mercredi 19 avril 2023

Je reformule une question pour y répondre

Je reçois la question "Qu’est-ce que l’amylose-lipide complexion ?".

Dit ainsi, cela n'a pas de sens, mais vue la structure de la phrase et vus les éléments qui la composent, je pense que la question devrait être : "Qu'est-ce que la complexation des lipides par l'amylose ?".

Faisons-en l'hypothèse, et répondons à cette nouvelle question, qui, elle, a un sens. Et, pour commencer, examinons les divers éléments.

Les lipides, ce sont... les lipides : il s'agit là d'une catégorie de composés très vaste, très hétérogène : des composés hydrophobes (pas solubles dans l'eau) des aliments.
Ainsi, dans les huiles, les composés présents sont essentiellement des "triglycérides" : ce sont des lipides. Autre exemple : les cellules vivantes sont limitées par des membranes qui sont composées par des molécules de lipides : des "phospholipides".
Et l'on pourrait citer d'autres lipides tels que le cholestérol, les acides gras, et cetera.

D'autre part, l'amylose est un des deux principaux composés des grains d'amidon. Mais prenons la chose à rebours : la farine broyée libère de petits grains blancs, qui sont des "granules d'amidon".
Et ces granules  sont de petits grains durs, insolubles dans l'eau et  formés de couches concentriques, comme des cernes d'arbres.
Chaque couche est faites de molécules de deux sortes : des molécules ramifiées (comme de petits arbres) et des molécules linéaires. Les molécules ramifiées sont l'amylopectine, et les molécules linéaires sont l'amylose.
 
Enfin, la complexation (et non pas la complexion) est l'attachement d'une molécule à une autre, sans qu'il y ait de réaction chimique.

Avec ce bagage nous pouvons maintenant répondre à la question initiale...
 

Oui, nous pouvons répondre... à condition de savoir que les molécules d'amylose se mettent en hélice quand elles sont dans l'eau : la partie centrale est hydrophobe, et de petites molécules hydrophobes peuvent s'y loger.

C'est ainsi que certains lipides peuvent se mettre dans les hélices d'amylose (à condition d'avoir une petite taille).
Et cette complexation est la raison pour laquelle les sauces "bâtardes", avec de la farine, ont moins de goût : les composés odorants peuvent être complexés par l'amylose.
Etant complexées par l'amylose, les molécules de ces composés odorants ne sont pas libres de venir monter vers le nez (par les fosses rétronasales, entre la bouche et le nez), et stimuler les récepteurs olfactifs. Il y a moins d'odeur, donc moins de goût.


Eloge de la technologie

 Une sorte de paradoxe que de faire l'éloge de la technologie le dimanche, alors que la technologie est le métier de l'ingénieur, dont le nom a la même étymologie qu' "engigner" : le diable, raconte-t-on, engigna la mère de Merlin l'enchanteur, en vue de faire un pendant à Jésus Christ, de faire un fils qui perdrait l'humanité (mais un prêtre présent baptisa l'enfant à la naissance, de sorte qu'il perdit sa "malice", ne gardant que des pouvoirs surnaturels.

 Vive la technologie ? La technologie permet la réalisation de l'utopie qu'est la science quantitative. 

D'accord, mais plus précisément ? La technologie, c'est l'activité  qui cherche à appliquer les sciences quantitatives pour perfectionner les techniques. 

C'est un métier très particulier, et très extraordinaire puisqu'il transforme des connaissances en objets nouveaux du monde. 

Ces temps-ci, une partie frileuse du public refuse les avancées technologiques, les innovations techniques (et, même,  frémit à l'idée que la science poursuive son travail). Pourtant ces mêmes frileux utilisent des ordinateurs, des voitures, prennent le train, l'avion,  se brossent les dents avec des dentifrices dont ils ignorent tout de la constitution (pourtant bien perfectionnée par la technologie), portent des lunettes dont les verres sont des chefs-d'œuvre techniques... 

Oublions donc ceux-là pour le moment et concentrons-nous sur la technologie. Elle doit être un état d'esprit,  comme je vais essayer de le montrer avec un exemple personnel. Un exemple qui a l'inconvénient d'être personnel (pardon, le moi est haïssable), mais qui, de ce fait, a l'avantage d'être attesté (alors que beaucoup de ce que l'on entend est douteux, de seconde main, etc.). 

Cela se passe dans les années 1980 :  ayant compris que les protéines sont d'excellents  tensioactifs, qui permettent donc de faire des émulsions,  je vois une feuille de gélatine sur ma paillasse, au laboratoire. La gélatine ? C'est une matière faite de protéines. Peut-on  donc  faire une émulsion à partir d'eau, de gélatine et d'huile ? L'expérience n'est ni difficile ni longue,  et la réponse est immédiatement donnée : on obtient une émulsion. Toutefois on n'a pas fait là une grande découverte scientifique, et une saine méthode scientifique doit nous pousser à quantifier les phénomènes, en l'occurrence à caractériser quantitativement l'émulsion. Un microscope fut donc utilisé : apparurent des gouttelettes d'huiles dispersées dans l'eau. Sur de telles images, les molécules de gélatine n'apparaissent pas, évidemment, mais on sait  (pour 1000 raisons chimiques) qu'elles sont soit aux interfaces, soit dissoutes dans l'eau. Où sont-elles ? Il faut passer du temps à cette question, répéter l'expérience, regarder,  regarder encore et... ... soudain, on voit deux gouttelettes d'huile voisines fusionner, puis deux autres, deux autres,  et ainsi de suite, mais contrairement à une coalescence telle qu'il s'en produirait si l'on avait fouetté de l'huile dans l'eau pure, la coalescence particulière des émulsions d'huile dans l'eau stabilisées par de la gélatine cesse de coalescer à partir un certain moment. 

 Pourquoi ? Parce que l'émulsion est prise dans un gel physique. Une émulsion prise dans un gel  physique ? Et si l'on en faisait de la cuisine ? Cela, c'est mon invention des « liebigs » (du nom du chimiste allemand Justus von Liebig, évidemment). 

Remplaçons l'eau par un liquide qui a du goût, ajoutons  de la gélatine, ou tout autre composé qui permettra à la fois une émulsification et  une  gélification physique, utilisons de l'huile ou tout  autre corps gras sous forme liquide, et nous pourrons reproduire l'expérience, obtenir une espèce de sauce nommée liebig, un nouveau système, tout comme l'ont été mayonnaise,  crème fouettée,  parmentier, caramel, etc.. 

 

Moralité : les liebigs  sont une préparation nouvelle, maintenant bien comprise, fruit d'un transfert technologique. Il résulte de ce moment particulier  où l'on s'est demandé : "et en cuisine, qu'est-ce que cela donnerait ?" Ce moment particulier n'est pas un moment scientifique, mais un moment technologique. Vive la technologie !

mardi 18 avril 2023

On enseigne "les sciences" ?

  Dans  les collèges, dans les lycées, dans les universités et les grandes écoles,  on enseigne « les sciences », ou, plus exactement, on prétend enseigner les sciences. 

Les sciences ? Vraiment ? 

Considérons la physique : par exemple  les résultats d'électromagnétisme. L'activité scientifique consiste à chercher des mécanismes des phénomènes. De ce fait, un enseignement scientifique, véritablement scientifique, consiste  à enseigner aux étudiants à chercher les mécanismes, et non à gober les résultats obtenus précédemment. 

 

Un  enseignement de la science doit donc se focaliser sur les méthodes qui conduisent aux mécanismes, et non seulement aux résultats obtenus dans le passé. 

On comprend donc qu'une approche historique, avec sa composante analytique, est essentielle dans un enseignement des sciences. 

Supposons maintenant  que pour des raisons variées -contraintes de temps,  par exemple- on  soit conduit à n'enseigner que les résultats. Pourquoi ferait-on cela ? Parce que l'on souhaiterait,  évidemment,  que les étudiants aient la connaissance de ces résultats, sans quoi il serait bien utile de l'enseigner, vu la masse des connaissances qui méritent de l'être utilement. 

Si les étudiants  doivent donc  connaître des lois, des mécanismes, c'est pour en faire usage. Non pas un usage scientifique, car là, ces résultats sont un peu inutiles, vu que, ce qui compte, c'est d'obtenir des résultats, non pas les connaître. 

Il faut donc conclure que, dans ce second cas, l'enseignement vise à donner une connaissance de lois qui seront appliquées, utilisées. Là,  on arrive dans la technologie. On conclut donc que, dans ce second cas, on effectue un enseignement technologique et non scientifique. 

Faudrait-il donc parler de « physique pour la technologie », par exemple, ou simplement de technologie ? 

 

Évidemment, le monde réel est plus complexe que le monde idéal, et l'on trouve dans la même classe des élèves qui se destinent à la science quantitative  et d'autres qui se destinent à la technologie, par exemple, ou à la technique, etc. Les enseignements sont donc nécessairement hybrides, mais vu le nombre de futurs scientifiques et le nombre de futurs ingénieurs, technologues, techniciens, il serait sans doute bon de ne pas être trop prétentieux, et de dire clairement que  les enseignement  que nous nommons actuellement scientifiques sont en réalité des enseignements technologiques. 

 

Mais il y a la question politique  ! 

 

La, on tient compte de faits externes, à savoir qu'il faut renouveler les populations des scientifiques, ingénieurs, techniciens. Il y a  aussi le fait que  les étudiants aspirent à « faire carrière », à avoir des emplois auquel tous ne pourront accéder,  vu leurs « capacités ». 

Que l'on me comprenne bien :  je ne dis pas qu'un individu ne puisse, à force de travail, parvenir à des résultats, bien au contraire (labor improbus omnia vincit) ! Je dis seulement  que, dans la vraie vie, il y a des étudiants qui ont un véritable amour de la connaissance, d'autres qui se cultivent en vue d'obtenir une situation qui leur fera gagner beaucoup d'argent, et, donc, qui se moquent des résultats scientifiques ; il y a ceux qui, en raison de leur environnement familial, culturel, social, ont plus de facilités à se concentrer, travailler, étudier, et il y a les autres, qui ont plus de mal (je me souviens d'étudiants d'étudiants qui, devant travailler -pour payer leurs études et pour vivre- pendant la nuit, avaient du mal à ouvrir les yeux dans la journée). 

Je dis donc que  la vie est bien difficile, et que nos  systèmes d'enseignement, recevant des étudiants en très grand nombre, n'ont pas le temps ni les moyens  de se consacrer autant qu'ils le pourraient à l'élévation de chacun. 

Inversement, je n'oublie pas non plus une certaine veulerie dont nous sommes tous plus ou moins affligés, qui consiste à regarder la télévision alors que l'on pourrait se plonger dans un livre de calcul différentiel et intégral ; je sais que, le soir, certains trouvent plus facile de lire un roman minable que d'explorer les mécanismes des réactions chimiques (et je ne suis pas blanc !). 

D'ailleurs, les raisons de ces comportements sont à analyser. Tout comme l'état d'esprit à propos des « vacances » : quand j'entends « je vais me vider la tête », j'ai toujours tendance à me demander s'il ne voudrait pas d'abord la remplir, et à la remplir de choses belles, de connaissances qui font grandir au lieu d'avilir. Panem et circenses, du pain et des jeux : l'idée n'est pas nouvelle, et l'on peut sans doute considérer qu'elle perdurera. Pour autant, on peut aussi espérer que beaucoup d'enthousiasme public, manifeste, pour la connaissance permettra à un nombre croissant  d'entre nous de nous améliorer l'esprit, régulièrement. Nous améliorer l'esprit ? 

 

Terminons ce billet en évoquant Michael Faraday, orphelin de père à 11 ans, enfant d'une famille extrêmement pauvre, qui, en plus de son travail, allait une fois par semaine dans un club d' « amélioration de l'esprit ». Cela est possible, et les exemples de ce type doivent absolument être montrés à tous. Ne laissons pas la poussière du monde nous ensevelir ! Vive la connaissance produite et partagée ! 

 

PS. Evidemment, comme on ne doit pas être insensé au point d'être assuré de ses propres certitudes, je continue à m'interroger : enseignons nous vraiment les "sciences", notamment dans le Second Degré ? Faut-il continuer à nommer les enseignement : physique, chimie, biologie ?

lundi 17 avril 2023

Pas de religion, pas de politique, pas d'armée à table

Pardon, mais aujourd'hui, je touche à un sujet terrible : la religion (dans les dîners bourgeois des siècles passés, il était exclu de parler de religion, de politique et d'armée à table). Je sais que je suis souvent incorrect, de sorte que je vais faire de mon mieux. 

 

Il est souvent déclaré que science et religion ne peuvent s'accorder. Certes, les mesures de l'âge de la Terre par les géophysiciens réfutent les indications de la Bible, par exemple, et  d'autres résultats scientifiques réfuteront le Coran, le Talmud, les légendes bouddhiques,  les Védas... 

 

Doit-on donc considérer que science et religion sont très opposés ? Posons la question plus crûment  : peut-on  être croyant et  faire de la recherche scientifique ? 

 

La question n'a pas grand sens, puisque je connais des scientifiques croyants ;  la réponse est donnée, en pratique ; le noeud gordien est tranché.

Toutefois, la question de la nature de la réconciliation demeure : comment concilier  les deux champs alors qu'ils semblent bien inconciliables ? Doit-on refuser les résultats des sciences qui s'opposent aux textes religieux? Ou, au contraire, refuser les textes religieux qui sont réfutés par les sciences ? Ou encore se détacher de la littéralité des textes pour se mettre à les interpréter ? 

L'abbé Lemaître, qui fut un excellent cosmologiste, avait dû considérer cette question, et, notamment la position de l'église chrétienne vis-à-vis de Galilée, dont un pape, infaillible donc, avait déclaré que les idées étaient hérétiques. Alors que faire ?  L'abbé Lemaître avait agité cette question en tous sens, et il avait finalement considéré qu'il y avait la religion d'un côté, la science de l'autre, et que la science ne pouvait rien dire de la religion ni la religion de la science. 

C'était une façon de botter en touche. Je crois plus utile de rappeler  que Michael Faraday,  un des plus grands physico-chimistes de tous les temps, était profondément croyant, mais, plus encore, il était sandemanien : cette secte considérait que la Bible est juste  dans sa littéralité. 

Là, les contorsions du style de celle de l'abbé Lemaître ne valent plus rien. Comment faire ? La réponse est donnée dans une position vis-à-vis du monde :  Dieu (qu'il s'agisse de celui des Juifs, de celui des Chrétiens, de celui des Musulmans, etc.) aurait donné  deux messages à l'humanité  : la Bible (le Coran, le Talmud, etc.) et la nature. Pour comprendre la parole de Dieu, les hommes et les femmes ne pourraient faire mieux que de lire la Bible (le <em>Coran</em>, le Talmud, etc.) et d'aller explorer la nature, c'est-à-dire se lancer dans la recherche scientifique. 

Faraday considérait-il que la littéralité du message de Dieu qu'il fallait accepter était celle de la nature ?

dimanche 16 avril 2023

Vous avez dit "recherche"

 

 En  sciences, en technologie, en technique, et ailleurs, il y a ce mot « recherche ». 

C'est un mot merveilleux, bien sûr :  au lieu de se contenter passivement de ce que l'on a, on fait l'effort de l'activité, et l'on cherche, plutôt d'ailleurs qu'on ne recherche, autre chose, sous-entendu quelque chose « de mieux ». 

De nombreux métiers sont l'occasion de faire de la recherche, mais, je ne sais pourquoi, les sciences de la nature se sont un peu accaparé ce mot, au point que l'on ne spécifie même plus  "recherche scientifique ». 

 

La recherche serait-elle l'apanage de la science,  et de la science quantitative en particulier ? Non ! 

 

Il y a de la recherche presque partout. La technologie, d'ailleurs, est par définition de la recherche : observons le mot  grec logos qui fait le suffixe. 

La technologie est la recherche  d'améliorations de la technique. Autrement dit,  quand les étudiants en sciences de la nature et en technologie déclarent vouloir se diriger vers de la recherche, cela semble bien naturel. 

Les techniciens peuvent-ils  faire la recherche ? Si le technicien cherche à améliorer la technique, il fait de la technologie, de sorte que la technique semble être condamnée à être exclue du domaine de la recherche.

 Pourtant,  les techniciens ont parfaitement le droit d'être intelligents, bien évidemment, d'être actifs, de ne pas être des machines. Confucius disait d'ailleurs que l'homme n'est pas un ustensile ; contrairement à une cruche, il n'a pas une seule fonction, mais plusieurs. 

Autrement dit,  la technique n'a pas d'intersection avec la recherche,  mais les techniciens peuvent faire autant de recherche qu'ils veulent (d'ailleurs, ne peut-on être technicien ET musicien, scientifique ET potier, etc.) 

 

Pour les sciences de la nature, le problème est inverse, d'ailleurs pour la technologie aussi. 

Cette fois, c'est une sorte de pléonasme que de parler de recherche scientifique ou de recherche technologique, puisque les sciences quantitatives sont par définition une recherche, la technologie aussi. 

A ce sujet, il me faut répéter ici qu'un pléonasme n'est pas une faute, ou une erreur ; c'est une  répétition voulue, contrairement à la périssologie, qui, elle, est un pléonasme fautif. Descendre en bas, monter en haut,  une obscurité bien sombre... Il y a là du pléonasme, qui, si l'on est négligent en parlant ou en écrivant devient une périssologie, mais le poète peut en faire des éléments de la beauté. 

 

 Vive  la recherche !

samedi 15 avril 2023

La première semaine de septembre prochain, nous accueillerons à nouveau des étudiants, venus du monde entier, pour le Master Erasmus Mundus Food Innovation and Product Design... en même temps que nous remettrons les diplômes à la  promotion sortante. 

Cette semaine sera bien pleine. Il y aura notamment un "FIPDes Day", avec des conférences, des présentations d'étudiants... 

Et je peux difficilement faire mieux que vous donner ici l'introduction d'un livret réalisé il y a quelque temps : 

 

Welcome to the  FIPDes Day!

This wonderful adventures of FIPDES began some years ago. Let me tell you the story. Once upon a time, there were students from all over the world who wanted to study in the field of food, cooking, science, innovation... At that time, the link between sciences and culinary creativity had been more broadly recognized, and  it was clearer that this link was important for the food industry; within the food industry, and in the public, it was felt that food engineers really needed some understanding of the three components of food : technique, art, social link. 

 

Students wanting to learn? Wonderful!  Students ready to cross the world to get a first class education in food engineering?  

Obviously an answer was needed. And this is how the four core partners of FIPDes met. All of them  were facing the same question, and it was felt that each of the four partners could contribute with specific, and complementary forces to a first class educational programme. It is quite remarkable that within two proposals only, the European Community accepted our common programme. This could even be considered as a sign for something important. 

By the way, building this programme was (and still is) really enthousiastic, because it's an answer to the French writer Antoine de Saint-Exupery, who said once : « If you want to create harmony between men, make them do something together ». In order to create this Erasmus Mundus Master Programme, we had to overcome our idiosyncrasies, our cultural particularities, our individuals tastes for science, or for technology, or for technique... 

We have to be open to an « international culture », and this is clearly a big advantage for FIPDes  students : instead of being trapped in one particular food culture, they are now exposed to very different ideas. It is not a scoop to say that the food in the north of Europe is not the same as in the south, not only in terms of particular food items, but also in terms of relationship of the human beings and food. There is no such place as FIPDes for the giving to students an open view on food. 

What is « good food » ? French people would consider frogs and snails along with stincky cheese, whereas Italian would put much emphasis on different qualities, such as the freshness of vegetables, they would insist on oil, but Irish or Swedish would on the contrary insist on butter, milk, cream, fish, smoked products... Imagine the students in the middle of this : they can be fully aware of the specific qualities of food ingredients, in order to build more universal good food. In the army, it  was frequently said that sailors were more « intelligent » than other soldiers, because they could see more countries and cultures. 

The same for the FIPDes students, which, on top of this advantage, come from all over the world ! The multicultarily of the team is not only from teachers, but also from students ; students who live together for two years, having the feeling that they make a very particular group, being heavily selected before coming... and one should never repeat enough that the quality of institutions is based on the quality of the individuals making the group. 

 

Why a FIPDes Day ? 

FIPDes being created, we had the pleasure to get the first students in September 2012. But remember that FIPDes is very peculiar, and the partners do all that they can to improve the curriculum. Simply giving a diploma ? This would be rather dull. No, instead, we had the feeling that top engineers had to behave differently, more actively, and this is how this FIPDes Day was created.

Of course, in a family, there are different points of view, and this is what makes the family life pleasant. Within the FIPDes context, the various groups are the students, the teachers, and the various partners, from the industry or from the academy. A « feast » had to be entertaining for all ! 

For FIPDes, we have the idea that sciences and technology is the main thing, so that a feast should be focused on this. We also have a passion for results, not only words, which is why we decided that results should be shown. And as students had made projects, during their two year curriculum, why not propose them to explain what they did ? 

Here, it's probably the best place to repeat that an idea in a closed cabinet is not an idea. An idea becomes an idea only when it is implemented, shared, distributed, patented, sold, exchanged, used, improved... and this means that communication is a key factor of the education of top engineers. A feast, in the FIPDes context, had to be a day with a lot of ideas exchanged, and this is how the programme of the day was built. Sharing, sharing, sharing... At FIPFes, we have a dream : imagine a table (being systematic, isn't it a key advantage for engineers), with rows called « students », « industry partners », « academy », « teachers », « administration »... and the same for columns, and imagine that we make a cross in the cells when the two parts are discussing (on food science and technology, on food innovation and product design). We shall be proud if we succeed putting crosses in all cells of the table. 

By the way, I know that it is useful to discuss somehow the words « science », « technology », « technique ».  The last one, first, is of the utmost importance, because « technique » comes from the Greek techne, which means « to do » ; and it's true that no food exist when it is not produced. However, this is done by technicians, not engineers. For engineers, they have to practice technology, which means the improvement of technique, using science or not. Some years ago, I proposed to call these two kinds of technology « global », and « local ». 

Science ? Indeed this means only knowledge, and we shall distinguish clearly among the different kinds of sciences. There are sciences for humans and for societies, and there are «  sciences of nature », i.e. physics, physical chemistry, biology... For example, molecular gastronomy is a  science of nature, not technology, not cooking (in particular, it should not be confused with « molecular cooking », or with « note by note cooking », as we shall see later). 

Sciences of nature ? Their method is known, since Francis Bacon (to put figures everywhere) and Galileo Galilei (make experiments, think that the world is « written » in mathematical language). Indeed the whole method lies in : (1) observe a phenomenon ; (2) quantify it ; (3) summarize the data into synthetic laws ; (4) look for the mechanisms behing the laws ; (5) test the experimental consequences of the theory, in the hope that you will find how it is wrong. Indeed, this last characteristic of quantitative sciences can make us very optimistic about innovation : as science will have no end, always improving, it will bring new knowledge, of which talented engineers will make innovation. Yes, we can have faith that science will give the basis for innovation at all times... and this is why our educational programmes at FIPDEs should be always linked to the more modern scientific knowledge. 

Excellence, creativity, innovation... At this point, we have to discuss the question of excellence, because this word is in every mouth, those days, in the academic circles as well in the industry. In the end, nobody trusts the word... but if we don't say it, about FIPDes, we have the risk to be considered as less than others. And we are not, on the contrary. I know that teachers and students together do their best, in order to make a lively community of knowledge and skill ! I know that the FIPDes students are strongly selected, among hundreds of candidates. I know that their educational programme is very full. 

But all this are words. The best demonstration of the excellence of FIPDes is to be given during the FIPDes Day : the proof of the cake is in the eating. Here, there should be two demonstrations : one about the content, and one about the communication skills. Are not engineers specialists of working in teams, of dealing with the complex human material. Of course, technical skills are important ; of course scientific knowledge is the firm ground on which technology can rise, but humans, wonderful humans... If we want to built a boat, let's learn to dream about the infinite sea...

Finally, I would like to insist, about the « engineer ». Remember that Leonardo da Vinci was of this kind, always considering possibilities in the world, always trying to understand, in order to do ! For example, how could he draw trees better than others ? He analyzed that the sap was a liquid, and that liquids cannot be compressed : the rate of sap before the separation of two branches should be equal to the sum of the rates in each branch, and this leads to a particular law, in terms of diameters of the branches, on pictures. He could spend hours behind a bridge, just looking at the vortices of water, in order to understand how to represent them, i.e. trying indeed to understand liquid flows, are the visual representation is one key component of understanding in general. 

Concerning innovation, also, the world is sometimes worn. But for us, at FIPDes, it is not. It's not a sole word, but also methods, a certain way of thinking... For innovation, one needs culture, and more precisely a culture of innovation. Of course, very modern courses are needed, as this particular example shows. Imagine that you teach the «laws » of sedimentation and creaming, so important in the food industry. If you just explain how to solve the equations of motion, you teach a knowledge of the XIXth century, and the innovation that one can base on it would be XIXth century technology. If you decide to teach statistical physics, instead, then you reach Xxth century technology... but if you teach some results obtained after Boltzmann, i.e. quantum mechanics and numerical methods, then you move into the XXIrst century, and this is what we have to do. In this case, students can have the basis for real innovation. Education should be linked to lively scientific research !

Of course, today, engineers have to know a good deal of science, but they need more, for sustainability is a key issue. Moreover, companies are no longer run as before. There are new challenges, and we have to envision the future with more intelligence than by sticking only to technical questions. 

In this regard, it's important to recognize that food is not only nutrients, but also  has an art component, as well as a social one. The FIPDes community is clearly recognizing this, and we have faith that, all together, with the specific intelligence of all, from students to teachers, including administration, partners, we can envision a bright future about food !

vendredi 14 avril 2023

La cuisine abstraite

 Dans les courants culinaires que j'essaie de créer, il y en a un,  la cuisine abstraite, qui n'a pas encore trouvé son heure. 

De quoi s'agit-il ? On le comprend facilement si l'on en revient à la peinture abstraite. 

Dans le temps, les peintres étaient figuratifs : ils représentaient les objets, les personnages, les montagnes ; ils peignaient  les arbres, les fleuves, les animaux... Puis, progressivement, ils apprirent plus explicitement que par le passé à projeter dans leurs représentations des idées variées. Et,  dans les années 1910, il y eut  une révolution, à savoir qu'un génie nommé Kandinsky proposa de ne plus représenter, du moins représenter tel qu'on le verrait en ouvrant simplement les yeux, de faire sentir. Des points, des lignes, des plans, du blanc, du jaune, du rouge, du bleu... Formes et couleurs... Il s'agissait utiliser ces éléments pour donner à sentir, à penser, et ce fut le grand développement de la peinture abstraite. Et en cuisine ? 

 

Qu'est-ce qui  retient les artistes culinaires de faire de même ? Pour l'instant, on en est resté à des idées très archaïques, exprimée par le critique culinaire Curnonsky dans cette phrase célèbre et un peu bête : « les choses sont bonnes quand elles ont le goût de ce qu'elles sont. » 

C'est exactement l'opposé de la cuisine abstraite, c'est du figuratisme, et c'est une règle, c'est-à-dire l'opposé de l'idée de l'art.  Avec Curnonsky, la cuisine est assignée à rester un siècle derrière la peinture. Je propose que nous évoluions, que les jeunes cuisiniers se mettent au travail pour explorer cette cuisine abstraite. Ils devront avoir comme mission, comme idée,  de ne pas faire sentir la tomate, la courgette, l'agneau, la langoustine... 

Partant d'ingrédients classiques ou  modernes, ils devront susciter des sensations en évitant de donner des goûts reconnaissables. 

 

A ma connaissance, Pierre Gagnaire est le seul qui ait pratiqué cet art,  avec des recettes d'ailleurs étonnantes de simplicité, ce qui tendrait à prouver que la cuisine abstraite n'est pas difficile. 

Là pourtant, je me reprends, car l'utilisation d'ingrédients classiques pour faire de la cuisine abstraite, s'apparente à la marche sur un chemin de crête aussi étroit qu'une lame de rasoir (j'exagère). 

Considérons par exemple un plat abstrait qui mêlerait  de la rhubarbe et des langoustines ; un peu trop de rhubarbe, et l'on sent la rhubarbe, mais un peu trop de langoustines et l'on sent la langoustine. 

Je n'ai pas théorisé la cuisine abstraite, mais il me semble que l'ajout d'un troisième ingrédient au moins s'impose, afin de créer une autre dimension, telle celle qui fut employée par le graveur néerlandais Maurits Escher, ou  par les musiciens Shepard et Risset. 

 

Mais je m'arrête, car nous voulions analyser plus en détail la cuisine abstraite, il faudrait bien plus qu'un billet de blog. Pour ceux qui sont intéressés, je signale un chapitre de mon livre Mon histoire de cuisine à propos de « l'exploration de la cuisine ».