J'ai inventé il y a plus d'un an le "beurre feuilleté", que j'ai
"donné" en premier à mon ami Pierre Gagnaire, comme je le fais depuis
maintenant dix sept ans chaque mois : http://www.pierre-gagnaire.com/pierre_gagnaire/pierre_et_herve.
On le fait avec du beurre, mais avec toute autre matière grasse qui se
comporte comme lui : le fromage, le foie gras, le beurre noisette, le
chocolat.
Le chocolat ? Oui, le chocolat... à condition de
comprendre que le beurre de cacao n'a pas le même comportement de fusion
que le beurre, parce que sa composition est différente. Analysons.
La
différence entre le beurre et le chocolat, cela tient à deux aspects
essentiels, à savoir la composition en composés odorants ou sapides,
d'une part, et la composition en triglycérides, d'autre part.
D'abord,
le beurre. Il est principalement fait de lipides (matière grasse),
d'eau, d'un sucre nommé lactose, de protéines. Lors de la clarification
d'un beurre, l'eau chargée de lactose et de certaines protéines tombe au
fond de la casserole, tandis que surnage la matière grasse, et une
écume faite de protéines, notamment.
Le chocolat ? Du beurre de
cacao, du sucre, des matières végétales, avec de nombreux composés qui
donnent du goût, formés lors de la fermentation ou de la torréfaction.
Cela
étant, pour nos affaires de beurre feuilleté, la question essentielle
est le comportement mécanique, qui découle principalement de la
constitution en molécules de "triglycérides". Oui, les matières grasses
sont faites de composés que l'on nomme de triglycérides, dont les
molécules sont comme des peignes à trois dents. Selon la longueur des
"dents", les triglycérides fondent à froid ou à chaud.
Pour le
beurre, il y a des triglycérides d'innombrables sortes (des dizaines de
millions), de sorte que le beurre commence à fondre vers -10 degrés, et
finit de fondre vers 50 degrés. A la température de 20 degrés, il y a
environ 70 pour cent de triglycérides fondus dans le beure, ce qui lui
donne son comportement mou, tartinable.
En revanche, pour le
chocolat, la fusion commence vers 30 degrés, et elle est achevée vers 40
degrés, ce qui explique que, à la température de 20 degrés, le
chocolat soit dur.
Autrement dit, sans précautions particulières
(notamment une pièce à une température précise), on ne pourra pas faire
du "beurre de cacao feuilleté", ni même utiliser du beurre de cacao ou
du chocolat pour faire une couche de feuilletage.
Comment
faire, alors, pour produire ces deux résultats ? On peut tout d'abord
observer que le chocolat, c'est du beurre et du chocolat, pour faire
simple : pourquoi ne pas ajouter du sucre (glace) à du beurre (du vrai,
pas du beurre de cacao) ou à de la margarine, avant d'y mettre de la
poudre de cacao ? Autre solution simple : ajouter du beurre ou de
l'huile, ou dela margarine à du chocolat fondu, pour en changer le
comportement de fusion. Combien ? Tout dépend de la matière grasse
ajoutée, mais la proportion sera entre 20 et 70 pour cent en masse. Cela
n'empêchera pas qu'il faudra surveiller la température, mais les
pâtissiers ont l'habitude.
Vient de paraître aux Editions
de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la
jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de
réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
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