Il a fallu du temps mais ça commence à venir : de plus en plus, il est question de cuisine de synthèse (pour la technique) et de cuisine note à note (pour l'art), et l'on me demande de présenter cela, de l'expliquer, de l'enseigner...
J'y reviens : la cuisine note à note, c'est le nom donné à la forme artistique de cette cuisine de synthèse que j'ai proposée en 1994 dans un article de Scientific American.
Il s'agit de cuisiner avec des composés plutôt qu'avec les ingrédients classiques que sont les viandes, poissons, légumes ou fruits.
Bien sûr c'est une révolution et les plus classiques d'entre nous ont bien du mal à avaler cela, surtout à une période où il est question d'une toxicité prétendue des aliments qui sont prétendument dit ultra transformés.
Mais oublions les idéologies et considérons plutôt que cette forme de cuisine est la seule proposition artistique véritablement nouvelle, puisque Michel Bras cuisinait déjà des plantes sauvages il y a un demi-siècle, et que les mousses et autres émulsions ont été proposées dans le cadre de la cuisine moléculaire dès 1980.
Bref, l'art culinaire tourne en rond, et les prétendus originalités qui consistent à utiliser des herbes ou à faire des fermentations ne sont guère nouvelles. Il n'y a qu'une nouveauté en cuisine : la cuisine note à note.
Or c'est là que je vois du mouvement : environ depuis le mois de septembre 2023, je reçois des demandes d'associations de cuisiniers, d'instituts de formation, et cetera, pour que j'aille expliquer cette cuisine de synthèse, cette cuisine note à note.
Je me réjouis évidemment parce que je pense qu'il y a un terrain extraordinaire de développement de l'art culinaire. Évidemment, je ne peux pas répondre à toutes les demandes, mais qu'importe, tout avance bien, tranquillement, à son rythme, et, ayant déjà eu l'expérience de la cuisine moléculaire, qui avait mis 20 ans à s'imposer, je ne suis pas impatient : viendra le temps où la cuisine de synthèse s'imposera également à côté de la cuisine moléculaire, et à côté de cuisine plus classique.
Je prédis ici solennellement qu'avec l'avènement de la cuisine de synthèse, il y aura d'extraordinaires et virulentes critiques, par des journalistes ringards ou malhonnêtes qui s'empareront de la chose pour vendre du papier.
Mais là aussi, j'ai déjà l'expérience et mon cuir s'est durci de sorte que ces gens peuvent toujours causer : le développement de la cuisine de synthèse ou note à note continuera son petit bonhomme de chemin.
Après tout, il ne faut pas oublier que je n'ai rien à vendre et que je ne cherche pas une notoriété que j'ai déjà et dont je me moque : c'est mon travail scientifique qui m'intéresse.
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