vendredi 27 juin 2025

Aidons nos amis

Ne pas mettre nos jeunes amis en défaut, surtout ne pas les mettre en défaut. Les aider à faire mieux ! Rétrospectivement, je juge nombre de mes travaux de jeunesse bien naïfs, bien faibles, et je n'ai guère envie qu'on les exhibe ! Je pense moins à mes devoirs d'élève d'école, collège ou lycée qu'à mes mémoires d'élève ingénieur ou d'étudiant en DEA, et même ma thèse, voire, plus tard des articles que j'ai pu écrire me semblent très indignes : dans bien des cas, j'en voie maintenant les insuffisances, et je déplore d'avoir été si insuffisant. Bien sûr, nous passons tous par là et, d'ailleurs, c'est grâce à de plus anciens, souvent, que nous arrivons à améliorer ce qui risquerait d'être bien faible. Ou grâce à notre travail. Mais reste le fait que je trouve nombre de mes travaux anciens bien faibles, et je crois pouvoir supposer que cela vaut pour tous mes condisciples, à tous les âges de la formation, voire après ;-). Or la commémoration du bicentenaire de la naissance de Louis Pasteur m'a conduit à lire l'ensemble des publications de ce dernier, dès sa sortie de l'École normale supérieure : quelle était la qualité de ses productions ? J'observe d'abord qu'il était capable d'écrire de façon cohérente, de faire des synthèses... Mais, d'une part, ses textes n'étaient pas extraordinaires, si je compare à certains des étudiants qui me font l'honneur de venir étudier avec moi ; et, d'autre part, nous ne savons pas combien ses tuteurs l'ont aidé... car je n'oublie pas non plus que, jusqu'à une époque récente, les rapports, mémoires universitaires, et jusqu'aux manuscrits de thèse, faisaient toujours l'objet de correction extraordinairement serrées par les tuteurs, responsables, maîtres de stage, encadrants, professeurs, directeurs de laboratoire... Pasteur était encadré par Auguste Laurent, dans le laboratoire d'Antoine Balard, après sa sortie de l'École normale supérieure, mais il est honteux qu'il n'ait pas reconnu les apports de ce dernier... une fois qu'il avait publié un premier article un peu intéressant. Au point que Laurent a dû publier un article rectificatif dans les comptes rendus de l'Académie des sciences, pour bien dire quel avait été son apport. D'ailleurs, je me promets de comparer le texte de la thèse de Pasteur avec les publications qui ont suivi 1848, date à laquelle je ne doute pas que Laurent a dû se brouiller avec Pasteur, première querelle d'une longue série, pour un personnage (Pasteur) dont je n'aime pas l'arrivisme, même si je reconnais aujourd'hui : - l'extraordinaire (au sens littéral) activité - la capacité de synthèse. Inversement, je ne reproche certainement pas à Pasteur les erreurs qu'il a faites : l'hypothèse d'une chiralité universelle du vivant, ses théories sur la fermentation, ses idées sur l'origine de la vie, etc. Non, je lui reproche d'avoir gommé ces dernières, d'avoir réécrit son histoire, d'avoir créé sa statue, d'avoir toujours cherché à écraser les autres pour se dresser. Mais, en nous promettant d'éviter de tels comportements, il faut revenir à notre propos : puisque nos œuvres de jeunesse n'ont pas la maturité des œuvres plus avancées, je propose de ne pas les exhiber, et, surtout, je me propose d'aider mes jeunes amis à produire mieux, des œuvres dont ils ne rougiront pas plus tard. Et cela vaut pour les auteurs de manuscrits soumis à des revues scientifiques : le comité éditorial, les éditeurs, les rapporteurs doivent aider les auteurs à améliorer leurs manuscrits, afin qu'ils apparaissent finalement de "belle eau".

jeudi 26 juin 2025

La fusion du beurre ?

D'abord, fusion ou fonte ? Lisons le Dictionnaire de l'Académie française : fonte : Action de fondre, de liquéfier un corps solide (notamment un minerai) en le soumettant à l'action de la chaleur. fusion : Le fait de fondre, de se liquéfier. Ensuite, consacrons-nous au phénomène... en partant d'un beurre à la température de 20 °C. Ce beurre est fait d'environ 82 pour cent de matière grasse et de 18 pour cent d'eau. L'eau est liquide, à cette température, mais pour la matière grasse, il y a une proportion liquide, et une proportion solide. Et le système est formellement un gel, parce qu'il y a une structure solide (une sorte d'échafaudage) où les liquides (eau, graisse à l'état liquide) sont présents. Quand on chauffe, la matière grasse qui était solide se met à fondre, et la structure s'effondre. Mais pourquoi la matière grasse peut-elle être solide ou liquide ? Pensons que la matière grasse laitière est faite de molécules de "triglycérides", comme de minuscules pieuvres à trois tentacules souples. Ces molécules s'attirent un peu, mais elles ont aussi une énergie de mouvement. Quand la température est basse, l'énergie de mouvement n'est pas suffisante pour les "décoller", et elles se lient (faiblement), s'associant en "cristaux" solides. Mais quand la température augmente, cela correspond à une agitation moléculaire plus énergique, et les molécules se séparent, formant un "liquide".

mercredi 25 juin 2025

La construction d'une assiette : il faut construire, et pas seulement juxtaposer

On n'a pas suffisamment expliqué que construire une assiette, c'est... construire une assiette, et pas seulement y disposer des éléments séparés. 

 

 Imaginons une assiette qui soit composée d'un filet de poisson, de riz, et de croquettes d'aubergine. 

Si, dans l'assiette, il y a d'un côté le poisson, de l'autre le riz, et enfin l'aubergine, alors c'est en réalité trois assiettes qui sont présentes, et pas une seule. 

De ce fait, si l'on mange séparément les trois éléments, il y a de fortes chances pour qu'ils soient un peu "tristes". 

Et si l'on veut associer les trois éléments, comment le faire ? Personnellement, je ne sais jamais comment je dois faire. Bien sûr, s'il s'agit simplement de nutriments, peu importe l'ordre, et je fais selon mon choix, selon mon appétit, selon mon envie... 

Mais s'il y a une œuvre culinaire réalisée par un artiste, alors il doit y avoir une raison pour le choix du poisson, du riz et de l'aubergine : quand je mange ces différents éléments, je dois être guidé... ce qui conduit presque immanquablement à superposer les éléments, et non pas à les juxtaposer. 

 Se pose alors la question de la construction et l'on comprend bien que le résultat ne sera pas le même si on met le riz dessous et le poisson dessus, ou inversement, par exemple. 

C'est tout cela l'enjeu du constructivisme culinaire, que nous avons discuté tant de fois avec mon ami Pierre Gagnaire : préparer une assiette, c'est faire une construction... des mots qui doivent nous faire souvenir que Marie-Antoine Carême, le cuisiniers des empereurs, avait introduit la "cuisine monumentale" : il ne s'agissait pas seulement de reproduire des bâtiments en sucre, mais, au contraire, de construire les plats.

mardi 24 juin 2025

SayFood : notre belle unité de recherche

 Elle est présentée ici : 

Voir la plaquette de présentation pour la version FR : https://umr-sayfood.versailles-saclay.hub.inrae.fr/

 

See the research unit overview pour la version EN : https://eng-umr-sayfood.versailles-saclay.hub.inrae.fr/


Pas d'adjectif subjectifs !

Ce matin, en faisant ma veille bibliographique, je trouve un article intitulé "Egg yolk phospholipids as an ideal precursor of fatty note odorants for chicken meat and fried foods: A review", et je m'empresse de dénoncer la revue qui a publié un tel texte (et, évidemment, les auteurs qui l'ont soumis, et les rapporteurs qui l'ont accepté ! Lisons bien : il s'agit d'un précurseur lipidique du goût de poulet et d'aliment frit. Là, rien de spécial : il peut effectivement y avoir des précurseurs odorants de type phospholipidiques à des composés odorants présents dans le poulet et les fritures. Mais "idéal" ? Un tel mot n'a rien à faire en science, car l'idéal des uns n'est pas celui des autres. Et puis, idéal, de quel point de vue : économique ? olfactif ? pour la culture chinoise qui est celle des auteurs ? toxicologique ? physiologique ? Décidément, il y a lieu d'aller voir de près comment cette revue a finalement accepté un tel texte. En attendant, je vais donc écrire à l'éditeur pour que de telles absurdités ne se reproduisent pas.

Connaissez-vous les Notes Académiques de l’Académie d’Agriculture de France ? (les « N3AF »)

 

Connaissez-vous les Notes Académiques de l’Académie d’Agriculture de France ? (les « N3AF »)


Les Notes académiques de l’Académie d’agriculture de France sont une publication d'information et d'éducation scientifique, technologique et technique, propriété de l'Académie d'agriculture de France, dont l'objectif est de permettre aux chercheurs de faire connaître rapidement leurs travaux et idées à la communauté internationale. Les langues de publication sont le français ou l'anglais.

C’est une revue électronique à comité de lecture au « modèle diamant à accès ouvert » : ni les auteurs ni les lecteurs ne payent (https://www.academie-agriculture.fr/publications/notes-academiques/annees). Les évaluations des manuscrits sont doublement anonymes : les éditeurs en charge et les rapporteurs ignorent qui sont les auteurs, et les auteurs ignorent qui sont l’éditeur et les rapporteurs.
Les manuscrits sont soumis à l'adresse 
notes-academiques@academie-agriculture.fr

Les articles en accès libre (open access) sont sous la licence CC-BY (http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/)

La publication offre une information actualisée et rigoureuse à propos de tous les domaines couverts par les dix sections de l'Académie d'agriculture de France, qui recouvrent des sciences diverses tant sociales que naturalistes ou technologiques (voir ci-dessous). Elle publie des articles originaux, des articles d'actualité, des notes de conjoncture, des synthèses, des revues bibliographiques, des rapports, des commentaires critiques d’ouvrages ou d’articles, des points de vue, des textes de conférences, des lettres à la rédaction, des cours, des articles « Potentiels de la science  pour une agriculture durable », et d’autres encore : voir https://www.academie-agriculture.fr/publications/notes-academiques/rubriques

Section 1 - Productions végétales

Section 2 - Forêts et filière bois

Section 3 : Élevage

Section 4 : Sciences humaines et sociales

Section 5 : Interactions milieux-êtres vivants

Section 6 : Sciences de la vie

Section 7 : Environnement et territoires

Section 8 : Alimentation humaine

Section 9 : Agrofournitures

Section 10 : Économie et politique

lundi 23 juin 2025

Ceux qui parlent de "pâté en croûte", ou de "pâté croûte" n'ont pas assez réfléchi à ce qu'ils disent

Ceux qui parlent de "pâté en croûte", ou de "pâté croûte" n'ont pas assez réfléchi à ce qu'ils disent. 

Je suis obligé de l'expliquer encore : hier, dans un restaurant, j'ai été obligé d'expliquer à mon interlocuteur que ce qu'il nommait un pâté en croûte ne méritait pas ce nom. Et je dois dire qu'il a fallu que j'insiste parce que le maître d'hôtel avait la comprenette difficile. Disons tout disons d'abord que de la viande broyée que l'on cuit ne fait pas un pâté, mais une terrine si on la cuit dans une terrine. En revanche, on obtient un pâté si l'on cuit dans une pâte : pâte, pâté. N'est-ce pas évident ? Evidemment il y a des gens qui parlent un peu au hasard qui n'ont pas réfléchi à ce genre de choses et ceux-là s'obstinent souvent, mais passons. Il y a donc les pâtés d'un côté, et les terrines de l'autre. Les terrines sont souvent servies froides, mais il existe deux sortes de pâté : les pâtés chauds et les pâtés froid. Cela se trouve dans tous les livres de cuisine, de charcuterie, de pâtisserie. Et l'on trouve un très grand nombre de pâtés différents qu'il s'agisse des pâtés lorrains, des pâtés Pantin, des pâtés de Pézenas... 

Pour ce que les livres de cuisine ont toujours justement nommés des "pâtés froids", il y a une espèce de mode qui les fait appeler pâté en croûte ou pâté croûte. A la limite on pourrait dire terrine en croûte... mais cela serait un pâté. 

Bref, soyons simples et justes : distinguons les terrines, les pâtés, et parmi les pâtés, les pâtés chaud et les pâtés froid. J'ajoute pour terminer que la vogue actuelle de ces pâtés froids vendus sous le nom fautif de pâté en croûte, conduit certains commerçants à vendre de la pâte pour le prix de la viande : il y a autour une indigeste épaisseur de pâte, et bien peu de viande. Pis encore, parfois, la viande est sous une épaisse couche de gelée, d'ailleurs trop "collée", et donc avec peu de goût. 

Le commerce comme disait Alexandre Vialat, a bien des façons de se comporter de façon malhonnête, et on aura jamais intérêt à aller terminologiquement dans son sens, sans quoi on prendrait des vessies pour des lanternes. Je signale enfin que, dans les livres de cuisine, de pâtisserie et de charcuterie du passé, les pâtés froids avaient une couche de pâte assez mince, croustillante, ce qui en fait des objets bien plus intéressants gustativement, car, alors, toute la croûte est cuite, toute la croûte est croustillante, toute la croûte fait contraste avec la tendreté des chaires internes.