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mardi 8 août 2017

Bonnes pratique : être à la hauteur de ses dires

Au terme de cette série de billets inspirés par le Responsible Science de l'Académie américaine des sciences, je m'aperçois que je n'aimerais pas être du groupe qui a produit ce document : à ne voir que le crime, que la fange, la boue, on ne peut manquer de la voir partout.
Tiens, aujourd'hui, je trouve dans ce document :

Misrepresenting speculations as fact or releasing preliminary research results, especially in the public media, without providing sufficient data to allow peers to judge the validity of the results or to reproduce the experiments

Ce qui signifie en français : "Faire croire que des spéculations sont avérées, ou publier des résultats de recherche préliminaires, notamment dans les média à l'attention du public général, sans fournir assez de données aux pair pour que ceux-ci puissent juger de la validité des résultats ou reproduire les expériences". Cela dit, il est vrai que le désir d'être encensé conduit certains à des comportements étranges, et je ne peux manquer de me souvenir de notre deuxième colloques international de gastronomie moléculaire, où plusieurs des participants initiaux étaient devenus des vedettes... dont le comportement avait changé ; la présence de journalistes dans nos débats les conduisait à se comporter en vedettes, au lieu d'être en position de discuter de questions scientifiques. Ah, ce fatal ego ! Il fallut interdire la participation de la presse à partir des troisièmes rencontres. 

Mais levons le nez de la boue, et regardons le ciel, car il est bleu ! Oublions la publication pour le bonheur de la production scientifique, et, soudain, tout change : comment, alors, irions-nous trop vite à confondre des spéculations et des faits ? Nous savons bien que le diable est caché dans le moindre détail expérimental, dans le moindre calcul, et nous n'avons en réalité pas besoin des pairs pour évaluer nos travaux, puisque nous en sommes les premiers censeurs, les premiers rapporteurs. L'explorateur, dans la jungle, n'a pas besoin de public, pour savoir s'il avance ou non, et il sait que c'est à la sueur de la machette qu'il peut se frayer un chemin ; il sait combien de route il parcourt, et il sait que son cheminement est lent.

Oui, décidément, la vertu est sa propre récompense, et nos avancées scientifiques sont ce qu'elles sont : du pur bonheur quand nous faisons le travail soigneusement !

samedi 9 avril 2016

Le moi est haïssable

Le moi est haïssable : pourquoi cette phrase sur les murs  de mon laboratoire ?

Parce que la science est un exercice de rigueur, mais aussi de créativité. Après que les phénomènes ont été caractérisés quantitativement, ce qui a produit des nombres, après que les nombres ont été réunis en lois, vient l'étape inductive de la recherche des mécanismes fondés sur ces lois. Induction : cela signifie qu'il faut faire un effort merveilleux d'introduire quelque chose de nouveau dans l'affaire. La déduction ne suffit pas, elle n'est pas créatrice.

Or qui dit "création" dit aussi créateur, et, souvent, ego : il faut  peut-être des individus suffisamment sûrs d'eux pour oser proposer quelque chose qui n'existait pas, comme les artistes ! Et la présence de personnalités puissantes dans la communauté complique évidemment la vie de ladite communauté, scientifique, donc. Dans un autre billet, j'ai discuté la question des controverses, qui est tout à fait liée à celle ci. Le moi est haïssable : la phrase est de Blaise Pascal, qui l'a dite dans le contexte de la religion. Évidemment, que vaut  notre petit moi face à Dieu ? La religion prône  l'humilité, de sorte qu'il n'est pas étonnant que Blaise Pascal ait prononcé la phrase.

Toutefois, en science de la nature, il est vrai que si notre moi est important, pour parvenir à proposer des mécanismes, des théories, ce moi est bien détestable quand vient l'évaluation des théories proposées,  car nous ne pouvons nous substituer à la nature, et les  théories en concurrence sont in fine jugées à l'aune de leur adéquation au réel, à leur bonne ou meilleure description des phénomènes.

Là, on se fiche de qui a produit ces théories, et c'est en se sens que le moi est  haïssable, dans la mesure où il entraverait nos progrès vers la recherche non pas de la vérité, mais vers la recherche de théories sans cesse meilleures.