On ne dira jamais assez que le séminaire de gastronomie moléculaire est moins fait pour résoudre définitivement les questions que nous examinons que pour donner de l'énergie à nos amis pour qu'ils répètent nos expériences, à la maison, dans les lycées hôteliers, dans les écoles, les collèges, les lycées, les universités...
Il s'agit en effet d'assurer nos connaissances, et surtout, de créer un réseau de sites où les expériences seront répétées, validées.
Prenons, par exemple, une précision culinaire testée récemment dans notre séminaire à propos des haricots blancs, dont il est parfois dit qu'ils éclatent moins à la cuisson si l'on met des bouchons de liège dans la casserole.
Théoriquement, il n'y guère de raison pour laquelle des bouchons de liège pourraient avoir un effet sur des haricots, mais j'ai appris à toujours tester les précisions culinaires sans a priori, sans penser qu'elles sont justes ou fausses, car j'ai vu trop de cas où je me trompait (ce qui ne me gêne pas, car je préfère être réfuter et progresser en observant mes erreurs, que rester dans l'erreur).
Et je vois comme parfaitement légitime le fait de tester cette précision, sans a priori, c'est-à-dire sans avoir l'idée qu'elle puisse être juste ou fausse, quels que soient les arguments théoriques. Bien sûr, en l'occurrence, je ne peux pas m'empêcher de penser que la précision des bouchons est fausse, parce que, comme j'ai dit rapidement, on voit mal quels composés libérés par le liège dans l'eau de cuisson pourraient s'opposer à l'éclatement. Mais on ne sait jamais, car après tout, le liège est une écorce, qui contient des tanins, et ces derniers pourraient donc se lier à des composés de la surface des haricots. Tout comme le liège pourrait libérer des ions divalents, tels le calcium, le cuivre, par exemple qui pourraient peuvent renforcer les paroi végétale, et éviter l'éclatement.
Mais ne perdons pas de temps initialement à imaginer des hypothèses, et faisons rapidement l'expérience, ou plutôt refaisons l'expérience qui a déjà été faite lors d'un séminaire de gastronomie moléculaire. Au cours de cette séance, nous avions commencé par faire tremper les haricots, comme cela était prescrit dans la précision culinaire que nus avions recueillie, et nous avions ensuite réparti ces haricots dans deux casseroles identiques, contenant la même quantité d'eau, chauffées de la même façon, avec la même masse de haricots. Puis, la cuisson faite, nous avons déposé les haricots sur le plan de travail, et avons compté les haricots éclatés de chaque lot.
Il était important de faire plusieurs recomptages indépendants, comme vous le verrez si vous faites l'expérience, parce que, parfois, on décide difficilement si un haricot est éclaté ou non. Et avec ces valeurs, nous avons pu faire des comparaison... et observé qu'il n'y avait pas de différence significative entre les lots.
Mais s'il est vrai qu'un contre-exemple permet de réfuter une loi générale, il est vrai que nous avons utilisé une seule variété de haricots, et une qualié d'eau particulière, des bouchons spécifiques... et il serait bon de voir si le résultat se retrouve dans d'autres conditions. De toute façon, en sciences de la nature, on répète toujours les expériences, et, j'insiste un peu, nos séminaires sont là pour déterminer une méthodologie, voir les difficultés des tests expérimentaux des précisions culinaires, et nous avons besoin de tous pour les répéter. Profitez du confinement !