Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dans ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade. Quand j'utilise le mot "étudiant", c'est pour désigner quelqu'un qui étudie, quel que soit son statut ou son âge.
Dans des discussions avec des collègues plus jeunes, je trouve ce paragraphe :
Nous souhaiterions donc pour finir illustrer nos propos avec une petite expérience de pensée : combien d’étudiants de l'Université seraient capables de répondre de façon argumentée à des questions de société en lien avec les thématiques que nous étudions ?
Par exemple, combien seraient capables de décrire les avantages et les inconvénients de l’agriculture biologique ? Combien seraient capables d’apporter un avis éclairé sur l’usage du glyphosate ou des OGM ? Combien seraient capables de dire si la consommation de viande est antagoniste au développement durable ?
Nous pensons que bien peu d’entre nous sont compétents (il suffirait d’un sondage pour s’en convaincre) pour répondre à ce genre de questions pourtant essentielles et c’est bien là où le bât blesse.
Ici, nos jeunes collègues demandent beaucoup, parce que si l'on avait la réponse claire à ces questions, on règlerait facilement le problème.
Le mieux que l'on puisse faire est environ ce qui est fait à l'Académie d'agriculture, par une collaboration de personnalités parmi les plus expérimentées, et qui font de surcroît appel à des personnalités expertes.
Par exemple, à propos de cette notion pourrie d' "aliments ultra-transformés" (je devrais dire "aliments prétendument ultra-transformés"), il a fallu des analyses par des experts pour montrer que la notion d'ultra-transformation est idéologique. Par exemple, à propos d'additifs, et notamment du dioxyde de titane TiO2, il manque des études de toxicologie pour que l'Efsa (l'agence européenne de sécurité sanitaire des aliments) puisse réviser éventuellement ses positions ; et tant que l'étude n'est pas faite, il n'y a pas de réponse. Par exemple...
Oui, ce que nos jeunes collègues visent peut être un objectif, et oui, les professeurs (ou les jeunes collègues) pourraient organiser des auditions pour aider à se fixer les idées, quand l'Académie d'agriculture n'a pas fait le travail.
Que le bat blesse, c'est clair, mais cela concerne nos sociétés en général.
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
jeudi 11 juillet 2019
La cartographie, mission du professeur
Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dans ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade.
Depuis plusieurs jours, je rumine, je commente, je critique, je discute les déclarations faites par de jeunes collègues à propos de leur formation. Et c'est ainsi que j'en suis venu à l'idée d'une cartographie des matières, que je propose pour les cours. Ou plus exactement pour les cours professés, car je fais une différence entre un discours devant des collègues plus jeunes, et le "cours", à savoir l'ensemble des études sur un thème donné (le mot "cours" étant ambigu, je vais préciser, à l'avenir.
Donc je m'interrogeais sur le message que délivre le professeur en chaire. Il faisait donc un "cours", mot qui vient du latin cursus, c'est-à-dire le chemin. Effectivement, un cours professé, un discours, c'est quelque chose que l'on suit. Et à vouloir traîner les gens derrière soi, on ne fait pas de la belle communication, car ils sont toujours hésitants. Parfois il nous font confiance et ils nous suivent, mais en réalité ils ne savent pas où on les emmène, et cela crée un petit malaise.
D'où l'idée qui consiste à dire à l'avance les étapes du chemin que l'on va suivre.
Mais s'il y a une suite d'étapes, il manque le contexte, c'est-à-dire le paysage dans lequel le chemin s'inscrit : il manque donc la carte.
D'où l'idée qu'il est certainement mieux de montrer une carte où s'inscrit le chemin. C'était l'idée la Carte de Tendre, que j'ai voulu tester pour mon cours de gastronomie moléculaire. La Carte de Tendre ? Une carte imaginée au 17e siècle par les Précieuses et qui montrait les chemins de l'amour. Elle a l'avantage de montrer les écueils, de montrer des passages plus faciles, de montrer les possibilités que l'on prend ou que l'on ne prend pas...
Cette manière de faire a l'immense avantage de bien faire comprendre une question à tous puisque l'abstraction est alors matérialisée. Pas complètement bien sûr puisqu'une carte est une représentation, mais quand même, c'est mieux que des mots flottant en l'air, suspendus en quelque sorte, abstraits, imprécis donc flous.
Je propose que de telles cartes soit préparées par tous les professeurs et montrées au début de leurs cours. Elles ne sont pas difficiles à faire, elles synthétisent des compétences, des connaissances que l'on voudrait transmettre aux jeunes collègues. Et, à minima, elles montreront ce qui est attendu d'eux.
Bref, c'est un outil merveilleux !
PS. Et voici la première carte que j'ai faite (les autres sont plus détaillées) :
Depuis plusieurs jours, je rumine, je commente, je critique, je discute les déclarations faites par de jeunes collègues à propos de leur formation. Et c'est ainsi que j'en suis venu à l'idée d'une cartographie des matières, que je propose pour les cours. Ou plus exactement pour les cours professés, car je fais une différence entre un discours devant des collègues plus jeunes, et le "cours", à savoir l'ensemble des études sur un thème donné (le mot "cours" étant ambigu, je vais préciser, à l'avenir.
Donc je m'interrogeais sur le message que délivre le professeur en chaire. Il faisait donc un "cours", mot qui vient du latin cursus, c'est-à-dire le chemin. Effectivement, un cours professé, un discours, c'est quelque chose que l'on suit. Et à vouloir traîner les gens derrière soi, on ne fait pas de la belle communication, car ils sont toujours hésitants. Parfois il nous font confiance et ils nous suivent, mais en réalité ils ne savent pas où on les emmène, et cela crée un petit malaise.
D'où l'idée qui consiste à dire à l'avance les étapes du chemin que l'on va suivre.
Mais s'il y a une suite d'étapes, il manque le contexte, c'est-à-dire le paysage dans lequel le chemin s'inscrit : il manque donc la carte.
D'où l'idée qu'il est certainement mieux de montrer une carte où s'inscrit le chemin. C'était l'idée la Carte de Tendre, que j'ai voulu tester pour mon cours de gastronomie moléculaire. La Carte de Tendre ? Une carte imaginée au 17e siècle par les Précieuses et qui montrait les chemins de l'amour. Elle a l'avantage de montrer les écueils, de montrer des passages plus faciles, de montrer les possibilités que l'on prend ou que l'on ne prend pas...
Cette manière de faire a l'immense avantage de bien faire comprendre une question à tous puisque l'abstraction est alors matérialisée. Pas complètement bien sûr puisqu'une carte est une représentation, mais quand même, c'est mieux que des mots flottant en l'air, suspendus en quelque sorte, abstraits, imprécis donc flous.
Je propose que de telles cartes soit préparées par tous les professeurs et montrées au début de leurs cours. Elles ne sont pas difficiles à faire, elles synthétisent des compétences, des connaissances que l'on voudrait transmettre aux jeunes collègues. Et, à minima, elles montreront ce qui est attendu d'eux.
Bref, c'est un outil merveilleux !
PS. Et voici la première carte que j'ai faite (les autres sont plus détaillées) :
Peut-on tout dire à tout le monde ?
Peut-on tout dire à tout le monde ? Je ne sais pas, évidemment, mais je peux faire état de deux expériences universitaires intéressantes. Un jour, devant un amphithéâtre, pour les besoins de l'exposition, j'ai expliqué que Dieu ne pouvait pas être omnipuissant, puisqu'il ou elle ne pourrait pas construire une montagne qu'il ne pourrait pas gravir lui-même. Au cours suivant, de nombreux étudiants ne sont pas venus, car ils avaient été brusqués. Puis, l'année d'après, dans le même environnement universitaire, j'ai annoncé que les théologiens, dès le Moyen-Age, discutaient cette question théologique, qui était de savoir si Dieu était omnipuissant, sachant qu'il y avait cette question de construire une montagne qu'il (je n'ai alors pas dit "il ou elle") ne pourrait pas gravir lui-même. Cette fois, tout le monde est resté.
Sur les réseaux sociaux, je m'aperçois également que certaines de mes affirmations, surtout quand elles sont exprimées en moins de deux cent signes, sont souvent mal interprétées : il manque le sourire, par exemple. Et, d'ailleurs, ne voit-on pas régulièrement des interlocuteurs ne pas comprendre quand on fait de l'humour ? Socrate a fini empoisonné par un peuple qui ne supportait pas que l'on se moque de lui, en quelque sorte.
Bref, il est patent que l'on ne peut pas dire tout à tout le monde.
Mais à des amis ? L'un des miens m'a fait observer que l'on devait la plus grande des franchises à nos vrais amis. Je vous laisse y penser.
mercredi 10 juillet 2019
La question des amphithéâtres
Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dans ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade.
Des jeunes collègues se plaignent des "amphis" : ce sont ces cours magistraux, qui, pour certains, s'apparentent à des entonnoirs que l'on met dans la bouche des oies que l'on veut gaver. Evidemment, je ne cesserai jamais de critiquer s cette méthode inutile, inefficace, imbécile en un mot. Aristophane déjà disait qu'enseigner, ce n'est pas emplir des cruches mais allumer des brasier. Si un cours magistral vise à allumer des brasiers, alors, au contraire, il me semble essentiel. Et, en tout cas, je ne crois pas -c'est dit plusieurs fois par ailleurs- que ces séances de formation particulière aient pour but les études : cela relève seulement du cadrage des études, d'une volonté de donner du sens.
Et les jeunes collègues ont ensuite la responsabilité d'obtenir le savoir qu'ils désirent, d'approfondir leurs connaissances et leurs compétences en distinguant bien les deux
Mais je veux me détacher ici de la critique faite plus haut pour discuter la question générale des cours en amphithéâtre.
Comme toujours, je commence par poser la question : quel est l'objectif ?
Un amphithéâtre est un vaste espace où les sièges des auditeurs ont été organisés de telle façon que chacun puisse écoute et voir ce qui se passe sur la scène, c'est ainsi, en tout cas, l'idée qui a présidé à la construction de l'amphithéâtre de la Royal Institution à Londres, par Michael Faraday.
Que met-on sur la scène ? Soit une personne, soit plusieurs personnes, soit rien si l'on projette sur un écran, par exemple. J'analyse que projeter, c'est un peu comme mettre un professeur puisqu'il y a une personne qui parle. Bien sûr, c'est plus moderne et plus souple, amélioré, car la projection peut faire apparaître plusieurs personnes d'un coup, mais, surtout pour un visionnage, il y a l'avantage que l'on n'est pas obligé de visionner au moment exact de l'enregistrement et que l'on peut se réserver cela pour des moments qui nous seront personnellement plus appropriés.
Mais pour ce qui concerne les études, j'ai vis à vis des visionnage ou des cours ex cathedra cette réticence que le rythme n'est pas toujours le mien : parfois, c'est trop rapide, et parfois c'est trop long. On me dira que pour un livre aussi, il peut y avoir des passages trop lents et d'autres trop rapides, mais je répondrai alors que je peux changer de livre, mais que c'est faire un affront terrible à un intervenant qui parle, si je quitte la salle.
Mais qu'importe ce détail, et je reviens au cas précis que nos jeunes collègues discutaient, à savoir des professeurs parlant, de l'estrade, à des groupes d'étudiants. Cette pratique est-elle utile ? Intéressante ? Efficace au vu des objectifs de la formation ?
Quand on me met personnellement face un interlocuteur qui m'ennuie, soit je quitte la salle, soit je ferme les écoutilles et je travaille derrière l'écran de mon ordinateur portable (j'ai appris que certains professeurs veulent interdire les portables pour éviter cela !)... On le voit la question de l'amphithéâtre mérite d'être mieux analysée, en relation avec celle de la qualité des cours dispensés.
Mais assez traîné dans la boue : cherchons de la Lumière, levons le nez et considérons aussi le cas où l'on est captivé par l'intelligence de celui ou de celle que nous écoutons. Quel privilège qu'un bouquet d'intelligence ! Combien reconnaissant sommes-nous alors !
Voilà la leçon pour nos institutions de formation : nous ne devons imposer à nos jeunes collègues que la crème de la crème, sans quoi c'est une punition, et même pire, cela décrédibilise l'ensemble du dispositif que nous cherchons mettre en œuvre en vue d'études efficaces !
Des jeunes collègues se plaignent des "amphis" : ce sont ces cours magistraux, qui, pour certains, s'apparentent à des entonnoirs que l'on met dans la bouche des oies que l'on veut gaver. Evidemment, je ne cesserai jamais de critiquer s cette méthode inutile, inefficace, imbécile en un mot. Aristophane déjà disait qu'enseigner, ce n'est pas emplir des cruches mais allumer des brasier. Si un cours magistral vise à allumer des brasiers, alors, au contraire, il me semble essentiel. Et, en tout cas, je ne crois pas -c'est dit plusieurs fois par ailleurs- que ces séances de formation particulière aient pour but les études : cela relève seulement du cadrage des études, d'une volonté de donner du sens.
Et les jeunes collègues ont ensuite la responsabilité d'obtenir le savoir qu'ils désirent, d'approfondir leurs connaissances et leurs compétences en distinguant bien les deux
Mais je veux me détacher ici de la critique faite plus haut pour discuter la question générale des cours en amphithéâtre.
Comme toujours, je commence par poser la question : quel est l'objectif ?
Un amphithéâtre est un vaste espace où les sièges des auditeurs ont été organisés de telle façon que chacun puisse écoute et voir ce qui se passe sur la scène, c'est ainsi, en tout cas, l'idée qui a présidé à la construction de l'amphithéâtre de la Royal Institution à Londres, par Michael Faraday.
Que met-on sur la scène ? Soit une personne, soit plusieurs personnes, soit rien si l'on projette sur un écran, par exemple. J'analyse que projeter, c'est un peu comme mettre un professeur puisqu'il y a une personne qui parle. Bien sûr, c'est plus moderne et plus souple, amélioré, car la projection peut faire apparaître plusieurs personnes d'un coup, mais, surtout pour un visionnage, il y a l'avantage que l'on n'est pas obligé de visionner au moment exact de l'enregistrement et que l'on peut se réserver cela pour des moments qui nous seront personnellement plus appropriés.
Mais pour ce qui concerne les études, j'ai vis à vis des visionnage ou des cours ex cathedra cette réticence que le rythme n'est pas toujours le mien : parfois, c'est trop rapide, et parfois c'est trop long. On me dira que pour un livre aussi, il peut y avoir des passages trop lents et d'autres trop rapides, mais je répondrai alors que je peux changer de livre, mais que c'est faire un affront terrible à un intervenant qui parle, si je quitte la salle.
Mais qu'importe ce détail, et je reviens au cas précis que nos jeunes collègues discutaient, à savoir des professeurs parlant, de l'estrade, à des groupes d'étudiants. Cette pratique est-elle utile ? Intéressante ? Efficace au vu des objectifs de la formation ?
Quand on me met personnellement face un interlocuteur qui m'ennuie, soit je quitte la salle, soit je ferme les écoutilles et je travaille derrière l'écran de mon ordinateur portable (j'ai appris que certains professeurs veulent interdire les portables pour éviter cela !)... On le voit la question de l'amphithéâtre mérite d'être mieux analysée, en relation avec celle de la qualité des cours dispensés.
Mais assez traîné dans la boue : cherchons de la Lumière, levons le nez et considérons aussi le cas où l'on est captivé par l'intelligence de celui ou de celle que nous écoutons. Quel privilège qu'un bouquet d'intelligence ! Combien reconnaissant sommes-nous alors !
Voilà la leçon pour nos institutions de formation : nous ne devons imposer à nos jeunes collègues que la crème de la crème, sans quoi c'est une punition, et même pire, cela décrédibilise l'ensemble du dispositif que nous cherchons mettre en œuvre en vue d'études efficaces !
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