Affichage des articles dont le libellé est théorie fausse. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est théorie fausse. Afficher tous les articles

jeudi 25 juillet 2019

Pourquoi tant de résistances à propos de ces cas cette théorie FAUSSE des 4 saveurs ?


Je comprends pas comment il est possible que, aujourd'hui encore, des personnes continuent de croire qu'ils puisse exister seulement quatre saveurs, alors que les travaux le physiologie sensorielle ont démontré le contraire depuis des décennies ! 
Là, aujourd'hui même, un collègue s'étonne quand je lui dis que la théorie FAUSSE des quatre saveurs est FAUSSE, donc, et l'explication que je lui donne me conduit à faire ce billet de témoignage.

Commençons donc avec la théorie FAUSSE des quatre saveurs. Elle stipule que l'on ne reconnaîtrait que quatre saveurs  : le sucré, le salé, l'amer, l'acide.
D'ailleurs, en général, ceux qui adhèrent à la théorie des fausse des quatre saveurs propagent également la prétendue (et FAUSSE) carte  de la langue, selon laquelle la pointe reconnaîtrait le sucré, par exemple. Moi qui suis un être simple, je m'étais empressé, dans les années 1980, de tremper la pointe de la langue dans une solution sucrée et je n'avais rien senti, ce qui m'avait alerté (j'ai répété l'expérience avec  une trentaine d'amis, lors d'un séminaire de gastronomie moléculaire, avec le même résultat pour la moitié du groupe environ).
Mais les choses sont devenues plus sérieuses quand j'ai eu entre les mains l'excellent article scientifique  d'Annick Faurion intitulé
Naissance et obsolescence de la théorie des quatre saveurs.
En réalité, n'importe qui peut savoir que cette théorie est FAUSSE, à condition de bien faire l'expérience de se pincer le nez quand on goûte, et de ne pas confondre la saveur avec les sensations trigéminales, de piquants et de frais (observez le pluriel à "piquants", mais c'est une autre histoire). Par exemple, goûtez ainsi des graines de cardamome, le nez pincé, et vous ne sentirez rien que la consistance. Puis, si vous libérez le nez en cours de mastication, alors une odeur apparaîtra, les molécules odorantes libérées par la mastication atteignant le nez. Là, pas de saveur, mais seulement de l'odeur (rétronasale, donc).
Si vous répétez l'expérience avec du sel blanc, alors vous aurez une saveur, mais rien de plus en libérant le nez. Idem pour du sucre. Mais pour du  vinaigre blanc, alors vous aurez les deux sensations d'odeur et de saveur : d'ailleurs on sait bien qu'il y a une odeur, puisqu'il suffit de sentir le vinaigre ! Et il y a sans doute aussi du trigéminal.

Mais passons à autre chose :  si vous avez la curiosité de goûter du bicarbonate, avec le même protocole, vous percevrez rapidement qu'il n'est pas exactement salé, ni sucré, ni acide, ni amer ; il y a une sorte de "savonneux". Puis, si vous goûtez un peu de vodka en vous pinçant le nez, afin d'éviter que l'odeur de l'éthanol ne remonte vers le nez par les fosses rétronasales, alors vous percevrez une saveur qui n'est pas salée, pas sucrée, pas acide, pas amère, et pas la même que le bicarbonate. Ce qui fait donc au minimum six saveurs.
Mais si vous goûtez maintenant  du monoglutamate de sodium, vous verrez qu'il n'est ni salé, ni sucré ni acide, ni amer, ni comme le bicarbonate, ni comme l'éthanol de la vodka... Et voilà encore une nouvelle saveur.
Et ainsi de suite. Le nombre de saveurs est considérable, et on le sait depuis des décennies ! Pourtant, que de résistance  !

Je me souviens par exemple qu'en 1992, lors du premier colloque de gastronomie moléculaire que j'organisais en Sicile, le directeur du Monell Institute de Philadelphie, centre de recherche spécialisé dans les odeurs ou, plus généralement, les "sens chimiques", me soutenait qu'il n'existait que quatre saveurs. Trois ans plus tard, le même homme,  me soutenait qu'il y avait cinq saveurs, au nombre desquelles il comptait l'umami. Je n'ai jamais compris comment il résistait ainsi aux faits. Et je suis bien désolé, en outre, de dire à mes amis les plus conservateurs que l'umami est une notion très commerciale, qui n' pas pas sa place  dans les discussions sérieuses de physiologie sensorielle. Pourquoi ?
Là, un témoignage bien plus spécifique : tout d'abord, il est consternant de voir que de nombreux articles prétendument scientifiques à propos de l'umami sont signés par du personnel d'une compagnie qui vend du monoglutamate de sodium ou par des universitaires sponsorisé par cette compagnie, ce qui les met en grave conflit d'intérêts.
Et  je peux aussi  témoigner que,  lors de ma première visite au Japon, les directeurs d'une société qui vend du monoglutamate de sodium m'ont dit en moins d'une heure d'intervalle que l'umami  était la saveur du mélange d'acide glutamique et d'alanine,  puis du monoglutamate de sodium. Je leur ai évidemment fait observer qu'il n'était pas possible que l'umami soit une saveur élémentaire si c'était le mélange de la saveur de l'alanine et de la saveur de l'acide glutamique... mais ces personnes s'en moquaient : seul comptait pour elles le chiffre d'affaires ! Je leur ai également fait observer que la saveur de l'acide glutamique n'était pas exactement la saveur du monoglutamate de sodium. Mais là encore, "cause toujours tu m'intéresse".
De toute façon, la prétendue saveur umami n'est PAS "la" cinquième saveur, puisque il y  a sans doute un nombre très grand, voire infini, de saveurs. Car, dans ma trop courte liste précédente,  j'ai omis l'acide glycyrrhizique de la réglisse, ou bien encore le fait que l'acide malique n'a rien à voir, du point de vue de la saveur, avec l'acide acétique ou avec l'acide citrique ; ou encore le fait que la saveur du lactose n'est pas celle du saccharose, ni celle de l'aspartame, et ainsi de suite.

Les gens sérieux, ceux qui lisent les bons articles scientifiques, savent bien, de surcroît, que l'on a découvert une perception des acides gras insaturés à longues chaînes,  ou encore une perception des ions calcium... Ceux qui vivent encore plus finement savent que les électrophysiologistes qui explorent les réactions des cellules réceptrices des papilles, savent que deux cellules voisines, dans une papille, réagissent à des composés différents.

Bref il est vraiment incroyable que des universitaires en 2019 croient encore à la théorie FAUSSE des quatre saveurs, que des livres d'enseignement propagent ces idées fausses.
Le commerce a fait beaucoup de mal soit avec ses messages délétères, soit en graissant la patte  d'universitaires au nombre desquels j'aurais honte d'être compté !