Dans nos civilisations, c'est la tête qui a la primauté. L'"intellectuel" peut être un grand homme, mais un "manuel" ?
Mes amis qui me lisent savent que mon goût de la provocation est excessif, mais quand même : et si l'on avait tout faux ? Et si les intellectuels étaient moins que les manuels ?
Rassurons-nous : la provocation n'est que de la provocation, même si elle a le mérite de conduire à des réflexions (les miennes ! pour les autres, bien plus malins que moi, je ne peux pas prétendre à quoi que ce soit).
Ce qui demeure juste, c'est qu'il n'est pas vrai que la tête guide la main, comme je l'ai longtemps cru, et comme le prétendent les Compagnons (cette phrase est écrite sur une poutre du Musée de Tours). Analysons un geste : j'ai soif, donc j'avance la main pour prendre un verre, mes doigts se ferment, et j'apporte le verre à la bouche. Qu'ai je fait ?
J'ai soif : c'est mon corps tout entier qui me dit que j'ai soif, et pas ma tête. Je suis un animal qui a soif.
J'avance la main : là, oui, ma tête peut dire à ma main d'avancer, bien que, souvent, la main avance sans que la tête y soit pour grand chose.
Mes doigts se ferment : cette fois, c'est la main qui parle à la tête, parce que les informations des capteurs de pression des doigts montent à la tête, qui empêche que les doigts ne se ferment trop fort, cassant le verre.
J'apporte le verre à la bouche : il faut des informations de tous les muscles, de la tête, de la main, pour effectuer le geste.
De sorte que, au total, le geste fait intervenir la tête et la main. Le manuel n'est donc pas un bon manuel s'il n'a pas une bonne tête, certes, mais il lui faut une bonne main !
Pour l'intellectuel, de même : il nous faut les sensations de la main pour penser, et l'on n'est qu'une moitié d'être sans la main qui va avec la tête (par "main", j'entends évidemment l'ensemble du corps, on l'aura compris).
Et voilà une partie des raisons pour lesquelles je crois que les manuels (purs) n'existent pas, que les intellectuels (purs) n'existent pas... et pourquoi nous devons revaloriser des activités où la tête et les mains sont en harmonie. Soyons pleinement humains !
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
vendredi 18 janvier 2013
jeudi 17 janvier 2013
Des idées, pour la cuisine note à note
Connaissez vous les "microréacteurs", ou les micromélangeurs ? Ce sont des systèmes simples, où l'on pousse (une pompe suffit) des liquides, par exemple, dans un petit espace (cela peut être aussi petit que le millimètre cube, par exemple) pour les mélanger et les faire réagir.
Ces systèmes ont été placés en série et en parallèle dans le "pianocktail" que j'ai introduit en 2002... mais ils vont sans doute être utiles pour la cuisine note à note.
Imaginez que l'on disperse huile dans eau : c'est une mayonnaise. Gaz dans eau : c'est une mousse.
Dans ce dernier cas, ce serait bien mieux que les siphons si à la mode en cuisine, parce que l'on pourrait mieux moduler les quantités, varier les mélanges...
Tiens, et si l'on utilisait un micromélangeur chaotique ? Cette fois, c'est une sorte de tube coudé une fois dans un sens, et une fois dans une direction perpendiculaire : un liquide fait de deux moitiés, à l'entrée, sort sur la forme d'un mélange "feuilleté" des deux liquides constituants, à la sortie.
Une idée : si l'un de ces deux liquides contient un gélifiant, et si l'on contrôle un peu la viscosité, on peut obtenir des "gels feuilletés".
Je nous prévois des mets merveilleux, pour le siècle qui vient !
Ces systèmes ont été placés en série et en parallèle dans le "pianocktail" que j'ai introduit en 2002... mais ils vont sans doute être utiles pour la cuisine note à note.
Imaginez que l'on disperse huile dans eau : c'est une mayonnaise. Gaz dans eau : c'est une mousse.
Dans ce dernier cas, ce serait bien mieux que les siphons si à la mode en cuisine, parce que l'on pourrait mieux moduler les quantités, varier les mélanges...
Tiens, et si l'on utilisait un micromélangeur chaotique ? Cette fois, c'est une sorte de tube coudé une fois dans un sens, et une fois dans une direction perpendiculaire : un liquide fait de deux moitiés, à l'entrée, sort sur la forme d'un mélange "feuilleté" des deux liquides constituants, à la sortie.
Une idée : si l'un de ces deux liquides contient un gélifiant, et si l'on contrôle un peu la viscosité, on peut obtenir des "gels feuilletés".
Je nous prévois des mets merveilleux, pour le siècle qui vient !
mardi 15 janvier 2013
Une demande faite à l'Etat
Les étudiants cherchent souvent des stages rémunérés, parce qu'ils n'ont pas les moyens de suivre leurs études. C'est un fait.
Dans un billet précédent, j'avais évoqué la question, en répondant que c'est à l'Etat de prendre en charge ces étudiants, par le système des bourses.
Certes, il y a des étudiants plus ou moins assidus (c'est aussi un fait), et on pourrait facilement convenir que seuls les plus "aptes à suivre les études qu'ils veulent suivre" (en raison de leurs résultats, selon le principe qu'un travail acharné vient à bout de tout, et conduit à de bons résultats, donc) méritent d'être aidés.
Toutefois, reste la question : les discussions que j'ai avec des étudiants motivés et ayant de bons résultats montrent que beaucoup ne satisfont pas les critères qui leur permettraient d'obtenir une aide financière (à noter que, souvent, il est préférable pour les étudiants de partir à l'étranger, pour avoir des bourses, que de rester en France).
De sorte que la conclusion s'impose : l'Etat doit revoir les enveloppes de bourses, ainsi que les critères d'attribution de ces dernières.
Dans un billet précédent, j'avais évoqué la question, en répondant que c'est à l'Etat de prendre en charge ces étudiants, par le système des bourses.
Certes, il y a des étudiants plus ou moins assidus (c'est aussi un fait), et on pourrait facilement convenir que seuls les plus "aptes à suivre les études qu'ils veulent suivre" (en raison de leurs résultats, selon le principe qu'un travail acharné vient à bout de tout, et conduit à de bons résultats, donc) méritent d'être aidés.
Toutefois, reste la question : les discussions que j'ai avec des étudiants motivés et ayant de bons résultats montrent que beaucoup ne satisfont pas les critères qui leur permettraient d'obtenir une aide financière (à noter que, souvent, il est préférable pour les étudiants de partir à l'étranger, pour avoir des bourses, que de rester en France).
De sorte que la conclusion s'impose : l'Etat doit revoir les enveloppes de bourses, ainsi que les critères d'attribution de ces dernières.
lundi 7 janvier 2013
Un moment important
Je vous laisse découvrir : http://www.slate.fr/story/66861/ogm-ecologiste-confession-lynas
Vive la connaissance produite et distribuée, encore très bonne année !
Vive la connaissance produite et distribuée, encore très bonne année !
La technique n'est pas l'art, la technologie n'est ni la technique ni l'art!
Ce matin, un retour de voeux, qui pose une question intéressante :
Merci pour vos voeux. Recevez les miens
Dans l'un d'eux : faites que l'industrie agro alimentaire cesse de proposer à la population tout et n 'importe quoi , peut-être bactériologiquement sain mais qu'en est il du reste ?
Ma réponse :
Vous avez parfaitement raison : nous devons oeuvrer pour que les ingénieurs que nous contribuons à former ne s'érigent pas en artistes qu'ils ne sont pas ! C'est d'ailleurs ce qui était sous entendu dans mon livre "La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique".
Les ingénieurs "mécaniciens" ont fait beaucoup de bêtises, quand ils ont voulu prendre la place d'architectes, qui étaient des artistes : leurs bâtisses étaient peut-être fonctionnelles, mais hideuses. Ne répétons pas la même erreur !
Du coup, il faut sans doute :
- renforcer la formation artistique des chefs,
- enseigner aux jeunes ingénieurs de l'industrie à bien savoir s'adresser à de beaux artistes sans avoir la prétention de s'en passer
- enseigner aux artistes à apprendre à formuler des demandes aux industriels, afin d'être aidés dans leur tâche.
Vive la gourmandise éclairée, dans tous les cas
Merci pour vos voeux. Recevez les miens
Dans l'un d'eux : faites que l'industrie agro alimentaire cesse de proposer à la population tout et n 'importe quoi , peut-être bactériologiquement sain mais qu'en est il du reste ?
Ma réponse :
Vous avez parfaitement raison : nous devons oeuvrer pour que les ingénieurs que nous contribuons à former ne s'érigent pas en artistes qu'ils ne sont pas ! C'est d'ailleurs ce qui était sous entendu dans mon livre "La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique".
Les ingénieurs "mécaniciens" ont fait beaucoup de bêtises, quand ils ont voulu prendre la place d'architectes, qui étaient des artistes : leurs bâtisses étaient peut-être fonctionnelles, mais hideuses. Ne répétons pas la même erreur !
Du coup, il faut sans doute :
- renforcer la formation artistique des chefs,
- enseigner aux jeunes ingénieurs de l'industrie à bien savoir s'adresser à de beaux artistes sans avoir la prétention de s'en passer
- enseigner aux artistes à apprendre à formuler des demandes aux industriels, afin d'être aidés dans leur tâche.
Vive la gourmandise éclairée, dans tous les cas
dimanche 6 janvier 2013
On me fait justement reproche
Alors que j'ai moi-même reproché à des amis ayant des compétences en matière de droit de prétendre légiférer sur les aliments sans connaître la différence entre molécule, composé, produit, produit chimique, on me fait reproche de faire ces reproches sans expliquer ce que sont les différences, sans ce que sont ces notions indispensables à l'honnête homme ou femme du XXIe siècle.
Autant le reproche que je fais est juste, autant celui que l'on met fait l'est aussi.
Allons-y, et allons-y doucement, sans pédanterie (ou avec un minimum).
Quand on prend un échantillon de matière (pensons à du vin) et qu'on le regarde à la loupe, on voit... rien. Avec une "loupe" bien plus efficace, on verrait une myriade de petits objets qui bougent dans tous les sens : ce sont des "molécules".
En regardant bien, on verrait des molécules de plusieurs sortes. Supposons qu'on parvienne à trier ces molécules, en les mettant dans des récipients différents, on verrait alors, pour chaque récipient, des molécules toutes identiques.
Par exemple, si l'on distille, on peut séparer des molécules odorantes dans un récipient, ou un liquide qui brûle la bouche (alors qu'il est froid) dans un autre récipient, un liquide transparent, incolore et inodore encore dans un autre récipient, une poudre blanche dans un autre récipient...
Prenons le récipient qui contient le liquide qui brûle la bouche. Toutes ses molécules sont identiques. Nommons les "molécule d'éthanol". La "sorte" est alors l'éthanol. On dit que l'éthanol est un composé.
De même pour le récipient avec le liquide incolore, inodore, insipide : ce serait un composé nommé "eau", et ses molécules sont des molécules d'eau.
On le voit, un composé est fait de molécules toutes identiques.
Pourquoi le nomme-t-on composé ? Parce que les molécules sont faites d'atomes de différentes sortes : par exemple une molécule d'eau est faite de deux atomes d'hydrogène et d'un atome d'oxygène.
Les "produits" ? Il suffit de parler français : un produit a été... produit ! Par exemple, l'eau n'est généralement pas un produit, sauf quand elle a été confectionnée, quand ses molécules ont été fabriquées, synthétisées, par exemple quand on fait exploser un mélange de gaz dihydrogène et de gaz dioxygène. Là, l'eau devient un produit "chimique". Les molécules sont indiscernables de celle de l'eau de la pluie (oui, je sais : il peut y avoir des subtilités "isotopiques", mais ne compliquons pas tout tout de suite), mais l'origine ("traçabilité") est différente. Il y a des eaux naturelles et des eaux synthétisées (sous entendu : par l'être humain).
Cette fois, on peut légiférer correctement, non ?
Autant le reproche que je fais est juste, autant celui que l'on met fait l'est aussi.
Allons-y, et allons-y doucement, sans pédanterie (ou avec un minimum).
Quand on prend un échantillon de matière (pensons à du vin) et qu'on le regarde à la loupe, on voit... rien. Avec une "loupe" bien plus efficace, on verrait une myriade de petits objets qui bougent dans tous les sens : ce sont des "molécules".
En regardant bien, on verrait des molécules de plusieurs sortes. Supposons qu'on parvienne à trier ces molécules, en les mettant dans des récipients différents, on verrait alors, pour chaque récipient, des molécules toutes identiques.
Par exemple, si l'on distille, on peut séparer des molécules odorantes dans un récipient, ou un liquide qui brûle la bouche (alors qu'il est froid) dans un autre récipient, un liquide transparent, incolore et inodore encore dans un autre récipient, une poudre blanche dans un autre récipient...
Prenons le récipient qui contient le liquide qui brûle la bouche. Toutes ses molécules sont identiques. Nommons les "molécule d'éthanol". La "sorte" est alors l'éthanol. On dit que l'éthanol est un composé.
De même pour le récipient avec le liquide incolore, inodore, insipide : ce serait un composé nommé "eau", et ses molécules sont des molécules d'eau.
On le voit, un composé est fait de molécules toutes identiques.
Pourquoi le nomme-t-on composé ? Parce que les molécules sont faites d'atomes de différentes sortes : par exemple une molécule d'eau est faite de deux atomes d'hydrogène et d'un atome d'oxygène.
Les "produits" ? Il suffit de parler français : un produit a été... produit ! Par exemple, l'eau n'est généralement pas un produit, sauf quand elle a été confectionnée, quand ses molécules ont été fabriquées, synthétisées, par exemple quand on fait exploser un mélange de gaz dihydrogène et de gaz dioxygène. Là, l'eau devient un produit "chimique". Les molécules sont indiscernables de celle de l'eau de la pluie (oui, je sais : il peut y avoir des subtilités "isotopiques", mais ne compliquons pas tout tout de suite), mais l'origine ("traçabilité") est différente. Il y a des eaux naturelles et des eaux synthétisées (sous entendu : par l'être humain).
Cette fois, on peut légiférer correctement, non ?
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