Il est proposé un code
couleur pour dire si les aliments sont nutritionnellement bons ou
mauvais. L'intention est (peut-être bonne), mais il faut réfléchir.
Tout tient dans le mot
« nutritionnellement ». Tout d'abord, on aurait intérêt
à bien distinguer la nutrition, qui est une science, la diététique,
qui est une morale, et l'alimentation, qui est une pratique de tous,
et, mieux, de tous qui sommes sains, pas malades. L'alimentation,
c'est ce que l'on mange. La nutrition est la sccience qui explore les
mécanisme des phénomènes de l'interaction de nos aliment avec
notre organisme.
La question est de savoir
si la science de la nutrition en sait assez pour que la diététique
guide correctement notre alimentation... et la réponse est non (voir
par exemple la séance publique de l'Académie d'agriculture du 11
juin 2014). Peut-on donc avoir une politique de santé publique du
point de vue de la nutrition ? Sans doute pas parce que c'est une
science. Du point de vue de l'alimentation ? Oui, on peut
souhaiter faire savoir à tous qu'il y a des idées simples à avoir
quand on s'alimente, mais devons-nous d'abord considérer que
l'alimentation est pathologique ou habituelle ? Certains
médecins qui voudraient prendre le pouvoir sur leurs congénères
n'hésiteront pas de se parer des vertus de l'hygiénisme pour
imposer aux autres leurs idées, mais décodons : est-ce le
goût du pouvoir (médical) ? Est-ce une idée politique qui
voudrait que l'Etat contrôle nos faits et gestes. Tout est là, dans
ce débat, et plus particulièrement dans la deuxième question. Il y
a d'un côté l'individu qui veut manger à sa guise, dans les
limites qui sont celles de la vie en collectivité évidemment, et
ceux qui voudraient que l'Etat ait un contrôle sur tout !
On a vu par le passé les
écueils des deux excès. On a vu ces pouponnières terribles où des
enfants emmaillotés étaient telles les fourmis d'une colonie,
telles les ouvrières d'une ruche d'abeilles, bons ouvriers
obéissant... à qui ? Inversement, on voit trop les méfaits de
l'individualisme, qui fait des collectivités incohérentes. Les
Grecs avaient donc raison : il faut de la mesure.
Pour en revenir à ce code
couleur, je le crois aussi déraisonnable que la recommandation qui
voulait nous faire manger dix fruits ou légumes par jour :
l'alimentation n'est pas dans le choix d'un aliment particulier, mais
dans un tout. Peu importe que je mange un aliment très gras si le
suivant ne l'est pas. Finalement, j'aurais mon compte. Peu importe
que je mange un aliment fumé, chargé de benzopyrènes cancérogènes,
si je ne le mange qu'une fois l'an. Peu importe que je mange des
acides gras trans... si j'en mange la quantité qu'il faut, puisque
mon organisme en a besoin. En matière alimentaire, la difficulté
vient de ce que nous avons du mal à organiser un régime équilibre,
et nous avons du mal à supporter que la seule règle vraiment
valable soit : mangeons de tout en quantités modérées, et,
surtout, faisons de l'exercice.
Mangeons de tout :
c'est du bon sens, et l'on y arrive asssez bien, même quand on a une
passion pour les pâtes, la purée, les frites, le riz... En
quantités raisonnables : là, ça devient difficile, parce que en
réalité, nous sommes déraisonnables. Il faut le dire, le redire,
le savoir, le comprendre, et sans doute essayer de nous d'améliorer
un peu. Faisons de l'exercice : là, c'est le plus dur, et c'est un
effort de tous les instants que de prendre l'escalier au lieu de
l'ascenseur, que de marcher suffisamment dans la journée, que de
sortir de nos fauteuils où nous nous sommes si confortablement
assis.
Pourtant c'est la seule
règle tenable... mais il est vrai que ce n'est pas un fonds de
commerce suffisant pour ces médecins, hygiénistes, nutritionnistes
ou diététiciens qui voudrait prendre le pouvoir sur notre
alimentation. Répétons que nous ne sommes pas malades, qu'il est
légitime de boire du vin, de manger du saucisson, du fromage, de la
viande, des poissons, des fruits, des légumes, des frites, même des
pâtisseries... Il faut manger en quantités aussi raisonnable que
possible et faire de l'exercice.
Et ce n'est pas un code
couleur infantile qui parviendra nous aider vraiment , d'autant que
les expérimentations d'un tel code, en Angleterre, se sont déjà
soldées par un échec. Militons donc pour qu'aucun État
tout-puissant ne prenne le contrôle du plaisir que nous avons à
manger.