mardi 18 octobre 2022

Les scientifiques sont payés pour réfuter les théories anciennes et en produire de nouvelles

 
À quoi bon payer des scientifiques ? Essayons honnêtement de répondre à cette question au balayant d'un revers de main les déclarations honteuses d'un ancien président de la République qui disait préférer des trouveurs à des chercheurs.
 
D'ailleurs, cet homme, qui maniait plus l'idéologie que la vérité,  utilisait le mot "chercheur", qui correspond mal à ce qu'il voulait désigner.
En effet, un chercheur, c'est quelqu'un qui cherche : il peut y avoir des chercheurs tout aussi bien dans le milieu industriel que dans le milieu artistique. Un ingénieur qui fait autre chose que la coordination, qui se préoccupe de technologie est un chercheur. Un artiste qui veut faire autre chose que reproduire est également un chercheur. Et un historien, à géographe qui font des travaux de recherche sont des chercheurs.

Ce ne sont pas des scientifiques au sens des sciences de la nature :  physique, chimie, et cetera. Ces scientifiques-là, quelle est leur mission ? pourquoi l'État les paye t-il ?

La mission principale d'un scientifique, c'est la recherche scientifique, c'est-à-dire l'exploration des mécanismes des phénomènes.
Ces explorations conduisent à des théories, mais on n'a pas assez dit que les scientifiques sont moins intéressés par produire des théories que par réfuter des théories anciennes, en vue d'en installer de nouvelles... dont ils savent que ces nouvelles théories  restent insuffisantes, et qu'il faudra continuer à les améliorer.
Bien sûr, il y a aussi la mission de découverte :  identifier dans le monde des objets que l'on ne connaissait pas.

Au fond, ces deux missions sont absolument parallèles :  les découvertes se font alors que l'on teste les théories ; c'est parce que l'on voit des particularités du monde échapper aux théories anciennes que l'on peut identifier les pistes d'amélioration.

Bien sûr, derrière tout cela, il y a des possibilités de transfert technique, par la technologie : celle-ci doit être au fait des dernières découvertes scientifiques pour aller améliorer la technique.
Mais les scientifiques, doivent rester dans le rôle d'exploration des théories, de découverte de particularités du monde.

Albert Einstein disait : lever un coin du grand voile.


lundi 17 octobre 2022

Empêcher les scientifiques de travailler

 Peu après le lâcher des premières bombes atomiques sur le Japon, le physicien Leo Szilard était de ceux qui considéraient avec la plus grande gravité la responsabilité qu'ils avaient eue, alors qu'ils avaient contribué à la construction de cet engin destructeur. 


Szilard, juif hongrois émigré aux Etats-Unis, avait à la fois une conscience politique profonde et beaucoup d'humour. Il avait notamment produit un petit conte (Leo Szilard, The voice of dolphins, Simon and Schuster, New York, 1961, 99) où il disait,  en substance que les scientifiques étaient des gens très dangereux, qu'il fallait donc empêcher de travailler par tous les moyens, et il montrait comment on pouvait arrêter leurs travaux : il suffisait d'organiser des appels d'offre pour les financements. Ainsi, certains scientifiques passeraient un temps considérable à préparer des dossiers pour obtenir les financement de leurs recherches, tandis que d'autres, les meilleurs, nommés dans des jurys d'évaluation des dossiers des précédents, seraient privé de temps de recherche : il faudrait qu'ils concoctent les appels d'offres, qu'il analysent les dossiers, qu'ils siègent pour se mettre d'accord sur les attributions, qu'ils interagissent avec une administration. Finalement, personne ne pourrait plus travailler. Cela rappelle-t-il quelque chose ?
 

Cela ne se sait pas, mais Szilard avait aussi imaginé une autre solution, à savoir de faire déménager les laboratoires, et de les faire emménager dans des bâtiments qui ne soit pas encore complètement terminés.  

Bien sûr, la perspective d'avoir de nouveaux locaux, des installations plus fonctionnelles, plus propres, etc. est séduisante, et  nos scientifiques auraient mauvaise grâce à refuser des palaces dorés.
Ce qu'ils ne savent pas, c'est que, à l'arrivée, ils sont loin de pouvoir travailler :  quand il y a des coupures de courant, impossible de brancher les équipements sous peine de griller les cartes électroniques ; quand il n'y a plus de réseau informatique, aucun accès à la bibliographie, ni même aux données stockées ; quand il n'y a pas de téléphone, impossible de joindre des collègues avec qui l'on voudrait discuter de points scientifiques particuliers ; pour peu que les laboratoires soit un peu excentrés, impossible d'organiser des séminaires ou des conférences qui conduiraient à des travaux fructueux ; quand il n'y a pas de transport, impossible de se rendre au laboratoire.
Et ainsi de suite

Oui, les scientifiques ont une activité aussi dangereuse que coûteuse, mais avec ce nouveau moyen qu'est le déménagement des laboratoire, on est tranquille.

Brioches, et autres produits de fermentation


C'est amusant de voir que des choses que l'on a déjà expliqué par le passé mérite de l'être encore. Amusant mais pas surprenant car il serait insensé de penser que l'on a déjà parlé à tous.

Et c'est ainsi que de jeunes cuisiniers m'ont interrogé hier à propos de fermentation et de confection de brioche.

Dans une pâte à brioche, il y a de la farine, de l'eau, du beurre et éventuellement du sucre. Mais il y a aussi des levures, qui ont été apportées soit à partir de levure fraîche de boulanger, soit à partir de levure lyophilisée.
Je m'arrête pour observer que le mot "levure", ici au singulier, est mal employé, car le bloc mou du boulanger, comme les particules sèches du produit d'épicerie, sont faits de très nombreuses "levures", micro-organismes bien évidemment invisibles à l'oeil nu.

Quand ces levures sont en présence d'eau et de nutriments, à une température "confortable" (les mêmes que celles que nous apprécions), alors elles se développent,  car on oublie pas que ce sont des organismes vivants.
Mieux, ces organismes vivants là ont la particularité, quand ils se développent, de rejeter un gaz qui est le dioxyde de carbone.
Et quand ces bulles de gaz sont engendrées à l'intérieur de la pâte à brioche, alors cette pâte se met à gonfler.

Et c'est ainsi que, traditionnellement, on produit la brioche :  on ensemence de la pâte avec des levures, on laisse gonfler, puis on rabat, ce qui signifie que l'on retravaille la pâte ; on laisse à nouveau gonfler, et l'on cuit,  ce qui fige la brioche dans son état gonflé. D'ailleurs il faut ajouter que, pendant la cuisson, de la vapeur d'eau peut  être évaporée, venant augmenter encore le volume de la brioche.

Évidemment, aux températures élevées qui sont atteintes dans une brioche, les levure sont tués, laissant divers composés qui donnent du goût à la préparation, tel le sotolon, un composé que l'on trouve également dans le champagne... où il y a également des levures qui meurent.

Les levures ? Des usines à dioxyde de carbone, pour faire gonfler les aliments.

samedi 15 octobre 2022

Terminologies

 Et j'ai oublié de signaler des tas de billets terminologiques :

 

 

Hervé This, Les groseilles à maquereaux… avec des maquereaux ?, Nouvelles gastronomiques, https://nouvellesgastronomiques.com/les-groseilles-a-maquereau-avec-des-maquereaux/, 19 juillet 2022.

Hervé This, Cuire à l’anglaise : ça veut dire quoi ?, Nouvelles gastronomiques, https://nouvellesgastronomiques.com/cuire-a-langlaise-ca-veut-dire-quoi/, 28 juillet 2022.

Hervé This, La sauce tortue, qu’est-ce que c’est ?, Nouvelles gastronomiques, https://nouvellesgastronomiques.com/la-sauce-tortue-quest-ce-que-cest/, 3 août 2022.

Hervé This, Les fines herbes, c’est quoi ?, Nouvelles gastronomiques, https://nouvellesgastronomiques.com/les-fines-herbes-cest-quoi/, 24 août 2022.

Hervé This, Condiments ou appétits ?, Nouvelles gastronomiques, https://nouvellesgastronomiques.com/condiments-ou-appetits/, 29 août 2022.

Hervé This, Bavarois ou bavaroise ?, Nouvelles gastronomiques, https://twitter.com/SandrineKauffer/status/1566774013090824193, 5 septembre 2022.

Hervé This, Cuisiner à l’Argenteuil, Nouvelles gastronomiques, https://nouvellesgastronomiques.com/cuisiner-a-largenteuil/, 12 septembre 2022.

Hervé This, Tout savoir sur l’histoire de la blanquette, 19 septembre 2022, Nouvelles gastronomiques, https://nouvellesgastronomiques.com/tout-savoir-sur-lhistoire-de-la-blanquette/

Hervé This, Qu’est-ce qu’un dartois en pâtisserie ?, Nouvelles gastronomiques, https://nouvellesgastronomiques.com/quest-ce-quun-dartois-en-patisserie/, 25 septembre 2022.

Hervé This, La ballottine, ce n’est pas un ballot, Nouvelles gastronomiques, https://nouvellesgastronomiques.com/la-ballottine-ce-nest-pas-un-ballot/, 29 septembre 2022.

Hervé This, Cuisiner au bleu ?, Nouvelles gastronomiques, https://nouvellesgastronomiques.com/cuisiner-au-bleu-linterpretation-doit-etre-fidele-sans-quoi-il-faut-nommer-differemment/, 4 octobre 2022.


mardi 11 octobre 2022

Luttons contre les vociférateurs



Il y a "sur les ondes" (entendons : dans les réunions publiques, dans les journaux, sur les radios, dans les programmes de télévision) des braillards : des personnages qui parlent plus haut que les autres, sans avoir plus de compétences, cherchant à s'imposer par l'intensité sonore de leur discours, par la répétition lancinante de leurs idées, comme si la vérité en découlait.

Cette stratégie s'apparente à la litanie, et les populismes s'en nourrissent, ne cessant de rabacher des messages pour les imposer aux plus faibles.

La question est "comment lutter contre ces malfaisants ?".

Bien sûr, on peut être vigilant, et arrêter ces personnes chaque fois qu'elles déraillent, dénoncer leurs agissement... mais on risque de paraître toujours négatif, et donc en position de faiblesse, par rapport à ceux que l'on critique, qui sont "positifs", disons force de propositions (même si ces propositions sont idiotes).

Depuis toujours, je refais l'analyse de la question, et j'arrive toujours à la même proposition : il faut montrer du ciel bleu, montrer comment voir le ciel bleu, montrer comment construire ce ciel bleu que nous voulons voir.
Il faut dire des faits justes, montrer en quoi ils sont justes, montrer à nos amis comment éviter les discours pourris et privilégier les faits justes. Il faut désigner le beau, le bon, le juste ; il faut identifier de nobles objectifs vers lequels  nos amis (et nous-mêmes !)  tendront.

Il faut de la grandeur !

lundi 10 octobre 2022

A propos d'erreur



Nous sommes bien d'accord : il y a des fautes, d'une part, et des erreurs, de l'autre. Ici, c'est d'erreurs dont je parle, et pas de fautes (que personne ne se sente attaqué, donc).

Erreur ? Dans le Nouveau dictionnaire des difficultés du français moderne de M. Hanse (Editions De Boeck), je lis, à propos des erreurs :
"Une erreur peut-être plus ou moins grave, grossière, mais n'est-elle pas normalement involontaire et faut-il s'excuser en la qualifiant de la sorte ? Il faut noter cependant que la notion d'erreur ne comporte que l'idée de fausseté, d'inexactitude et qu'il n'est pas impossible de commettre volontairement une erreur d'appréciation, de calcul."

Et c'est cela qui m'arrête, pour plusieurs raisons.

La "gravité" d'une erreur ? Il faudrait pouvoir la mesurer, autrement que par l'appréciation arbitraire -l'opposé d'une aide bien didactique- d'un individu.
Par exemple, un mauvais accord d'un participe passé est-il plus "grave" que l'absence d'une virgule après un substantif, pour introduire une proposition relative ? Dans le premier cas, il n'y a pas toujours d'ambiguité, et, dans le second, le sens peut changer considérablement.

Une erreur "grossière" ? On pressent que, comme pour "grave", nos auteurs se réfèrent à un "niveau d'études" : serait sans doute grossière une erreur que l'on apprend à ne pas faire le plus tôt possible au cours des études.
Mais les systèmes d'études sont-ils bien les mêmes pour tous ? Pas sûr !

Les erreurs sont-elles toujours involontaires ? Ce n'est pas sûr, et je sais des personnes intelligentes... puisque professeurs, qui font des "erreurs pédagogiques", et assez souvent. Autrement dit, non seulement nos auteurs auraient raison de se méfier des adjectifs ("grossière", "grave"), mais ils devraient également se méfier des adverbes ("normalement").

Quand on fait une erreur involontairement, faut-il s'excuser d'avoir fait une "erreur involontaire" ?
Je propose d'abord de ne pas "s'excuser", mais présenter des excuses.
Et puis, si l'on fait une erreur, faut-il vraiment insister sur le côté volontaire ou involontaire ? Un "pardon" ne suffit-il pas ?

Mais je sais que je finasse, et que nos auteurs voulaient s'interroger sur la nature pléonasmique ou périssologique de l'expression "erreur involontaire".

Erreur synonyme de faux ? d'inexact ? Disons qu'il y a trois mots, pour trois idées différentes, et que nous aurions raison de distinguer.

Et finalement, que penser du "il n'est pas impossible de commettre volontairement une erreur d'appréciation, de calcul" ? Là, je voudrais quand même qu'on m'en donne des exemples ! Si "erreur volontaire" il y a, c'est, au fond, une manifestation de mauvaise foi, ou de malhonnêteté, et n'est-ce pas ainsi que nous devrions le considérer, plutôt que comme une "erreur volontaire" ?

Finalement, je ne reste pas convaincu par ce paragraphe de Hanse.