Je
viens d'avoir à nouveau l'occasion d'observer que (certains de) nos jeunes amis
manquent moins de connaissances que de stratégie pour les mettre en œuvre.
Dans notre groupe de recherche, nous avons notamment les questions du
jour à savoir que chaque jour, je pose une question qui doit conduire à
faire un petit calcul. Souvent c'est un calcul d'ordre de grandeur, mais,
en tout cas, il n'y a rien de compliqué... sauf que précisément il faut une stratégie.
Hier,
la question du jour était de savoir à quelle vitesse vont les molécules
d'eau dans de l'eau.
Un de nos amis m'a demandé si on
considérait un verre d'eau ou un kilogramme d'eau. Je ne sais pas pourquoi ,
mais j'ai le sentiment qu'il y avait là un manque de réflexion, car si on
prend un kilogramme d'eau, un litre, et que par la pensée on isole le contenu
d'un verre, c'est toujours de l'eau et environ à la même pression. Si
l'on se représente les molécules, alors il y a peu de chance que l'on
posera cette question. Sauf à imaginer donc des différences de pression
en fonction de la profondeur.
Là, je sais sais de façon certaine (notre discussion) que notre ami
n'avait pas de représentation mentale de l'eau et que c'est ce qu'il a
poussé à poser cette question qui n'a pas d'intérêt.
Mais passons, et arrivons à la réponse qui m'a été donnée : "Les molécules
d'eau sont rapides et d'autant plus rapides que l'eau est plus chaude".
Ici, il y a évidemment une réponse si floues qu'elle n'est pas la réponse
correcte, et le fait que notre ami ait su que la vitesse des molécules augmente
avec la température aurait dû le conduire à imaginer une réponse en
fonction de la température, une expression mathématique ou la lettre T puisse apparaître.
Mais de même, l'observation de
l'adjectif "rapide" aurait dû immédiatement conduire notre ami à la
question "combien ?" qui est la seule qui nous intéresse puisque notre
projet était de faire un calcul.
Bref, notre ami ne savait pas
répondre à la question et il a en quelque sorte fait semblant, oubliant
que je suis d'une brutalité terrible et que je mets généralement le
doigt où ça fait mal parce que c'est la seule façon d'arriver à des
améliorations.
La stratégie qu'il aurait fallu mettre en œuvre, c'est de
considérer que le mouvement des molécules d'eau est un phénomène
physique et que, comme tout phénomène physique, il
doit s'analyser à partir de l'énergie.
D'ailleurs, puisqu'on considère des
molécules qui bougent, et il y a lieu de considérer leur énergie
cinétique, ce qui est enseigné dès le lycée.
Ainsi guidé, notre ami a
réussi à écrire l'expression de l'énergie cinétique, mais la deuxième
idée est venue de la considération du fait que les molécules sont des
objets très petits, qui relèvent donc de la mécanique statistique ou de la mécanique quantique. En l'occurrence, il aurait fallu penser
que si les molécules d'eau étaient comme des boules de billard, alors
leur énergie aurait été trois demi de kT, où k est la constante de Boltzmann, et T la température absolue.
Et là, le problème était résolu
puisqu'on écrivait que cette énergie là est égale à l'énergie cinétique, une
équation toute simple dont n'importe qui peut tirer l'expression de la
vitesse puis, ensuite, introduire les valeurs pour obtenir un ordre de
grandeur parfaitement admissible.
Evidemment, il s'agit
d'un ordre de grandeur mais peut-on croire que l'on cherchait autre
chose ? Dans de l'eau, il y a des molécules plus lentes, d'autres
plus rapides, mais il y a qu'une sorte de vitesse moyenne, plus exactement une "vitesse quadratique moyenne", mais, là, on serait entré dans des détails un peu hors sujet.
Bref, il faut toujours une stratégie !
PS. Ces questions du jour sont discutées dans mon livre (en anglais) :