Plus j'y pense, plus je trouve que les parcs d'attractions prennent les visiteurs pour des imbéciles, tout comme les fast food que l'on y trouve, d'ailleurs. Je dis cela, parce que deux jeunes amis de notre laboratoire, venus de l'étranger pour apprendre avec nous, m'ont annoncé vouloir passer le week-end dans un parc d'attraction près de Paris. Ces deux jeunes amis ne sont pas les meilleurs de notre groupe, pas ceux qui sont le plus "capables", pas ceux qui se donnent le plus les moyens d'arriver à mener à bien nos travaux : le sutor non supra crepidam aurait-il un fond de vérité ?
Dans un tel cas, je me contente d'interroger, comme Socrate l'aurait fait : quel est l'objectif ? pourquoi aller là plutôt qu'ailleurs ? cette visite les rendra-t-elle demain plus intelligent qu'aujourd'hui ? Et, évidemment, ces amis ont été gênés, d'autant que je leur avait parlé du Palais de la découverte, du Louvre, du Musée du Quai Branly... et qu'il savaient bien, au fond, que ce temps serait mal consacré. Au fond, les bandes dessinées pour enfants sont... pour les enfants, non ? Et, surtout, cette visite était une "occupation" : désoeuvrés, nos amis prévoyaient de meubler un temps en groupe, cédant à la socialité de l'espèce animale qui est la nôtre plutôt que de chercher comment s'élever l'esprit.
Bien sûr, j'ai eu l'impression d'être un vieux rabat-joie, lors de cette discussion, mais quand même : les activités proposées sont de celles que les empereurs romains proposaient au peuple pour avoir la paix : panem et circenses, du pain et des jeux. A l'époque, les gladiateurs s'entretuaient en public, de sorte... qu'il y a eu un progrès, mais, quand même, une certaine industrie des loisirs est prête à n'importe quelle bassesse pour profiter de la faiblesse des plus faibles d'entre nous... et elle y réussit, hélas.
Je sais bien que, comme le disait Jean de La Fontaine, que "Si Peau d'âne m'était conté, j'y prendrais un plaisir extrême" , mais quelle est notre objectif ? Avons-nous tant de temps que cela devant nous pour ne pas chercher à profiter de la moindre seconde pour nous élever l'esprit ?
Dans la discussion que j'ai eue avec mes amis, il y a eu cette expression terrible : "nous allons nous vider la tête". Quoi, se vider la tête alors qu'il y a lieu de la remplir ? Quel réelle nécessité ? Car mes amis sont dans un environnement merveilleux, pas à la mine ! Et leurs "soucis" sont en réalité inexistants : ces enfants gâtés ont de quoi se nourrir, se loger, étudier... En vérité, ils n'aiment pas véritablement l'étude. Et c'est pourquoi ils la quittent pour ces parcs d'attraction faits pour capter ceux qui, précisément, n'aiment pas assez l'étude pour s'y consacrer.
Il n'y a peut-être rien à faire contre cela, et se lamenter n'est pas utile. Mieux vaut des propositions positives pour arriver à améliorer le monde dans lequel ces jeunes amis vivront demain. La question fondamentale, c'est donc de conduire nos amis à plus aimer l'étude qu'il ne l'aiment. Comment faire ? Certainement nous devons "lutter à armes égales" avec les parcs d'attractions, et nous rendre compte que, face à du mouvement, des péripéties, des regroupements humains, nous ne proposons que de l'isolement, du calme, de la monotonie, en quelque sorte.
En conséquence, je vois qu'il y a lieu de mettre en évidence bien mieux que nous ne faisons les beautés extraordinaire des travaux scientifiques, par exemple, mais pas seulement eux, car certains cours d'historiens, de géographes, d'économistes, etc. sont tout à fait merveilleux. Mettre en évidence... Se contenter de montrer la beauté intellectuelle des matières proposées ne suffit pas : il y a lieu de faire du spectacle en quelques sorte ; faut faire aussi bien que les parcs d'attraction... mais avec le but d'aider nos amis, pas de les abrutir pour capter leur argent.
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