dimanche 20 novembre 2022

Un "diplôme d'honneur"

La Fondation Cordon bleu me remet un "diplôme d'honneur" : c'est bien. 

Mais, ce qui est mieux, c'est le libellé que je trouve sur le diplôme : 

en remerciement de ses compétences, sa passion, sa bienveillance à la recherche du savoir et de la transmission


Cela étant, me remercier de mes compétences, pourquoi ? de ma passion : pourquoi ? 

En revanche, j'aime beaucoup la "bienveillance à la recherche du savoir et de la transmission". Je ne sais pas si c'est ce que j'aurais fait figurer, mais je le prends avec reconnaissance.




samedi 19 novembre 2022

Juxtaposition

Pour donner du sens, il faut donner des « formes gustatives » à reconnaître. Juxtaposer deux goûts, c’est aussi tendre au convive une sensation (le heur des deux goûts) et une question : pourquoi l’artiste a-t-il précisément voulu cette juxtaposition ?

 

J'ai fait une proposition d'innovation à mon ami Pierre Gagnaire : 


 

Mon cher Pierre,

 Nous avons vu, le mois précédemment, comment le cuisinier jouait des concentrations en molécules aromatiques ou sapides.
Il donne un sens au met, fait œuvre, en jouant seulement de la concentration des molécules du goût, tout comme le musicien équipé d’un seul tambour peut déjà tenir sa partie, variant seulement le rythme avec lequel il frappe la peau tendue. En peinture, le rythme serait analogue à la répétition spatiale d’une couleur : pensons à des bandes de largeurs et d’espacement différents.

 

Toutefois, le rythme peut s’enrichir du son, le tableau de diverses teintes. Le plat, aussi, peut réunir des goûts variés qui évitent la monotonie du monochrome. A l’arrangement spatial s’ajoute le contraste, si important en peinture que le chimiste Michel-Eugène Chevreul engendra une école de peinture, néo-impressionniste, quand il découvrit que le voisinage d’une couleur modifie la couleur adjacente : par exemple, le bleu foncé semble jaunir le blanc voisin, en raison d’un phénomène visuel inconnu à l’époque de la découverte de la « loi du contraste simultané des couleurs » (la loi de Chevreul), mais bien exploré depuis.
Bref, le contraste a ses lois, et le contraste culinaire, notamment, mérite d’être exploré.

 La suite se trouve ici : https://pierregagnaire.com/pierre_gagnaire/travaux_detail/78

vendredi 18 novembre 2022

 Inventer des plats par le calcul : l’exemple des Faraday



Un calcul qui reprend les idées de ce génial chimiste qu’était Lavoisier permet d’inventer des préparations nouvelles en nombre infini. Expérimentons, pour savoir que le futur nous réserve.

 
Voici un de mes textes qui figurent sur le site de Pierre Gagnaire :
 

Mon cher Pierre,

Inventer des plats par le calcul Les physiciens étudient depuis longtemps les « colloïdes », c’est-à-dire ces objets étranges que sont les émulsions, les mousses, les gels… Ni complètement solides, ni liquides. Le physicien français Pierre-Gilles de Gennes est un remarquable spécialiste… au point que le mot de « colloïde » a été remplacé par « matière molle », ou par « systèmes dispersés ». Il suffit de considérer une gelée de gélatine, une confiture (ce sont ce que les physiciens nomment des gels) pour comprendre pourquoi on parle aujourd’hui de matière molle, mais pourquoi systèmes dispersés, d’autre part ?

 

La suite sur https://pierregagnaire.com/pierre_gagnaire/travaux_detail/79

jeudi 17 novembre 2022

Tenir le probable pour faux jusqu'à preuve du contraire

 
Le monde bruit, ne cesse de bruire, parle, parle encore, parle parfois sans autre raison que parler, que d'établir des relations sociales qui satisfont la grégarité codée dans l'ADN humain.

Le café du commerce en est la plus évident manifestation : c'est là que l'on va pour causer. C'est là que se retrouvent les isolés, les en mal de socialité, plus qu'en mal de boissons... sauf évidemment quand, à force de fréquenter ces "débits", ils sombrent, auquel cas leur discours devient non seulement insensé, mais incohérent.
Bien sûr, il y a des cas où l'on y va pour... causer, à savoir se retrouver, mais aussi se trouver, et c'est la nouvelle pratique urbaine de l'après travail, qui déborde sur le trottoir.
Je ne juge pas, mais j'observe.

Et j'observe souvent que, quand on parle, dans ce type de circonstances, c'est rarement sur des bases solides, le plus souvent sur des opinions que sur des idées... et je ne crois à rien de ce qui m'est dit puisque l'on ne me donne pas de référence.
Oui, là plus qu'ailleurs, il y a lieu de ne pas croire ce que l'on nous dit.

D'ailleurs, j'observe aussi que, sur le comptoir, traîne le quotidien courant, qui forge les opinions, qui prétend "informer". Tout comme le poste de télévision qui s'est maintenant introduit. Là encore, on me dit des tas de choses... à propos desquelles je ne peux m'empêcher de poser la question pernicieuse suivante : avant de recevoir l'information que l'on veut me donner, pourquoi veut-on me donner cette information ? qui y a intérêt ? et quel intérêt ?
Car je n'oublie pas que la presse veut d'abord vendre de l' "information", et le plus possible. Raison pour laquelle les marchands de peur s'y intéressent, tout comme les idéologues.
D'ailleurs, j'observe que, là encore, les "références" manquent cruellement : au fond, qui me prouve que ce que la presse me dit est faux ? J'ai d'autant plus de doutes que, un jour, alors que je téléphonais à un ami, il me félicitait d'être en train de donner un interview... à un journaliste que je n'avais rencontré. Et tout cela à la télévision ! Comme je ne le croyais pas, il a mis le téléphone près du poste, et je me suis effectivement entendu répondre à des questions qu'un journaliste me posait, alors que je n'avais jamais entendu ces questions de vive voix, ou même de loin. Et mon ami, alerté, a alors bien vu que nous n'étions jamais ensemble, le journaliste et moi : il y avait un plan sur le journaliste posant, la question, puis un plan sur moi répondant, et ainsi de suite : l'interview avait été créé de toutes pièces, à partir d'archives télévisuelles.

Bref, je ne crois plus la presse, je ne crois pas le gars du bar, et je ne crois pas non plus les professeurs quand ils ne me donnent pas la preuve que ce qu'ils me disent est juste. Je ne crois pas les manuels d' "enseignement" quand ils ne sont pas assortis d'autant de références, de justifications, que d'idées qu'ils avancent.

Et c'est la raison pour laquelle, moi-même, je dois à mes jeunes amis de justifier ce que j'avance, et, mieux encore, de leur montrer qu'il y a lieu de ne jamais rien accepter sans justification, sans référence.

Une de mes inventions : les debyes

Le texte qui suit se trouve sur le site de Pierre Gagnaire à : https://pierregagnaire.com/pierre_gagnaire/travaux_detail/121

 



Mars 2018 Des debyes

Mon cher Pierre
 
Tu sais combien j'aime ce jaune d'oeuf cuit à 67 degrés : il reste d'un orange  qui signe plutôt le jaune cru que le jaune d'oeuf dur, sec, sableux, mais, surtout, il n'a plus la faiblesse liquide d'un jaune à 65 degrés, et il n'a pas encore cette dureté d'un jaune à 68 degrés ou plus.
Pour moi qui ne suis ni cuisinier ni parfaitement certain de ma gourmandise (j'aime tant la science, les calculs!), il y a surtout, dans ce jaune, la question de sa viscosité : pourquoi est-il ainsi ? Et je me promets depuis longtemps de faire des études pour tester l'hypothèse que j'ai émise il y a plus de quinze ans : je pense que, puisque seule une protéine minoritaire du jaune a coagulé, on a formé non pas un système gélifié dant toute la masse, mais seulement des agrégats gélifiés ; de ce fait, ce système est « pâteux », parce que la phase continue, où sont dispersés les agrégats, est liquide, mais un liquide dont la viscosité est augmentée par la présence desdits agrégats.

 

Le suite sur : 

https://pierregagnaire.com/pierre_gagnaire/travaux_detail/121

mercredi 16 novembre 2022

Les "progrès" en cuisine


Une discussion intéressante hier avec des amis cuisiniers, alors que je faisais une formation d'une journée à Strasbourg.

Dans cette journée, j'ai discuté l'évolution de la cuisine, en montrant des images de plats importants des différentes époques depuis la Renaissance. Au début, il y avait essentiellement des bouillis et des rôtis, et, progressivement, on a vu apparaître des préparations bien plus élaborées, notamment quand le cuisinier français Marie-Antoine Carême, au tournant du 19e siècle, a introduit sa cuisine "monumentale" : cette fois : la cuisine prenait de la hauteur.

Puis on a vu des tas de changement en fonction des évolutions de l'approvisionnement, notamment quand ce sont introduites les tomates, ou les pommes de terre, après la découverte du Nouveau Monde, quand on a disposé d'ingrédients plus exotiques en abondance, telles les oranges (souvenons-nous que nos arrières grands-parents recevaient une orange pour Noël et que cela était considéré comme quelque chose d'extraordinaire).

Et ainsi de suite. Bref, ce l'on voit, notamment dans les dernières décennies, c'est que la cuisine a beaucoup évolué et que le saumon à l'oseille des frères Troisgros  (cuisiniers à Roanne) ne nous paraîtrait pas mériter aujourd'hui plus qu'un bib gourmand, et encore.

Bref la cuisine a toujours évolué et elle continuera de le faire.

Cela pour le résultat,  mais pour les moyens également : dans le temps, il y avait des pots en terre qui cassaient, et ce fut un progrès quand il y eut des casseroles en métal, et mieux encore quand on remplaça les casseroles en fonte ou en cuivre étamé par de l'acier inoxydable : cette fois-ci, plus de casse, plus de rouille...

Nous nous sommes habitués à ce progrès, mais combien il nous a facilité la vie !  Puis,  notamment dans les années 1960,  le Salon des arts ménagers introduisit les premiers appareils électriques : batteurs, broyeurs, et cetera. Et nous nous y  sommes tant habitués que, aujourd'hui, nous ne pourrions presque plus nous en passer.

Le micro-ondes fut une révolution et je propose de ne pas oublier pas qu'il coûtait initialement l'équivalent de d'environ 2000 €, alors que, aujourd'hui, on le trouve à 50 € seulement.

Chaque fois, il y a eu des résistances, et nombre de timorés ou  d'idéologues ont crié haro sur le baudet, dénonçant de prétendus dangers, de prétendus effets terribles qui évidemment n'existaient pas.
Mais on sait que les marchands de peur  profitent de la moindre occasion pour exercer leur activité néfaste, malhonnête, pernicieuse.

Mais bref, il y a toujours des changements, des évolutions, et j'espère qu'il y en aura encore beaucoup, car je n'oublie pas mon objectif : je veux que les cuisiniers aient un métier agréable, alors que, pour l'instant, ils sont debout, dans le bruit, dans la chaleur excessive et dans le stress ; sans compter que leurs mains énormes sont une démonstration de ce que le métier reste anormalement physique.

Il y a lieu de rénover tout cela sans tarder, et cela passera par de la technique bien pensée.
Pas des gadgets, non, mais de vrais objets techniques utiles. Cela a fait l'objet d'une discussion, hier, avec un ami cuisinier, mais non seulement cet homme avait un portable et un ordinateur, mais il n'a (évidemment) pas pu combattre les objectifs que j'ai évoqués ci-dessus, et qui sont le but, d'après lequel on peut déterminer les moyens.

C'est à propos de ces dernier qu'il  y a lieu de bien réfléchir... mais, surtout, il faut avancer. 



PS. Je n'oublie par que le mot "progrès" fait l'objet de devoirs de philosophie, au lycée par exemple, presque quotidiennement.

mardi 15 novembre 2022

Discutons-en, surtout si nous ne sommes pas du même avis


Dans les formations que je fais et dans les conférences que je donne, il y a des publics de types très différents.

Les pires, ce sont ceux qui sont braqués, butés et qui refusent de dialoguer ou dont les idées sont tellement fixées aucun argument ne pourra les ébranler... parce qu'ils ne veulent pas entendre ces arguments, et qu'ils ne les entendent pas.

Mais levons le nez, de la boue vers le ciel bleu  : à  l'inverse, il y a des gens merveilleux, qui se posent de vraies questions et qui attendent une discussion à partir de laquelle, avec intelligence, ils prendront des décisions pour eux-mêmes.

Hier, dans une formation à Strasbourg, j'ai eu le plaisir de rencontrer des gens de la deuxième sorte, des gens qui posaient des vraies questions et qui attendaient véritablement les réponses.
Des gens qui étaient dans le dialogue et que j'ai écoutés également, car je n'oublie pas que l'intelligence est très bien répartie, tout comme les connaissances, et que j'ai tout intérêt à profiter de ce que j'entends, pour essayer de m'améliorer.

C'est une attitude que j'ai au laboratoire avec les étudiants, quel que soit leur âge, quel que soit leur niveau de formation, mais c'est une attitude que j'essaie d'avoir aussi avec n'importe lequel de mes interlocuteurs : c'est en m'ouvrant sur le monde, en recueillant toutes les prémisses utiles, que j'aurai le plus de chance de bien comprendre, de bien raisonner, de bien penser.  Ne dois-je pas douter sans cesse de mes propres certitudes ?