jeudi 12 octobre 2023

Pourquoi je ne veux plus mesurer de volumes

 
Il y a environ 15 ans, j'ai voulu un jour faire l'expérience de ma vie, une expérience parfaitement réalisée en vue d'obtenir des résultats aussi précis que possible, en l'occurrence pour des analyses par spectrofluorimétrie, méthode merveilleuse parce qu'elle permet de doser de très petites quantités de composés fluorescents. Pour mes expériences, je devais préparer des solutions dans l'éthanol, et j'avais donc tout planifié pour une expérience qui devait durer environ une journée. 

A l'époque, j'étais, comme le sont la majorité des étudiants, influencé par l'emploi de ce paramètre qu'est la concentration des solutions : la concentration est le plus souvent une quantité qui s'exprime en moles par litre. De ce fait, j'avais le sentiment qu'il me fallait des masses de soluté bien connues, ce qui s'obtient avec une balance de précision, et des volumes de solution aussi précisément connus que possible. J'avais donc pris une fiole jaugée, dont j'avais contrôlé le certificat, et j'avais placé de l'éthanol dans la fiole avec un soin tout particulier. La solution étant préparée, il me restait maintenant à l'analyser par fluorimétrie, de sorte que je quittais la pièce de préparation des échantillons pour gagner la pièce où était installée le fluorimètre. 

Là, il y eut un appel téléphonique, de sortes que je laissai ma fiole sur la paillasse. Il n'y avait pas de risque : elle était convenablement fermé. Le coup de téléphone terminé, je me retournai donc pour prendre la fiole et... le niveau de liquide était descendu d'environ 1 centimètre ! La solution s'était elle évaporée ? Je vérifiais l'étanchéité, mais, surtout, je décidais de recommencer la solution, clé de mon expérience. Je repartais donc pour la pièce de préparation de ma solution, et réunissais à nouveau les ingrédients nécessaires. Coup de chance : le téléphone se remit à sonner. Je répondis, et, quand je me retournais, avant que j'ai touché à ma solution initiale en aucune manière, le niveau était revenu à la valeur correcte ! Cette fois, il n'était pas difficile de comprendre ces phénomènes : j'avais fait la préparation de la solution à température ambiante (on était en été), tandis que la fluorimétrie se faisait dans une pièce thermostatée, à 18° C. Ce que j'avais observé, c'était la dilatation du verre et du solvant. Un centimètre de différence dans le col de la fiole ! 

Manifestement la mesure d'un volume était une mauvaise pratique ! Quelle solution trouver à ce problème ? Il y en a plusieurs, à commencer par préparer les solutions à la même température que les mesures, mais puisque la masse volumique dépend de la température, ces solutions sont alors imprécisément connues, qu'elles soient ou non les mêmes entre le moment de la préparation et le moment de la mesure. Faire les préparations dans une pièce dont on mesure la température, et faire ensuite des corrections ? C'est possible, mais il faut alors se reposer sur des données expérimentales (pour les corrections) dont on n'a pas la certitude absolue qu'elles soient très bonnes. 

Allons, il vaut mieux éviter de mesurer des volumes, et utiliser des balances, qui de toute façon, nous donneront des précisions bien supérieures à celle des fioles jaugées. A titre indicatif, j'ai calculé la précision dans les deux cas : tout peser, contre peser le soluté et mesurer le volume du solvant. La précision de la méthode qui pèse tout est dix fois supérieure à la précision de la méthode qui utilise des volumes. Et encore, mon calcul est charitable !

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