vendredi 1 décembre 2023

La terrible question de l'estragole

  Les faits sont les faits, et la mauvaise foi qui nous fait humain ne peut les abattre ; elle peut seulement nous aider à « vivre mieux », en nous empêchant de les voir. 

Les viandes cuites au barbecue sont chargées de benzopyrènes cancérogènes ? C'est un premier fait. La consommation de tels produits conduit à des cancers digestifs ? C'est un autre fait, qui découle des études épidémiologiques effectuées en Europe : les peuples qui mangent le plus de produits fumés souffrent plus que les autres de tels cancers. La conclusion devrait s'imposer : limitons les viandes grillées au feu de bois, les produits fumés. 

Pourtant, chacun de nous conclut plutôt : « Après tout, je ne mange pas tant de ces produits, et je ne risque donc rien ». Les pommes de terre ont sous les trois premiers millimètres sous la surface des alcaloïdes toxiques ? « Oui, mais la peau croustillante, c'est si bon. Et puis, cela se saurait s'il y a avait un risque. Et puis je mange ainsi toujours et je ne suis pas mort ». 

J'ai déjà considéré de telles questions, et je n'y reviens pas : la preuve;-) Non, je veux plutôt examiner ici la question de l'estragole, également nommé méthyl chavicol, ou, mieux : 1-allyl-4méthoxybenzène. C'est le composé odorant principal de l'estragon, que l'on trouve aussi en abondance dans le basilic, par exemple. Déposé en petite quantité sur des cellules de foie de rat, le composé conduit à la cancérisation de ces cellules. Et les experts ont conclu que l'estragole est tératogène et génotoxique, même en petites quantités. Il a été conclu que la consommation de produits contenant l'estragon ne présentait pas de risque significatif de cancer, mais les experts ont préconisé de réduire au maximum l'exposition des populations sensibles (enfants, femmes enceintes ou allaitant). [http://ec.europa.eu/food/fs/sc/scf/out104_en.pdf] 

Voici donc le fait. Notre mauvaise foi nous conduira à accepter volontiers la décision... si nous ne sommes pas une femme enceinte... et si l'estragole ne provient pas de l' «  industrie », cette activité qui nous fait vivre et que nous désignons comme le diable. Enfin, je dis « nous »... mais on a compris que j'hésite à me mettre dans cette collectivité. J'y pense : quelle sera votre décision, à propos de la consommation future d'estragole ?

jeudi 30 novembre 2023

Bien manger, de quoi s'agit-il ?


 Il y a « manger », et « bien manger ». Jean-Anthelme Brillat-Savarin (j'ai scrupule à le citer : n'importe quel gourmand le connaît) disait que l'animal se repaît, l'homme mange, et seul l'homme d'esprit sait manger, mais je n'aime guère la citation, qui oublie la femme et qui distingue des hommes et des hommes d'esprit. Nous sommes tous d'esprit, puisque nous sommes humains, et je propose de donner à chacun la possibilité de ne pas tomber dans une catégorie trop définitive. D'ailleurs, les prétendus (ou soi disant) hommes d'esprit en manquent parfois gravement, et, d'autre part, je crois que c'est une grave erreur que de sous-estimer nos semblables. 

Bref, je préfère penser qu'il y a manger, d'une part, et bien manger. Ce n'est pas une question de classe, mais une question d'attention, et d'analyse. 

Manger, on sait ce que c'est : absorber des aliments. Bien manger, c'est quoi ? C'est manger de la géographie : que l'on se remémore la querelle du cassoulet de Toulouse ou de Castelnaudary, par exemple ; que l'on examine la consommation des grenouilles, d'un côté ou de l'autre de la Manche ; que l'on se souvienne de la France partagée en pays d'Oc et pays d’Oïl... 

Ce qui nous conduit, puisque nous parlons de temps anciens, à considérer le fait que nous mangeons de l'histoire. Un cas important est l'association du jambon cru avec le melon, qui est une réminiscence de ce temps où les humeurs étaient la garantie de la santé, où il fallait combattre le « chaud » avec le « froid », le « sec » avec l' « humide ». 

Ce n'est qu'un exemple, mais, en réalité, la quasi totalité de nos mets sont historiques ! La choucroute ? Si on la mange en Alsace, c'est parce que c'est en Alsace qu'elle a évolué, notamment avec un climat qui permettait à la fois la culture du chou et la production de choucroute. 

Ce serait bien trop long d'enchaîner les exemples, mais il suffit de penser que si nous mangeons un plat particulier, alors que d'autres (les Allemands, les Anglais, les Belges, les Chinois, les Indiens...) ne le mangent pas, c'est que ce plat a été sélectionné dans l'histoire. 

En réalité, nos aliments ne sont légitimés que par leur consommation ancienne. Nous mangeons aussi de la socialité, de la religion, de l'art... 

Bref, nous mangeons de la culture, parce que nous sommes humains... mais je propose de penser, quand même, que cette culture n'est pas une sorte d'étincelle divine, et que, au contraire, elle est un « habillage de la bête ». Le chocolat ? C'est du gras pour moitié, et du sucre pour la seconde partie. Or il nous faut du gras pour construire les membranes de nos cellules, et du sucre pour l'énergie. La viande ? Ce sont des protéines, c'est-à-dire des atomes d'azote pour la construction de nos propres protéines. Les féculents, si universels (riz, blé, maïs...) ? Ce sont des polysaccharides qui vont lentement libérer ce glucose qui est le carburant de notre organisme. 

Bref, nous mangeons de la physiologie, de la biologie, et, mieux encore, de la biologie de l'évolution. La culture me semble n'être qu'une façon de ne pas nous résoudre à être des bêtes, qui mangent, se reproduisent, échappent aux prédateurs et trouvent des proies ; une façon de ne pas admettre que nous sommes des sortes de machines qui ont besoin d'énergie pour se perpétuer... 

Autrement dit, bien manger, ce serait à la fois faire marcher la machine et lui donner le sentiment qu'elle échappe à sa condition de machine. Mais la machine a inventé une foules d'artifices (au sens littéral du terme) pour se donner le sentiment de ne pas être machine... jusqu'à l'idée de dieu, avec lequel elle entretiendrait des relations privilégiées. Nous y revenons : bien manger, c'est manger de la religion, laquelle met des limites dont l'arbitraire est souvent merveilleux.

mercredi 29 novembre 2023

A propos de pain

On m'interroge sur la chimie du pain, et voici quelques éléments de ma réponse : 

 

1. Le gluten est une matière qui peut (ou non) être sur la forme d'un réseau, et ce réseau est effectivement "viscoélastique", ce qui signifie qu'il s'écoule quand on tire dessus, mais qu'il revient sur lui-même (élasticité) quand on le relâche.

Il est formé de deux types de protéines  : LES gliadineS, et LES gluténineS.

 

2. Une protéine est un composé dont les molécules sont des enchaînements chimiques de "résidus d'acides aminés" (plutôt que d' "acides aminés").
Et pour la définition de protéine, le Modernist ne vaut pas l'International Union of Pure and Applied Chemistry  :

Naturally occurring and synthetic polypeptides having molecular weights greater than about 10000 (the limit is not precise).
See also: peptides
Source: PAC, 1995, 67, 1307. (Glossary of class names of organic compounds and reactivity intermediates based on structure (IUPAC Recommendations 1995)) on page 1361 [Terms]

 

3. Le gluten a-t-il été découvert par Jacoppo Beccari ou Jacopo Beccaria ? Pour en avoir le coeur net, rien ne vaut mon article
Hervé This, « Who discovered the gluten and who discovered its production by lixiviation? », Notes Académiques de l'Académie d'Agriculture de France/Academic Notes from the French Academy of Agriculture, vol. 3, no 3,‎ 2002, p. 1-11. DOI 10.1098/rstb.2001.1024).

Qu'est-ce qu'un produit "chimique"

 Lors d'une conférence au Lycée français de New York, Sasha m'a demandé ce qu'est un produit chimique, et je lui ai promis une réponse... distribuée à tous. 

Un produit chimique, c'est d'abord un produit, quelque chose qui a été fabriqué, produit. 

Cela dit, il y a de nombreuses façons de produire un produit. Par exemple, quand on lave une betterave à sucre, qu'on a râpe, qu'on fait infuser les râpures dans de l'eau chaude, que l'on récupère l'infusion, puis quand on évapore de cette infusion, on obtient du sucre de table. Le sucre de table est donc un produit de l'industrie alimentaire ! 

Ce produit est-il « chimique » ? C'est une question trop difficile pour commencer. Je propose donc de partir d'un produit chimique plus simple : l'eau de Javel. Cette fois, c'est un produit, puisqu'il a été produit, mais, ce qui est plus spécifique, c'est qu'il a été obtenu par une « synthèse » : à partir de divers produits, l'industrie a  obtenu un produit nouveau, avec des propriétés nouvelles. 

Parfois, lors des transformations chimiques, les modifications sont mineures, mais les modifications des propriétés sont considérables. Par exemple, quand on part de la vanilline, qui est le produit qui donne essentiellement son odeur à la vanille, on sait facilement fabriquer de l'éthylvanilline, qui donne la même odeur mais mille fois plus puissamment. 

Le sucre, pour y revenir ? La question est difficile, parce que, s'il est vrai que l'on pourrait obtenir du sucre comme indiqué plus haut, l'industrie du sucre utilise une foule de composés qu'elle ajoute au sucre pour en faire le sucre que nous utilisons. Par exemple, l'industrie du sucre ajoute au « sucre pur » (on dit « saccharose ») des agents anti-mottants, qui facilitent la séparation des grains, qui évitent la formation de « mottes ». Du coup, le sucre n'est plus un produit extrait simplement de la betterave, et il contient des composés variés. Le sucre de table est un produit qui est donc fait des produits extraits des plantes, et de produits synthétisés. C'est bien compliqué, n'est-ce pas ? 

Terminons donc plus simplement

La chimie est une science qui explore les transformations des "espèces chimiques", minérales ou organiques. Lors de son travail, elle est parfois conduite à produire des composés nouveaux. Ces composés-là sont "chimiques". 

Puis l'industrie reproduit ces synthèses, ces préparations, ces productions... Et là, ce n'est plus de la chimie. Autrement dit, l'eau de Javel fut un produit chimique la première fois qu'elle fut obtenue ; puis elle est devenue un produit d'une industrie des applications de la chimie.

mardi 28 novembre 2023

La science et ses applications

 Lors d'un récent voyage, j'ai entendu une présentation de « gastronomie moléculaire »... où je n'ai pas reconnu mon activité. Ou, plus exactement, j'ai entendu des choses fausses, ou des choses anciennes, et je ne retrouvais pas l'excitation qui est la mienne, lors de mon activité professionnelle, celle de l'exercice de la gastronomie moléculaire. 

 

Analysons. 

Pour la gastronomie moléculaire, comme pour la chimie ou la physique, il y a d'abord l'activité de recherche, l'activité de production de connaissances, par l'emploi de la méthode scientifique, cette méthode qui conduit à penser que toute théorie est insuffisante, cette méthode qui est dans la réfutation, plutôt que dans la démonstration. 

Il s'agit de recherche scientifique, à savoir une activité qui tend vers la découverte, mais la découverte d'on ne sait jamais quoi. 

Puis il y a l'activité d'enseignement, qui transmet les résultats de cette recherche. Certes, on peut imaginer qu'un enseignement des sciences soit un enseignement de la méthode scientifique, mais le fait est que, le plus souvent, l'on enseigne plutôt les résultats des sciences. 

Or ces résultats sont les « théories », lesquelles sont toujours insuffisantes, pour ne pas dire fausses. On ne doit pas s'étonner, donc, que les scientifiques qui font de la recherche scientifique soient désarçonnés par les enseignements des sciences qui sont des transmissions des résultats, plutôt que l'invitation à la mise en œuvre de la méthode scientifique ! 

Enfin il y a la vulgarisation, et, cette fois, l'emploi des équations, qui subsiste dans l'enseignement, disparaît. 

Dans son premier livre de vulgarisation, Stephen Hawkins explique que son éditeur lui avait formellement décommandé de placer la moindre équation. Car il est vrai que le langage mathématique est comme une langue étrangère : pour ceux qui n'ont pas appris le vocabulaire et la grammaire, les « phrases » (les équations) sont incompréhensibles. Il en va de même du langage de la chimie, et voilà pourquoi les vulgarisateurs sont des « traducteurs ». 

 

Il en va là de la gastronomie moléculaire comme de la physique par exemple.

lundi 27 novembre 2023

Bouger sa tête plutôt que ses doigts !

Un stage, c'est de l'expérience professionnelle... mais faut-il bouger les doigts ou la tête ? 

Les étudiants qui viennent en stage méritent des explications, parce que trop souvent, ils croient que leur travail consistera à « faire des expériences ». 

Chaque fois que j'ai proposé un sujet « théorique », à savoir la rédaction d'une publication à partir de résultats expérimentaux obtenus, ou des calculs, éventuellement théoriques, les stagiaires repoussaient rapidement cette possibilité. Pourquoi ? 

Je crois que la méconnaissance du travail scientifique est la cause de cette confusion. Pour beaucoup, faire de la science « en vrai » (dans un stage, c'est-à-dire un milieu professionnel), c'est faire ce qu'ils ont fait en TP, avec l'idée (fausse, donc) que les cours théoriques étaient les données permettant d'arriver à ce moment si merveilleux qui serait l'expérience. 

Je vois aussi, comme cause, le fait que beaucoup calculent de façon « insuffisante », fragile, et que l'expérience est une sorte de refuge où ils croient qu'ils seront en sécurité. 

Et puis, il y a parfois l'attrait pour les grosses machines : de même que les enfants rêvent de conduire de grosses voitures, certains se disent qu'ils seront des tarzans s'ils font marcher une RMN, une GC-MS… Pourtant, oui, un enfant peut conduire une voiture… mais il peut aussi aller dans le décor. Et puis, appuyer sur des boutons sans comprendre ce que l'on fait ? 

Bref, il y a bien des raisons pour détourner les étudiants de ce qui est le vrai travail scientifique, et les mettre sur la voie de l'expérience… généralement mal faite, parce que la recherche scientifique n'est pas le TP ! 

Tout d'abord, les TP manipulent des quantités visibles, alors que nous manipulons (quand nous manipulons de la matière : je répète que, le plus souvent, nous manipulons des équations) des milligrammes, à peine visibles à l'oeil nu. 

Ensuite les TP sont des séances où l'on obtient toujours un résultat, alors que 95 % du temps de science expérimentale se passe à concevoir et à mettre au point des expériences qui donneront -peut-être- un résultat dans un avenir bien plus lointain que les deux mois que durent souvent les stages. Et, d'ailleurs, le plus souvent, les expériences ne marchent pas, pour mille raisons, qui vont de la non détection de signaux trop faibles à l'absence de réactifs qui tardent à venir.
Enfin, dans les TP, on sait ce que l'on fait, parce que l'on sait ce que cherche. Dans la vraie vie scientifique, le but est la découverte ; or si l'on savait quelle découverte on va faire, ce ne serait pas une découverte, de sorte que la conclusion est claire : on ne sait pas ce que l'on cherche. 

 

Finalement, il faut absolument expliquer que la recherche scientifique est un travail essentiellement théorique : - imaginer des expériences pour tester une conséquence d'une théorie - planifier l'expérience, l'organiser dans les moindres détails - s'assurer que l'expérience a des chances de donner un résultat, soit « faire l'expérience théoriquement » avant de la faire (peut-être) en réalité, afin de savoir si les effets que l'on cherche seront visibles - modéliser le phénomène étudier, afin de savoir à quoi confronter les résultats expérimentaux. Puis : - transformer les points expérimentaux en courbes - calculer les incertitudes de mesure - chercher un modèle théorique pour relier les points - chercher des mécanismes compatibles avec les modèles trouvés Et j'en passe ! On le voit : on se trompe si l'on veut « faire des expériences » !

dimanche 26 novembre 2023

Je suis un mauvais compagnon : les savoirs anciens sont souvent périmés !

Relisant les Etoiles de Compostelle, de Henri Vincenot, j'ai été émerveillé, comme chacun peut l'être, de tout ce savoir des compagnons, lesquels auraient eu un savoir merveilleux, caché, à l'origine de ces extraordinaires cathédrales que nous admirons tous (pourquoi ? parce qu'elles donnent à voir des intentions que notre cerveau, machine à reconnaître des formes, a pour fonction de chercher à décoder ?). 

Et Vincenot de nous dire - rappelons-nous toutefois  que son livre est un roman, c'est-à-dire une invention, une fiction - qu'aucun savoir moderne ne surpasse les savoirs anciens transmis depuis des générations par des initiés. 

Transmission, initiation, savoir ancien... Tous les ingrédients sont là pour nous faire imaginer quelque chose de merveilleux. 

 

Toutefois, ayant compris récemment (voir un billet sur les médecines traditionnelles) que ce qui est ancien est le plus souvent périmé, j'ai repris le livre, et j'ai considéré en détail les pages où il est question de géométrie, sujet que j'aime. 

 

Notamment quand on considère les triangles pythagoriciens, tel celui dont les côtés de l'angle droit font respectivement 3 et 4, de sorte que l'hypoténuse a une longueur de 5, il est dit anciennement que l'angle au centre est une fraction simple de pi. L'arc tangente de ¾ est égal à 0.6435011088... ce qui n'est pas un sous-multiple entier de pi, ni de 2 fois pi. 

Et, quand on creuse un peu la question, on découvre que les bâtisseurs ajustaient toujours un peu l'angle. Il est vrai que l'on peut faire un angle de presque pi sur 7 à la règle et au compas... mais pas pi sur sept exactement, car cet angle n'est pas ce que l'on nomme aujourd'hui "un angle de Fermat". 


De sorte qu'un bon rapporteur vaux mieux qu'un savoir ancien, rudimentaire. 

En pratique, il sera difficile de voir la différence entre l'angle des bâtisseurs de cathédrale et l'angle réel, mais quand même, la manière des bâtisseurs n'est pas juste... et une erreur minime qui est répétée beaucoup de fois peut conduire à une erreur considérable : ne l'oublions pas. 

 

Cette question de la péremption des savoirs est essentielle. 

 

Oui, la péremption des savoirs ancien se retrouve dans de nombreux champs techniques. On la retrouve par exemple en médecine, où nous n'avons aucune raison de nous émerveiller des savoir anciens : acupuncture ou autre. Et je plains ceux qui croient aux "panacées", car elles n'existent pas.

La question est également  cruciale en nutrition, diététique, toxicologie : il n'est pas certain que les aliments traditionnels, fumés par exemple, soient très sains (je parle par antiphrase : en réalité, ces produits sont mauvais pour la santé !). 

La question est cruciale dans l'enseignement  : il n'est pas certain que nos méthodes pédagogiques traditionnelles soient très efficaces (taper sur les doigts avec une règle ? moi élève, je n'achète pas cette méthode). Et ainsi de suite. 


Pourtant, cette espèce de nostalgie de l'enfance qui nous afflige, nostalgie qui se transforme sans doute en la croyance en un âge d'or passé, nous empêtre à tout instant.

Bien sûr, la pensée magique y est pour beaucoup : cela serait si merveilleux que les médecines nous guérissent à tout coup, que des méthodes pédagogiques soient efficaces, et que l'on puisse quarrer le cercle. 

Quarrer le cercle ? Il s'agit de savoir si l'on peut construire un carré de même aire qu'un cercle donné à l'aide d'une règle et d'un compas. Il a été démontré, prouvé formellement, que ce problème n'a pas de solution, et, il y a plus de deux siècles déjà, l'Académie des sciences a décrété, en conséquence, qu'elle ne répondrait plus aux courriers qui lui sont adressés quand l'auteur prétend trouver une démonstration. Cela est impossible, et par conséquent, c'est une grande misère intellectuelle que d'être à la recherche de cette quadrature. 


Bien sûr, la quête est parfois plus intéressante que le résultat, mais faut-il vraiment lancer nos jeunes amis  sur des pistes dont nous savons de façon absolue, certaine, qu'elles sont des culs de sac ? Je propose, au contraire, de leur réserve  nos plus belles questions : celles dont il y a la possibilité d'une réponse utile au terme d'un travail intelligent, celles qui nous semblent fructueuses.