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vendredi 15 avril 2022

Le fumage ?



On m'interroge sur l'intérêt du fumage, indépendamment du goût que cela peut donner, et je propose de ne pas oublier que nombre de nos procédés culinaires actuels découlent de techniques de conservation : le salage, les confitures, les confits, la fabrication de saucisson et du fromage, le fumage...

Car on ignore ou l'on a oublié que jadis et naguère, il fallait profiter, il fdes moindres ingrédients alimentaires, prolonger leur durée de vie quand on n'avait pas le froid ni la conserve.

Et le fumage est un de ces procédés empiriquement découvert :  la fumée dépose à la surface des ingrédients fumés des composés qui préservent contre les micro-organismes présents à la surface des denrées.

La fumée effectivement contient nombre de composés toxiques pour les micro-organismes, notamment les hydrocarbures aromatiques polycycliques, dont  il faut quand même dire qu'ils ne sont pas anodins  pour l'être humain ! Certains de ces composés sont très cancérogènes.

D'autre part, le fumage sèche la surface des denrées, ce qui contribue à la préservation  : les micro-organismes sont privés de l'eau qui leur est nécessaire pour proliférer.

Et, de ce fait, les viandes sont protégées, et ont le temps de s'attendrir.

Car il faut dire que le cadavre d'un animal fraîchement abattu durcit : c'est la "rigor mortis", ou raideur cadavérique. En effet, sans le cervau qui envoie des messages cohérents, les muscles se contractent de façon incohérente, et ils accumulent de l'acide lactique (crampes, courbatures).

Puis, les enzymes, qui sont des protéines actives, décomposent les autres protéines, lentement, et la viande s'attendrit. C'est l'importance de la maturation, que savent bien orchestrer les bons bouchers.

Evidemment, cela ne suffit pas à faire une bonne viande tendre quand on part de carne, mais cela s'impose pour des viandes raisonnables.

D'où l'intérêt de la marinade ou du fumage : on donne du temps pour que la maturation se fasse, sans que les micro-organismes ne viennent s'imposer de façon délétère.

Car on oublie souvent de penser que nous sommes entourés de micro-organisme : levures, bactéries, champignons microscopiques, et cetera. Et ce sont les surfaces qui sont contaminées bien sûr. A l'intérieur, il peut y avoir des parasites, mais commençons par des choses simples : ce sont surtout les surfaces qui sont contaminées et qu'il faut donc traiter, ce que fait le fumage.

vendredi 7 août 2020

Des questions de conservation


Conserver ?

Cela fut la grande préoccupation de l'humanité, avant la découverte de l'appertisation, des micro-organismes et du froid ! On n'a pas assez répété que nos saumons fumés, nos yaourts, nos fromages, nos vins, nos confitures... ne sont pas seulement des préparations délicieuses, mais des moyens de préserver, en prévision de disettes, des ingrédients soudainement abondants.
Que faire des haricots qui abondent, d'un coup ? Des conserves. Que faire des fruits qui font casser les branches des arbres ? Des confitures. Que faire du lait d'une traite, trop abondant pour être bu ? Du fromage. Et ainsi de suite.

Une idée simpliste, mais utile pour notre discussion : les aliments ne se conservent pas, parce que notre environnement (l'air) est plein de micro-organismes, lesquels sont des êtres vivants aux besoins analogues aux nôtres : il leur faut des températures modérées, de l'eau, des nutriments ; bref, tout ce que les ingrédients alimentaires classiques ont à leur surface. D'où des fermentations pas toujours bénéfiques : que l'on pense à ces Clostridium botulimum qui produisent la toxine botulique, mortelle !

Allons-y, en principe :

∘ Pour du yaourt, pas difficile : on ajoute des échantillons de deux micro-organismes, qui consomment lentement le lactose du lait (un sucre) et le transforment en acide lactique, qui fait "cailler", en un gel lisse qui est le yaourt. La recette est simplement d'ajouter au lait un peu de yaourt déjà fait, à du lait que l'on tiédit.

∘ Pour du fromage, pas difficile : on prend du lait, et on lui ajoute simplement de la présure, qui fait cailler ; on casse le caillé, on fait égoutter, et l'on récupère une matière sèchée que l'on peut saler, afin de guider des proliférations bactériennes utiles, comme pour le munster. Bien sûr, il y a mille variations... parfaitement décrites dans le livre du merveilleux et défunt Jean Froc, aux Editions Quae.

∘ Pour de la viande séchée, pas difficile : on passe au sel pendant plusieurs heures/jours, afin de faire croûter, le sel tirant l'eau (par le phénomène d'osmose) et imprégnant un peu la surface, puis on met dans un courant d'air, pour faire sécher : de la sorte, les micro-organismes manquent de cette eau dont ils ont besoin. Cela vaut pour les jambons ou les saucissons, mais aussi pour des pièces différentes. Et l'on garde cette idée forte : sans eau, la conservation se fait mieux.

∘ La conservation au sel ou en saumure ? Pas difficile : on met la viande ou le poisson dans du sel, lequel n'est pas un milieu favorable aux micro-organismes, dont il "tire" l'eau par osmose. Attention, je ne dis pas que des micro-organismes ne se multiplient pas dans la saumure, mais quand même, on a salé les jambons pendant des siècles : rappelons-nous l'histoire de Saint Nicolas et les trois petits enfants qui s'en allaient glaner aux champs.

∘ Tout comme le sucre ! D'ailleurs, le sucre est utilisé dans les hopitaux de campagne, directement déposé sur les plaies. Et cela engendre les fruits au sirop, mais aussi les confitures, et aussi quelques poissons : pensons aux gravlax, par exemple.
Tiens, j'y pense : ne manquez pas mon "truc" merveilleux pour bien doser le sirop des fruits au sirop ; cela est dans Mon histoire de cuisine (Editions Belin)

∘ Du sucre, on passe au miel, qui n'est en quelque sorte qu'une solution sucrée : on dit que le corps d'Alexandre le Grand fut rapporté à Alexandrie dans du miel.

∘ Et puisque nous avons évoqué sel et sucre, pensons fumage... qui sèche en même temps qu'il dépose des composés qui  bloquent la prolifération microbienne. Ne pas en abuser, toutefois, car à haute dose, ils sont cancérogènes : à preuve la plus grande incidence des cancers du tractus digestif dans les pays nordiques, qui mangent beaucoup de fumé.

∘ Le salpêtre : c'est une matière que l'on recueillait sur certains murs, afin de préparer de la poudre à canon. Il est utile dans des charcuteries, parce qu'il bloque certains micro-organismes tels que le Clostridium botulinum. Certains l'attaquent aujourd'hui, mais ont-ils raison ? A venir pour dans quelques semaines un rapport, qui explore la question, résultat de plusieurs auditions de spécialistes, scientifiques (différentes spécialités), technologues, techniciens. Sans parti pris politique !

∘ Le vinaigre ? Essentiel : j'ai ainsi dans mon garde-manger des cornichons, des mirabelles, des cerises et des quetsches au vinaigre. Indispensable pour un bon pot au feu à l'Alsacienne.
Une précision : dans mes quetsches au vinaigre, j'ajoute de la cannelle et du sucre.
Et pour les cornichons, il y a un "truc" pour les conserver croquants, à savoir les chauffer doucement dans le vinaigre, initialement, pour activer des enzymes végétales qui feront durcir.

∘ Mais on n'oublie pas que l'acide acétique du vinaigre vient de la fermentation de l'alcool éthylique (ou éthanol) du vin ! Et l'on conserve très bien dans l'eau-de-vie.

∘ L'appertisation : découverte par Nicolas Appert, elle permit de conserver des légumes... et, dans une exposition au Palais de la découverte, j'avais fait exposer des petits pois préparés par Appert  (c'était juste à la Révolution française).

∘ Et le froid : l'humanité a su conserver au froid quand elle en a disposé, mais faut-il vraiment faire un guide de l'utilisation des congélateurs.


En pratique ?

 Internet est plein de "recettes", de sorte que je ne vais quand même pas ajouter ma voix au concert... d'autant que c'est quand même simplissime.



Et l'intérêt  des conserves personnelles par rapport aux conserves industrielles ?

 Le mot "conserves" est ambigu, parce que toutes les préparations évoquées précédemment sont des "conserves", à défaut d'être de l'appertisation... qu'il faut quand même maîtriser correctement : j'ai déjà signalé le cas de tapenades artisanales qui avaient envoyé des clients à l'hôpital... et le fabricant inconscient en prison ! Mais pour des confitures, des quetsches, du saumon fumé,  de la viande séchée, et ainsi de suite, je préfère souvent les miennes !

samedi 30 mai 2020

N'empoisonnons pas nos amis !


Cela fait deux fois en deux jours que l'on m'interroge sur des questions de microbiologie, de conservation, et même plus précisément, de traitement du saumon. On me parle de fumage, on me parle de gravlax, et l'on me demande de l'aide pour que du saumon se conserve plus longtemps. Mais on doit prendre garde à bien fournir à nos amis des aliments qui ne les empoisonneront pas, n'est-ce pas ?


Commençons par rappeler que le fumage du saumon est une méthode ancienne de conservation du poisson, non seulement parce que l'on fait croûter un peu la surface, ce qui ne laisse pas d'eau disponible pour les bactéries pathogène de l'environnement, qui ne peuvent donc pas se développer, mais aussi parce que le fumage dépose à la surface exposée des composés qui sont des bactéricides puissants.
Le fumage classique n'est pas un procédé si sain que cela : certains des composés déposés par la fumés sont cancérogènes, et cela s'observe hélas sur les populations du nord de l'Europe, qui meurent plus que les autres de cancers du système digestif, en raison de leur consommation excessive de produits fumés.
Pour la confection de gravlax, la technique est différente, puisque c'est l'usage du sel et du sucre qui, provoquant le croûtage, évite la prolifération bactérienne : ces deux composés tirent l'eau de chair par osmose, formant une croûte superficielle, tandis que l'eau qui sort forme une flaque où sel et sucre sont dissous. D'ailleurs, on observera que certains fumages sont précédés d'un tel traitement, d'une part, et l'on dira, d'autre part, que le sucre tire l'eau plus efficacement que le sel... au point que ce même sucre est utilisé dans les hôpitaux de campagne, pour éviter le développement bactérien sur les plaies.

Du point de vue de la conservation, laquelle n'a pas grand chose à voir avec le goût ni avec la sécurité chimique des aliments, tout va  bien si l'on n'hésite pas à couvrir le poisson de sel et de sucre pendant un temps suffisant, de sorte qu'il y ait un bn croûtage, et si l'on fume un peu rudement de sorte que les composés susceptibles de tuer les micro-organismes soient abondants. Mais alors, le goût n'est pas bien délicat, et le produit est chargé de composés cancérogènes. C'est la raison pour laquelle mes interlocuteurs me demandaient de les aider à réduire  le fumage, d'une part, et réduire le croûtage, d'autre part.

Oui, mais on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre : en l'occurrence, on ne peut pas appliquer un procédé de conservation sans l'appliquer. Si l'on réduit fumage et croûtage, le poisson n'est plus protégé, et, sauf à utiliser une autre méthode de conservation, il se colonise de  micro-organismes potentiellement pathogènes.

D'ailleurs, cette question d'augmenter la durée de vie des produits alimentaires est une question non plus des cuisiniers mais des industries alimentaires, qui, précisément, doivent pouvoir fournir des aliments avec des dates de conservation aussi longues que possibles, pour que les produits puissent rester sur les rayonnages des boutiques.
Or ces question d'augmentation des durées de conservation sont difficiles. On peut conserver au sel (saumurage), au sucre (confitures), dans la graisses (confits), dans l'alcool, dans le vinaigre, au froid, on peut sécher, on peut effectuer des lacto-fermentations (yaours, choucroute...), on peut stériliser : il y a bien des façons, mais on doit toujours bien maîtriser ces techniques sous peine de tuer les convives. Et l'on aura raison de rappeler que, en 2015, une sauce au fromage artisanale a envoyé des clients au cimetière et à l'hôpital ; récemment un artisan inconséquent, criminel en quelque sorte, a intoxiqué ses clients avec des tapenades mal stérilisées... , tandis qu'il finissait en prison avec une amende, ce qui est la moindre des choses quand même car on a pas le droit de tuer autrui n'est-ce pas ? 

Ne jouons pas aux apprentis sorciers. La conservation est une question de vie ou de mort, et cela ne s'improvise pas, comme le croyait très naïvement les deux interlocuteurs qui m'ont récemment consulté, confondant d'ailleurs microbiologie et  chimie... ce qui doit alerter nos amis sur leur incompétence ! J'espère que le discours rigoureux que je leur ai tenu les aura dissuadés de se lancer dans les productions hasardeuses qu'ils projetaient !