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jeudi 17 février 2011

Il y a des choses trop sérieuses pour qu'on n'en rie pas!

J'emprunte le titre de ce billet à Niels Bohr, l'un des plus grands physiciens du XXe siècle.

Et, dans la même veine joyeuse, je vous invite à lire, relire, distribuer autour de vous (surtout dans les agences de financement de la recherche), ce merveilleux texte de Leo Szilard (que je traduis bien maladroitement : pardon)





"I have earned a very large sum of money," said Mr. Gable, turning to me," with very little work. An now I'm thinking of setting up a trust fund. I want to do something that will really contribute to the happiness of manking; but it's very difficult to know what to do with money. When Mr. Rosenblatt told me that you'd be here tonight I asked the mayor to invite me. I certainly would value your advice."
"Would you intend to do anything for the advancement of science?" I asked.
"No," Mark Gable said. "I believe scientific progress is too fast as it is.".
"I share your feeling about this point," I said with the fervor of conviction, "but then why not do something about the retardation of scientific progress?"
"That I would do very much like to do," Mark Gable said, "but how do I go about it?"
"Well," I said, "I think that shouldn't be very difficult. As a matter of fact, I think it would be quite easy. You could set up a foundation, with an annual endowment of thirty million dollars. Research workers in need of funds could apply for grants, if they could make out a convincing case. Have ten committes, each composed of twelve scientists, appointed to pass on these applications. Take the most active scientists out of the laboratory and make them members of these committees. And the very best men in the field should be appointed as chairmen at salaries of fifty thousand dollars each for the best scientific papiers of the year. This is just about all you would have to do. Your lawyers could easily prepare a charter for the foundation. As a matter of fact, any of the National Science Foundation bills which were introduced in the Seventy-ninth and Eightieth Congresses could perfectly well serve as a model."
"I think you had better explain to Mr. Gable why this foundation would in fact retard the progress of science," said the bespectacled young man sitting at the far end of the table, whose name I didn't get at the time of introduction.
"It should be obvious," I said. "First of all, the best scientists would be removed from their laboratories and kept busy on committes passing on applications for funds. Secondly, the scientific workers in need of funds would concentrate on problems which were considered promising and were pretty certain to lead to publishable results. For a few years there might be a great increase in scientific output; but by going after the obvious, pretty soon science would dry out. Science would become something like a parlor game. Some things would be considered interesting, others not. There would be fashions. Those who followed the fashion would get grants. Those who wouldn't would not, and pretty soon they would learn to follow the fashion, too."

Leo Szilard, The voice of dolphins, p. 99
Simon and Schuster, New York, 1961



"J'ai gagné beaucoup d'argent, dit Mr Gable, en travaillant très peu. Et je pense à créer une fondation. Je veux faire quelque chose qui contribuerait au bonheur de l'humanité ; mais cest très difficile de savoir quoi faire avec l'argent. Quand Mr Rosenblatt m'a dit que vous seriez ici ce soir, j'ai demandé au maire de m'inviter. J'aimerai avoir votre avis."
" Vous voulez faire quelque chose pour l'avancement des sciences ?", demandai-je.
"Non, dit Mark Gable, je pense que les sciences progressvent trop vite."
"Je suis d'accord avec vous, dis-je d'un ton convaincu. Alors pourquoi ne pas faire quelque chose pour ralentir le progrès scientifique ?
"Ca, j'aimerait beaucoup, dit Mark Gable, mais comment faire ?
- Cela ne devrait pas être très difficile. Ou plutôt, je crois que c'est trsè simple. Vous feriez une fondation, avec une dotation annuelle de 30 millions de dollars. Les scientifiques ayant besoin d'argent pour leur travaux pourraient faire des demandes, acceptées à condition qu'elles soient suffisamment argumentées. Créez dix comités, chacun composés de douze scientifiques, et qui seraient payés pour évaluer les demandes. Sortez ainsi les scientifiques les plus actifs de leur laboratoire, et nommez-les à ces comités. Et les meilleurs seraient présidents, avec des salaires de cinquante mille dollars, attribués aux meilleurs articles de l'année. C'est tout. Vos avocats n'auront pas de difficulté à créer la chose. D'ailleurs, le travail est fait, puisque les documents du Fond américain pour la science des années soixante-dix et quatre vingt pourraient facilement servir de modèle.
- Et pourquoi cette fondation ralentirait-elle le progrès des sciences, demandaa un jeune homme à lunettes assis au bout de la table et dont le nom m'avait échappé, quand on me l'avait présenté?
- C'est évident, dis-je. Tout d'abord, les meilleurs scientifiques seraient sortis de leur laboratoire, et occupés à examiner les dossiers. Ensuite les scientifiques en mal de fonds se concentreraient sur des questions qui seraient considérées comme prometteuses, et certaines de conduire à des résultats publiables. Pendant quelques années, la production scientifique augmenterait, mais après l'épuisement des questions évidentes, la science s'assécherait. Elle deviendrait une sorte de café du commerce. Certaines questions seraient considérées comme intéressantes, et d'autres non. Il y aurait des modes. Ceux qui suivraient la mode obtiendraient des financements. Les autres non, de sorte que rapidement, ils se mettraient également à suivre la mode."