vendredi 13 septembre 2019

Qu'est ce que la cuisine ?


Qu'est-ce que la cuisine, me demande-t-on ? La question mérite une réponse en ces temps d'évolution rapide du paysage culinaire, alors notamment que la cuisine note à note bouscule les mentalités.

Jadis, quand l'espère humaine ne l'était pas encore, qu'il n'y avait pas le feu, on mangeait directement les végétaux ou des animaux, sans apprêt, sans cuisine. Puis il y eut des évolutions : certains primates non humains sont ainsi capables de laver des tubercules avant de les consommer : c'est le début d'une transformation des ingrédients en aliments. Puis le feu et la fermentation se sont introduits, avec des effets importants sur la digestibilité des ingrédients, et du temps laisser pour autre chose que seulement se nourrir. Ce fut un moment essentiel, et le feu fit la cuisine. L'aliment se distingua plus nettement de l'ingrédient.
Et, progressivement, la cuisine s'est emparée des fruits, des légumes, des viande, des poissons et de quelques autres ingrédients pour leur appliquer des  opérations unitaires, telles que la division, le broyage, la cuisson...

Et c'est ainsi que l'on en est arrivé à ce stade où  la cuisine est une activité de préparation des mets à partir des ingrédients culinaires.

Si l'on analyse cette activité, on observe qu'il y a trois composantes : une composante technique, une composante artistique et une composante sociale. La composante sociale, tout d'abord, consiste à établir une relation de confiance avec ceux que l'on nourrit, au point qu'ils acceptent d'absorber les produits que nous avons préparés. La composante artistique consiste à faire bon, c'est-à-dire beau à manger, tout comme le musicien c'est beau à entendre, le peintre fait beau à voir,  l'écrivain fait beau à lire... Enfin, la composante technique est la plus élémentaire, elle est à la base de l'artisanat comme de l'art culinaire. Il s'agit simplement de produire les mets, techniquement, physiquement.

La cuisine note à note vient bouleverser tout cela, au point que  j'ai rencontré des cuisiniers, notamment professionnels, pour qui la cuisine note à note n'est pas de la "vraie cuisine". Pourtant il s'agit bien de préparer des plats, de donner à manger, de faire du beau, avec une activité technique, une activité artistique, une activité sociale.
Avec la cuisine note à note, il ne s'agit pas de changer les ustensiles, mais de changer les ingrédients : il s'agit d'utiliser les composés constitutifs des ingrédients classiques plutôt que les ingrédients classiques eux-mêmes. Au lieu d'utiliser des carottes ou des viandes, on utilisera des protéines, de la cellulose, de l'eau, des lipides.
Et c'est là que la discussion devient intéressante : nos amis apeurés ont-ils le droit de vouloir confisquer le mot "cuisine" pour le réserver à la transformation des ingrédients culinaires classique en aliment ? Après tout, l'utilisation de farine n'est pas l'utilisation de blé, et l'utilisation du beurre n'est pas celle du lait : on a fractionné, et le cuisinier a utilisé des fractions. Pourquoi ne pas prolonger le fractionnement et l'utilisation de fractions ? 
Je pourrais volontiers admettre que c'est moi qui abuse de la terminologie "cuisine", mais la considération de l'histoire de la cuisine montre que, en réalité, la cuisine n'a pas toujours été comme aujourd'hui. Cicéron disait bien qu'un homme qui ne connaît que sa génération est un enfant. Le fait que la cuisine ait évolué fait penser qu'elle évoluera encore.

Considérons donc que la cuisine note à note est de la vraie cuisine, et cherchons ce qu'il y aura après ;-)


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