Prenons un moment pour discuter de la relation entre les mots et les sciences.
Pendant longtemps, j'ai dit, en substance, que l'on ne pouvait faire de bonne science qu'avec de bons mots, et que la pensée et le bon maniement des mots allaient de pair.
Je le crois encore, même si j'ai mis de l'eau dans mon vin, non pas que j'admette que les mots puissent être approximatifs, mais surtout parce que je reconnais aujourd'hui que la science peut se faire sans mots : le grand Henri Poincaré, qui semble avoir été un exemple d'honnêteté, n'a-t-il pas dit que sa plus grande difficulté était de mettre des mots sur les idées mathématiques qui se formaient en lui, et non pas d'avoir ces idées ?
Et puis, surtout, je m'en veux d'avoir répété sans esprit critique l'introduction du Traité élémentaire de Lavoisier. Lavoisier disait que la science, c'était les phénomènes, et que, pour étudier des phénomènes, il fallait les penser, et donc mettre des mots. Lavoisier concluait qu'il n'y avait pas de progrès de la science sans progrès de la nomenclature, et vice versa.
J'étais ébloui par Lavoisier, notamment parce que Lavoisier citait Condillac, pour lequel Lavoisier et ses contemporains avaient la plus grande admiration.
Mais je n'ai pas de véritable excuse, et je m'en veux, aujourd'hui, d'avoir si longtemps propagé l'idée de Lavoisier.
Certes, des géants tels que Michael Faraday ont également insisté sur l'importance des mots : pour ses découvertes, Faraday ne cessa d'introduire de nouveaux mots : cathode, anode, cation, anion, ion... Plus près de nous, le chimiste Jean-Marie Lehn fut à l'origine de plusieurs grandes avancées intellectuelles, notamment quand il proposa de nomme « chimie supramoléculaire » cette chimie qui se fonde sur des liaisons plus faibles que la liaison chimique classique, covalente.
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