jeudi 10 juillet 2025

Réponse à un ancien commentaire : à propos de Faraday

Et voici la référence demandée  

M. Faraday, Advice to a Lecturer, The Royal Institution, London, (1960).

 

Un texte extraordinaire, à mettre entre toutes les mains ! 

mercredi 9 juillet 2025

De bonnes frites

 On m'interroge à propos de la confection des frites : la question est d'obtenir des frites bien cuites, avec un bon croustillant. 

Il faut analyser en termes physico-chimiques évidemment :en partant du fait qu'une pomme de terre est un assemblage de petit sacs plein d'eau et de petits grains durs que l'on nomme des grains d'amidon. Quand la pomme de terre est mise dans de l'huile à une température bien supérieure à celle de l'ébullition de l'eau, l'eau qui est présente dans les cellules de la surface se met à bouillir... et c'est là qu'il est bon d'avoir en tête cet ordre de grandeur : un  gramme d'eau, cela fait un litre et demi de vapeur 

Autrement dit, la vapeur prend beaucoup plus de place que l'eau liquide, de sorte qu'il n'est pas étonnant de voir des jets de bulles de vapeur sortir les frites que l'on plonge dans un bain d'huile chaude. Évidemment, si l'eau est évaporée, en surface des frites, alors elle ne se trouve plus à l'intérieur, qui s'emplit de vapeur. 

Toutefois, il y a mieux, si l'on se souvient d'un des "commandements de la cuisine" (voir mon livre Mon histoire de cuisine, éditions Belin) : un aliment qui contient un liquide est mou, mais un aliment qui ne contient pas de liquide (huile, eau...) est dur. 


De sorte que si l'on élimine l'eau de surface, on fait une "croûte", croustillante. Comme pour la croûte du pain, comme pour la croûte d'un petit chou, comme dans la croûte d'une viande, comme pour un soufflé, une croûte se forme donc progressivement autour des frites que l'on met dans l'huile chaude, et cette croûte est d'autant plus épaisse que le temps de cuisson est long. 

Mais il y a un écueil : à savoir que si le temps de cuisson est long, alors la surface des frites risque d'être trop brune, ce que l'on dirait trop cuite. Pour l'éviter, il suffit simplement de ne pas frire à une température trop élevée, et alors on peut prolonger le temps de cuisson. On règle alors l'épaisseur du croustillant comme on veut .

Il y a aussi la question des frites grasses, mais j'ai résolu cette question depuis longtemps en observant que c'est l'absorption d'huile par la frite quand la friture est terminée qui est responsable les frites grasses. Si l'on éponge les frites immédiatement au sortir du bain, alors il n'y a pas de l'huile absorbée. Le gain est considérable puisque il y a presque un demi gramme d'huile en plus ou en moins par frite !

mardi 8 juillet 2025

A propos de sucre, de sirop, de caramel, de sorbets


 

Une question difficile ! Aujourd'hui, une question difficile, parce qu'elle porte sur une des réactions complexes de la science des aliments : la caramélisation, à ne pas confondre avec les réactions fautivement nommées "de Maillard", ni avec bien d'autres qui font apparaître des couleurs brunes dans les aliments. 

Mais j'anticipe, et voici la question

"Je me permets de vous soumettre une question qui m'intrigue depuis longtemps : avant d'attendre le stade de caramel, le sucre (saccharose) subit-il des transformations physiques ou chimiques lors de sa cuisson avec de l'eau ?

Plus précisément, lorsqu'on réalise un sorbet, par exemple, les recettes préconisent généralement de faire un sirop avec l'eau et le sucre, puis d'ajouter celui-ci au jus des fruits avant de sangler le mélange. Quel est l'intérêt de cette méthode ? N'obtiendrais-je pas le même résultat en dissolvant directement le sucre dans le jus de fruits ? Le sorbet n'en serait-il pas meilleur, dans la mesure où j'aurais évité la dilution par un apport d'eau supplémentaire ?

J'ai commencé à me poser cette angoissante question lorsque j'ai découvert, dans je ne sais quel grimoire, le verbe "décuire", qui me semble impliquer la réversibilité de la cuisson du sucre - contrairement à toutes les autres cuissons que je connais...Si vous aviez l'amabilité d'éclairer ma lanterne, je vous en serais fort reconnaissant !"

Des réactions avant la caramélisation ? Oui.

Commençons par le commencement. On part de sucre de table et d'un peu d'eau, et l'on chauffe. D'abord, le sucre se dissout, puis on atteint l'ébullition : des bulles apparaissent, partant du fond de la casserole, montant dans le sirop et venant éclater en surface (en projetant de microscopiques gouttelettes qui salissent autour de la casserole ;-)). Bien sur, il y a de la fumée, qui résulte de l'évaporation de l'eau, puis de la recondensation en gouttelettes dans l'air froid qui surmonte la casserole. Puis on voir la taille et l'aspect des bulles changer : si l'on mesurait la température, on verrait que, plus le sirop se concentre, plus sa température augmente, passant de 100 °C à 110, 120... Puis, quand on atteint 140 °C environ, une couleur apparaît, d'abord jaune, puis blonde, puis brune (à ce stade, il y a une belle odeur de caramel), et enfin une odeur âcre envahit la cuisine. Certainement, quand la couleur change, des réactions ont lieu, mais oui, il y a aussi des réactions quand une odeur apparaît... et même avant, surtout quand le sirop a été additionné de composés acides ou basiques : la molécule de saccharose se dissocie (on dit "hydrolyse") en glucose et en fructose, ce qui n'est pas anodin, car ces composés sont des "anticristallisants", qui évitent que le sirop, s'il était coulé sur un marbre froid, ne cristallise. Bref, des transformations physiques, il y en a : le fait que les cristaux de sucre, formés d'empilements réguliers de molécules de saccharose, se dissocient, parce que les molécules d'eau, rapides (c'est cela, la "chaleur"), viennent heurter les empilements réguliers, ce qui libère les molécules de saccharose individuelles, lesquelles partent flotter dans l'eau. 

Mais mon correspondant est en réalité plus intéressé par la chimie que par la physique, et oui, les molécules de saccharose sont dégradées, au moins, d'abord, en glucose et en fructose. Quand la température augmente un peu, la dégradation est plus poussée, et l'odeur de "cuit" que l'on sent est alors due à une foule de composés formés par le réarrangement des atomes de glucose, de fructose et de saccharose. Notamment se forme du 5-hydroxyméthylfurfural, qui s'échappe avec la vapeur. Et se forment aussi des "dianhydrides de fructose" qui, eux, ne s'échappent pas, restent dans la casserole, et réagissent avec des molécules de glucose pour former des polymères qui, au refroidissement, contribueront à la masse du caramel. Mais à ce stade, il y a mille molécules, parce que l'on oublie de dire que la caramélisation est une réaction telle que les chimistes hésiteraient à les faire, tant elle est énergique. Les dégradations sont dans tous les sens ! 

A propos de sorbet, maintenant

 Ici, la question est donc de faire un sorbet, et notre ami nous dit que certaines recettes préconisent de faire un sirop avec l'eau et le sucre, puis d'ajouter celui-ci au jus des fruits avant de sangler le mélange. Obtiendrait-on le même résultat en dissolvant directement le sucre dans le jus de fruits ? Certes, on peut mettre le sucre dans le jus de fruit, mais il faudrait alors chauffer le jus de fruit... et celui-ci prendrait un goût de cuit. Par exemple, il y a une étonnante différence avec les granny-smith, les poires, l'ananas, la fraises... et personnellement (mais c'est un goût personnel), j'aime bien avoir le goût du fruit non cuit, dans certains sorbets, et le goût du fruit cuit dans d'autres. 

Autrement dit, c'est une affaire de goût : si l'on veut le goût des fruits frais, la confection d'un sirop concentré que l'on ajoute au fruits que l'on broie est une bonne solution, mais si l'on préfère un goût cuit, alors oui, on peut ajouter le sucre au jus de fruits et chauffer. 

Décuire

 Enfin, vient la question de la "décuisson", qui n'est pas une véritable décuisson, en ce sens que ce n'est pas en ajoutant de l'eau et en chauffant un mélange de glucose et de fructose que l'on refera du saccharose ! Et la fameuse "décuisson" des sirops n'ira certainement pas transformer un caramel en sucre (contrairement à la décuisson des oeufs, que j'avais proposée dès 1987 !). Bref, le mot "décuisson" signifie seulement que l'on récupère un liquide, une "solution", au lieu d'avoir une masse solide. 

Et plus

 J'y pense : pour aider mes amis, je viens de publier dans l'Encyclopédie< de l'Académie d'agriculture de France un texte sur les "sucres" : quelle est la différence entre un sucre, un glucide, un saccharide, un ose... N'hésitez pas : c'est en ligne !

lundi 7 juillet 2025

Cuisinons des protéines


Alors que j'organisais un concours de cuisine note à note, des amis se sont inquiétés de l'usage des protéines... J'interprète qu'ils ne comprenaient pas bien ce dont il s'agissait. Oui, quand on n'est pas chimiste, il est légitime de s'interroger : des "protéines", c'est quoi ?
Le recours à l'expérience est quand même la meilleure des explications, et j'en propose plusieurs successives, ici.


La première consiste à cuire une viande, ou bien des pattes de poules, des pieds de veau ou de porc, dans l'eau pendant quelques heures, ce qui procure un bouillon qui gélifie en refroidissant. Si l on prend cette gelée et qu'on la sèche, alors on obtient une matière transparente et craquante... comme des feuilles de gélatine... Et, d'ailleurs, c'est ainsi que l'on produit la gélatine ;-). 

Si l'on regarde cette matière solide avec un microscope extraordinairement puissant, alors on voit un enchevêtrement de "fils" : ce sont des molécules de gélatine. Et la gélatine est une protéine, parce que si l'on y regarde d'encore plus près, on voit que ces fils sont des enchaînements de groupes d'atomes que les chimistes reconnaissent comme des parties de molécules qu'ils connaissent bien et qu'ils ont nommées des acides aminés. 

D'ailleurs, si l'on chauffe longtemps de la gélatine en milieu un peu acide (ajoutons du vinaigre blanc dans de l'eau où l'on chauffe la gélatine), alors les molécules de gélatine (les "fils") perdent de leurs morceaux élémentaires, et le liquide s'enrichit d'acides aminés. 

 

Une deuxième expérience, maintenant

Prenons un blanc d’œuf, ce liquide jaune et transparent, et laissons-le sécher à l'air libre : il ne pourrira pas parce qu'il est protégé par une... protéine nommée lysozyme, et, après un séchage de plusieurs jours, on obtiendra -à nouveau- une matière transparente et dure, cassante : ce sont les protéines du blanc d’œuf. 

D'ailleurs, le blanc d’œuf, qui pèse pas loin de 30 grammes, est fait de 90 pour cent d'eau (environ 27 grammes) et 10 % de protéines (3 grammes). Dans ce cas, il y a plusieurs protéines dans le résidu solide. A noter que, pour la gélatine en feuille ou le blanc d’œuf séché, on peut avoir des feuilles, mais aussi des poudres, ou des liquides. Pensons à des matières comme la farine ou le sucre en poudre, notamment. Et ajoutons que l'on peut retrouver des solutions en leur ajoutant de l'eau. 

 

Le problème de l'apparence étant réglé, considérons maintenant la question de l'usage

 Une première particularité des protéines, c'est qu'elles n'ont pas de goût quand elles sont pures. Et, d'ailleurs, elles n'ont pas de couleur non plus : dans le blanc d’œuf, la couleur est due à de petites quantités d'un composé coloré nommé riboflavine... qui est une vitamine (B2)... utilisée comme colorant alimentaire sous le numéro E101(i). Comme l'amidon, les protéines sont de longues molécules qui se dispersent dans l'eau et qui peuvent conduire à des gélifications, quand elles se lient. 

Par exemple quand on chauffe du blanc d’œuf, on obtient le blanc d' œuf cuit, gélifié ce qui signifie que l'eau présente ne coule plus, et c'est bien le cas quand on considère un blanc d’œuf cuit : le durcissement ne résulte pas de l'évaporation de l'eau, mais cette dernière est restée piégée dans une espèce de réseau, d'échafaudage formée par les protéines qui se sont liées. 

D'autres gélifications peuvent avoir lieu avec d'autres protéines. Par exemple avec de la gélatine dissoute dans l'eau et que l'on refroidit : cette gélification-là se fait à froid, non pas à chaud. Ou encore, dans les yaourts : les protéines du lait forment un gel quand des micro-organismes transforment le sucre du lait -le lactose- en acide lactique, qui acidifie le lait. 

Ou encore un autre type de gélification se produit lors de la fabrication des fromages, et cette fois ce n'est ni la chaleur ni l'acidification qui agissent mais plutôt des enzymes, c'est-à-dire des protéines qui sont actives même en toute petite quantité : il suffit de quelques gouttes de "présure" pour faire coaguler une grande quantité de lait. 

 

Mais prenons une perspective un peu plus historique à propos des transformations des protéines que l'on fait ou que l'on peut faire en cuisine

Quand on cuit de la viande, on provoque les protéines de la viande. De même pour le poisson et pour l'œuf. Là, on ne voit pas les protéines, qui ne sont pas extraite des ingrédients initiaux, mais le résultat résulte quand même de leurs modifications chimiques. Avec des protéines à l'état pur, on reproduit cela de façon bien plus contrôlée, et c'est en quelque sorte ce qu'ont appris les cuisinier quand ils font des flans par exemple, où les protéines de l' œuf provoquent la gélification de l'appareil, ou dans les aspics, quand les protéines extraites classiquement du pied de veau permettent la gélification. 

Cela dit, extraire la gélatine du pied de veau, et la purifier, cela s'apparente à extraire le sucre de la canne à sucre ou de la betterave : pourquoi le faire soi-même ? De même que nous n'allons plus arracher les plumes des canards, les tailler en pointe, faire bouillir de l'écorce d'arbre avec du fer rouillé pour faire nous-même notre encre, je vois mal pourquoi nous serions condamnés à revenir des décennies ou des siècles en arrière et pourquoi nous n'utiliserions pas directement des protéines que l'industrie a extraites à beaucoup plus grande échelle, beaucoup plus efficacement que nous, et certainement avec des degré de pureté que nous n'obtiendrions jamais dans nos cuisines. 

Bref, cuisinons des protéines !

dimanche 6 juillet 2025

À propos de merveilleux étudiants

Le ciel est bleu et il suffit de le regarder pour le voir ainsi. À propos des étudiants, pourquoi ne pas examiner les caractéristiques des "meilleurs" de nos jeunes amis ? C'est à la fois permettre aux autres de viser ce "bleu", et, pour moi, avoir le bonheur de souvenirs heureux. 

Je me souviens d'un étudiant qui, quand les autres étaient partis, restait pour m'interroger sur les points scientifique qui le tracassaient. Jamais je n'ai eu des questions si difficile, de sorte que je devais travailler le soir, chez moi, pour être en mesure de lui répondre le lendemain matin, quand je le pouvais. Et, quand je ne le pouvais pas, j'avais le bonheur de lui dire que je ne savais pas répondre à sa question et qu'il y avait des pistes à creuser par lui-même. Quel bonheur ! 

Je me souviens d'un étudiant extrêmement ponctuel, rigoureux, attentif... Pas le meilleur de sa promotion, mais certainement en phase de le devenir : sa ponctualité n'avait d'égal que sa régularité, le soin qu'il portait à son travail, son souci de bien faire les choses, du mieux qu'il pouvait, sans négligence. Quel bonheur ! 

Très récemment, alors que j'ai envoyé une lecture à toute une promotion, il y en a eu un qui a répondu de façon extraordinairement détaillée, montrant sans prétention, simplement, qu'il avait bien lu le document, le commentant, posant des questions, proposant des réponses à des questions que je posais... Évidemment, je lui ai répondu aussitôt, avec tout les autres en copie, afin qu'il serve d'exemple, et il a encore répondu, faisant état de nouvelles incompréhensions, donnant des arguments, posant de nouvelles questions... Quel bonheur ! 

Je me souviens d'un étudiant qui, habitant pourtant loin, était le premier au laboratoire le matin et le dernier le soir. Celui-là était tout à fait remarquable, parce que non seulement il s'intéressait aux sciences, mais, de surcroît, il faisait du pain, du fromage, du yaourt, du miel, de la bière, du vin, du fromage... Quel bonheur ! 

Je me souviens d'une étudiante qui semblait un peu "simple", parce qu'elle s'interrogeait sans cesse sur des points qui nous paraissaient être élémentaires, mais qui, en réalité, fixait ainsi ses idées de façon définitive, solide. Quel bonheur ! 

Je me souviens d'un étudiant qui avait le chic pour mobiliser les connaissances qu'il avait eues auparavant. Et cela est essentiel, parce que, les études de chimie communiquant des "outils intellectuels", il était bien équipé... comme nous pouvions le voir. Il n'avait pas une grande "culture générale" scientifique, mais les bases pour explorer les questions qu'il se posait. J'oublie de dire qu'il était modeste, attentif et soigneux. Quel bonheur ! 

Je me souviens d'une étudiante qui a commencé par tout ranger dans le laboratoire : à la fois le laboratoire lui-même, mais aussi les ordinateurs ! Elle entraînait les autres dans cette direction, et comme elle mettait le même enthousiasme dans ses apprentissages, il n'est pas étonnant qu'elle ait été une des meilleures de tous ceux qui sont venus depuis des décennies pour apprendre à mes côtés. Quel bonheur ! 

Je me souviens d'un étudiant honnête : bien sûr, les autres l'étaient aussi, mais celui-ci avait une honnêteté intellectuelle très particulière, en ce sens qu'il me cachait jamais ses ignorances au groupe ou à lui-même, et, au contraire qu'il se posait des questions, sur la base de ses ignorances avouées ; il osait s'afficher en retard sur le groupe de celles et ceux qui étaient avec lui, mais en réalité, il ne balayait pas la poussière sous le tapis. Non, au contraire, il questionnait, questionnaire questionnaire et j'espère lui avoir montré que cette voie était la bonne, surtout quand on apprenait soi-même à répondre aux questions que l'on se posait. Quel bonheur ! 

Je me souviens d'un étudiant, indien, qui savait apprendre pour se souvenir et non pas pour oublier, et cela fait évidemment toute la différence, parce qu'il se souvenait ! Il lui restait à apprendre, notamment de la méthodologie, mais sur un socle si solide que cela était facile. Quel bonheur ! Je me souviens d'un étudiant, russe celui-là, qui avait des compétences mathématiques telles que le reste pouvait s'élaborer facilement. Quel bonheur ! 

Évidemment, à côté de ceux-là, il y a tous les autres, qui n'ont pas nécessairement démérité, mais qui n'avaient pas toujours ces caractéristiques extraordinaires, si extraordinaires que l'on voit clairement en quoi elles contribuent à des formations réussies. Souvent, il y a une question de focalisation, et c'est la raison pour laquelle je m'efforce tant de transmettre une passion brûlante à tous mes amis. Beaucoup arrivent déjà très intéressés, mais quand on parvient à porter cet intérêt à un niveau encore supérieur, alors c'est gagné. Il y a , pour tous de toute façon, à montrer la beauté des choses : des gestes expérimentaux, des calculs, des acquis scientifiques, technologiques, techniques, artistiques, humanistes... du passé, des questions ouvertes pour le futur, des voies que l'on peut explorer... S'émerveiller de tout ce qui est merveilleux : il s'agit d'une façon de vivre la science qui me semble essentielle, et en tout cas idiosyncratique.

Dépassons les corrélations !

1. La science est la recherche des mécanismes de phénomène, ce qui passe bien souvent par la recherche de relations entre des séries de mesures : ayant identifié un phénomène, on le caractérise quantitativement, et vient ensuite le moment où, à partir de toutes les données, on cherche des équations à partir de séries de données. Les données sont  alors "ajustées", ce qui ne signifie pas que l'on trafique quoi de quoi que ce soit , mais plutôt que l'on cherche des variations d'une variable en fonction d'une autre.
Par exemple, quand on s'intéresse à la résistance électrique, on cherche les variations de l'intensité du courant en fonction de la différence de potentiel. 

Et c'est là que survient la question de la causalité, si bien décrite par Émile Meyerson dans son Du cheminement de la pensée

La question est de savoir si deux variables varient régulièrement l'une en fonction de l'autre parce qu'il y a causalité, ou bien si elles varient simplement simultanément, peut-être même par hasard, ce qui relève d'une corrélation sans causalité.
Pour expliquer la différence, j'aime cette observation d'attroupements sur le quai des gares avant que les trains arrivent. Si l'on est Martien et que l'on ignore tout du phénomène, on peut donc mesurer le nombre de personnes sur le quai en fonction du temps, d'une part, et l'heure d'arrivée des trains, d'autre part, mais il serait insensé de considérer que les attroupements sont la cause de l'arrivée des trains, car c'est en réalité l'inverse. Il y a donc lieu d'être attentif quand on calcule des coefficients de corrélation (par exemple, des coefficients de corrélation linéaire de Bravais-Pearson) et de bien s'empêcher de penser à des causalités quand il n'y en a pas. 

Ce qui doit nous conduire à réfléchir sur le statut de corrélations. D'ailleurs, il faut ajouter que des corrélations ne sont jamais parfaites, et que c'est précisément ce défaut de corrélation qui doit nous intéresser. Cette imperfection peut évidemment se mesurer par un nombre. Ainsi, quand nos jeunes amis font -de façon extrêmement élémentaire- des "droite de régression", alors ils apprennent  à afficher un nombre que l'on note souvent R2.
Mais c'est une façon rapide de se débarrasser du problème, et elle ne dit d'ailleurs rien d'autre que ce que l'on voit (avec de surcroît des cas terribles, mais c'est une autre histoire). 


Ce qui commence à être plus intéressant, c'est quand on calcule les résidus, c'est-à-dire quand on affiche la courbe de tous les écarts à la droite. Là, on peut commencer à se poser des questions, sur la répartition de ces résidus, aléatoire ou pas, et leur amplitude aussi, bien sûr, doit nous intéresser. Surtout, considérer les résidus au lieu de pousser la poussière sous le tapis du R2, c'est décoller de la corrélation, et plonger davantage du côté du mécanisme, ce que l'on cherche absolument. 

C'est cela la direction où l'on veut aller, plutôt que le paresseux coefficient de corrélation global. Cet affichage des résidus est une bonne pratique, car c'est un fil que l'on peut être intéressé de tirer si l'on veut y passer du temps au lieu de se débarrasser rapidement du problème. C'est là l'endroit où toute notre intelligence est nécessaire pour imaginer de véritables causes.

samedi 5 juillet 2025

Nous voulons des pâtes à tarte bien sablées ? Pensons à l'effet sucre !

 Nous voulons des pâtes à tarte bien sablées ? Pensons à l'effet sucre !
 

L'effet sucre ? Je l'expliquerais volontiers ainsi :
1. observons tout d'abord que des gouttes d'eau roulent sur de la farine : c'est l'indication que la farine est faite de particules plutôt hydrophobes
2. mais quand on travaille un peu le système, on voit l'eau absorbée : manifestement, il y a le phénomène de capillarité en action, avec l'eau attirée entre les grains.
3. travaillons la pâte : elle devient de plus en plus dure... ce qui est un signe : on ne le sait pas encore à ce stade, mais un réseau de "gluten" se forme, l'eau venant ponter les protéines de cette matière qui fut découverte en 1742 par Jacopo Beccari, à Bologne
4. la preuve qu'un tel réseau existe ? reprenons l'expérience du chimiste alsacien Johannes Kesselmeyer,à Strasbourg : si nous malaxons la pâte travaillée dans de l'eau, une poudre blanche s'en échappe (les grains d'amidon), et il reste entre les doigts un réseau élastique jaune : le gluten (il est fait de plusieurs sortes de protéines, les gluténines et les gliadines).
5. si, au lieu de faire cette lixiviation, nous ajoutons du sucre à la pâte et que nous la travaillons, elle s'effondre en devenant collante, parce que le sucre a plus capté l'eau que ne le faisaient les protéines. De ce fait, l'eau a dissous le sucre qui a tiré l'eau, formant un sirop.... et les grains d'amidon, au lieu d'être dans un gel (le gluten), se retrouvent dispersés dans un sirop, formant une suspension liquide, qui coule. &nbsp; 6. de sorte qu'une pâte à tarte qui contient du sucre devient plus friable, plus sablée, comme cela est bien décrit dans mon livre Mon histoire de cuisine (éditions Belin)
 

PS. Utilisons le DSF pour décrire les phénomènes : nous sommes passés d'un système de formule D0(S)/D3(S) à un système de formule  D0(s)/D3(W). &nbsp; <a href="/vivelaconnaissance/wp-content/blogs.dir/141/files/dsc01265.jpg"><img class="alignnone size-medium wp-image-1584" src="https://scilogs.fr/vivelaconnaissance/wp-content/blogs.dir/141/files/dsc01265-300x225.jpg" alt="" width="300" height="225" /></a>