrai) que les sciences de la nature se sont alliées à l'industrie, se détournant de leur objet qui est la découverte de connaissances « pures », pour se mettre à la solde de ladite industrie. Évidemment, dans un tel discours, l'industrie est toujours quelque chose d'affreux par principe, et la notion (je le redis : c'est un fantasme, pas un objet qui existe) de technoscience est une notion qui relève d'une pensée politicienne… mais je me reprends, car je ne suis pas sûr qu'il s'agisse d'une pensée, mais plutôt d'une compulsion insuffisamment questionnée.
Tout cela étant dit, cette idée fausse de la prétendue technoscience (rien qu'écrire le mot m'arrache la plume) a des avatars, qui sont parfois portés par des amis qui n'y voient pas grand mal, puisque le déguisement qui habille alors ces erreurs (pour ne pas dire « des fautes ») ne permet plus de les reconnaître aussi facilement.
Un de ces avatars est le suivant : « la science est politique : on trouve ce que l'on cherche ».
Il y a là deux phrases qui méritent d'être discutées, avant que nous fassions la synthèse.
La science serait politique ? Bien sûr !
La science est politique ? Il y a deux mots essentiels : « science », « politique ». Précisons tout d'abord que nous ne considérerons ici que les sciences de la nature, et je renvoie vers de nombreux billets précédents pour voir ce que c'est, car l'expérience me prouve que beaucoup de ceux qui prononcent le mot « science », même dans l'acception sciences de la nature, ne savent souvent pas de quoi ils parlent. Pour faire simple, rappelons seulement que les sciences de la nature cherchent les mécanismes des phénomènes à l'aide d'une méthode très codifiée, que nous nommerons, pour faire court, méthode scientifique, ou méthode quantitative.
Les sciences de la nature seraient politiques ? Il y a le mot « politique », qui est ambigu, puisqu'il s'applique aussi bien aux activités au sein de la cité, du grec polis, la communauté humaine, ou s'il s'agit de diriger ladite cité. On comprend que, dans la critique faite à la technoscience, une notion de pouvoir est considérée… ou plutôt déconsidérée, car il est supposé que la moindre tête qui dépasse soit à couper, idée bien naïve pour mille raisons, et qui conduit à des utopies idiotes, et surtout réfutées par les faits : dans un groupe d'êtres humains, mêmes éclairés, il est plus efficace que quelques uns d'entre eux puissent orchestrer. Il y a de la place pour tous, on doit le respect à tous, mais il est bon d'éviter les cacophonies, et d'instituer des règles (oui, des règles!) pour que le fonctionnement collectif soit harmonieux.
Oui, la science est politique, au sens de son inscription dans la cité : les scientifiques n'oublient pas qu'ils sont payés par les citoyens pour aller agrandir le royaume du connu. C'est à ce titre qu'ils ne font pas n'importe quoi, et qu'ils ont l'obligation d'être très « efficaces », au point que certains sont même malheureux quand ils ne font pas de découverte. J'ai discuté la chose mille fois et je n'y reviens pas : oui, les scientifiques sont des gens responsables, dont l'activité est parfaitement politique, au sens de sa place dans la communauté humaine. On observera, pour terminer sur ce point, que je fais une différence entre la science et les scientifiques. La science est une activité que font les scientifique, de sorte que ce n'est pas la science qui est politique, mais les scientifiques eux-mêmes, et je crois que toute discussion qui partirait de mots fautifs serait condamnée, minée, sapée. Faisons donc bien la différence, soyons un peu précis, même si l'exposition semble compliquer un peu : en réalité, c'est de la clarté pour tous.
La science trouverait ce qu'elle cherche ? Ce ne serait pas de la science !
Mais passons à la deuxième moitié de la phrase : on ne trouverait que ce que l'on cherche ? Cette fois, l'erreur est flagrante.
Il y a tout d'abord cet a priori qu'il suffit de chercher pour trouver. Un exemple s'impose, outré, avant d'arriver à une exemple moins évident. L'exemple outré, donc : si un ou une scientifique cherche une clé sous un lampadaire où il n'y a pas de clé, il aura beau chercher, mais il ne trouvera pas. Autrement dit, ce n'est pas parce que la science cherche qu'elle trouve... ce qu'elle cherche.
L'exemple plus élaboré, maintenant, m'a été donné par un ami, dans une discussion récente, et l'on ne peut donc pas le repousser d'un revers de main aussi rapidement que le premier. C'est celui de la « recherche de gènes de l'homosexualité ». Il y aurait des individus qui chercheraient les gènes de l'homosexualité ? Pourquoi pas. D'une part, pourquoi n'y aurait-il pas de tels individus, et, d'autre part, pourquoi n'y aurait-il pas de tels gènes ? Pour la première question, on trouve de tout dans le monde des êtres humains. Pour la seconde question, c'est plus épineux, car, même sans que je prenne parti, je sais que le simple fait d'envisager la possibilité de l'existence de gènes de l'homosexualité est quelque chose de terrible, que certains reprocheront. J'insiste : je n'ai pas dit, pourtant, que je crois à cette existence, mais surtout, il y a deux réponses à donner à cette critique.
La première, c'est que la science n'est pas la morale. Bien sûr, les scientifiques doivent, eux, se livrer à une activité moralement digne, mais il n'est pas indigne de poser des questions, et, d'ailleurs, les scientifiques ne font que cela... ce qui a toujours gêné beaucoup de nos concitoyens. Que l'on pense au système copernicien, qui s'opposait à la Bible en mettant la Terre autour du Soleil plutôt que l'inverse : à l'époque, c'était considéré comme terrible, alors que nous le supportons facilement aujourd'hui. Que l'on pense à la mécanique quantique, dont une interprétation entièrement probabiliste suscitait la fureur de certains, qui auraient voulu plus de déterminisme. Que l'on pense à la possibilité du clonage humain (je n'ai pas dit que j'y étais favorable), qui fait trembler aujourd'hui.
Je maintiens qu'une activité scientifique de bon aloi doit pouvoir poser des questions, discuter ! Je ne dis pas que nous pouvons faire n'importe quelle recherche, mais je dis que la discussion est possible, sans quoi on tombe dans le dogmatisme le plus étriqué.
Bref, continuons la discussion sur ces gènes prétendus de l'homosexualité, en supposant pour les besoins de la discussion que l'homosexualité existe, soit un "phénomène" suffisamment circonscrit pour pouvoir être étudié ; je ne sais pas s'il y a de tels gènes, je ne sais pas s'il n'y en a pas, mais, de toute façon, la science n'est pas là pour espérer les trouver ou espérer ne pas les trouver (on a compris que le mot "espérer" ne s'applique pas à la science, mais aux scientifiques).
Surtout, pour bien comprendre pourquoi, sur cet exemple, il y a une confusion entre science et technologie, ou une méconnaissance de la science, c'est maintenant le moment de rappeler la méthode des sciences de la nature. On identifie d'abord un phénomène, puis on le quantifie ; on réunit les mesures en lois quantitatives, c'est-à-dire en équations, puis on cherche des mécanismes nouveaux, assortis de notions nouvelles, quantitativement compatibles avec les équations, et l'on cherche ensuite à réfuter ce groupe de mécanismes et de notions, cette "théorie", par des expériences toujours quantitatives.
Revenons donc aux différentes étapes à propos de ces prétendus gènes de l'homosexualité. La première étape consiste donc à identifier un phénomène. Comme dit précédemment, ce phénomène doit exister, sans quoi on tombe la mauvaise scolastiques des anges sur les épingles. Les gènes ? Ce sont des objets biologiques apparus anciennement (il y a plusieurs décennies), et la connaissance de la biologie moléculaire montre que les choses se sont considérablement compliqué depuis, de sorte que le mot « gènes » semble déjà un peu hâtif. L'homosexualité, d'autre part ? De quoi s'agit-il ? Entre l'effleurement et la pénétration, il y a une gamme de comportements sexuels considérables, et, sans être spécialiste de la chose, je vois que la notion est bien trop large pour être explorée simplement, et je sais aussi que les comportements humains ont une relation extraordinairement compliquée avec les gènes. De sorte qu'un bon scientifique ne posera pas la question initiale, mais une question bien plus réduite.. au point que l'on a critiqué la science pour son réductionnisme (mais les critiques contre "la science" sont comme les aboiements des chiens : la caravane passe).
Passons rapidement sur la mesure quantitative du phénomène exploré, dans ce cas particulier, et arrivons à la modélisation. Supposons que les mesures effectuées aient conduit à un groupe d'équations. La vraie science ne se limite pas à une telle caractérisation (sinon, ce n'est que de la mesure, pas de la science), et elle cherche des notions nouvelles. Il ne s'agit pas de rester sur le phénomène initial, mais de trouver des mécanismes nouveaux, des notions nouvelles, et cela est quelque chose d'imprévu.
Je le répète : la science n'est pas la vérification ! Elle est la découverte de « montagnes » complètement imprévues… Oui, imprévues, sans quoi il n'y aurait pas de "découverte", et l'on n'aurait pas agrandi le royaume du savoir ! Autrement dit, si l'on part de l'exploration d'un phénomène, on ne sait absolument pas ce que l'on va découvrir, et, à la limite, on pourrait dire que le phénomène initial n'est qu'une excuse pour arriver à quelque chose de nouveau.
Dans nombre de discussions à propos de la science, et notamment dans les discussions à propos de cette prétendue technoscience (qui n'existe pas, je le répète de façon lancinante), il y a cette confusion néfaste, qu'il faut dénoncer entre la science et la technologie. Quand je dis "confusion", je ne dis pas que la science se confond avec la technologie, mais bien plutôt que des individus ne sont pas capables de voir la différence. C'est une confusion terrible, pour nos choix collectifs, parce qu'elle mine également bien des discussions à propos des sciences de la nature.
On sait qu'il y a une volonté industrielle, politique, etc., que la science « serve à quelque chose », mais Louis Pasteur, qui fut pourtant l'un des plus remarquables scientifiques capables de trouver des applications, avait bien dit que l'arbre n'est pas le fruit. La science n'est pas la technologie, et il n'y a pas ce que certains "science appliquée" en raison d'une réflexion insuffisante : il y a la science, et les applications de la science. "Science appliquée" est aussi chimérique que "carré rond", et l'on ne doit pas s'étonner de retrouver ce type d'erreur dans cette discussion, car, une fois de plus, elle est fondée sur une méconnaissance de ce qu'est la science. Oui, la science n'est pas la recherche de solutions, d'applications, et il faut dire avec beaucoup de force que c'est seulement la recherche de découvertes : il s'agit d'agrandir le royaume du connu.
Et voilà pourquoi je peux maintenant conclure à propos de la seconde idée énoncée, selon laquelle on trouverait ce que l'on cherche : non, mille fois non ! Les scientifiques "ne trouvent jamais ce qu'ils cherchent", parce qu'ils n'ont pas cet espoir ce "trouver ce qu'ils cherchent". Au contraire, ils ne cherchent que ce dont ils n'ont pas idée ! Leur espoir, c'est de faire des découvertes, c'est-à-dire de trouver des choses dont ils n'ont pas idée a priori, et qui bouleverseront nos connaissances.
Un bon exemple est la découverte de la théorie de la relativité, où l'on s'interrogeait simplement sur la notion d'inertie : comment l'état de mouvement d'un objet peut-il changer ? Qu'est-ce que le "mouvement" ? Il n'y avait absolument aucune idée d'application, et il a fallu des décennies avant que l'on ne trouve ces applications… qui sont partout maintenant : par exemple, la géolocalisation par satellites ! Autrement dit, c'est une grande ignorance de la nature de la science que cette phrase dont nous sommes partis.
J'ajoute, pour bien faire comprendre ce qu'est la science, que cette dernière veut "réfuter" les théories : il s'agit principalement de montrer en quoi les théories que l'on a sont fausses (disons "insuffisantes"), afin de les améliorer. Autrement dit, une "vérification", au sens d'une confirmation, serait exactement l'inverse du travail scientifique !
Vive la connaissance !
Concluons, en discutant sur les explications que l'on peut donner de la science. Pendant longtemps, j'ai eu la stratégie de donner les arguments précédents (et d'autres) en les assortissant d'hésitations (feintes), de questionnements, afin que mes amis ne reçoivent pas ces arguments de façon péremptoire, ce qui les aurait conduit à les rejeter. Aujourd'hui, j'ai le sentiment que ça suffit, et je crois qu'il est temps de dénoncer très vigoureusement, sans ménagement, les fantasmes, les lubies qui pénalisent notre bon fonctionnement collectif. Il faut combattre les idées fausses.
Toutefois il ne faut pas être "défensif", mais bien plutôt très positif, enthousiastes, et c'est pourquoi je maintiens très énergétiquement l'idée suivante : les scientifiques sont politiquement très responsables ; il sont politiquement engagés, non pas dans la gestion des groupes humains, mais dans leur activité de recherche scientifique, et les découvertes, les vraies, sont toujours imprévues.
Vive la connaissance !
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
vendredi 22 juillet 2016
mercredi 20 juillet 2016
Comment être simple sans être simpliste : question de démocratie
J'ai déjà largement discuté la question du simple et du simpliste. Mon ami qui m'a mis sur cette piste me pousse aujourd'hui à examiner la question, dans le cadre d'une communication particulière, à savoir la communication "publique" (prise de parole devant des individus, réponse à des journalistes, par exemple).
Des contraintes particulières : un atout pour être entendu
Cette fois, les contraintes particulières imposent la réponse que je crois pouvoir donner, et pour laquelle -que l'on me pardonne- je suis obligé de rappeler des faits passés qui m'ont concerné.
La première observation est la suivante : en trente secondes, on n'a de temps que pour faire passer une idée... dont on espère qu'elle sera entendue ; ou plutôt, non, dont on souhaite, dont on veut qu'elle soit entendue. Le discours qui doit être tenu, doit être tout entier tendu vers cet objectif, sans quoi, au lieu d'obtenir un peu, on n'a rien, ou l'inverse de ce que l'on souhaitait. Bref, il s'agit d'être très clair.
Commençons par observer qu'en trente secondes, on a juste le temps de dire environ une phrase : je compte dans cette dernière le sujet, le verbe, le complément d'objet direct, mais je suis obligé de donner des compléments circonstanciels. De toute façon, nous nous comprenons : une phrase, deux phrases... Qu'importe : ce que je crois que nous devons admettre, c'est que le nombre de phrases est très petit.
Cette solution de limiter le nombre de phrases que l'on dit, et de focaliser sur une seule idée, à plusieurs avantages. Si l'on jargonne, on dira que l'on "pitche", et que cela est efficace, mais qu'importe la langue anglaise, alors que nous avons le français, qui est une langue bien plus belle, subtile... Plus sérieusement, la limitation du nombre de phrases que l'on énonce a aussi l'avantage que, quand on doit répondre à des questions, il est plus facile de peser quelques mots que d'en peser beaucoup. Et puis, une phrase simple se comprend simplement, n'est-ce pas ?
On peut d'ailleurs parfaitement s'arrêter à cette phrase, avec le sentiment du devoir accompli, laissant l'interlocuteur assez désemparé quand il verra que, ayant répondu, nous sommes silencieux (son métier, c'est de nous faire parler).
Il y a lieu de considérer que nos interlocuteurs qui nous donnent trente secondes veulent trente secondes, et que la phrase est peut-être trop courte quand même, volontairement ou pas. Pour envisager les secondes disponibles, je propose maintenant de tenir compte de conditions supplémentaires : parfois, la question n'est pas seulement la durée trop courte qui nous est accordée, mais il y a aussi le risque que nos interlocuteurs ne fassent ensuite de la manipulation du texte, avec des couper, des coller, des rabouter, etc.
J'ai le devoir de témoigner qu'il m'est arrivé de me voir à la télévision, sur une grande chaîne nationale, répondre à un journaliste que je n'avais jamais rencontré : on voyait le journaliste poser des question, on me voyait répondre, et l' "interview" durait ainsi cinq bonnes minutes. Tout cet interview avait été composé, questions et réponses, à partir d'archives audiovisuelles que des monteurs habiles avaient triturées.
Dans cette circonstance particulière, mes propos n'ont pas été déformés, et mes réponses étaient prises en totalité, sans doute parce que cela aurait été trop de travail, et donc trop d'argent, de faire de la dentelle, mais j'ai eu bien d'autres occasions, toujours pour des chaînes de télévision nationales (ce qui est d'autant plus scandaleux), de voir mes réponses manipulées dans un sens qui était entièrement déterminé a priori par le rédacteur en chef ; les journalistes n'étaient là que pour me faire délivrer suffisamment de message pour qu'ils puissent ensuite faire leur bidouillages malhonnêtes.
Dans de longs tournages, qui auraient pu se conclure en quelques minutes, sous prétexte d'avoir assez d'images, les journalistes me répétaient inlassablement les mêmes questions, espérant que je donnerais des réponses différentes. Il y a bien longtemps, je répondais naïvement en variant mes réponses, mais quelle erreur ! Aujourd'hui, je suis fixé : premièrement, je commence par m'assurer par contrat du message qui sera finalement donné à l'isue de l'entretien, puis je répète inlassablement le même message : un message pensé, et, mieux, un message pensé pour ne pas être découpable, pas être manipulable, sauf à faire bien pire que ce que certains se donnent le droit de faire. Je résiste au questionnement, et je reste sur une ligne absolue. Surtout, je fais très atttention que les messages soient justes, simples... et pas simplistes.
A contrario, je me souviens d'un individu qui se parait du titre de journaliste (dans un grand hebdomadaire français), et qui, face à moi dans un entretien radio, disait des choses fausses avec un aplomb incroyable (Marie Curie aurait découvert la mécanique quantique, Faraday aurait découvert le magnétisme...). Quand je lui faisais remarquer, toujours à la radio en direct, que ce qu'il disait était faux, il continuait, sur la même ligne, imperturbable, sans doute conforme à l'hypothèse de Lewis Carroll, ce Charles Dodgson qui écrivit notamment Alice au pays des merveilles, selon qui "Ce que je dis trois fois est vrai".
Oui, il y a une force dans ce qui est dit, juste ou faux, et la répétition permet d'augmenter cette force. Avec les exemples qui précèdent, on voit que cette idée permet de dire des choses justes, simples et pas simplistes, pour le bien de ceux à qui l'on s'adresse, mais il y a aussi une possibilité pour des malhonnêtes de faire passer des idées fausses.
Dans toute cette affaire, je vois qu'il faut absolument résister à nos réflexes, notamment notre volonté de répondre à des questions que l'on nous pose. Et là, je dois prendre l'exemple d'une expérience que je fais parfois avec les étudiants : je me dirige vers l'un d'entre eux, et lui tends un stylo ; le résultat ne manque jamais, à savoir que l'étudiant prend le stylo. Pourquoi le fait-il ? Il n'a en réalité aucune raison de le faire, et même quand on le fait remarquer, on constate que les individus ont le plus grand mal à résister à ce stylo tendu.
De même, dans une discussion, on a parfois le plus grand mal à ne pas répondre à cette nouvelle question que l'on nous tend et qui voudrait nous faire dire autre chose que ce que nous avons décidé de dire. On observera aussi que se limiter à une phrase permet d'y penser un peu et de la délivrer rapidement. Il y a mille façons rhétoriques de meubler le silence qui precède et de ne pas paraître hésitant.
Communication non verbale
Car il y a lieu de considérer par avance non seulement l'effet du message délivré sur nos interlocuteurs, mais aussi l'effet de notre façon d'être. Il y a ainsi des individus qui ont une autorité, un charisme, et, un message qui est porté par celui qui l'énonce a plus de chances de se faire entendre qu'un message qui n'est pas "habité". Bien sûr, il convient sans doute d'apprendre à construire les messages avant d'apprendre à les porter, et de faire la synthèse ensuite, tout comme, au piano, il est plus facile de mettre en place la main gauche, puis la main droite, puis les deux ensemble. D'autres conseils (qui doivent donc donner lieu à des apprentissages) s'imposent, comme regarder les gens dans les yeux : l'effet est immanquable. Se tenir droit : là encore, il y a une force qui est donnée aux mots. Savoir bouger les mains : je me souviens de conférences merveilleuses de Pierre-Gilles de Gennes, prix Nobel de physique en 1991, qui avait un usage tout à fait extraordinaire de ses gestes, impérieux, professoraux...
Mais ne compliquons pas tout quand il s'agit d'apprendre, et revenons à la question de la phrase ou des phrases énoncées. Pour le langage, il y a l'orthographe, puis la grammaire, puis la rhétorique, et enfin l'éloquence. J'ai dit les choses dans l'ordre inverse de leur importance, et, dans la conception d'un discours qui ne se limite pas à une phrase, la construction semble devoir se faire à l'inverse : le gros d'abord, puis le détail.
Je passe sur l'intonation, que je range du côté du langage corporel, et je vois que, pour un entraînement, il est sans doute plus facile de le faire par écrit, puisqu'il y a une lenteur qui permet mieux l'analyse. J'ajoute que je suis de ceux qui préfèrent toujours des idées justes, des phrases bien construites, des mots judicieusement choisis.
Par exemple, pour les idées justes, je crois qu'il est plus facile d'en montrer d'injustes, tels que "carré rond" ou "Père Noël"... , afin de mieux comprendre les possibilités de faute. Pour les constructions justes, il y a trop à dire... mais il faut s'interroger, car je ne suis pas sûr que les constructions "justes" soient les plus efficaces. Personnellement je suis hélas affligé de cette faiblesse qui consiste à vouloir proposer à mes amis un habillage un peu propre, et non des haillons négligés. Les mots justes, enfin : quand un individu prononce devant moi "rutilant" pour dire "brillant", je ne peux m'empêcher de penser qu'il ignore que ce mot signifie "rouge" (la couleur de ce mineral qu'est le rutile: un dioxyde de titane avec des traces de fer, de tantale, de niobium, de chrome, de vanadium et d'étain) et, comme je ne suis pas entièrement charitable, il m'arrive hélas fréquemment de faire remarquer à mon interlocuteur qu'il ne sait pas le sens des mots et que sa pensée est en conséquence pourrie. Évidemment, cela m'oblige à travailler dur pour être exempt de ce défaut que je reproche aux autres, mais, en contrepartie, j'espère bénéficier d'une précision de langage qui, d'après Condillac et au moins Lavoisier, permet une pensée plus fine. Mais je renvoie à des discussions nombreuses sur les rapports entre la pensée et les mots, évoquées dans nombre de billets précédents.
Intéresser ?
Mon ami qui me pousse sur la voie de ces discussions signale que les phrases énoncées dans un court laps de temps doivent "intéresser".
Evidemment, si l'on doit tenir la distance, il ne faut pas perdre en route ceux qui nous entendent... mais si le temps imparti est très court, a-t-on ce risque ? Pas toujours. De ce fait, faut-il intéresser ou dire les choses de façon solide ? Et "intéresser"... A vouloir jouer à ce jeu, on en arrive vite à manier le paradoxe... et l'on devient incompréhensible.
J'en prends pour indication que ceux qui n'ont jamais rencontré le paradoxe du menteur (si je dis "je mens", suis-je en train de mentir, auquel cas je dis la vérité ?) sont toujours bien lents avant de le comprendre : avec notre contrainte du temps court, de la nécessaire "répartie", nous sommes dans les choux, si je puis dire. Je me demande -mais c'est peut-être une idiosyncrasie que je ferais mieux de questionner- si des questionnements ne sont pas plus efficaces ? Une question simple n'évite-t-elle pas d'asséner une vérité qui serait refusée ? Ne permet-elle pas de conduire à la réflexion (on voit que je joue ici au jeu que je suis en train de décrire ;-)) ?
Une question simple se dit en quelques mots, et, la question étant posée, elle manque rarement d'être considérée par nos interlocuteurs, de sorte que nous pouvons alors leur donner des éléments afin qu'ils se forgent une réponse. Appâtés par la question, comme le stylo tendu évoqué précédemment, ils accepteront les arguments que nous leur donnerons, sans en discuter trop la validité, de sorte que nous les conduirons peut-être à la conclusion que nous souhaitions.
C'est une méthode dont je ne dis pas qu'elle est la bonne, mais j'attends de mes amis qu'ils m'en donnent d'autres. Discutons, afin de choisir notre... argumentation. A ce dernier mot, je ne saurais trop répéter la phrase de Cicéron selon laquelle tout homme qui ne connaît que sa génération est un enfant. De même, l'argumentation a été considérée par de beaux esprits depuis des siècles, des millénaires, et il y a donc lieu de se reporter à leurs productions, au lieu de réinventer la poudre comme je le fais ici... pour les besoins de la réponse à mon ami.
Après tout, je sais qu'il ne me pousse pas à répondre à la question de la simplicité et du simplisme pour en faire des montages malhonnêtes, mais, bien au contraire, parce que nous avons en commun le souci de la saine transmission. Merci !
Des contraintes particulières : un atout pour être entendu
Cette fois, les contraintes particulières imposent la réponse que je crois pouvoir donner, et pour laquelle -que l'on me pardonne- je suis obligé de rappeler des faits passés qui m'ont concerné.
La première observation est la suivante : en trente secondes, on n'a de temps que pour faire passer une idée... dont on espère qu'elle sera entendue ; ou plutôt, non, dont on souhaite, dont on veut qu'elle soit entendue. Le discours qui doit être tenu, doit être tout entier tendu vers cet objectif, sans quoi, au lieu d'obtenir un peu, on n'a rien, ou l'inverse de ce que l'on souhaitait. Bref, il s'agit d'être très clair.
Commençons par observer qu'en trente secondes, on a juste le temps de dire environ une phrase : je compte dans cette dernière le sujet, le verbe, le complément d'objet direct, mais je suis obligé de donner des compléments circonstanciels. De toute façon, nous nous comprenons : une phrase, deux phrases... Qu'importe : ce que je crois que nous devons admettre, c'est que le nombre de phrases est très petit.
Cette solution de limiter le nombre de phrases que l'on dit, et de focaliser sur une seule idée, à plusieurs avantages. Si l'on jargonne, on dira que l'on "pitche", et que cela est efficace, mais qu'importe la langue anglaise, alors que nous avons le français, qui est une langue bien plus belle, subtile... Plus sérieusement, la limitation du nombre de phrases que l'on énonce a aussi l'avantage que, quand on doit répondre à des questions, il est plus facile de peser quelques mots que d'en peser beaucoup. Et puis, une phrase simple se comprend simplement, n'est-ce pas ?
On peut d'ailleurs parfaitement s'arrêter à cette phrase, avec le sentiment du devoir accompli, laissant l'interlocuteur assez désemparé quand il verra que, ayant répondu, nous sommes silencieux (son métier, c'est de nous faire parler).
Il y a lieu de considérer que nos interlocuteurs qui nous donnent trente secondes veulent trente secondes, et que la phrase est peut-être trop courte quand même, volontairement ou pas. Pour envisager les secondes disponibles, je propose maintenant de tenir compte de conditions supplémentaires : parfois, la question n'est pas seulement la durée trop courte qui nous est accordée, mais il y a aussi le risque que nos interlocuteurs ne fassent ensuite de la manipulation du texte, avec des couper, des coller, des rabouter, etc.
J'ai le devoir de témoigner qu'il m'est arrivé de me voir à la télévision, sur une grande chaîne nationale, répondre à un journaliste que je n'avais jamais rencontré : on voyait le journaliste poser des question, on me voyait répondre, et l' "interview" durait ainsi cinq bonnes minutes. Tout cet interview avait été composé, questions et réponses, à partir d'archives audiovisuelles que des monteurs habiles avaient triturées.
Dans cette circonstance particulière, mes propos n'ont pas été déformés, et mes réponses étaient prises en totalité, sans doute parce que cela aurait été trop de travail, et donc trop d'argent, de faire de la dentelle, mais j'ai eu bien d'autres occasions, toujours pour des chaînes de télévision nationales (ce qui est d'autant plus scandaleux), de voir mes réponses manipulées dans un sens qui était entièrement déterminé a priori par le rédacteur en chef ; les journalistes n'étaient là que pour me faire délivrer suffisamment de message pour qu'ils puissent ensuite faire leur bidouillages malhonnêtes.
Dans de longs tournages, qui auraient pu se conclure en quelques minutes, sous prétexte d'avoir assez d'images, les journalistes me répétaient inlassablement les mêmes questions, espérant que je donnerais des réponses différentes. Il y a bien longtemps, je répondais naïvement en variant mes réponses, mais quelle erreur ! Aujourd'hui, je suis fixé : premièrement, je commence par m'assurer par contrat du message qui sera finalement donné à l'isue de l'entretien, puis je répète inlassablement le même message : un message pensé, et, mieux, un message pensé pour ne pas être découpable, pas être manipulable, sauf à faire bien pire que ce que certains se donnent le droit de faire. Je résiste au questionnement, et je reste sur une ligne absolue. Surtout, je fais très atttention que les messages soient justes, simples... et pas simplistes.
A contrario, je me souviens d'un individu qui se parait du titre de journaliste (dans un grand hebdomadaire français), et qui, face à moi dans un entretien radio, disait des choses fausses avec un aplomb incroyable (Marie Curie aurait découvert la mécanique quantique, Faraday aurait découvert le magnétisme...). Quand je lui faisais remarquer, toujours à la radio en direct, que ce qu'il disait était faux, il continuait, sur la même ligne, imperturbable, sans doute conforme à l'hypothèse de Lewis Carroll, ce Charles Dodgson qui écrivit notamment Alice au pays des merveilles, selon qui "Ce que je dis trois fois est vrai".
Oui, il y a une force dans ce qui est dit, juste ou faux, et la répétition permet d'augmenter cette force. Avec les exemples qui précèdent, on voit que cette idée permet de dire des choses justes, simples et pas simplistes, pour le bien de ceux à qui l'on s'adresse, mais il y a aussi une possibilité pour des malhonnêtes de faire passer des idées fausses.
Dans toute cette affaire, je vois qu'il faut absolument résister à nos réflexes, notamment notre volonté de répondre à des questions que l'on nous pose. Et là, je dois prendre l'exemple d'une expérience que je fais parfois avec les étudiants : je me dirige vers l'un d'entre eux, et lui tends un stylo ; le résultat ne manque jamais, à savoir que l'étudiant prend le stylo. Pourquoi le fait-il ? Il n'a en réalité aucune raison de le faire, et même quand on le fait remarquer, on constate que les individus ont le plus grand mal à résister à ce stylo tendu.
De même, dans une discussion, on a parfois le plus grand mal à ne pas répondre à cette nouvelle question que l'on nous tend et qui voudrait nous faire dire autre chose que ce que nous avons décidé de dire. On observera aussi que se limiter à une phrase permet d'y penser un peu et de la délivrer rapidement. Il y a mille façons rhétoriques de meubler le silence qui precède et de ne pas paraître hésitant.
Communication non verbale
Car il y a lieu de considérer par avance non seulement l'effet du message délivré sur nos interlocuteurs, mais aussi l'effet de notre façon d'être. Il y a ainsi des individus qui ont une autorité, un charisme, et, un message qui est porté par celui qui l'énonce a plus de chances de se faire entendre qu'un message qui n'est pas "habité". Bien sûr, il convient sans doute d'apprendre à construire les messages avant d'apprendre à les porter, et de faire la synthèse ensuite, tout comme, au piano, il est plus facile de mettre en place la main gauche, puis la main droite, puis les deux ensemble. D'autres conseils (qui doivent donc donner lieu à des apprentissages) s'imposent, comme regarder les gens dans les yeux : l'effet est immanquable. Se tenir droit : là encore, il y a une force qui est donnée aux mots. Savoir bouger les mains : je me souviens de conférences merveilleuses de Pierre-Gilles de Gennes, prix Nobel de physique en 1991, qui avait un usage tout à fait extraordinaire de ses gestes, impérieux, professoraux...
Mais ne compliquons pas tout quand il s'agit d'apprendre, et revenons à la question de la phrase ou des phrases énoncées. Pour le langage, il y a l'orthographe, puis la grammaire, puis la rhétorique, et enfin l'éloquence. J'ai dit les choses dans l'ordre inverse de leur importance, et, dans la conception d'un discours qui ne se limite pas à une phrase, la construction semble devoir se faire à l'inverse : le gros d'abord, puis le détail.
Je passe sur l'intonation, que je range du côté du langage corporel, et je vois que, pour un entraînement, il est sans doute plus facile de le faire par écrit, puisqu'il y a une lenteur qui permet mieux l'analyse. J'ajoute que je suis de ceux qui préfèrent toujours des idées justes, des phrases bien construites, des mots judicieusement choisis.
Par exemple, pour les idées justes, je crois qu'il est plus facile d'en montrer d'injustes, tels que "carré rond" ou "Père Noël"... , afin de mieux comprendre les possibilités de faute. Pour les constructions justes, il y a trop à dire... mais il faut s'interroger, car je ne suis pas sûr que les constructions "justes" soient les plus efficaces. Personnellement je suis hélas affligé de cette faiblesse qui consiste à vouloir proposer à mes amis un habillage un peu propre, et non des haillons négligés. Les mots justes, enfin : quand un individu prononce devant moi "rutilant" pour dire "brillant", je ne peux m'empêcher de penser qu'il ignore que ce mot signifie "rouge" (la couleur de ce mineral qu'est le rutile: un dioxyde de titane avec des traces de fer, de tantale, de niobium, de chrome, de vanadium et d'étain) et, comme je ne suis pas entièrement charitable, il m'arrive hélas fréquemment de faire remarquer à mon interlocuteur qu'il ne sait pas le sens des mots et que sa pensée est en conséquence pourrie. Évidemment, cela m'oblige à travailler dur pour être exempt de ce défaut que je reproche aux autres, mais, en contrepartie, j'espère bénéficier d'une précision de langage qui, d'après Condillac et au moins Lavoisier, permet une pensée plus fine. Mais je renvoie à des discussions nombreuses sur les rapports entre la pensée et les mots, évoquées dans nombre de billets précédents.
Intéresser ?
Mon ami qui me pousse sur la voie de ces discussions signale que les phrases énoncées dans un court laps de temps doivent "intéresser".
Evidemment, si l'on doit tenir la distance, il ne faut pas perdre en route ceux qui nous entendent... mais si le temps imparti est très court, a-t-on ce risque ? Pas toujours. De ce fait, faut-il intéresser ou dire les choses de façon solide ? Et "intéresser"... A vouloir jouer à ce jeu, on en arrive vite à manier le paradoxe... et l'on devient incompréhensible.
J'en prends pour indication que ceux qui n'ont jamais rencontré le paradoxe du menteur (si je dis "je mens", suis-je en train de mentir, auquel cas je dis la vérité ?) sont toujours bien lents avant de le comprendre : avec notre contrainte du temps court, de la nécessaire "répartie", nous sommes dans les choux, si je puis dire. Je me demande -mais c'est peut-être une idiosyncrasie que je ferais mieux de questionner- si des questionnements ne sont pas plus efficaces ? Une question simple n'évite-t-elle pas d'asséner une vérité qui serait refusée ? Ne permet-elle pas de conduire à la réflexion (on voit que je joue ici au jeu que je suis en train de décrire ;-)) ?
Une question simple se dit en quelques mots, et, la question étant posée, elle manque rarement d'être considérée par nos interlocuteurs, de sorte que nous pouvons alors leur donner des éléments afin qu'ils se forgent une réponse. Appâtés par la question, comme le stylo tendu évoqué précédemment, ils accepteront les arguments que nous leur donnerons, sans en discuter trop la validité, de sorte que nous les conduirons peut-être à la conclusion que nous souhaitions.
C'est une méthode dont je ne dis pas qu'elle est la bonne, mais j'attends de mes amis qu'ils m'en donnent d'autres. Discutons, afin de choisir notre... argumentation. A ce dernier mot, je ne saurais trop répéter la phrase de Cicéron selon laquelle tout homme qui ne connaît que sa génération est un enfant. De même, l'argumentation a été considérée par de beaux esprits depuis des siècles, des millénaires, et il y a donc lieu de se reporter à leurs productions, au lieu de réinventer la poudre comme je le fais ici... pour les besoins de la réponse à mon ami.
Après tout, je sais qu'il ne me pousse pas à répondre à la question de la simplicité et du simplisme pour en faire des montages malhonnêtes, mais, bien au contraire, parce que nous avons en commun le souci de la saine transmission. Merci !
Simplisme et soliloque
A propos de simplicité, mon ami qui me pousse à discuter la question m'a en réalité permis de comprendre que la question n'est pas simple : plus je l'évoque, plus j'y vois des complications.
Aujourd'hui, c'est la question du simplisme que je discute surtout.
J'ai dit que j'y voyais une sorte de faute, ou d'ignorance. Quelque chose de simpliste est faux, soit par décision (par "volonté"), soit par absence de décision (inadvertance, ignorance...). Dire quelque chose de faux par volonté, c'est quand même malhonnête (il y a donc une "faute")... ou de l'humour, puisque l'on se reportera à un autre billet où j'évoquais la question de l'ironie. Dire quelque chose de faux sans le vouloir, ce n'est plus une faute, mais en tout cas au moins une erreur.
A ces mots, je ne peux m'empêcher de penser à cette phrase de l'écrivain français Paul Valéry, selon qui tout ce qui est simple est faux, et tout ce qui n'est pas simple est inutilisable. Mouais... Je me méfie des formules, qui ont l'air d'établir de façon définitive des idées que l'on gagne quand même à discuter en détail.
C'est un fait qu'il y a des mélodies simples, et qu'elles sont belles dans leur simplicité : pas trop de note, un mouvement mélodique. C'est un fait qu'il y a, en sciences de la nature, des idées remarquables de simplicité. Par exemple le calcul du volume d'une cloche, ou ce que l'on nomme le "changement de variable", trouvé par ce génie qu'était le physicien allemand Ludwig Boltzmann, pour résoudre l'équation de diffusion (pensons à une goutte de colorant déposée dans un verre d'eau, et qui finit par disparaître, au hasard des chocs entre les molécules), ou encore cette idée merveilleuse selon laquelle une différence de produits en croix peut correspondre à un objet nommé déterminant, lequel peut s'interpréter de façon géométrique... Les exemples sont innombrables, et ils fascinent certains, au point qu'ils se lèvent le matin pour aller parcourir ce monde du calcul.
Donc la formule de Valéry n'est pas juste, et je ne vois pas d'excuse à ne pas chercher la simplicité, à défaut de la trouver. Bien sûr, je ne suis pas certain d'être moi-même sans tâche, puisque je suis "baroque", comme dit précédemment, mais l'intention compte aussi. Et puis, il y a la simplicité "locale", et la simplicité "globale" : dans un discours, un cours, une explication, les phrases peuvent être individuellement simples, mais la construction finale, globale, peut être compliquée, parce que le chemin est long, avec beaucoup de phrases qui s'enchaînent, ou parce qu'il faut expliquer beaucoup de notions, afin que le raisonnement puisse s'ériger jusqu'au point voulu. Mais quand même, déjà si chaque étape élémentaire est simple, on pressent l'effort.
Mais, là, je commence à verser dans une théorisation de l'explication simple, et je me sais bien incapable d'aller plus loin. C'est une piste qui risque de nous conduire... vers des contrées compliquées parce que mal connues.
Je termine donc en considérant cette enfilade de trois billets sur la simplicité : ce que je vois en action, c'est cette méthode du "soliloque", exposée dans des billets précédents, et qui secrète des idées par l'examen des mots. Pardonnez-moi d'en venir à penser (il faut se comporter en scientifique, et non pas en tant que scientifique) que, pour les sciences de la nature, la question des mots est moins intéressante que celle des calculs, des équations... de sorte que, au détour de ces discussions sur la simplicité, j'entrevois la possibilité de "soliloques de calcul". Cette idée m'éblouit tant que je ne peux plus fixer mon esprit sur la simplicité. Je m'arrête donc... pour me mettre à penser à cette nouvelle idée que je sens merveilleuse.
Aujourd'hui, c'est la question du simplisme que je discute surtout.
J'ai dit que j'y voyais une sorte de faute, ou d'ignorance. Quelque chose de simpliste est faux, soit par décision (par "volonté"), soit par absence de décision (inadvertance, ignorance...). Dire quelque chose de faux par volonté, c'est quand même malhonnête (il y a donc une "faute")... ou de l'humour, puisque l'on se reportera à un autre billet où j'évoquais la question de l'ironie. Dire quelque chose de faux sans le vouloir, ce n'est plus une faute, mais en tout cas au moins une erreur.
A ces mots, je ne peux m'empêcher de penser à cette phrase de l'écrivain français Paul Valéry, selon qui tout ce qui est simple est faux, et tout ce qui n'est pas simple est inutilisable. Mouais... Je me méfie des formules, qui ont l'air d'établir de façon définitive des idées que l'on gagne quand même à discuter en détail.
C'est un fait qu'il y a des mélodies simples, et qu'elles sont belles dans leur simplicité : pas trop de note, un mouvement mélodique. C'est un fait qu'il y a, en sciences de la nature, des idées remarquables de simplicité. Par exemple le calcul du volume d'une cloche, ou ce que l'on nomme le "changement de variable", trouvé par ce génie qu'était le physicien allemand Ludwig Boltzmann, pour résoudre l'équation de diffusion (pensons à une goutte de colorant déposée dans un verre d'eau, et qui finit par disparaître, au hasard des chocs entre les molécules), ou encore cette idée merveilleuse selon laquelle une différence de produits en croix peut correspondre à un objet nommé déterminant, lequel peut s'interpréter de façon géométrique... Les exemples sont innombrables, et ils fascinent certains, au point qu'ils se lèvent le matin pour aller parcourir ce monde du calcul.
Donc la formule de Valéry n'est pas juste, et je ne vois pas d'excuse à ne pas chercher la simplicité, à défaut de la trouver. Bien sûr, je ne suis pas certain d'être moi-même sans tâche, puisque je suis "baroque", comme dit précédemment, mais l'intention compte aussi. Et puis, il y a la simplicité "locale", et la simplicité "globale" : dans un discours, un cours, une explication, les phrases peuvent être individuellement simples, mais la construction finale, globale, peut être compliquée, parce que le chemin est long, avec beaucoup de phrases qui s'enchaînent, ou parce qu'il faut expliquer beaucoup de notions, afin que le raisonnement puisse s'ériger jusqu'au point voulu. Mais quand même, déjà si chaque étape élémentaire est simple, on pressent l'effort.
Mais, là, je commence à verser dans une théorisation de l'explication simple, et je me sais bien incapable d'aller plus loin. C'est une piste qui risque de nous conduire... vers des contrées compliquées parce que mal connues.
Je termine donc en considérant cette enfilade de trois billets sur la simplicité : ce que je vois en action, c'est cette méthode du "soliloque", exposée dans des billets précédents, et qui secrète des idées par l'examen des mots. Pardonnez-moi d'en venir à penser (il faut se comporter en scientifique, et non pas en tant que scientifique) que, pour les sciences de la nature, la question des mots est moins intéressante que celle des calculs, des équations... de sorte que, au détour de ces discussions sur la simplicité, j'entrevois la possibilité de "soliloques de calcul". Cette idée m'éblouit tant que je ne peux plus fixer mon esprit sur la simplicité. Je m'arrête donc... pour me mettre à penser à cette nouvelle idée que je sens merveilleuse.
mardi 19 juillet 2016
Une idée dans un tiroir n'est pas une idée
Une idée dans un tiroir n'est pas une idée...
On a évidemment compris ce dont il s'agit. Bien sûr, une idée, c'est une idée, mais ce que cette phrase signifie, c'est qu'une idée doit être partagée.
Pourquoi ? Pour de nombreuses raisons, mais tout d'abord parce que la présentation de nos idées à nos amis nous oblige à des formulations plus claires… pour nous mêmes et pour les autres. Cela force à satisfaire des conditions particulières de communication, à éviter les coqs à l'âne, à préparer l'exposition, à utiliser des mots parfaitement clairs... Mais tout cela est en réalité un atout et une garantie. Une garantie que l'idée est parfaitement valide, car il arrive que l'examen soigneux des idées vagues que nous avons conduit finalement à leur réfutation. Un atout, parce que, alors, les idées sont affinées, prennent plus de force.
En sciences de la nature, cette phrase « une idée dans un tiroir n'est pas une idée » fait écho à cette règle que le physico-chimiste britannique Michael Faraday s'était donnée : travailler, publier. Nous devons effectivement publier les résultats que nous obtenons, qu'ils soient d'ailleurs négatifs ou positifs. Faire une expérience et obtenir un résultat négatif, c'est d'ailleurs en réalité très positif, puisque cela nous conduit observer que notre théorie est contredite par les faits. Ainsi, nous pouvons progresser, chercher en quoi notre théorie est fautive, proposer une théorie améliorée : tel est précisément l'objectif des sciences de la nature.
# Bien sûr, cette réfutation nous conduit à d'autres travaux, et il faut savoir où s'arrêter pour la publication, mais quand même, il y a quelque chose de sain dans l'affaire. Et, finalement, ce sera une question de travail que d'arriver à un manuscrit publiable.
Une idée dans un tiroir n'est pas une idée : cela signifie aussi que, dans notre monde, nombre de personnes prétendent avoir beaucoup d'idées, mais ils les montrent peu. Je propose de considérer que ces idées cachées n'existent pas.
Il y a notamment, avec l'industrie et son secret industriel, cette incertitude constante à propos de ce qui est su et de ce qui est ignoré : je déteste cette prétention qui consiste à dire que l'on aurait des idées qu'on n'a pas publiées. Disons que ces idées n'existent pas.
Je me souviens ainsi d'un épisode amusant : alors que j'avais réussi à « décuire » des œufs, en 1997, un capitaine d'industrie à qui je racontais la chose m'avait dit que cela était connu depuis longtemps de ses services… mais qui, deux semaines après, alors que je faisais une conférence où je présentais le résultat, il avait envoyé des ingénieurs pour apprendre comment j'avais fait !
Ce cas n'est pas isolé : je l'ai rencontré souvent, et ma religion est maintenant faite : sauf à voir le fruit d'idées que ces gens prétendent avoir, je considère qu'ils n'ont pas les idées dont ils ont la prétention.
A l'inverse, on voit parfois des résultats extraordinaires, qui correspondent à des idées qui n'ont pas été présentées. Par exemple, je me souviens de biscuit d'apéritifs apparemment anodins… qui étaient comme de petits ballons creux. Des petits ballons ? On peut obtenir de tels soufflement par « cuisson extrusion », avec la brusque détente d'une pâte (farine et eau) que l'on pousse dans un cylindre, à l'aide d'une vis d'Archimède. Mais des ballons percés ? Essayez donc de souffler dans un ballon de baudruche, et vous verrez que c'est très difficile ! Je ne sais absolument pas comment ces biscuits ont été produits, mais je propose d'admirer le tour ce force.
Il y a de nombreuses façons de sortir une idée d'un tiroir, de la publication à la matérialisation, en passant par l'évocation orale, et, tout cela permet que nos idées ne restent pas dans les tiroirs.
On a évidemment compris ce dont il s'agit. Bien sûr, une idée, c'est une idée, mais ce que cette phrase signifie, c'est qu'une idée doit être partagée.
Pourquoi ? Pour de nombreuses raisons, mais tout d'abord parce que la présentation de nos idées à nos amis nous oblige à des formulations plus claires… pour nous mêmes et pour les autres. Cela force à satisfaire des conditions particulières de communication, à éviter les coqs à l'âne, à préparer l'exposition, à utiliser des mots parfaitement clairs... Mais tout cela est en réalité un atout et une garantie. Une garantie que l'idée est parfaitement valide, car il arrive que l'examen soigneux des idées vagues que nous avons conduit finalement à leur réfutation. Un atout, parce que, alors, les idées sont affinées, prennent plus de force.
En sciences de la nature, cette phrase « une idée dans un tiroir n'est pas une idée » fait écho à cette règle que le physico-chimiste britannique Michael Faraday s'était donnée : travailler, publier. Nous devons effectivement publier les résultats que nous obtenons, qu'ils soient d'ailleurs négatifs ou positifs. Faire une expérience et obtenir un résultat négatif, c'est d'ailleurs en réalité très positif, puisque cela nous conduit observer que notre théorie est contredite par les faits. Ainsi, nous pouvons progresser, chercher en quoi notre théorie est fautive, proposer une théorie améliorée : tel est précisément l'objectif des sciences de la nature.
# Bien sûr, cette réfutation nous conduit à d'autres travaux, et il faut savoir où s'arrêter pour la publication, mais quand même, il y a quelque chose de sain dans l'affaire. Et, finalement, ce sera une question de travail que d'arriver à un manuscrit publiable.
Une idée dans un tiroir n'est pas une idée : cela signifie aussi que, dans notre monde, nombre de personnes prétendent avoir beaucoup d'idées, mais ils les montrent peu. Je propose de considérer que ces idées cachées n'existent pas.
Il y a notamment, avec l'industrie et son secret industriel, cette incertitude constante à propos de ce qui est su et de ce qui est ignoré : je déteste cette prétention qui consiste à dire que l'on aurait des idées qu'on n'a pas publiées. Disons que ces idées n'existent pas.
Je me souviens ainsi d'un épisode amusant : alors que j'avais réussi à « décuire » des œufs, en 1997, un capitaine d'industrie à qui je racontais la chose m'avait dit que cela était connu depuis longtemps de ses services… mais qui, deux semaines après, alors que je faisais une conférence où je présentais le résultat, il avait envoyé des ingénieurs pour apprendre comment j'avais fait !
Ce cas n'est pas isolé : je l'ai rencontré souvent, et ma religion est maintenant faite : sauf à voir le fruit d'idées que ces gens prétendent avoir, je considère qu'ils n'ont pas les idées dont ils ont la prétention.
A l'inverse, on voit parfois des résultats extraordinaires, qui correspondent à des idées qui n'ont pas été présentées. Par exemple, je me souviens de biscuit d'apéritifs apparemment anodins… qui étaient comme de petits ballons creux. Des petits ballons ? On peut obtenir de tels soufflement par « cuisson extrusion », avec la brusque détente d'une pâte (farine et eau) que l'on pousse dans un cylindre, à l'aide d'une vis d'Archimède. Mais des ballons percés ? Essayez donc de souffler dans un ballon de baudruche, et vous verrez que c'est très difficile ! Je ne sais absolument pas comment ces biscuits ont été produits, mais je propose d'admirer le tour ce force.
Il y a de nombreuses façons de sortir une idée d'un tiroir, de la publication à la matérialisation, en passant par l'évocation orale, et, tout cela permet que nos idées ne restent pas dans les tiroirs.
Une idée dans un tiroir n'est pas une idée
Une idée dans un tiroir n'est pas une idée
On a évidemment compris ce dont il s'agit. Bien sûr, une idée, c'est une idée, mais ce que cette phrase signifie, c'est qu'une idée doit être partagée.
Pourquoi ? Pour de nombreuses raisons, mais tout d'abord parce que la présentation de nos idées à nos amis nous oblige à des formulations plus claires… pour nous mêmes et pour les autres. Cela force à satisfaire des conditions particulières de communication, à éviter les coqs à l'âne, à préparer l'exposition, à utiliser des mots parfaitement clairs... Mais tout cela est en réalité un atout et une garantie. Une garantie que l'idée est parfaitement valide, car il arrive que l'examen soigneux des idées vagues que nous avons conduit finalement à leur réfutation. Un atout, parce que, alors, les idées sont affinées, prennent plus de force.
En sciences de la nature, cette phrase « une idée dans un tiroir n'est pas une idée » fait écho à cette règle que le physico-chimiste britannique Michael Faraday s'était donnée : travailler, publier. Nous devons effectivement publier les résultats que nous obtenons, qu'ils soient d'ailleurs négatifs ou positifs. Faire une expérience et obtenir un résultat négatif, c'est d'ailleurs en réalité très positif, puisque cela nous conduit observer que notre théorie est contredite par les faits. Ainsi, nous pouvons progresser, chercher en quoi notre théorie est fautive, proposer une théorie améliorée : tel est précisément l'objectif des sciences de la nature.
# Bien sûr, cette réfutation nous conduit à d'autres travaux, et il faut savoir où s'arrêter pour la publication, mais quand même, il y a quelque chose de sain dans l'affaire. Et, finalement, ce sera une question de travail que d'arriver à un manuscrit publiable.
Une idée dans un tiroir n'est pas une idée : cela signifie aussi que, dans notre monde, nombre de personnes prétendent avoir beaucoup d'idées, mais ils les montrent peu. Je propose de considérer que ces idées cachées n'existent pas.
Il y a notamment, avec l'industrie et son secret industriel, cette incertitude constante à propos de ce qui est su et de ce qui est ignoré : je déteste cette prétention qui consiste à dire que l'on aurait des idées qu'on n'a pas publiées. Disons que ces idées n'existent pas.
Je me souviens ainsi d'un épisode amusant : alors que j'avais réussi à « décuire » des œufs, en 1997, un capitaine d'industrie à qui je racontais la chose m'avait dit que cela était connu depuis longtemps de ses services… mais qui, deux semaines après, alors que je faisais une conférence où je présentais le résultat, il avait envoyé des ingénieurs pour apprendre comment j'avais fait !
Ce cas n'est pas isolé : je l'ai rencontré souvent, et ma religion est maintenant faite : sauf à voir le fruit d'idées que ces gens prétendent avoir, je considère qu'ils n'ont pas les idées dont ils ont la prétention.
A l'inverse, on voit parfois des résultats extraordinaires, qui correspondent à des idées qui n'ont pas été présentées. Par exemple, je me souviens de biscuit d'apéritifs apparemment anodins… qui étaient comme de petits ballons creux. Des petits ballons ? On peut obtenir de tels soufflement par « cuisson extrusion », avec la brusque détente d'une pâte (farine et eau) que l'on pousse dans un cylindre, à l'aide d'une vis d'Archimède. Mais des ballons percés ? Essayez donc de souffler dans un ballon de baudruche, et vous verrez que c'est très difficile ! Je ne sais absolument pas comment ces biscuits ont été produits, mais je propose d'admirer le tour ce force.
Il y a de nombreuses façons de sortir une idée d'un tiroir, de la publication à la matérialisation, en passant par l'évocation orale, et, tout cela permet que nos idées ne restent pas dans les tiroirs.
On a évidemment compris ce dont il s'agit. Bien sûr, une idée, c'est une idée, mais ce que cette phrase signifie, c'est qu'une idée doit être partagée.
Pourquoi ? Pour de nombreuses raisons, mais tout d'abord parce que la présentation de nos idées à nos amis nous oblige à des formulations plus claires… pour nous mêmes et pour les autres. Cela force à satisfaire des conditions particulières de communication, à éviter les coqs à l'âne, à préparer l'exposition, à utiliser des mots parfaitement clairs... Mais tout cela est en réalité un atout et une garantie. Une garantie que l'idée est parfaitement valide, car il arrive que l'examen soigneux des idées vagues que nous avons conduit finalement à leur réfutation. Un atout, parce que, alors, les idées sont affinées, prennent plus de force.
En sciences de la nature, cette phrase « une idée dans un tiroir n'est pas une idée » fait écho à cette règle que le physico-chimiste britannique Michael Faraday s'était donnée : travailler, publier. Nous devons effectivement publier les résultats que nous obtenons, qu'ils soient d'ailleurs négatifs ou positifs. Faire une expérience et obtenir un résultat négatif, c'est d'ailleurs en réalité très positif, puisque cela nous conduit observer que notre théorie est contredite par les faits. Ainsi, nous pouvons progresser, chercher en quoi notre théorie est fautive, proposer une théorie améliorée : tel est précisément l'objectif des sciences de la nature.
# Bien sûr, cette réfutation nous conduit à d'autres travaux, et il faut savoir où s'arrêter pour la publication, mais quand même, il y a quelque chose de sain dans l'affaire. Et, finalement, ce sera une question de travail que d'arriver à un manuscrit publiable.
Une idée dans un tiroir n'est pas une idée : cela signifie aussi que, dans notre monde, nombre de personnes prétendent avoir beaucoup d'idées, mais ils les montrent peu. Je propose de considérer que ces idées cachées n'existent pas.
Il y a notamment, avec l'industrie et son secret industriel, cette incertitude constante à propos de ce qui est su et de ce qui est ignoré : je déteste cette prétention qui consiste à dire que l'on aurait des idées qu'on n'a pas publiées. Disons que ces idées n'existent pas.
Je me souviens ainsi d'un épisode amusant : alors que j'avais réussi à « décuire » des œufs, en 1997, un capitaine d'industrie à qui je racontais la chose m'avait dit que cela était connu depuis longtemps de ses services… mais qui, deux semaines après, alors que je faisais une conférence où je présentais le résultat, il avait envoyé des ingénieurs pour apprendre comment j'avais fait !
Ce cas n'est pas isolé : je l'ai rencontré souvent, et ma religion est maintenant faite : sauf à voir le fruit d'idées que ces gens prétendent avoir, je considère qu'ils n'ont pas les idées dont ils ont la prétention.
A l'inverse, on voit parfois des résultats extraordinaires, qui correspondent à des idées qui n'ont pas été présentées. Par exemple, je me souviens de biscuit d'apéritifs apparemment anodins… qui étaient comme de petits ballons creux. Des petits ballons ? On peut obtenir de tels soufflement par « cuisson extrusion », avec la brusque détente d'une pâte (farine et eau) que l'on pousse dans un cylindre, à l'aide d'une vis d'Archimède. Mais des ballons percés ? Essayez donc de souffler dans un ballon de baudruche, et vous verrez que c'est très difficile ! Je ne sais absolument pas comment ces biscuits ont été produits, mais je propose d'admirer le tour ce force.
Il y a de nombreuses façons de sortir une idée d'un tiroir, de la publication à la matérialisation, en passant par l'évocation orale, et, tout cela permet que nos idées ne restent pas dans les tiroirs.
lundi 18 juillet 2016
La vie est trop courte pour mettre les bouillons au net : faisons des brouillons nets
« La vie est trop courte pour mettre les brouillons au net : faisons des brouillons nets » : cette phrase m'a été confiée par le musicien/acousticien/musicologue français Jean-Claude Risset, un des pionniers de la musique électroacoustique, à qui l'on doit, avec James Shepard, un escalier d'Esher musical.
La suite sur : http://www.agroparistech.fr/La-vie-est-trop-courte-pour-mettre-les-bouillons-au-net-faisons-des-brouillons.html
La suite sur : http://www.agroparistech.fr/La-vie-est-trop-courte-pour-mettre-les-bouillons-au-net-faisons-des-brouillons.html
dimanche 17 juillet 2016
Amusons nous à faire des choses passionnantes.
Il faut s'amuser à faire des choses passionnantes. Cette phrase a déjà heurté, parce que je proposais de la retenir pour décrire le travail des fonctionnaires. Les fonctionnaires, m'a-t-on fait observer, ne doivent-ils pas, d'abord, être au service du public qui les paye, par leurs impôts ?
En réalité, mes interlocuteurs avaient insuffisamment réfléchi, et ils n'avaient pas pensé au fait que les fonctionnaires ont le droit d'avoir choisi leur métier pour faire quelque chose qui les "amuse". De même qu'il y en a qui considèrent les épinards comme bons, et d'autres comme mauvais, il y a des métiers que certains aiment et d'autres pas. Par exemple, les scientifiques calculent toute la journée, et j'ai des amis (pas scientifiques) qui considèrent que le calcul serait un bagne, pour eux, alors que c'est une « récréation », un « jeu » pour moi.
Autrement dit, je maintiens qu'il n'est pas honteux de conseiller à chacun d’exercer un métier qu'il aime, car cela aura comme conséquence que l'on aura des individus qui font ce qu'ils aiment, qui le feront mieux, beaucoup. De sorte que le contribuable français a tout à gagner à avoir des fonctionnaires qui s'amusent à faire leur métier, parce que cela signifie que lesdits fonctionnaires feront beaucoup et mieux, au service des citoyens. Ayons donc un peu de grandeur d'esprit, au lieu d'être crispé sur des attitudes politiques négatives.
Il faut également ajouter, d'ailleurs, que s’amuser à faire des choses passionnantes est une sorte de pléonasme. Si c'est passionnant, alors on s'amuse à le faire. Mais là il y aurait lieu de faire une discussion terminologique sur le « s'amuser », parce qu'il y a peut être une différence entre le jeu et l'exercice d'un travail passionnant. C'est la question du jeu qui est posée, à moins que ce ne soit la question du mot par lequel il faut décrire l’activité passionnante. Dans les deux cas, il y a lieu de réfléchir, et cela est… passionnant.
Amusons-nous donc... à réfléchir.
En réalité, mes interlocuteurs avaient insuffisamment réfléchi, et ils n'avaient pas pensé au fait que les fonctionnaires ont le droit d'avoir choisi leur métier pour faire quelque chose qui les "amuse". De même qu'il y en a qui considèrent les épinards comme bons, et d'autres comme mauvais, il y a des métiers que certains aiment et d'autres pas. Par exemple, les scientifiques calculent toute la journée, et j'ai des amis (pas scientifiques) qui considèrent que le calcul serait un bagne, pour eux, alors que c'est une « récréation », un « jeu » pour moi.
Autrement dit, je maintiens qu'il n'est pas honteux de conseiller à chacun d’exercer un métier qu'il aime, car cela aura comme conséquence que l'on aura des individus qui font ce qu'ils aiment, qui le feront mieux, beaucoup. De sorte que le contribuable français a tout à gagner à avoir des fonctionnaires qui s'amusent à faire leur métier, parce que cela signifie que lesdits fonctionnaires feront beaucoup et mieux, au service des citoyens. Ayons donc un peu de grandeur d'esprit, au lieu d'être crispé sur des attitudes politiques négatives.
Il faut également ajouter, d'ailleurs, que s’amuser à faire des choses passionnantes est une sorte de pléonasme. Si c'est passionnant, alors on s'amuse à le faire. Mais là il y aurait lieu de faire une discussion terminologique sur le « s'amuser », parce qu'il y a peut être une différence entre le jeu et l'exercice d'un travail passionnant. C'est la question du jeu qui est posée, à moins que ce ne soit la question du mot par lequel il faut décrire l’activité passionnante. Dans les deux cas, il y a lieu de réfléchir, et cela est… passionnant.
Amusons-nous donc... à réfléchir.
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