Lors de discussions, notamment à propos de la cuisson des financiers, l'un de mes interlocuteurs a évoqué sa pratique personnelle qui consiste à faire une double cuisson. Pourquoi pas, mais pourquoi ?
En réalité, cela me rappelle un très ancien souvenir, quand, au cours de mes premiers travaux, dans les années 1980, j'avais exploré la cuisson des frites, et l'intérêt éventuel de bains successifs.
J'avais commencé par mesurer la température dans les frites au cours d'un ou de plusieurs bains et j'avais obtenu des courbes correspondant aux échauffements dans ces divers cas, sans voir (hélas) de véritable phénomène nouveau, surprenant : je n'observais que ce que la théorie classique de la chaleur pouvait prédire.
Toutefois la fréquentation des milieux culinaire m'avait fait connaître alors la pratique, réelle ou prétendue, d'un chef réputé, qui cuisait - disait-on- dans 6 bains successifs et qui aurait reconnu la parfaite cuisson des frites à l'oreille. Pourquoi pas, mais en tout cas, la mesure des températures ne me montra alors aucun phénomène particulier. J'ajoute que plus tard, j'ai fini par comprendre que plus on sort les frites de fois de l'huile, plus on les charge d'huile. Si c'est l'objectif que d'emplir les frites, autant y aller à la seringue, cela sera plus facile.
Car en réalité, une frite est un objet assez simple avec un cœur de pommes de terre en purée, si l'on peut dire, à l'intérieur d'une croûte qui donne le croustillant. Evidemment, plus la durée de cuisson est longue, plus le croustillant et épais. Et j'ajoute immédiatement qu'il n'y a pas de cuisson idéale puisque le meilleur, c'est ce que j'aime hic et nunc, ici et maintenant ; ce meilleur n'existe qu'à l'instant, car il changera probablement d'un jour à l'autre, d'une heure à l'autre, et je ne suis pas prêt à entendre que le meilleur d'autrui doive être le mien. J'ai mon meilleur, qui change tout le temps et je me le garde.
Oui, le "bon", le meilleur" sont des questions artistiques, de goût, et non des questions technique. J'ajoute cette remarque, car la confusion a souvent fait bien du mal aux débats culinaires, avec des notions néfastes comme le point de succulence par exemple.
Mais finalement, cette question des cuissons me fait comprendre qu'il y a lieu de bien expliquer la théorie de la chaleur, extrêmement classique, car elle permet de mieux se comporter techniquement en cuisine. Une fois l'objectif choisi, on saura alors décider du barème de température que l'on voudra appliquer, en utilisant la classique théorie de la chaleur, née notamment avec le physicien français Jean-Baptiste Fourier. Cette théorie, valide dans les cas culinaires habituels, permet de comprendre pourquoi des notions comme le choc thermique sont parfois complètement hors sujet et pourquoi les entailles faites dans l'épaisseur de certains produits que l'on cuit ne permet certainement pas de faire entrer à la chaleur plus vite.
Bref, une fois de plus, j'observe qu'il y a lieu de comprendre ce que l'on fait, et, en cuisine, cette compréhension passe part de la chimie, de la physique, de la biologie. Finalement, si vous nous voulons être bon cuisinier, ouvrons les oreilles au collège pendant que les cours nous sont dispensés, sans quoi nous devons nous y recoller plus tard. Et j'ajoute que "s'y recoller" est une expression un peu péjorative, personnellement, je vois plutôt cela comme du bonheur. Le bonheur d'apprendre, le bonheur de comprendre !
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