samedi 15 décembre 2018

A propos du mouvement brownien : il ne s'agit pas de pollen

Je m'aperçois que j'ai transmis des idées fausses, et je présente des excuses : comme trop d'autres, j'ai expliqué que Robert Brown avait découvert le mouvement brownien en observant des grains de pollen : c'est vrai... et faux, comme je l'explique maintenant.

On raconte qu'en 1828, le botaniste britannique Robert Brown (1773–1858) publia le manuscrit  A brief account of microscopical observations made in the months of June, July and August, 1827, on the particles contained in the pollen of plants; and on the general existence of active molecules in organic and inorganic bodies.
Cela est exact : l'article fut publié par le Edinburgh new Philosophical Journal : https://sciweb.nybg.org/science2/pdfs/dws/Brownian.pdf.


Dans cet article, Brown explique qu'il a mis des grains de pollen de l'espèce Clarkia pulchella dans l'eau et qu'il les a observés, les voyant emplis de particules de  5 µm de diamètre environ, et qui bougeaient.  Il lui apparut que le mouvement ne résultait ni de courants dans le liquide, comme on le voit souvent quand on vient de déposer une goutte de liquide sur une lame, ni d'évaporation, mais des particules elles-mêmes.
Là, pas d'erreur... mais le point clé, c'est que Brown a observé des particules dans les grains de pollens, et non les grains de pollen eux-mêmes.
Car les grains de pollen, eux, ne bougent pas de façon visible !

La théorie du mouvement brownien, détecté effectivement par Brown, resta inexpliquée longtemps, parce que l'on n'avait pas la notion moderne de molécules et d'atomes. C'est le mathématicien français Louis Jean-Baptiste Alphonse Bachelier (1870 – 1946) qui, le premier modélisa le mouvement brownien dans sa thèse intitulée Théorie de la spéculation, en 1900. Puis, en 1905, Albert Einstein publia sa théorie, qui fut ensuite testée par le physicien Jean Perrin. 

Mais revenons à la confusion entre les grains de pollen et les particules ("granules") à l'intérieur de ces grains. En utilisant les équations d'Einstein, on peut calculer que les grains de pollen sont trop gros pour être observés. Einstein calcula en effet la constante de diffusion D du mouvement brownien  d'une particule en fonction du rayon r de celle-ci et de la viscosité du milieu :
\displaystyle{D = \frac{k_B T}{6 \pi \eta r}}
Pour observer le mouvement brownien à l'oeil nu, il faut que la particule bouge rapidement. On calcule cela en déterminant la racine carré moyenne de la position, soit, pour un temps de 1 s, une distance de l'ordre de 10 nanomètres seulement, ce qui n'est pas visible avec les microscopes de table. Pour un temps 100 fois plus long, la distance parcourue est de l'ordre du dixième de micromètre. Pour que le déplacement, en une seconde, soit de l'ordre du rayon de la particule, on calcule un rayon de l'ordre de un micromètre... comme ce qu'a observé Brown.

Lisons bien les sources !

jeudi 13 décembre 2018

La réfutation d'une étude pourrie vient de coûter des millions aux contribuables européens !

Ce n'est pas moi qui parle de toxicologie, mais l'Inra :




Maïs OGM MON 810 et NK603 : pas d’effets détectés sur la santé et le métabolisme des rats
In : INRA, 12 décembre 2018
Un régime alimentaire à base de maïs transgénique MON 810 ou NK603 n’affecte pas la santé et le métabolisme des rats dans les conditions du projet GMO 90+1. Cette étude inédite réalisée par un consortium de recherche piloté par l’Inra implique de nombreux partenaires2 dont l’Inserm. Les travaux ont été réalisés dans le cadre du programme Risk’OGM financé par le Ministère de la transition écologique et solidaire. Pendant six mois, des rats ont été nourris avec un régime contenant soit du maïs OGM (MON 810 ou NK603) soit du maïs non OGM, à différentes concentrations. Les chercheurs, par les techniques de biologie à haut débit, n’ont identifié aucun marqueur biologique significatif lié à l’alimentation au maïs transgénique. De même, ils n’ont observé aucune altération anatomo-pathologique du foie, des reins ou de l’appareil reproducteur des rats soumis aux régimes contenant ces OGM. Ces travaux, publiés le 10 décembre 2018 dans la revue Toxicological Sciences, ne mettent pas en évidence d’effet délétère lié à la consommation de ces deux maïs OGM chez le rat même pour de longues périodes d’exposition

Soutenir une thèse

Soutenir une thèse ?

Il faut donc une "thèse", à savoir une idée que l'on propose, et dont on se propose d'établir la véracité. Par exemple, "on peut obtenir une modélisation rapide d'un coeur en préparant un maillage que l'on colle préalablement à l'image ultrasonore du coeur, puis en modifiant progressivement ce maillage, à partir des informations qui sont données".

Puis il y a la question de l'établir, de montrer comment on arrive à cette idée, et pourquoi elle est juste. Dans cette monstration, il faut tenir compte du fait que cet exercice oral de "soutenance" doit faire la preuve que le doctorant est capable de faire de l'enseignement : il doit donc être clair, d'une part, et, d'autre part, être capable de répondre à des questions que ses auditeurs pourraient avoir. Car la thèse est l'accès à l'enseignement supérieur : il faut donc montrer qu'on est capable, de ce point de vue.
On tiendra compte du fait qu'il ne faut certainement pas raconter tout ce que l'on a fait pendant les trois années qui ont précédé. D'une part, il y a trop, et, d'autre part, ce serait excessif, buissonnant... et inutile.

Bien sûr, il y a aussi la question générale d'un exposé oral, qui doit être clair, organisé, intéressant, intelligent. Et c'est là la plus grande difficulté : faire preuve d'intelligence, cela ne signifie certainement pas multiplier les effets graphiques (on n'est pas dans de la téléréalité minable), mais bien plutôt proposer des idées, des formulations intéressantes, paradoxales, fécondes... On n'oubliera pas que, normalement, le jury est composé de personnalités qui s'intéressent beaucoup aux sciences et aux technologies, de sorte que toute étincelle est bienvenue si elle est de ce point de vue. Il y a des gens -il faut le dire- qui s'émerveillent, tels des enfants devant des joujoux le jour de  Noël, face à une belle démonstration, à une belle formule, à une belle équation. C'est donc cela qu'il faut faire : leur faire briller les yeux avec des idées scientifiquement "intéressantes". Le reste n'est que transpiration secondaire... expliqué par ailleurs.








mardi 11 décembre 2018

La cuisine note à note recrée-t-elle des aliments à partir de produits chimiques ? La réponse est non

Hier soir, un groupe d'étudiantes intéressées par la cuisine note à note, qui proposaient comme définition  :

La cuisine note à note recrée-t-elle des aliments à partir de produits chimiques.

Est-ce cela ? Non, mais l'erreur est vénielle, et, d'autre part, on peut toujours d'un petit mal un grand bien, à savoir donner des éclaircissements.

Et puis, c'est une méthode toute simple : il s'agit seulement de se demander ce que signifient les mots.
La cuisine ? C'est la préparation des aliments à partir d'ingrédients. Et si la cuisine note à note a été nommée ainsi, c'est bien que c'est de la cuisine. Les ingrédients sont seulement différents de la cuisine classique ou même de la cuisine moléculaire.

La cuisine note à note "recrée" des aliments ? Non, elle crée des aliments : à  partir d'ingrédients, on construit des aliments, des mets, des plats. Bref, on cuisine.
Derrière cette petite erreur, il y a peut-être l'idée que l'on va faire de la carotte sans carotte, ou de la viande sans viande... mais cela n'est pas le cas. Le croire serait céder à un fantasme indu.
Non, on crée, et l'on évite d'ailleurs de reproduire des carottes, des pommes ou des viandes... car cela n'aucun intérêt : on a déjà les carottes, pommes ou viandes.

La cuisine note à note a pour ingrédients des "composés chimiques" ? Là encore, il y a une erreur... parce que l'expression "composé chimique" est souvent mal comprise.
Je pars d'un exemple : l'eau. L'eau parfaitement pure est un "composé", à savoir qu'elle est faite de molécules toutes identiques, et faites chacune d'un atome d'oxygène et de deux atomes d'hydrogène.
Quand cette eau vient du ciel, ce n'est pas un composé chimique, mais un composé naturel.
Mais si un chimiste qui étudie l'eau la synthétise (je faisais cela à l'âge de six ans), alors elle devient un composé "chimique", ce qu'il serait plus intelligent de nommer un composé de synthèse.
Oui, il y a des composés synthétisé par des chimistes, et des composés extraits du monde naturel. Cela étant, l'eau synthétisée peut être exactement la même que l'eau de la pluie.
Passons à plus compliqué : le sucre de table, ou saccharose. Il est extrait dans des usines à partir de betteraves. Là, on râpe les betteraves, on les chauffe dans l'eau, on concentre les jus en évaporant l'eau. Ce n'est pas un travail scientifique, pas un travail de chimiste, mais un simple travail technique. Le sucre n'est pas un composé chimique, mais un  composé extrait de produits naturels.
Mais le sucre a mauvaise presse, aujourd'hui, parce que des idéologues critiquent les "sucres ajoutés" : prenons donc un autre exemple, à savoir le sel, que l'on obtient en concentrant de l'eau de mer. Le sel n'est pas synthétisé, mais extrait.... Ah mais, pardon, le sel a également mauvaise presse.
Passons donc à l'huile, qui est faite de "triglycérides" (et non pas d'acides gras, comme le croient des ignorants qui causent trop de ce qu'ils ne comprennent pas toujours). Ces triglycérides ne sont pas synthétisés ; ce ne sont pas des composés chimiques... mais seulement des produits du pressage de graines ou de fruits (olives, noix, tournesol...).
La gélatine ? C'est un mélange de composés extraits de viande. Pas synthétiques, pas chimiques, donc.
L'acide citrique, vendu comme additif ? Il est obtenu par fermentation, comme l'est la choucroute. Ce n'est donc pas un produit chimique.

Et ainsi de suite !

Donc finalement, non, la cuisine note à note ne recrée pas les aliments à partir de composés chimiques. C'est une cuisine qui crée des aliments à partir de composés qui sont le plus souvent extraits des produits de l'agriculture.