dimanche 8 juin 2014

Est-il bien vrai que l'on naît rôtisseur ?



Parmi les aphorismes de Jean-Anthelme Brillat-Savarin, il y en a un que je déteste parce qu'il stipule que l'on devient cuisinier, mais que l'on naît rôtisseur. Quoi : aucun travail ne pourrait nous donner la compétence de la rôtisserie, qui serait innée ?
En réalité, Brillat-Savarin a inventé des histoires, qu'il a merveilleusement racontées ; il a seulement colligé un grand nombre d'idées gastronomiques qui étaient dans l'air pour composer un bouquet bien plus beau que les fleurs qu'il avait amassées ça et là. Son génie littéraire nous a fait gober des tas d'idées, justes ou fausses... mais encore je trébuche sur le mot « génie », qui voudrait faire croire à des « dons » : dans le cas particulier de Brillat-Savarin, aucun don, puisque son livre fut un immense travail, celui de toute une vie.
Bref Brillat-Savarin a recueilli des fleurs, et toutes n'étaient pas d'égale qualité : l'aphorisme consacré à la rôtisserie est mauvais. Oui, tout d'abord, on peut devenir cuisinier si l'on travaille : si l'on travaille suffisamment, si l'on s'interroge sur l'acte de cuisiner, il y a fort à parier que l'on peut devenir un excellent cuisinier. Evidemment, tous les cuisiniers ne sont pas égaux, mais il suffit de les interroger pour voir que tous n'y ont pas passé le même temps, tous n'y ont pas mis le même soin, tous n'ont pas réfléchi avec autant d'intensité, d'incertitude, de doute, à l'acte de cuisiner, et cela fait toute la différence. Dans un registre artistique différent, la musique, je viens de visionner un cours public du violoncelliste Mstislav Rostropovitch, qui disait à ses jeunes élèves que seule une chose comptait, le nombre d'heures passées à travailler : et s'il n'avait pas tort ?
Venons en maintenant à la question de la rôtisserie. Est-elle innée ? Je ne le crois pas, car je me souviens trop bien de mes camarades de classe, au collège ou au lycée, qui nous disaient dédaigneusement qu'ils avaient de bon résultats sans rien faire. Renseignements pris, il y passaient des heures, et ce snobisme n'était pas à leur honneur. Je ne crois guère aux « facilités », et encore moins à l'impossibilité de ne pas devenir... par le travail, ce que l'on a décidé de devenir.
Evidemment, je ne parle pas des qualités physiques, la taille, le poids, car il y a une vraie différence. Je parle de compétences qui ne sont innées pour personne, et que l'on peut obtenir.
Tiens, d'ailleurs, la rôtisserie : et si l'on analysait un peu ? Commençons par un poulet. Il suffit d'une expérience, et d'une seule, de rôtissage d'un poulet trop près d'un feu vif pour observer qu'il charbonne. Et il suffit d'un thermomètre pour apprendre à mettre le poulet à une distance du feu telle que la température sera telle que nous le désirons. Cela parce que les feux modernes sont d'une régularité bien plus grande que les feux d'antan. Si nous voulons du 61 °C, nous l'aurons ; du 70 °C, itou. D'où les basses températures qui font des chairs parfaitementst tendres, pas sèches.
Ces deux expériences faites, posons-nous la question de l’objectif : comment voulons-nous notre poulet rôti. Cuit ? Cela signifie que les chairs doivent être portées à une température qui dépend de notre goût. Par exemple, pour ceux qui veulent non seulement la coagulation des chairs, mais aussi leur passage du rose au blanc, il faut un bon 70 °C. D'autre part, pouur que la peau soit croustillante, il faut que son eau soit évaporée. Et c'est là que des températures bien supérieures à 100 °C (l'ébullition de l'eau), comme pour les fritures, seront utiles. Si l'on dissocie ainsi la cuisson de l'intérieur, très simple grâce aux bases températures, et la cuisson de la peau, facile aussi avec les hautes températures que l'on peut atteindre, alors la question du rôtissage est réglée.
Il faut donc changer l'aphorisme : on devient cuisinier si l'on travaille, et l'on peut devenir également rôtisseur, si l'on travaille.

dimanche 1 juin 2014

Des changements jusqu'à la dernière minute






Cours de Gastronomie moléculaire
Année 2014




Vous aimez cuisiner ?
Vous aimez donc la chimie !
La cuisine opère des modifications moléculaires : autant les maîtriser, n'est-ce pas ?


Lieu :
AgroParisTech, 16 rue Claude Bernard, 75005 Paris (amphithéâtre Risler)

Dates :
2 et 3 juin 2014

Déroulé :

Lundi 2 juin 2014 :

Horaires
Scientifique
Thème traité
9.00
Hervé This
Physico-chimiste INRA/AgroParisTech
Les aliments sont faits de molécules de divers types, ce que l'on nomme des composés. Pourquoi ce monde des composé est merveilleux. Pourquoi le monde moléculaire est sublime. Et pourquoi les tables de composition sont insuffisantes : les relations sont essentielles, pour les structures et les transformations !
9.30
''
Il y a deux types d'environnement dans les aliments que l'on cuit : l'intérieur (température limitée à 100 °C par la présence d'eau) et l'extérieur (qui peut atteindre des températures considérables)

''
Les catégories de composés ; transformations des protéines (coagulation, hydrolyses...), des saccharides. Pourquoi cette jungle peut être jardinée.
10.45

Pause
11.00-12.30
Jean Louis Sébédio,
directeur de recherche INRA, Centre de Theix
Les transformations des lipides au cours des traitements culinaires ; le cas de la friture
12.30-14.00

Déjeuner libre
14.00
Juan Valverde,
directeur R&D Monoghan Mushrooms
Des questions de couleur : chlorophylles et caroténoïdes
16.30
Véronique Cheynier,
directeur de recherche INRA, Centre de Montpellier
Les modifications des polyphénols : encore des questions de couleur


Mardi :

9.00
Luc Eveleigh,
Maitre de conférences AgroParisTech
Les transformations des lipides : la protection par des anti-oxydants
10.45

Pause
11.00
Barbara Rega,
Maître de conférences AgroParisTech, Coordinatrice du Master international Food Innovation and Product Design (FIPDes)
Les arômes en cuisine : liaisons dangereuses entre réactivité des composés odorants, et interactions avec les matrices
14.00
Valérie Camel, Professeur AgroParisTech
Les composés néoformés
15.30
Gilles Gandemer,
DR INRA, directeur du Centre INRA de Lille
Les modifications chimiques qui surviennent lors de la cuisson des viandes
16.45

Conclusions, débats
17.45
Christine Cherbut, directrice
Gilles Trystram, directeur général AgroParisTech
Annonce du Centre international de gastronomie moléculaire AgroParisTech-INRA






vendredi 30 mai 2014

Cours de gastronomie moléculaire 2014

Bonjour
Voici le programme quasi final des Cours de gastronomie moléculaire 2014, sur le thème 


Vous aimez cuisiner ?
Vous aimez donc la chimie !
La cuisine opère des modifications moléculaires : autant les maîtriser, n'est-ce pas ?


Lieu :
AgroParisTech, 16 rue Claude Bernard, 75005 Paris (amphithéâtre Risler)

Dates :
2 et 3 juin 2014

Déroulé :

Lundi 2 juin 2014 :

Horaires
Scientifique
Thème traité
9.00
Hervé This
Physico-chimiste INRA/AgroParisTech
Les aliments sont faits de molécules de divers types, ce que l'on nomme des composés. Pourquoi ce monde des composé est merveilleux. Pourquoi le monde moléculaire est sublime. Et pourquoi les tables de composition sont insuffisantes : les relations sont essentielles, pour les structures et les transformations !
9.30
''
Il y a deux types d'environnement dans les aliments que l'on cuit : l'intérieur (température limitée à 100 °C par la présence d'eau) et l'extérieur (qui peut atteindre des températures considérables)

''
Les catégories de composés ; transformations des protéines (coagulation, hydrolyses...), des saccharides. Pourquoi cette jungle peut être jardinée.
10.45

Pause
11.00-12.30
Jean Louis Sébédio,
directeur de recherche INRA, Centre de Theix
Les transformations des lipides au cours des traitements culinaires ; le cas de la friture
12.30-14.00

Déjeuner libre
14.00
Juan Valverde,
directeur R&D Monoghan Mushrooms
Des questions de couleur : chlorophylles et caroténoïdes
16.30
Véronique Cheynier,
directeur de recherche INRA, Centre de Montpellier
Les modifications des polyphénols : encore des questions de couleur


Mardi :

9.00
Luc Eveleigh,
Maitre de conférences AgroParisTech
Les transformations des lipides : la protection par des anti-oxydants
10.45

Pause
11.00
Barbara Rega,
Maître de conférences AgroParisTech, Coordinatrice du Master international Food Innovation and Product Design (FIPDes)
Les arômes en cuisine : liaisons dangereuses entre réactivité des composés odorants, et interactions avec les matrices
14.00
Valérie Camel, Professeur AgroParisTech
Les composés néoformés
15.30
Gilles Gandemer,
DR INRA, directeur du Centre INRA de Lille
Les modifications chimiques qui surviennent lors de la cuisson des viandes
16.45

Conclusions, débats
17.45
Christine Cherbut, directrice
Gilles Trystram, directeur général AgroParisTech
Annonce du Centre international de gastronomie moléculaire AgroParisTech-INRA






lundi 26 mai 2014

La Remise des Prix du Deuxième Concours international de Cuisine note à note

La vidéo de la Remise des Prix du Deuxième Concours international de cuisine note à note est en ligne :


elle est très longue, en cas de difficulté de visualisation en streaming, préférer le téléchargement



Cuisine note à note
Remise des prix du deuxième concours international

A Paris le 23 mai 2014



Le 23 mai 2014, quelques concurrents du Deuxième Concours international de cuisine note à note ont présenté leurs travaux, à AgroParisTech (Paris, France), devant le jury et le public.


Le jury était composé de :
Dominique Delfaud, Société Mane
Sandrine Kault, Société Louis François
Yolanda Rigault, organisatrice
Odile Renaudin, organisatrice
Pierre-Dominique Cécillon, président d'honneur des Toques blanches internationales
Michel Nave, Restaurants Pierre Gagnaire
Hervé This, INRA/AgroParisTech


Le premier Prix catégorie professionnel a été attribué à Fréderic Clarembereau et Élodie Ricquebourg pour leur œuvre “Palette saveurs aux notes d’Asie ”

Le premier Prix catégorie amateur a été attribué à Anne Sophie Marquet pour son œuvre “Maquereau confit aux jeunes pousses, olives, citron et amandes ”


Le premier Prix catégorie étudiants a été attribué aux étudiants du DIT Undergraduate (Intermediate) Module in Molecular Gastronomy (Ciarán Doyle, Caroline Murray, Sarah Conway, Aoife Halliden, Anna Malone, Lisa O’Connor, Sophie Hughes, Emma Quigley, Anthony Cheung, Martin Schreiber, Kate Brennan, Adeline Delmas, Anthony Long, John Barrett) pour leur œuvre « Poulet rôti révisé »


Un prix d'encouragement a été attribué à Noah Boulakhzine, pour son oeuvre intitulée 1001 textures :



A noter que le classement a été très serré. Ont été vivement félicités par le jury :

Juliana Glezer pour des “Pancakes N'Bacon”

Marc Saillard, pour son oeuvre “Note de méthional à note truffée”

Stéphane Péchard, pour “La broch'note”

Elham Tehrani pour “Main Plate”

Olivier Planty pour “Temps nouveaux”

Eric-Olivier Lermusiaux, pour une “Entrée craquante à l'esprit du terroir et de sous-bois”

Jérôme Tarantino pour une “Purée Soyeuse et un Parmentier façon crème brûlée”

Marjolaine Gras pour un “English Breakfast Note à Note”

Nicole Dufois pour un “Soufflé Moléculaire”





Remerciements à nos partenaires
Société Mane / Societé Pour la Science / Société Louis François


vendredi 23 mai 2014

Des choses merveilleuses

Ce n'est pas l'habitude que les blogs aient des billets modifiés répétitivement : un billet est un billet, et le flot du temps qui passe doit l'emporter. Sur un site, au contraire, on peut avoir des pages qui restent.
Je me conforme donc (pour une fois ;-) ) à l'usage, et c'est sur mon site https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/ que je vais maintenant faire état de brèves admirations. 

jeudi 22 mai 2014

Le public n'a pas peur de la chimie : il ne la comprend pas.




En ces temps politiquement corrects, commençons par une précaution : j'ai bien du mal à reprocher aux autres leurs ignorances (observez le pluriel, svp), puis je suis moi-même très ignorant.

Cela étant, on nous dit que le public a peur de la chimie, et c'est un fait que les marchands de peur utilisent cette peur, ou prétendue peur, à leur avantage. Toutefois, le public a peur de la chimie ? Deux événements récents conduisent à nous interroger.

Premier épisode, lors du Salon de l'agriculture : à la fin de ma présentation de la cuisine note à note, où j'ai fait goûter divers produits (observez le mot, svp), un petit boucher nivernais vient me voir et me demande si les produits que j'ai présentés sont « chimiques ». Je lui explique que le terme est ambigu (en général, pas en réalité), et qu'il y a des composés extraits de produits « naturels » (pour faire simple!), tel le saccharose extrait des betteraves, et des produits synthétisés. Synthétisés, demande-t-il ? Cherchant un exemple simple, je lui raconte qu'à l'âge de six ans, j'avait mis deux fils reliés une pile dans un verre d'eau afin de produire deux gaz, et de décomposer l'eau. Décomposer l'eau ? Oui décomposer l'eau : un après un certain temps, le verre est vide, l'eau a disparu, et l'on a rempli des bonbonnes de gaz que l'on nomme hydrogène et oxygène. Décomposer de l'eau : notre homme n'en revient pas.

Profitant de son étonnement, je lui dit qu'il est également extrêmement facile de synthétiser de l'eau. Synthétiser de l'eau ? Oui, synthétiser de long, c'est-à-dire la fabriquer. Non pas par une simple condensation de vapeur, mais bien plutôt par la réorganisation de réactifs pour obtenir un produit, littéralement chimique, qui est l'eau. De l'eau en tous points indiscernables de l'eau d'eau du ciel.

Et notre homme de s'éclairer, et de répéter, émerveillé : « Vous synthétisez de l'eau ! Vous synthétisez de l'eau ! Oui, vraiment, vous avez un beau métier ! ». Autrement dit, cet homme n'avait pas peur de la chimie, mais il ignorait tout de cette activité pourtant ancienne.

Second épisode, plus récent encore. Ayant observé qu'en faculté de droit, nos amis juristes n'avaient pas des idées bien claires sur la différence entre un composé et une molécule (par pitié, rappelez vous ma remarque introductive), sachant que le milieu culinaire a le plus grand mal avec la notion de composé, j'enregistrais un podcast pour donner des explications. Des explications simples, à l'aide de balles diversement colorées. J'avais presque honte de délivrer des notions aussi simples (pour un physico-chimiste), mais un vague sentiment que cela devait être fait.

Le résultat a été au delà de tous les espoirs... avec des emails de félicitations, de remerciements. Comprenons bien que je ne suis pas en train de me taper sur la poitrine, mais simplement d'observer que le public... ne comprend rien à la chimie, ne la connait pas, et ne refuse pas de la connaître, est reconnaissant quand on lui explique.


La conclusion générale de tout cela, c'est que nous nous trompons si nous acceptons l'idée que le public a peur de la chimie. Il n'a pas peur, mais il ignore tout d'un des transformations que certains savent faire. Généralisons un peu : puisque le public ignore la chimie, comment voulez-vous qu'il sache ce qu'est un OGM ? L'ADN ? La radioactivité ? De ce fait, il est facile, trop facile, d'utiliser cette ignorance pour manipuler des opinions. D'ailleurs, il est probable que cette manipulation se fasse par des personnes qui ignorent également la chimie, et qui sont seulement plus craintifs que les autres... mais c'est là une interprétation charitable, et l'on peut aussi imaginer que les marchands de peur, donc agissant à des fins commerciales, ou des gens de pouvoir, ayant volonté d'orienter les réactions du public à leur guise, se livrent à des manipulations à leur profit.


Il y a donc urgence. Urgence à ne plus croire fautivement que le fait de vivre au XXIe siècle puisse éviter la présentation de notions élaborées au cours des siècles. Il y a une nécessité urgente d'un d'expliquer la chimie, la biologie, la physique, les sciences de la nature en général.

Militons, expliquons !