dimanche 26 novembre 2023

Je suis un mauvais compagnon : les savoirs anciens sont souvent périmés !

Relisant les Etoiles de Compostelle, de Henri Vincenot, j'ai été émerveillé, comme chacun peut l'être, de tout ce savoir des compagnons, lesquels auraient eu un savoir merveilleux, caché, à l'origine de ces extraordinaires cathédrales que nous admirons tous (pourquoi ? parce qu'elles donnent à voir des intentions que notre cerveau, machine à reconnaître des formes, a pour fonction de chercher à décoder ?). 

Et Vincenot de nous dire - rappelons-nous toutefois  que son livre est un roman, c'est-à-dire une invention, une fiction - qu'aucun savoir moderne ne surpasse les savoirs anciens transmis depuis des générations par des initiés. 

Transmission, initiation, savoir ancien... Tous les ingrédients sont là pour nous faire imaginer quelque chose de merveilleux. 

 

Toutefois, ayant compris récemment (voir un billet sur les médecines traditionnelles) que ce qui est ancien est le plus souvent périmé, j'ai repris le livre, et j'ai considéré en détail les pages où il est question de géométrie, sujet que j'aime. 

 

Notamment quand on considère les triangles pythagoriciens, tel celui dont les côtés de l'angle droit font respectivement 3 et 4, de sorte que l'hypoténuse a une longueur de 5, il est dit anciennement que l'angle au centre est une fraction simple de pi. L'arc tangente de ¾ est égal à 0.6435011088... ce qui n'est pas un sous-multiple entier de pi, ni de 2 fois pi. 

Et, quand on creuse un peu la question, on découvre que les bâtisseurs ajustaient toujours un peu l'angle. Il est vrai que l'on peut faire un angle de presque pi sur 7 à la règle et au compas... mais pas pi sur sept exactement, car cet angle n'est pas ce que l'on nomme aujourd'hui "un angle de Fermat". 


De sorte qu'un bon rapporteur vaux mieux qu'un savoir ancien, rudimentaire. 

En pratique, il sera difficile de voir la différence entre l'angle des bâtisseurs de cathédrale et l'angle réel, mais quand même, la manière des bâtisseurs n'est pas juste... et une erreur minime qui est répétée beaucoup de fois peut conduire à une erreur considérable : ne l'oublions pas. 

 

Cette question de la péremption des savoirs est essentielle. 

 

Oui, la péremption des savoirs ancien se retrouve dans de nombreux champs techniques. On la retrouve par exemple en médecine, où nous n'avons aucune raison de nous émerveiller des savoir anciens : acupuncture ou autre. Et je plains ceux qui croient aux "panacées", car elles n'existent pas.

La question est également  cruciale en nutrition, diététique, toxicologie : il n'est pas certain que les aliments traditionnels, fumés par exemple, soient très sains (je parle par antiphrase : en réalité, ces produits sont mauvais pour la santé !). 

La question est cruciale dans l'enseignement  : il n'est pas certain que nos méthodes pédagogiques traditionnelles soient très efficaces (taper sur les doigts avec une règle ? moi élève, je n'achète pas cette méthode). Et ainsi de suite. 


Pourtant, cette espèce de nostalgie de l'enfance qui nous afflige, nostalgie qui se transforme sans doute en la croyance en un âge d'or passé, nous empêtre à tout instant.

Bien sûr, la pensée magique y est pour beaucoup : cela serait si merveilleux que les médecines nous guérissent à tout coup, que des méthodes pédagogiques soient efficaces, et que l'on puisse quarrer le cercle. 

Quarrer le cercle ? Il s'agit de savoir si l'on peut construire un carré de même aire qu'un cercle donné à l'aide d'une règle et d'un compas. Il a été démontré, prouvé formellement, que ce problème n'a pas de solution, et, il y a plus de deux siècles déjà, l'Académie des sciences a décrété, en conséquence, qu'elle ne répondrait plus aux courriers qui lui sont adressés quand l'auteur prétend trouver une démonstration. Cela est impossible, et par conséquent, c'est une grande misère intellectuelle que d'être à la recherche de cette quadrature. 


Bien sûr, la quête est parfois plus intéressante que le résultat, mais faut-il vraiment lancer nos jeunes amis  sur des pistes dont nous savons de façon absolue, certaine, qu'elles sont des culs de sac ? Je propose, au contraire, de leur réserve  nos plus belles questions : celles dont il y a la possibilité d'une réponse utile au terme d'un travail intelligent, celles qui nous semblent fructueuses.

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