lundi 4 avril 2016

Chercher des cercles vertueux.

On connaît les cercles vicieux, ceux qui conduisent au pire, mais on connaît moins des  cercles vertueux, qui conduisent sans cesse au meilleur.

Dans la construction de nos études, de nos groupes de recherche, de nos laboratoire, la question de l’amélioration est sans cesse posée. Il est question de qualité, et cette dernière ne s'obtient qu'au prix d'un travail soigneux.
Dans la mesure où les structures et les  méthodes nous portent, nous épaulent quotidiennement, nous mettent sur un bon chemin, il importe que ce dernier soit intelligemment construit.
La métaphore peut se poursuivre : dans la  mesure où c'est l'homme  qui fait les chemins, à nous d'imaginer des chemins qui nous mènent convenablement au but qui nous nous sommes fixés. Pour la recherche scientifique, le but est clair : il s'agit de reculer les limites de l'inconnu, d'agrandir le royaume du connu.

 Que sont les cercles vertueux, dans cette recherche ?

dimanche 3 avril 2016

Tout changer à chaque instant, pour du mieux.

Dans la série : "les phrases qui sont affichées sur le mur du laboratoire où travaille le Groupe de gastronomie moléculaire", il y a celle qui fait le titre de ce billet.

J'espère que cette phrase qui est  affichée sur le mur de mon bureau figure aussi au Sénat, à l'Assemblée nationale, dans le bureaux des ministres : c'est une mauvaise politique que de courir après l’urgence, et il vaut bien mieux construire des structures qui conduisent à l'amélioration, des "cercles vertueux", même. Toutefois les phrases que je me dis ne visent pas le vaste monde, mais seulement l’exercice de la recherche scientifique. En quoi cette phrase particulière concerne-t-elle notre travail ?
Bien évidemment, elle s'applique  aux théories (scientifiques) que nous produisons et qui sont toujours insuffisantes par principe : une théorie, c'est un modèle réduit de la réalité, et le but des sciences est de réfuter les théories existantes, en vue de les améliorer. Il y a aussi nos analyses, nos expériences, et là, une discussion s'impose, car il n'est  peut être pas judicieux d'aller chercher de la précision à l'infini. Il faut produire des données suffisantes pour établir les lois, chercher les mécanismes des phénomènes, réfuter les théories  en testant leurs  conséquences… mais cela ne signifie pas de chercher bêtement  des améliorations  de nos mesures à l'infini. Derrière toute expérience, il doit y avoir un objectif, et c'est cet objectif qui détermine la précision dont nous avons besoin. Cela étant, la phrase ressemble à celle de Michel Eugène Chevreul selon laquelle il faut tendre avec efforts vers la perfection sans y prétendre, et l'on se reportera donc à la discussion de cette phrase, dans un autre billet.

samedi 2 avril 2016

Il n'est pas vrai que la tête guide la main

Derrière toutes ces discussions, il y a évidemment la question des métiers dits manuels et   des métiers dits intellectuels, comme si l'on pouvait réduire un métier à l'emploi de ses mains ou de sa tête ! La tête guide la main ? Cette phrase est écrite sur une poutre du Musée du compagnonnage,  à Tours, et je l'avais affichée sur mon mur. Elle est aujourd'hui barrée.

Pourquoi évoquer la tête et la main, dans un laboratoire de chimie ? Parce que, dans un tel lieu,  il est de la plus haute importance que les expériences soient faites avec le plus grand soin :  le bris de récipients qui contiendraient des acides ou des solvants toxiques exposerait le personnel du laboratoire à des dangers parfois terribles. Il faut absolument que nous fassions nos expériences avec calme, précision, concentration.
Voilà pourquoi il ne doit y avoir aucun bruit dans un laboratoire de chimie. Aucun bruit de verre, notamment, car un verre heurté peut se briser, et conduire à des catastrophes.

Toutefois, un jour, alors que des Compagnons du Tour de France sont venus me rendre visite au laboratoire, ils ont vu cette phrase sur mon mur, m'ont interrogé sur sa présence, et, à leur stupéfaction, le commentaire de la phrase que j'ai fait devant  eux m'a conduit, devant eux, à barrer la phrase, car j'ai compris qu'elle était fausse.
Commençons par à analyser pourquoi il n'est pas vrai que la tête guide la main.  Imaginons que nous voulions prendre un verre posé devant nous. Il faut d'abord  que la tête donne l'ordre au bras de s'étendre et à la main de se diriger vers le verre : la tête guide la main. Toutefois il faut sans cesse corriger le mouvement du bras, ce qui impose à l'oeil de  déterminer la position de la main et du verre. Les informations de l'oeil vont à la tête. Évidemment, on pourrait considérer que l'oeil fait partie de la tête, mais à ce moment-là, la main aussi, et ce serait le corps qui guide le corps, ce qui serait une tautologie.
Mais continuons l'analyse. Les doigts approchent du verre,  et la tête leur dit de se refermer. Si les doigts qui se referment  ne disent pas à la tête la pression exercée, alors la tête ne pourra pas modifier cette pression et éviter le bris du verre. C'est d'ailleurs quelque chose qu'ont bien  compris les constructeurs de robots : il faut sans cesse  un échange entre la tête, la main, l'oeil, le pied, que sais-je ? 
Avec sa Lettre sur les aveugles, Diderot avait très bien analysé que nous ne pouvons penser sans les sens,  et que, de ce fait, la question de la tête et de la main est mal posée. Il n'y a pas la tête d'un côté et la main de l'autre ;  il y a l'être, avec tête et mains… et voilà pourquoi j'ai barré cette phrase, que je ne crois pas juste.

8. Êtes-vous petite bouffe rapides ou grands gueuleton ?

 Je vais essayer d'interpréter la question, bien évidemment. Voulez-vous dire « vous livrez-vous à », ou bien « préférez-vous » ?
 Si on me demande ce que je préfère, je réponds que lorsque j'ai eu cette chance inimaginable de manger dans de les restaurants d'artistes culinaires, ce n'est certainement pas de « petite bouffe » dont il s'agissait, car nous ne sommes pas des bêtes ; il ne s'agissait pas non plus d'un gueuleton, mais d'opéra. D'ailleurs, je n'aime pas le mot « bouffe », et je ne suis pas certain d'aimer non plus "gueuleton".
Cela dit,  on ne peut pas voir ces moments exceptionnels sans cesse, il faut se reposer, avoir  parfois un potage, une grillade, autre chose, un simple pâté lorrain , un morceau de saucisson, un bout de fromage avec un très bon pain.
D’ailleurs il faut immédiatement ajouter que bien manger n'est pas toujours une question d'argent. Le pain, par exemple, c'est une question de travail, de savoir-faire, de soin de l'artisan. Il y a des boulangers qui  font des baguettes extraordinaires, qui valent le prix de la baguette, mais qui ont une « qualité »  dont on se souviendra longtemps. C'est merveilleux de voir que certaines boulangeries ont des queues de cent mètres, et d'autres n'ont personne : tout tient à la qualité du pain, au travail du boulanger.
J'aime beaucoup cette idée du  travail d'artisan. À partir d'une matière simple, faire quelque chose de remarquable, construit, d'intelligent, de "beau".

vendredi 1 avril 2016

Etes-vous blanquette ou viande grillée ?

La viande grillée peut être délicieuse... mais que  cela signifie-t-il ? Que je l'aime ? Je suis alors comme de nombreux animaux, dont on a montré qu'ils préfèrent les aliments cuits aux aliments  crus. Cela étant, grillée comment ?
Je profite de l'occasion pour rappeler qu'une viande cuite à la poêle n'est pas poêlée, mais sautée, car une poêle est le plus souvent un sautoir. Pour poêler, il faut utiliser un poêlon.

J'aime aussi beaucoup la blanquette... quand elle est artistiquement composée. Pourquoi un zeste de citron est-il si intéressant, dans un tel plat ? Pour la crème, je comprends, puisque c'est de la matière grasse, mais le citron ?

Cela dit, pourquoi ne considérer que ces deux préparations ? Un lièvre à la royale me plait bient, et un faisan en cocotte, et une choucroute, etc.

mercredi 30 mars 2016

Ne confondons toujours pas

Amusant : un correspondant parle d'un industriel de la chimie, et il écrit "Oui. Il s’agit d’un ancien cadre de l’usine xxxx. Donc un chimiste, comme vous…". 

Un chimiste comme moi ?  Ma réponse : 


Un chimiste comme moi ? Disons qu'il y a des chimistes, techniciens ou ingénieurs qui mettent en oeuvre des réactions, et des gens qui font des sciences chimiques, à savoir qu'ils étudient les mécanismes des transformations. 
Je ne crois  pas que l'on puisse ranger Marie Curie avec les exploitants d'Areva, pour prendre une comparaison dans un champ différent, ni les physiologistes de la vision des couleurs avec les peintres en bâtiment, ni les biologistes de l'Inra avec les jardiniers. 
 Je ne méprise aucune catégorie professionnelles (sauf les catégories malhonnêtes par principe, bien  sûr), mais je crois que nous avons intérêt à voir les différences ! 

Vive la connaissance produite et partagée

mardi 29 mars 2016

Ce matin, un communiqué de presse où je lis "Nouveauté été 2016, dans la capitale mondiale de la gastronomie...".

Evidemment, je réponds : "La capitale mondiale de la gastronomie : Colmar ou Strasbourg ?"

Le cabinet de presse me dit alors  : "Nous faisions référence à Lyon et au titre donné par Curnonsky. Les semaines gastronomiques de xxx se déroulent à Lyon mais elles sont bien sûr dédiées à tous les gastronomes français, de Rhône-Alpes et d’ailleurs, ainsi qu’aux gourmets étrangers. Certaines semaines leur sont d’ailleurs dédiées (Chinois, Corée, Espagnol, etc.).

Ce qui attire (évidemment) de ma part le commentaire suivant :


Merci de votre retour. Mais c'est un peu comme  si le critique culinaire du Figaro (ou Monde, ou France Info, ou France Inter, ou TF1, ou M6... (je n'ai rien contre les gens honnêtes) décidait que la Capitale de la Gastronomie était Rungis, ou Tours, ou  Bordeaux, ou Dijon... Je ne cite pas ces villes au hasard : elles étaient candidates pour abriter la Cité de la gastronomie, quand la France a inscrit le repas gastronomique des Français au Patrimoine immatériel de l'humanité.
Et je maintiens que je mange mieux à Colmar, à Strasbourg ou à Paris qu'à Lyon : d'une part, la cuisine qui s'y fait est plus proche de ma culture (manger  bien, c'est manger ce que j'aime, non ?), et, d'autre part... mon ami Pierre Gagnaire n'est pas à Lyon (pas  à Colmar encore, mais attendons ;-) ).
Et puis, New York ? Tokyo ? Londres ? Curnonsky a vécu il y plus d'un demi siècle, et de l'eau est passé sous les ponts. Au lieu de nous regarder le nombril (et, pire, un nombril vieilli), nous ferions mieux de travailler, et de jeter un regard sur le vaste monde, où d'autres travaillent.
De toute façon, est-ce une bonne stratégie de communication de plaire aux Lyonnais en fâchant tous les autres, qui sont quand même bien plus nombreux ? Pas sûr...
Evidemment, s'il s'agit seulement de faire causer de la ville, pourquoi pas : j'ai quand même écrit trois fois le mot dans ce billet... mais je ne suis pas sûre  qu'elle en sorte grandie.