dimanche 8 décembre 2013

Luttons contre l'ignorance (mais positivement)

J'avais décidé que ce blog ne serait que positif, et que je réserverai à mon blog "Vigilance intellectuelle" mes quelques aigreurs.

J'ai donc fait un billet que je crois utile sur  la question des mots du goût, mais dans la mesure où il est utile, et où il donne des informations utiles, je vous le redonne ici :



8 décembre 2013 : Le goût et ses modalités

J'y reviens, parce que l'on m'a offert un livre sur les épices. J'en tairai le titre et les auteurs, parce que je ne veux pas faire la promotion d'un livre que je vais critiquer, et que je ne veux pas attrister les auteurs du livre, qui sont des personnes amicales.
Le livre contient des recettes, mais il est fondé sur une idée très fausse, à savoir une confusion entre goût et saveur. En soi, ce n'est pas grave, mais n'est-ce pas une obligation de personnes qui veulent rayonner que de proposer de la bonne « qualité » ? En réalité, il faut quand même considérer que les auteurs sont marchands d'épices, et que leur livre est, d'une façon ou d'une autre, une propagande commerciale.
Mais passons.
La question est surtout que ces auteurs confondent goût, odeur, saveur, arôme... Et leur livre est une voix de plus dans la cacophonie. J'y vois plus positivement une possibilité de redire des choses simples et justes.
Observons tout d'abord que Brillat-Savarin confondait goût et saveur, mais que cet homme était un avocat, qui ne connaissait donc pas la science. Ne lui attribuons donc pas des connaissances qu'il n'avait pas !
Vers 1282, on nommait « goût » le « sens par lequel on discerne les saveurs » (Gouvernement des rois, 30, 32). A l'époque régnait donc la confusion. Et ce n'est donc pas dans l'histoire que l'on peut trouver sans effort supplémentaire une justification des définitions à retenir. Ce qui est clair, toutefois, c'est que l'on ne dira pas que l'on a de la saveur pour quelque chose, mais du goût pour cette chose. Le goût est donc quelque chose de plus général que la saveur, et voilà pourquoi les spécialistes de physiologie, depuis déjà longtemps, ont décidé de considérer le goût comme la sensation synthétique que l'on a en mangeant un aliment.

Pour résumer ce premier point : le goût est la sensation synthétique que l'on a quand on met un aliment en bouche.

Poursuivons, maintenant : le goût, sensation synthétique, est fondé sur des perceptions différentes, à savoir :
  • la saveur : par les récepteurs des papilles, qui devraient donc plutôt être nommées papilles sapictives
  • l'odeur, anténasale (quand l'aliment arrive à la bouche, passant devant le nez, où il libère des molécules qui sont « odorantes », puisqu'elles ont la capacité de se lier à des récepteurs olfactifs, directement ou non
  • l'odeur rétronasale, quand des molécules odorantes remontent vers le nez par les fosses rétronasales, à l'arrière de la bouche
  • des sensations trigéminales (piquants, frais...), quand des molécules se lient à des récepteurs spécifiques du nerf trijumeau
  • des sensations thermiques
  • des sensations tactiles (la consistance des aliments est perçue lors de la mastication, et donne lieu à la sensation de texture)
  • etc.
Pourquoi « etc. » ? Parce que l'inventaire ne semble pas être complet : on a découvert il y a moins de vingt ans que des acides gras insaturés à longue chaîne avaient des récepteurs spécifiques, dans les papilles, et que la sensation donnée par cette interaction n'était pas une saveur, mais de nature différente.
Enfin, terminons ce billet en signalant que la théorie des 4 saveurs (salé, sucré, acide, amer) est connue fausse depuis des décennies par les physiologistes et tous ceux qui se renseignent un peu, au lieu de répéter paresseusement des choses fausses : la réglisse n'est ni salée, ni acide, ni amère, ni sucrée, mais réglisse ; l'éthanol a une saveur particulière, tout comme le bicarbonate, tout comme... mille composés. Et l' « umami » est un vaste baratin, mais je vous renvoie à un billet antérieur, sur ce point particulier.

Je reviens donc au livre... qui inverse les mots pour « saveur » et « goût » ! Non, la saveur N'EST PAS la sensation donnée par les odeurs ! Non, le goût N'EST PAS la sensation ressentie par les papilles ! Non, notre langue ne reconnaît pas six goûts, donc le piquant serait l'un d'entre eux (à quoi sert que les physiologistes travaillent, pour que des ignorants publient des erreurs réfutées il y a plus de 50 ans?).

Finalement, faut-il instaurer un « permis d'écrire des livres » ? Je ne le crois pas, pour mille raisons qu'il serait trop long de discuter ici, mais quel dommage que la données des références de ce livre risque d'en faire une publicité imméritée !



jeudi 5 décembre 2013

Merveilleux !

Rien que du bonheur, aujourd'hui... alors que la journée ne fait que commencer :

1. Des étudiants de Master 2 veulent que je leur dédicace des livres (cela, ce n'est rien, et pire, cela fait penser à Gilderoy Lockhart, dans Harry Potter), et, surtout, me demandent si je les autorise à donner mes cours (pdf) aux étudiants qui les suivent, en Master 1. Evidemment !

2. Ma collègue Roisin Burke, au Dublin Institute of Technology, m'envoie deux photos d'étudiants en train de préparer des plats note à note.

mercredi 4 décembre 2013

Qu'est-ce qu'une thèse ?



Qu'est-ce qu'une thèse ? 

La « vraie » acception est : c'est une proposition ou théorie que l'on tient pour vraie et que l'on soutient par une argumentation pour la défendre contre d'éventuelles objections. 
 
Les ministres ont beau édicter des lois qui encadrent les moments de recherche nommés thèse, il n'en restera pas moins que l'on aura raison de se raccrocher à la définition que j'ai rappelée plus haut. 
Soit on a une idée initiale que l'on passe trois ans à étayer, soit on obtient une telle idée après trois ans de travail, peu importe. Ce qui compte, c'est que l'on fasse état d'un travail, sous la forme d'une « thèse que l'on soutient ». 
 
Tout en découle naturellement : ayant cette idée, il s'agira de montrer en quoi les travaux l'ont étayée, par exemple. Cela se fera par écrit, et par oral.
Par écrit, tout d'abord : le document de thèse est une façon de démontrer à l'Université que l'impétrant est capable d'accéder à l'enseignement supérieur, qu'il sait écrire un livre.
Par oral : il s'agit cette fois de faire une « leçon », en soutenant oralement la thèse, c'est-à-dire en la présentant clairement, et en sachant répondre aux questions que le jury posera. 

Que dites vous de cela ? Merci de ne pas me laisser dans l'erreur. Comme disait Rostand, je ne suis pas insensé au point d'être assuré de mes propres certitudes.  

samedi 30 novembre 2013

De Montréal, Québec, Canada

Chers Amis

Vous trouverez quelques mots à http://www.scilogs.fr/vivelaconnaissance/ma-version-des-faits/


vive l'Etude !

vendredi 22 novembre 2013

En mémoire de notre ami disparu Georges Bram


JOURNEE GEORGES BRAM
-
2014
13
ème
journée de Conférences
en Histoire des Sciences et Epistémologie
OUVERTE A TOUTE PERSONNE INTÉRESSÉE
DANS LA LIMITE DES PLACES DISPONIBLES
Vendredi 17 janvier 2014
Ecole Normale Supérieure, 45 rue d’Ulm, Paris
Salle Dus
sane
Les conférences seront de 45 minutes, suivies d’un débat
de 20 minutes.
Chercher aux frontières
9h30
-
10h15
Ludovic Jullien
,
Professeur, université Paris 6
Expériences d'interdisciplinarité
s
10h35
-
10h45 Pause café
10h45
-
11h30
Frédéric Darbellay
,
Professeur associé en Inter
-
et Transdisciplinarité à l'Institut Universitaire Kurt Bösch (IUKB)
L'interdisciplinarité : innover au
-
delà des frontières disciplinaires
11h50
-
14h30 Pause déjeuner
14h30
-
15h15
Laurence Lestel
,
Chercheur CNRS
L'environnem
ent, un terrain propice aux interfaces disciplinaires
15h30
-
17h30
Atelier débat
Qu'est
-
ce que chercher aux frontières :
contraintes, atouts, enjeux
?
Organisation
: Clotilde Policar, département chimie de l’ENS
Pour s’y rendre : RERB, arrêt Luxem
bourg
Bus 38, arrêt Auguste Comte
Bus 21 ou 27
arrêt Feuillantines
Bus 47, arrêt Place Monge
Métro Ligne 7, arrêt Place Monge
Renseignements
: Clotilde Policar, clotilde.policar@ens.fr

lundi 18 novembre 2013

Questions d'enseignement des sciences

Les collègues de la région Centre ont filmé la conférence qu'ils m'avaient invité à faire à Orléans, en ouverture du Congrès national de l'Union des professeurs de physique et de chimie :

http://www.udppc.asso.fr/orleans2013/programme/lundi-28-octobre-centre-de-conferences-dorleans/

dimanche 17 novembre 2013

Les MOOC : n'ayons pas peur, et travaillons !

Les Massive Open Online Courses sont là, et une partie du système universitaire français s'émeut. Car la concurrence semble devenir rude, les plus grandes universités américaines proposant des cours par centaines, par milliers... Parfois, les cours sont  payants ; parfois ils sont gratuits, et seul le diplôme est payant. Une masse considérable de données est réunie, et pas seulement sous la forme écrite, mais aussi visuelle, sonore, animée...
Le phénomène remettra-t-il en cause la pédagogie de l'enseignement supérieur ? Remettra-t-il en cause l'enseignement supérieur, même ?  L'usage de l'internet rend-il l'étudiant plus actif ? Les enseignants doivent-ils apprendre le théâtre, pour produire des prestations attrayantes ? Faut-il fermer les amphithéâtres ? Et les universités doivent-elles  se transformer en studios de télévision ?
Poser une question n'est pas toujours poser une bonne question, et il on aurait raison de bien regarder le passé, pour ne guère s'émouvoir du présent ou du futur (amusant, ce sont toujours les mêmes qui ont peur). Mieux, ne pourrait-on pas profiter des évolutions, quand on a la chance d'en voir, pour faire évoluer les choses du bon côté ?
Commençons par voir pourquoi rien n'a vraiment changé, et pourquoi les MOOC ne sont peut-être pas l'Innovation que l'on annonce. Pour ce qui concerne les étudiants, cela fait longtemps que certains restent dans leur environnement proche (pour mille raisons, bonnes ou mauvaises), mais que d'autres n'hésitent pas à traverser le monde pour rejoindre les systèmes d'enseignement les plus « réputés », les « professeurs » les plus remarquables. Et l'on a toujours vu,  à côté d'une masse qui « suit les cours », quelques Jean-Marie Lehn, qui dès les années 1960, sèchent les cours pour aller en bibliothèque « produire le cours » à partir d'ouvrages à leur disposition.
Observons que les cours en ligne ou les livres dans les bibliothèques ne diffèrent guère. Ceux qui suivaient les cours suivront sans doute les cours, et ceux qui voudront aller en « e-bibliothèque » iront, parce qu'ils ont de la curiosité et de l'autonomie. Et relisons l'introduction de Richard Feynman, dans ses Cours de physique : « The question, of course, is how well this experiment has succeeded. My own point of view – which however does not seem to be shared by most of the people who worked with the students- is pessimistic. I don’t think I did very well by the students. When I look at the way the majority of the students handled the problems on the examinations, I think that the system is a failure. Of course, my friends point out to me that there were one or two dozens of students who –very surprisingly- understood almost everything in all of the lectures, and who were very active in working with the material and worrying about the many points in an excited and interested way. These people have now, I believe, a first-rate background in physics –and they are, after all, the ones that I was trying to get at. But then, « The power of instruction is seldom of much efficacy except in those happy dispositions where it is almost superfluous. » (Gibbons).
D'autre part, du côté des enseignants, il y a toujours eu des enseignants de diverses qualités. Et il y a toujours eu, même sans l'Internet, quelques très grands enseignants, qui attiraient à leurs cours des étudiants de partout, en raison d'une « beauté intellectuelle » très particulière, d'une avancée intellectuelle, de capacités d'acteur qui rendent les cours vivants, que sais-je. Pas de changement, non plus, donc... et l'on doit même s'interroger si l'e-learning ne va pas, au contraire, emplir les salles de cours, au lieu de les vider : les personnalités attirantes attirent !
Oh, et puis j'y pense : il y a, certes, beaucoup de vidéos en ligne... mais la question est de connaître leur « qualité » ; le nombre n'est pas tout !
Surtout la question des relations entre enseignement et communication n'est pas neuve, et l'on aurait lieu de s'interroger mieux sur la différence entre connaissances et compétences. Les MOOC sont l'occasion de se demander à nouveau quel est le rôle de l' « enseignant », du « professeur », de l' « étudiant » (Michel Eugène Chevreul, âgé de 100 ans, se disait le doyen des étudiants de France). Quelle est la différence entre un article ou une vidéo de vulgarisation, d 'un côté,  et un cours de l'enseignement supérieur, de l'autre ?
Et puis, pourquoi sélectionne-t-on les enseignants chercheurs par leur recherche ? Parce que c'est là un moyen, si les enseignants chercheurs enseignent ce qu'ils viennent de produire, de conduire directement les étudiants à la pointe du savoir actuel ? Je crois que les enseignants de l'enseignement supérieur n'ont pas, comme dans l'enseignement secondaire, à tenir la main des étudiants pour aider ces derniers à gravir lentement les pentes du savoir accumulé ; ils ont la mission d'enseigner ce qu'ils produisent, et de proposer une vision unique du bout de connaissance qu'ils ont défriché.
Profitons de l'arrivée des MOOC pour nous demander s'il est légitime d'accueillir dans des amphithéâtres, pour des cours de physico-chimie, des étudiants qui ignorent le théorème de Gauss, qui trouvent difficilement des primitives de fonction simples, qui croient que les cycles aromatiques comportent des doubles liaisons ? Faut-il vraiment prolonger un interminable enseignement supérieur, ou faut-il plutôt conduire rapidement vers l'autonomie qui doit être celle de la fin du master ?
Enfin, l'enseignement universitaire, c'est de la recherche... et ce n'est pas une nouveauté que la recherche scientifique  doit être de qualité, MOOC ou pas !  Par ailleurs, n'oublions pas de faire savoir ce que nous faisons si nous le faisons bien : une belle idée dans un tiroir fermé à clé, ce n'est pas une idée ; c'est rien !