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mardi 16 juillet 2024

La question de la critique et de l'esprit critique

 
Nous demandons souvent aux étudiants de faire preuve d'esprit critique... mais nous ne leur disons pas ce que c'est, ni comment faire. Cet enseignement ne nous revient-ils pas ? J'entends déjà des collègues me répondre que les étudiants sont grands, et qu'ils peuvent chercher cela par eux-mêmes, mais, alors, ne devons-nous pas donner des sources fiables ? Après tout, enseigner, c'est faire un signe... pour désigner des sources, par exemple.

Là, je trouve dans quelques sources que le terme critique dériverait du terme grec kritikē (κριτική), signifiant « (l'art de) discerner », c'est-à-dire le fait de discerner la valeur des personnes ou des choses.  Sans référence ?
Le Trésor de la langue française informatisé indique que "la critique" serait la "Capacité de l'esprit à juger un être, une chose à sa juste valeur, après avoir discerné ses mérites et défauts, ses qualités et imperfections." Et notamment "Esprit de libre examen qui, dans ses jugements, écarte, rejette l'autorité des dogmes, des conventions, des préjugés."
Mieux, cette définition : "Méthode d'examen mettant en jeu des critères variables selon les domaines, d'après lesquels il est possible de discerner les parts respectives des mérites et des défauts d'une entreprise, d'une œuvre, d'un système de pensée. Critique biblique, expérimentale, sociale, théologique. La critique, cet art précieux d'apprécier les productions scientifiques (MARAT, Pamphlets, Les Charlatans mod., 1791, p. 271).
Il y aurait aussi "Jugement de valeur qui constitue la seconde phase de la capacité de l'esprit à juger un être, une chose à sa juste valeur."

Et, surtout, il y a l'étymogie :
Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. 1. 1580 subst. fém. « art de juger les œuvres de l'esprit » et « jugement porté sur ces œuvres » (J. SCALINGER, Lettres, 109 ds R. Hist. litt. Fr., t. 8, p. 502); d'où 1810 « ensemble de ceux qui font métier de cette critique » (CHATEAUBR., Martyrs, préf., p. 27); 2. 1663 « action d'émettre des jugements défavorables » (MOLIÈRE, École des femmes, I, 1). II. 1. 1637 subst. masc. « celui qui juge » (J. CRESPIN, Thresor des trois langues); 2. spéc. 1674 « celui qui juge des ouvrages de l'esprit » (BOILEAU, Ep., I ds LITTRÉ). III. 1667 adj. « qui est porté à émettre des jugements (œuvre littér.; idées) » esprit critique (BOILEAU, Sat., IX ds LITTRÉ); 1694 péj. « qui trouve à redire à tout » (Ac.); 1678 (RICHARD SIMON, Histoire critique du vieux Testament ds CIOR. 17e). Empr. au lat. class. criticus subst. masc. (empr. au gr. « qui juge les ouvrages de l'esprit », dér. de « juger, estimer »).

Dans le domaine de la philosophie, Kant a utilisé le terme pour désigner un examen de réflexion de la validité et les limites de la capacité de l'homme ou d'un ensemble de revendications philosophiques.
En philosophie moderne, le terme "critique" désigne une enquête systématique sur les conditions et conséquences d'un concept, la théorie, la discipline, ou une approche et une tentative de comprendre ses limites et la validité.
Un point de vue critique, en ce sens, est le contraire d'un dogmatique.

Je vois dans un texte non référencé que les capacités propres à la pensée critique seraient :
    La concentration sur une question.
    L’analyse des arguments.
    La formulation et la résolution de questions de clarification ou de contestation.
    L’évaluation de la crédibilité d’une source.
    L’observation et l’appréciation de rapports d’observation.
    L’élaboration et l’appréciation de déductions.
    L’élaboration et l’appréciation d’inductions.
    La formulation et l’appréciation de jugements de valeur.
    La définition de termes et l’évaluation de définitions.
    La reconnaissance de présupposés.
    Le respect des étapes du processus de décision d’une action.
    L’interaction avec les autres personnes (par exemple, la présentation d’une position à l’aide d’une argumentation orale ou écrite).

Mieux, un autre texte cite Boisvert, qui inclut sous le nom d'"esprit critique", les attitudes suivantes  :
    Le souci d’énoncer clairement le problème ou la position.
    La tendance à rechercher les raisons des phénomènes.
    La propension à fournir un effort constant pour être bien informé.
    L’utilisation de sources crédibles et la mention de celles-ci.
    La prise en compte de la situation globale.
    Le maintien de l’attention sur le sujet principal.
    Le souci de garder à l’esprit la préoccupation initiale.
    L’examen des différentes perspectives offertes.
    L’expression d’une ouverture d’esprit.
    La tendance à adopter une position (et à la modifier) quand les faits le justifient ou qu’on a des raisons suffisantes de le faire.
    La recherche de précisions dans la mesure où le sujet le permet.
    L’adoption d’une démarche ordonnée lorsqu’on traite des parties d’un ensemble complexe.
    La tendance à mettre en application des capacités de la pensée critique.
    La prise en considération des sentiments des autres, de leur niveau de connaissance et de leur degré de maturité intellectuelle.

Dans cette hypothèse, moi enfant, pour avoir de l'esprit critique, dans une circonstance particulière, j'appliquerais les lignes systématiquement, les unes après les autres.
Mieux, je ne manquerais pas de considérer tout ce qui précède... de manière critique.

samedi 13 juillet 2024

A propos d'esprit critique : donnons-nous le temps de réfléchir, d'analyser ce que nous faisons, ce que nous pensons

Je viens d'analyser la présentation faite par un étudiant, à l'issue d'un stage, et la chose la plus intéressante que j'aie dépistée est  le manque d'esprit critique à la fois sur les méthodes mises en œuvre dans l'institution où il faisait son stage et,  aussi, à propos du contexte de ce stage.
Certes, notre étudiant est tombé dans une institution un peu médiocre, qui l'a conduit à se comporter en technicien amélioré, mais il faut quand même observer qu'il aurait pu faire ce qu'on lui demandait et, par ailleurs, avoir un esprit critique.

Car c'est que ça donc il était question dans toute cette aventure : le manque d'esprit critique.

Il y avait un manque d'esprit critique sur ce qu'il avait fait, sur ce qu'on lui demandait de faire, mais, aussi, sur les circonstances générales dans lesquelles il travaillait. Critique est un mot compliqué et souvent mal compris : il ne s'agit moins de faire des critiques que d'avoir un regard analytique, factuel sur ce que l'on pense, ce que l'on fait...

En l'occurrence, pour faire un bon stage, il y avait lieu de bien analyser d'abord :
- la question posée certainement
- mais aussi les méthodes mises en œuvre pour y répondre.

Par exemple, l'étudiant a été mis en situation d'utiliser un logiciel. Pourquoi pas... mais que valent les résultats donnés par ce programme ? Recopier le baratin commercial des fabricants du logiciel, c'est manquer d'esprit critique. En revanche,  il aurait  fallu s'interroger sur la validité des résultats donnés, les valider. Il n'était pas indispensable de conclure que des résultats donnés sont invalides, mais il y avait lieu de poser la question de la validité.
Car oui, on n'a pas toujours assez de temps pour déterminer la validité que l'on vient de discuter mais, en tout cas,  il y a lieu de poser soi-même la question de cette validité et d'envisager qu'elle puisse être testée.

 Plus généralement, il est donc question d'avoir de l'esprit critique. Bien sûr dans un stage, la demande formelle est de se transformer des connaissances en compétences mais puisque pourquoi ne pas analyser cette question, et, surtout, montrer qu'ils y ont répondu, avant de plonger dans la discussion particulière du sujet qu'ils ont traité ?

Très généralement, il faut donc considérer ce que nous faisons avec un esprit critique, analytique, factuel.
Il y a longtemps, dans ce blog, j'avais discuté cette phrase qui est : « Tenir le probable pour faux jusqu'à preuve du contraire ». J'avais alors cité Henri Poincaré, qui relativisait cette idée ("Douter de tout ou tout croire sont deux solutions également commodes, qui l'une et l'autre nous dispensent de réfléchir."), mais faisons simple pour commencer : examinons - sans tout gober naïvement- ce que le monde extérieur nous apporte.

Être capable de trier sur la base d'une analyse critique. Voilà en tout cas un des conseils que je donnerais aux stagiaires, en les invitant également à chercher sans cesse les perfectionnement, ce qui, au fond, va bien avec la première idée.