Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
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jeudi 14 février 2019
Les leçons... d'un Monsieur de Qualité
Max Brossollet vient de nous quitter : quelle tristesse ! Et quelle perte ! Je me propose ici de livrer quelques souvenirs édifiants que je conserve précieusement. L'idée n'est pas d'ouvrir mon cœur comme on pourrait faire dans un journal intime, car le moi est haïssable, mais de montrer, à mes amis et à moi-même, comment cet homme extraordinaire nous a laissé des enseignements qui seront -j'espère- utile à tous.
Bien sûr, une telle perte m'atteint d'autant plus que la personnalité de Max était remarquable. C'était une "belle personne", au sens que j'ai donné précédemment, à savoir, pour simplifier, un homme qui, par la plus grande des élégances ou des politesses, savait apporter des étincelles d'intelligence dans les discussions que vous aviez avec lui... et il ne tenait qu'à votre étoupe personnelle que le brasier grandisse ! Je prends un exemple tout simple : lorsqu'un hommage lui fut rendu, quand il quitta les éditions Belin, qu'il avait fait grandir pendant des décennies, il termina son allocution par un "Honneur à vous" qui dit tout, je crois. Bien sûr, il y avait pensé... mais ne pensait-il pas, surtout, d'abord ?
Oui, Max Brossollet faisait partie de ceux qui rayonnent, de ceux qui font de la lumière dans nos communautés. Certes, c'est là le travail des éditeurs en général, mais il y en a tant qui font de l'édition pour des raisons extrinsèques, en mercenaires... Pour Max, je me suis toujours demandé, et je me le demande d'ailleurs encore, comment il faisait pour être si bien au service d'une transmission sans prendre la plume lui-même. Ce qui en faisait évidemment un éditeur extraordinaire : au lieu de pondre ses propres œufs, il savait bien arranger le nid. Mais la métaphore ne me plaît guère, et je reviens à ma matière : : il savait comme pas un susciter le meilleur d'un auteur, parce que c'était un lecteur... et un constructeur. Sauf erreur, il était architecte de formation, et il avait conservé de cette formation la capacité inouïe de penser la construction des textes, mais aussi des livres, voire des collections. Nous étions à l'époque du structuralisme... mais nous aurions été à l'époque de l'Encyclopédie qu'il aurait fait de même, et certainement pas avec la mauvaise réputation des commerçants qui ont produit l'Encyclopédie en châtrant malhonnêtement Diderot. Pour Max, "la vie d'une maison d'édition, c'est sa réputation" : tout était là, à savoir le travail qui doit être fait, et jusqu'au comportement de ceux qui le font, à la manière d'un Shitao qui propose de se débarrasser de la "poussière du monde" pour arriver à l'"unique trait de pinceau".
Comment ne pas être atteint, par une telle perte ! Comment ne pas déplorer la disparition d'un tel exemple ! Souvent, lors d'un décès, on pleure sur soi-même, sur des relations que l'on avait avec le disparu, sur le support de notre affection qui s'évanouit, nous laissant -égoïstement- désemparé, privé d'une de nos colonnes vertébrales. Mais, ici, je pense moins à moi qu'à nos communautés, qui ont besoin de beaucoup de lumière. Tout en sachant que la modestie (relative, ou, disons à bon escient) de Max Brossollet ne le laissait pas aller beaucoup rayonner en dehors de sa sphère efficace. Il n'était pas de ces petits marquis qui vont à la cour, pour briller, car il préférait sa baronnie de la rue Férou, sa production éditoriale.
Editeur ? Avec Max, il y a mille merveilleux souvenirs d'édition, à commencer par quelques uns que je livre ici.
Par exemple, un jour, j'avais pris rendez vous avec lui (j'avais trente ans et c'était mon Président Directeur Général) pour lui dire que, ayant regardé mes cahiers de notes avant de les ranger, j'avais compris qu'il m'avait donné des leçons d'édition à chacune de nos rencontres ; je voulais donc l'en remercier, mais il m'avait dit très modestement que c'est moi qui avait tiré des leçons de ces réunions de travail. Quelle grandeur ! Quelle Qualité !
Ou encore, tout jeune arrivé aux éditions Belin, j'avais été invité à dîner chez lui et son épouse Nadège à l'occasion de la visite à Paris d'un des deux créateurs de la revue Scientific American. On imagine mon émoi ! Après le repas,dans le salon, il m'avait demandé ce que j'imaginais des livres scolaires ou universitaires. Je lui avait répondu que, en classes préparatoires, j'avais eu des livres d'exercices corrigés, vite faits, en caractère de machine à écrire, mais intelligents... et il m'avait cueilli d'un coup de poing au foie en me disant que, chez Belin, on voulait la plus grande qualité intellectuelle, mais servie par la plus belle maquette, la plus belle organisation du livre, la plus belle typographie. Quelle leçon !
Mais j'ai mille exemples de ce type. Notamment, le travail que Max m'avait invité à faire pour la production des Secrets de la casserole, manuscrit qu'il avait accepté en une soirée ! Quel bonheur que la réalisation de ce livre !
Ou encore, nous avons "perdu" notre PDG pendant plusieurs mois, quand il a racheté la Librairie générale de l'enseignement, parce qu'il avait visité la cave et découvert les documents nécessaires pour la production de la Flore de Bonnier. C'est lui-même, et nul autre, qui fit paraître à nouveau les livres, faisant un succès d'édition extraordinaires de quelques documents épars. Entre ses doigts d'or naissaient les plus beaux des livres, du Tour de la France par deux enfants à ces manuels de lecture... sans oublier l'aventure de la revue Pour la Science, où j'ai eu vingt ans de pur bonheur !
Mais, certainement sans conclure, il me faut terminer ce billet-ci en repensant à ce prêtre qui, lors de la messe d'enterrement de Max, nous invitait à nous demander quelles excuses nous pouvions lui présenter, quels mercis nous pouvions lui adresser. Je crois avoir répondu en mon cœur que Max Brossollet était, avec quelques uns que je ne nommerais pas puisqu'ils sont vivants, de ceux qui ont l'élégance de penser que tout ce qui doit être fait doit être bien fait, mais, aussi, que chaque échange doit être l'occasion d'apporter quelque chose à son entourage. Ces belles personnes sont des exemple que je chéris.
Amis, je vous souhaite d'en rencontrer !
vendredi 8 décembre 2017
Le bonheur du numérique, pour les publications scientifiques
Il était une fois des scientifiques qui voulaient partager leur émerveillement du monde avec des amis capables de recevoir ce sentiment de pur bonheur de l'abstraction. Ils leur écrivaient de longues lettres.
Mais quand ils avaient plusieurs amis, ils devaient recopier leurs lettres. Certes, on peut toujours changer à mesure que l'on copie, et produire du nouveau, affiner sa pensée, mais quand même, il apparut un besoin, de duplication.
L'imprimerie ayant été inventée, les scientifiques voulurent imprimer leurs textes, et ils recoururent à des imprimeurs, lesquels étaient plus ou moins éditeurs simultanément.
Puis des éditeurs comprirent qu'ils pouvaient gagner de l'argent en rendant le service de composer des recueils de publications, qu'ils vendaient aux institutions, bibliothèques universitaires, par exemple. Là, les auteurs consentirent à ne plus payer, en échange de la cession de leurs droits d'auteurs.
Puis apparut le numérique : cette fois, plus de papier, plus d'impression, et l'on n'a plus besoin des éditeurs, puisque le travail d'édition (du secrétariat, en réalité) pouvait être fait par les institutions scientifiques, tandis que, de toute façon, le travail d'édition (évaluation, échanges avec les auteurs) était fait par les "pairs", gratuitement.
C'est le modèle des revues "open" et "free", telles nos Notes Académiques de l'Académie d'Agriculture de France (N3AF).
L'indexation ? Elle se fait très bien, sans difficulté.
Publions dans les N3AF, ou toute autre revue du même type !
Mais quand ils avaient plusieurs amis, ils devaient recopier leurs lettres. Certes, on peut toujours changer à mesure que l'on copie, et produire du nouveau, affiner sa pensée, mais quand même, il apparut un besoin, de duplication.
L'imprimerie ayant été inventée, les scientifiques voulurent imprimer leurs textes, et ils recoururent à des imprimeurs, lesquels étaient plus ou moins éditeurs simultanément.
Puis des éditeurs comprirent qu'ils pouvaient gagner de l'argent en rendant le service de composer des recueils de publications, qu'ils vendaient aux institutions, bibliothèques universitaires, par exemple. Là, les auteurs consentirent à ne plus payer, en échange de la cession de leurs droits d'auteurs.
Puis apparut le numérique : cette fois, plus de papier, plus d'impression, et l'on n'a plus besoin des éditeurs, puisque le travail d'édition (du secrétariat, en réalité) pouvait être fait par les institutions scientifiques, tandis que, de toute façon, le travail d'édition (évaluation, échanges avec les auteurs) était fait par les "pairs", gratuitement.
C'est le modèle des revues "open" et "free", telles nos Notes Académiques de l'Académie d'Agriculture de France (N3AF).
L'indexation ? Elle se fait très bien, sans difficulté.
Publions dans les N3AF, ou toute autre revue du même type !
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité
sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
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