vendredi 2 mai 2025

Des composés à l'odeur d'ingrédients classiques

Dans le cadre de cette cuisine note à note qui déplaît tant à quelques activistes réactionnaires, il y a la question des goûts, et de leur reproduction par des composés.

J'allais écrire "composés chimiques", mais un composé est un composé, et, puisque la chimie est une science, ce serait aussi  fautif d'utiliser cette expression que de parler d'animaux biologiques, par exemple.

Bref, il y a, dans les aliments classiques, des composés qui contribuent au goût, et leur contribution peut être :
- par la consistance
- par la saveur
- par l'odeur (rétronasale : quand on mastique, des composés remontent par les fosses rétronasales vers le nez)
- par le nerf trijumeau (piquants, frais)
- par la couleur
- par d'autres modalités sensorielles (pour les ions calcium, pour les acides gras insaturés à longue chaîne, etc.)

Pour les composés odorants, c'est leur ensemble qui détermine l'odeur des aliments classiques, et il faut souvent entre 5 et 20 composés différents, savamment dosés, pour reproduire une odeur classique, comme le font les parfumeurs ou les "aromaticiens" (un mot que je conteste, puisque l'arôme est, en bon français pas gauchi par une législation à réviser, l'odeur d'une plante aromatique).

Cela étant, certains composés, tout seuls, font déjà l'affaire. Par exemple :

- le 1-octen-3-ol a une merveilleuse odeur de champignon

- la vanilline a l'odeur de vanille 

- l'aldéhyde cinnamique a une odeur de cannelle

- le benzaldehyde a l'odeur d'amande amère

- le méthional donne une odeur de pomme de terre cuite

- le méthyl thioburyrate  donne l'odeur de camembert

- l'heptanone 2 a une odeur de roquefort

- le 2-acetylthiazole sent le popcorn

- la gamma nanolactone donne l'odeur de la noix de coco

-le caproate d'allyle donne l'odeur d'ananas

 

Pourquoi ne pas les utiliser en cuisine ?

jeudi 1 mai 2025

Artichauts et asperges

 
Lors de notre séminaire de gastronomie moléculaire de mai 2019, nous étions partis, comme d'habitude, de précisions culinaires, c'est-à-dire de données techniques qui s'ajoutent aux "définitions", dans les recettes. 

Par exemple, à propos des artichauts, la "définition" est la suivante : plonger des artichauts dans l'eau chaude. À cette définition s'ajoutent donc des précisions, par exemple la durée de cuisson, le fait que l'eau doit être salée, ou bien encore que l'on doive attacher un demi citron sur la partie où l'on a enlevé la queue... 

Lors de notre séminaire, nous avons voulu tester expérimentalement la précision qui stipulait que la queue devrait toujours être arrachée, et non coupée, sans quoi le fond d'artichaut aurait été plus amer. 

La question essentielle, pour ce type de tests, c'est la variabilité des ingrédients, de sorte que nous avons décidé de couper en deux des artichauts, selon leur axe, afin d'avoir des moitiés qui seraient donc plus semblables que des artichauts différents. Pour certaines moitiés, la demi queues a été arrachée, et pour les autres moitiés, la queue a été coupée au couteau. Puis les demi artichauts on été mis ensemble, dans la même casserole, donc à la même température et dans la même eau... Ils ont été cuits pendant le même temps, puis on refroidis et préparés de la qu'on ait prépare de la même façon encore et même façon, avant que l'on fasse goûter les fonds, par une méthodologie précise évidemment. 

J'ai déjà décrit ailleurs cette méthodologie que nous utilisons constamment et qui a pour nom "test triangulaire" : il s'agit essentiellement de soumettre trois échantillons aux dégustateurs, deux échantillons étant identiques et le troisième étant différent. Les dégustateurs doivent seulement dire quels sont les deux échantillons identiques. 

Le résultat a été sans appel : les trois dégustateurs, qui ont dégusté chacun plusieurs fois, ont été incapables de voir une différence d'amertume pour les artichaut à queue coupée ou à queue arrachée, de sorte que nous pouvons assez correctement réfuter la précision culinaire qui nous avait été donnée ! 

Et pour les asperges 

Lors de notre dernier séminaire, nous avons également considéré la cuisson des asperges vertes ou blanches. Nous disposions d'une précision culinaire qui stipulait que les asperges vertes allaient jaunir si on les laissait cuire plus longtemps, et nous avions également une précision culinaire disant que les asperges blanches serait plus fermes si, une fois cuites, nous les replongions dans l'eau chaude. 

À noter qu'une des deux précisions datait du 4e siècle de notre ère tandis que l'autre provenait d'un cuisinier contemporain. 

Et les deux précisions ont été expérimentalement réfutées ! Il est amusant d'observer que sur des millénaires donc, la fiabilité des prescriptions culinaires a peu changé et l'on pourra donc s'en étonner. Comment est-il possible que l'on puisse ainsi transmettre des idées fausses sans vergogne, et jusque dans l'enseignement culinaire ? Il y a encore du travail devant nous pour améliorer tout cela !

mercredi 30 avril 2025

Des "composés" : de quoi s'agit-il ?

 
Décidément, la question des "composés" n'est pas résolue, parce que la culture chimique de certains de nos amis n'est pas considérable. Aujourd'hui, un ami cuisinier intéressé par la cuisine note à note m’envoie une coupure de presse à propos de cuisiniers qui utilisent du cannabis, et il m'interroge : s'agit-il de composés utilisables pour la cuisine note à note ? Le cannabis (<em>Cannabis</em> L.) est un genre botanique qui rassemble des plantes annuelles de la famille des Cannabaceae. Bref, il s'agit d'une plante. Et comme toute plante, c'est un mélange de très nombreux composés ! Le premier est l'eau, puis il y a sans doute, dans l'ordre des quantités décroissantes, de la cellulose, de l'hémicellulose, des pectines, des lipides, des protéines, et une foule de composés utiles pour la vie de la plante, avec finalement des "métabolites" tels que les chlorophylles et les caroténoïdes (puisque la plante est verte, et qu'elle est capable de photosynthèse), des sucres, des acides aminés... et les composés psychotropes. Mais la question de mon ami mérite d'être analysée : pourquoi n'a-t-il pas pu comprendre de lui-même qu'une plante n'est pas un composé pur ? Manifestement, parce qu'il ne sait pas ce qu'est un composé. <strong>Et, aujourd'hui, je propose la méthode d'explication historique.</strong> Pensons donc au 18e siècle, quand les chimistes commencèrent à s'intéresser à la constitution de la matière. Pour la chimie minérale, les opérations de calcination, par exemple, montrèrent qu'il y avait des "éléments", à savoir des produits qu'on ne pouvait plus décomposer, et qui, au contraire, entraient dans la composition d'autres matières. Par exemple, quand on fait brûler du soufre (poudre jaune) avec du fer (de la limaille, ou fer broyé), on obtenait du sulfure de fer (pas ce nom là à l'époque). Inversement, quand on s'y prenait bien, on pouvait décomposer le sulfure de fer en soufre et en fer. Bref, le soufre et le fer sont des éléments, alors que le sulfure de fer n'en est pas un. A la même époque, les chimistes s'intéressèrent à la matière organique, mais c'était beaucoup plus difficile, parce que les produits animaux ou végétaux se décomposent quand on les chauffe, et aussi parce que, à l'époque, on ignorait encore la composition des gaz, et notamment des gaz formés lors des combustion de ces matériaux. C'est seulement quand furent identifiés le dioxygène, le dioxyde de carbone, le diazote, la vapeur d'eau, etc. que l'on a pu analyser les gaz produit lors de distillation sèche de tissus animaux ou végétaux Ainsi, quand on met une plante dans une cornue et que l'on chauffe, on récupère des gaz variés, à côté de carbone et d'eau. À la même époque, quelques chimiste qui comprenaient bien que la distillation décompose les matières organiques eurent l'idée de faire des extraits avec des solvants tel que l'eau, l'huile ou l'alcool. C'est ainsi, par exemple, que Louis Jacques Thenard obtint des extraits de viande dans l'alcool, ce qu'il nomma "osmazôme". Ou encore que Beccari et Kesselmeyer séparèrent de la farine une matière qu'ils nommèrent amidon et une autre matière qu'il nommèrent gluten. Ni l'amidon ni le gluten n'étaient des composés purs, puisqu'on pouvait encore les décomposer davantage. Par exemple, le gluten pouvait se séparer en une fraction soluble dans l'eau (les gliadines) et une fraction insoluble dans l'eau (les gluténines). On pouvait encore décomposer ces deux fractions, en différentes protéines, certes apparentées, mais avec quand même des propriétés différentes. Et finalement chaque sorte de protéines est faite de molécules toutes identiques. Autrement dit, la farine n'est pas un "composé" (disons "composé chimique" pour ceux qui en ont besoin) puisque l'on peut le décomposer en gluten et amidon ; et le gluten n'est pas un composé puisque l'on peut le décomposer en gliadines et gluténines ; et la fraction gliadine n'est pas un composé puisque c'est un mélange de plusieurs gliadines particulières. A ce stade, une gliadine particulière, telle l'alpha gliadine est un composé particulier, parce que toutes ses molécules sont identiques. Tout comme l'eau est un composé : dans de l'eau, il n'y a que des molécules toutes identiques, à savoir des molécules d'eau. Et l'éthanol est un composé puisqu'il est fait de molécules toutes identiques, à savoir des molécules d'éthanol. L'huile, en revanche, n'est pas un composé puisqu'elle est faite de milliards de composés différents, certes très semblables mais différents : les "triglycérides". Dans l'huile, il y a donc des milliards de sortes de molécules différentes : on dit des milliards de triglycérides différents. Et pour chacun de tes triglycérides, il y a des milliards de milliards de molécules toutes identiques. Le blanc d'oeuf ? Ce n'est pas un composé non plus puisqu'il est fait d'eau et de protéines, et il existe environ une vingtaine de protéines différentes, avec encore des milliards de milliards de molécules de chaque protéine, c'est-à-dire de chaque de chaque sorte moléculaire. &nbsp; <strong>Ces explications étant données, j'ai rencontré un autre ami qui m'a interrogé sur la possibilité de diviser les molécules.</strong> Oui, on peut diviser une protéine et l'on obtient alors, dans certains cas, des molécules nouvelles qui sont des acides aminés (on en trouve vingt différents dans les protéines des organismes vivants). Oui, on peut diviser de l'eau, c'est-à-dire diviser des molécules d'eau, et l'on obtient alors des atomes : les molécules sont des assemblage d'atomes. Pourrait-on diviser encore les atomes ? Oui, mais cette fois la puissance du feu n'est pas suffisante, et l'on passe la physique subatomique, qui a résulté de l'introduction d'énergies supérieures à celle du feu. C'était la la limite de la chimie, qui, elle, s'intéresse aux assemblages d'atomes.

mardi 29 avril 2025

J'ai des amis merveilleux... mais qui croient à l'homéopathie. Comment est-ce possible ?

 
J'ai des amis qui croient à l'homéopathie, et cela me peine :  ne comprennent-ils pas qu'ils font le jeu de malhonnêtes ?</b> Ce matin, m'est venue une hypothèse, afin comprendre pourquoi certains de mes amis, bien qu'intelligents, tombent dans le piège de l'homéopathie : je crois qu'il y a notamment une question de <b>culture scientifique insuffisante</b>. Je m'explique, en partant de faits. Donc, j'ai des amis qui sont intelligents, honnêtes, droits, travailleurs (dans leur métier ; permettez-moi de ne pas dire lequel, afin qu'ils ne se reconnaissent pas)... Bref, beaucoup de qualités. Mais, un "défaut" : ils croient à l'homéopathie, au point même d'être prosélytes. Bien sûr, je suppose que le débat sur l'inefficacité de l'homéopathie ne leur a pas échappé, mais je pense que : 1. voyant qu'il y avait des "pour" et des "contre" 2. observant que les deux camps reconnaissent un effet (les "contre" ont l'honnêteté de dire qu'il y a le même effet que tout placébo) ils concluent en faveur de cette "médecine". D'ailleurs, après tout, ne voit-on pas ces produits exposés dans des pharmacies (qui sont donc complices des producteurs) ? Pour certains, comme moi, la cause est entendue, et <b>l'homéopathie n'est que du placébo</b>, car  un produit ne peut pas agir s'il n'est pas présent ; or certaines dilutions homéopathiques sont telles qu'il y a  (bien) moins d'une molécule dans ces produits, de sorte qu'aucune action n'est possible. La  prétendue "dynamisation" ? Jamais établie, d'autant que le fouillis moléculaire l'éliminerait immédiatement. Mais ce raisonnement n'est que ceux qui, comme moi, savent ce qu'est une molécule ! Or je suis heureux d'indiquer que le podcast d'AgroParisTech où j'explique ce qu'est un composé (<a href="http://www2.agroparistech.fr/podcast/Qu-est-ce-qu-un-compose.html">http://www2.agroparistech.fr/podcast/Qu-est-ce-qu-un-compose.html</a>) est un des plus regardé du site, et qu'il m'a valu des remerciements de nombreux amis du monde des métiers du goût. Lesquels ignoraient tout de cela, et découvraient des idées utiles pour interpréter les phénomènes qu'ils observent chaque jour dans leur cuisine. <b>Oui, je crois que c'est cela, l'origine de certaines croyances dans l'homéopathie : l'ignorance de la structure moléculaire et atomique de la matière, l'ignorance des règles de comportement des atomes et des molécules. </b> Et c'est donc pour mes amis que je prends un (précieux) moment, à expliquer maintenant toute cette affaire.  Partons de l'eau, pour commencer. D'un verre d'eau. C'est un liquide transparent, qui semble bien immobile si on ne le bouge pas. <div class="separator"><a href="https://3.bp.blogspot.com/-WPfrmZqOlJ0/XL290m_ZgSI/AAAAAAAABQI/9AYBl5MGoYU4IQyO0-Ksvsvge87YZ-JEACLcBGAs/s1600/verre%2Bd%2Beau.jpg"><img src="https://3.bp.blogspot.com/-WPfrmZqOlJ0/XL290m_ZgSI/AAAAAAAABQI/9AYBl5MGoYU4IQyO0-Ksvsvge87YZ-JEACLcBGAs/s1600/verre%2Bd%2Beau.jpg" border="0" /></a></div> Regardons-le avec une loupe : on ne voit rien de particulier. <div class="separator"><a href="https://1.bp.blogspot.com/-ZMwJk-pBm1o/XL2-YfNQWQI/AAAAAAAABQQ/cV1-7RpiwCAhvj0eNWEBXXF5GiHXvUZFgCLcBGAs/s1600/loupe.jpeg"><img src="https://1.bp.blogspot.com/-ZMwJk-pBm1o/XL2-YfNQWQI/AAAAAAAABQQ/cV1-7RpiwCAhvj0eNWEBXXF5GiHXvUZFgCLcBGAs/s1600/loupe.jpeg" border="0" /></a></div> Puis regardons avec un microscope : rien n'apparaît non plus. <div class="separator"><a href="https://1.bp.blogspot.com/-8ZhFg5gWufo/XL2_Md5uOGI/AAAAAAAABQc/kfah1SUBnzEq3i3DqLinQeLrPMAXktCuQCLcBGAs/s1600/microscope.jpg"><img src="https://1.bp.blogspot.com/-8ZhFg5gWufo/XL2_Md5uOGI/AAAAAAAABQc/kfah1SUBnzEq3i3DqLinQeLrPMAXktCuQCLcBGAs/s320/microscope.jpg" width="247" height="320" border="0" /></a></div> Et regardons avec un super-microscope : toujours rien ! <div class="separator"><a href="https://1.bp.blogspot.com/-8ZhFg5gWufo/XL2_Md5uOGI/AAAAAAAABQc/BMvjbmbeRkoJVqfdVRLoAPzUwbCMba0jwCEwYBhgL/s1600/microscope.jpg"><img src="https://1.bp.blogspot.com/-8ZhFg5gWufo/XL2_Md5uOGI/AAAAAAAABQc/BMvjbmbeRkoJVqfdVRLoAPzUwbCMba0jwCEwYBhgL/s320/microscope.jpg" width="247" height="320" border="0" /></a></div> Pourtant, si nous déposons très délicatement une goutte d'encre ou un cristal violet de permanganate de potassium au fond du verre, nous voyons un halo coloré se répartir dans le verre. Mystère !  Oui, mystère quasiment au sens étymologique du terme : comment est-il possible que le permanganate ou l'encre soient ainsi mis en mouvement, alors que tout semblait immobile ? C'est là la merveilleuse découverte de la chimie de la fin du 19e siècle : l'eau est faite d'objets tous identiques, nommés "molécules" : <div class="separator"><a href="https://4.bp.blogspot.com/--1hrt1JqgdQ/XL2_uS6aBJI/AAAAAAAABQk/zqm4hWyARnErY_BBzaPoAUL8Yj3PQtPugCLcBGAs/s1600/molecules%2Bd%2Beau.png"><img src="https://4.bp.blogspot.com/--1hrt1JqgdQ/XL2_uS6aBJI/AAAAAAAABQk/zqm4hWyARnErY_BBzaPoAUL8Yj3PQtPugCLcBGAs/s320/molecules%2Bd%2Beau.png" width="320" height="265" border="0" /></a></div> Et, contrairement à l'image précédente, contrairement à l'image suivante, les molécules sont des objets tous en mouvement, avec une vitesse moyenne de 400 mètres par seconde ! Oui, l'eau grouille, et l'on a une meilleure idée avec une vidéo : <a href="https://www.youtube.com/watch?v=x8Atqz5YvzQ">https://www.youtube.com/watch?v=x8Atqz5YvzQ</a> où les mouvements sont considérablement ralentis ! Avec cette image, on comprend l'expérience de la goutte d'encre et du permanganate de potassium : initialement, les molécules de l'encre, ou les ions potassium et permanganate respectivement, sont groupés. Mais les molécules d'eau qui viennent les heurter, d'innombrables fois, les dispersent progressivement. Ah, j'oubliais, et le "d'innombrables" m'y fait penser  : je n'ai pas dis que, dans un verre d'eau, il y a environ un million de milliards de milliards  de molécules d'eau ! <b>Mais revenons à l'homéopathie, munis de ces connaissances</b> Les médicaments n'agissent évidemment que s'ils sont présents : en général, ils ont des "récepteurs" dans l'organisme, c'est-à-dire qu'ils viennent se lier à des protéines (le plus souvent), comme des clés viennent se loger dans des serrures. Et quand la bonne clé vient dans la bonne serrure, alors il y a une action dans l'organisme. De sorte que l'on comprend que, <b>quand il n'y a pas de clé, il n'y a pas d'action : quand il n'y a pas de molécule d'un composé, il ne peut pas y avoir d'action. </b> Et c'est là où le bât blesse, à propos de l'homéopathie : les dilutions sont si grandes qu'il n'y a pas de molécules actives, mais seulement des molécules de l'excipient : de l'eau ou du  sucre, par exemple. Oui, comment un produit pourrait-il agir s'il n'est pas présent ? Certains partisans de l'homéopathie répondent en invoquant une prétendue "dynamisation", tout comme on l'entend à propos de la méthode de culture nommée "biodynamie", où l'on est replongé au Moyen Âge, avec des effets qui résulteraient du mouvement d'un fer dans de la bouse, à condition d'être fait sept fois dans le sens des aiguilles d'une montre. Et puis quoi, encore ? Pourquoi pas l'imposition des mains, la divination, les tables tournantes, les fantômes, les feux follets, les soucoupes volantes, et j'en passe et des meilleures ? Le bon Cyrano de Bergerac, déjà, disait : <b>"On ne m'a quasi jamais relaté aucune histoire de Sorciers, que je n'aye pris garde qu'estoit ordinairement arrivée, à trois ou quatre cent liëues delà"</b>. Et cela reste vrai aujourd'hui : on m'a parlé de rebouteux, et, le jour où je me suis foulé le pied dans le Tarn, il y en avait un a un diner, qui a voulu me rétablir ; je me suis laissé faire sans y croire, et le lendemain, j'étais quand même à l'hôpital. Tout comme les baguettes de sourcier : les expériences que nous avons faites à la revue <i>Pour la Science</i> ont montré... qu'il n'y avait aucune action. Les tables tournantes ? Le chimiste Michel Eugène Chevreul, par exemple, les a réfutées, tout comme le chimiste Michael Faraday. Et ainsi de suite, mais l'hydre repousse ses têtes, et il vaut donc mieux s'interroger pour comprendre comment des gens "intelligents" peuvent tomber dans le panneau. D'autant que, souvent, ce sont les mêmes qui croient à l'homéopathie ou aux tables tournantes, et autres prétendus effets ! La prétendue dynamisation, pour y revenir ? Au moment de l'affaire de la mémoire de l'eau, j'ai rencontré un illuminé qui me prétendait que si l'on mettait, dans un circuit électrique, de l'eau et de l'acide cyanhydrique dans une ampoule fermée, alors le poisson passerait dans une autre ampoule ne contenait que de l'eau. J'ai fait l'expérience et j'ai bu l'eau de l'autre ampoule... mais je suis bien vivant ! Alors la prétendue dynamisation ? J'espère que la vidéo des molécules d'eau fera comprendre que toute action locale (qui ne peut être qu'un mouvement des molécules) sera perdu immédiatement. Surtout  : ces "effets prétendus", de quelle nature seraient-ils ? Évidemment, il y a le nombre sept, qui est un nombre premier... mais ce n'est au fond qu'un nombre premier. Et les nombres premiers n'ont jamais tué personne... ni dynamisé quoi que ce soit. <b>Tout cela pour dire que nous nous essoufflons à vouloir réfuter nos amis qui ont des prétentions exorbitantes. Au fond, ne devons-nous pas seulement leur demander la preuve de ce qu'ils avancent ? De vraies preuves, et pas des "on dit que" comme ils nous l'assènent ? Laissons-les passer leur temps à chercher des "preuves", si cela les tente, mais quelle folie ! </b> Alors qu'il y tellement mieux à faire, à découvrir les véritables beautés de ce monde. Oui, utilisons notre temps à l'école, à faire comprendre que les sciences de la nature sont merveilleuses, à faire comprendre que Jean-Sébastien Bach fut un génie, pour des raisons techniques et artistiques qu'il faut prendre le temps d'admirer, que Léonard de Vinci fut un personnage vraiment extraordinaire, que Friedrich Gauss fut un génie, que Rabelais fut un homme d'un art accompli... PS. J'ajoute que la religion est un facteur qui peut contribuer à croire à des effets "miraculeux" : les textes religieux ne font-ils pas états de "miracles" ?

lundi 28 avril 2025

Le carré de Pasteur : ne gardez aucun souvenir de cette image pernicieuse, et voyez plutôt celle que je produis en fin de billet

 
Ce matin, je retrouve cette image, dont je ne sais plus d'où elle sort, en tout cas pour la version française, et j'en suis très mécontent. Mais, écrivant un terme négatif, je m'en veux aussitôt, non pas de mon jugement, mais de ne pas avoir présenté du positif à mes amis... de sorte que, en fin de billet, l'analyse étant faite, je donnerai un carré plus juste. Entre temps, j'aurai expliqué pourquoi Louis Pasteur lui-même n'aurait guère apprécié l'idée transmise derrière l'image que voici : <a href="/vivelaconnaissance/wp-content/blogs.dir/141/files/Pasteur-Carré-fr-nov07.jpg"><img class="alignnone size-medium wp-image-1518" src="https://scilogs.fr/vivelaconnaissance/wp-content/blogs.dir/141/files/Pasteur-Carré-fr-nov07-300x225.jpg" alt="" width="300" height="225" /></a> Il s'agit de "financer la recherche". Dont acte... mais quand même, cela vaut sans doute la peine que nous nous arrêtions sur le mot "recherche", qui est une porte ouverte à toutes les âneries, toutes les confusions. Non pas que la "recherche" n'existe pas, mais surtout que c'est la possibilité de confondre science et technologie, et pourquoi pas ingénierie, ou génie, tant que nous y sommes. Chaque terme renvoie à une entité bien particulière, qui ne se confond pas avec les autres. Commençons par éclaircir les choses : - sciences de la nature : la recherche des mécanismes des phénomènes par une méthode expliquée moult fois ici, mais dont je redonne pour mémoire les grandes lignes : <a href="/vivelaconnaissance/wp-content/blogs.dir/141/files/methode-sciences-nature.png"><img class="alignnone size-medium wp-image-1519" src="https://scilogs.fr/vivelaconnaissance/wp-content/blogs.dir/141/files/methode-sciences-nature-300x211.png" alt="" width="300" height="211" /></a> - technologie : l'amélioration des techniques, souvent avec l'aide des résultats des sciences - ingénierie : ensemble des fonctions allant de la conception et des études à la responsabilité de la construction et au contrôle des équipements d'une installation technique ou industrielle - génie : ensemble des techniques concernant les travaux de déblaiement, de fortification, de l'aménagement des moyens de communication, des transmissions, puis par extension, la mise en œuvre de transformations moléculaires, par exemple. Pour toutes ces activités, il peut y avoir de la "recherche", puisqu'on ne se contente pas de faire (sauf peut-être dans le génie), et qu'on cherche des moyens nouveaux de faire. D'ailleurs, un artiste aussi fait de la "recherche", mais pas de la recherche scientifique, bien sûr ! Puis, il y a la question du financement. Cette fois, on comprend que cela concerne soit des individus, soit des institutions, soit l’État. Ici, il s'agissait clairement d'une référence à l’État, et la question est de savoir où bien placer les financements donnés par l’État : à la science, ou à la technologie ? "Choisir le bon carré" : rien que cette expression est minable... parce que cela me fait penser à ces questions d'enfant, à savoir "tu préfères la fraise ou la banane?", pour lesquelles ma réponse est invariablement "le cassis" ! Pourquoi l’État choisirait-il un seul carré ? Et pourquoi les quatre carrés ne s'imposeraient-ils pas ? Recherche appliquée : si c'est appliqué, ce n'est pas de la science ! Et Pasteur lui-même a hurlé de rage une bonne partie de sa vie, s'évertuant à expliquer qu'il avait été initialement scientifique, quand il a fait ses travaux sur la chiralité (de l'acide tartrique, pour commencer), puis qu'il avait été conduit à quitter la science pour la technologie, la "recherche appliquée", avec la microbiologie, les vaccins... Oui, c'est Pasteur lui-même qui a bien distingué science et technologie, et aussi technique, tout comme le faisait bien Claude Bernard à la même époque (reconnaissant que la médecine est une technique, tandis que la recherche clinique est de la technologie, et la physiologie une science de la nature). Mais ici, dans cette figure idiote, la "recherche appliquée" renvoie à la "recherche fondamentale"... et cette terminologie est détestable. En effet, la science n'est pas "fondamentale ; c'est la science. Et il n'y a pas d'opposition recherche appliquée-recherche fondamentale, mais une différence entre science et technologie. D'ailleurs, tant que nous y sommes, il faut signaler que la science et la technologie ne peuvent pas être mises sur un axe continu, car il y a solution de continuité entre les deux ! De ce fait, les travaux technologiques de Pasteur ne sont pas de plus grande "qualité" que ceux de Niels Bohr, et ceux de Pasteur ne sont pas plus "scientifiques" que ceux d'Edison. Faut-il éviter une "zone" ? Comme l'organisation proposée ici est idiote, le "carré à éviter" n'est pas à éviter... puisqu'il n'existe pas. Et, enfin, Pasteur n'est pas un "carré magique", parce qu'il conduirait à exclure les travaux scientifiques, dont on ne répétera pas assez qu'ils n'ont pas seulement la technique comme champ d'applications, mais aussi l’École (de la Maternelle à l'Université, et au-delà), la Culture, qui est l'honneur de l'esprit humain. &nbsp; Bref, ce schéma est bête, pernicieux, à combattre. Faisons donc bien plus positif : <a href="/vivelaconnaissance/wp-content/blogs.dir/141/files/Conf-sc-mar-19-renovee.jpg"><img class="alignnone size-medium wp-image-1520" src="https://scilogs.fr/vivelaconnaissance/wp-content/blogs.dir/141/files/Conf-sc-mar-19-renovee-300x225.jpg" alt="" width="300" height="225" /></a> Ici, il y a la technique, qui produit nos biens et services, et dont l'Etat aurait intérêt à encadrer les productions de façon éclairée, avec encouragement.  Il y a la technologie, qui prend les résultats des sciences, pour les faire passer en technique. L’État ne doit pas faire le travail lui-même, mais encourager le transfert, par des industriels (petits ou grands) qui s'enrichiront, produiront de l'emploi et de la richesse nationale. Là encore, de l'encouragement. Enfin, il y a la science, qui n'est pas de la technologie, et qui est une activité d'appoint de l’État à la nation... et c'est donc seulement la case Bohr qui devrait être financée, en matière de production directe de l’État (par opposition à l'encouragement que j'évoquais précédemment).  On observera que les trois activités représentées ici le sont au même niveau : je maintiens qu'un bon technicien est mieux qu'un mauvais scientifique, mais qu'un bon scientifique est mieux qu'un mauvais technicien. En réalité, on ne peut pas comparer des activités différentes !

dimanche 27 avril 2025

Commentaires de texte

Un collègue (au sens de l'intérêt pour l'apprentissage ou les études, termes que je préfère à celui d'enseignement) me soumet un texte du logicien britannique Bertrand Russell, en me demandant un point de vue. 

Disons quand même que je ne suis capable que de lire les mots qui sont écrits, pour essayer de les comprendre, assez naïvement. 

Et c'est donc naïvement que je commente, en alternant le texte de Russell en italiques, et mes commentaires en romain : </b> <i>"Aucune de nos croyances n'est tout à fait vraie."

J'observe que Russell parle de croyances, quand ce qui me passionne, ce que j'essaie de connaître, c'est la science, ou, plus exactement, la recherche scientifique, dont on ne répétera jamais assez la "méthode" (le cheminement, donc, que je décris ci dessous). Donc, il est question de ce que je cherche personnellement à éviter. 

Des croyances ? Si l'on admet qu'il s'agisse d'un  processus mental expérimenté par une personne qui adhère à une thèse ou une hypothèse, de façon qu’elle les considère comme vérité, indépendamment des faits, ou de l'absence de faits, confirmant ou infirmant cette thèse ou cette hypothèse, on voit bien que je les déteste : d'abord, il y a la question de la vérité, qui n'existe pas en science, où l'on doit réfuter, plutôt que prétendre démontrer, mais, surtout, il y a la position de prendre parti indépendamment des faits ! 

Désolé, mais cela sent le soufre de l'esprit magique ! J'ajoute que les Lumières, dont je réclame que l'on prolonge l'esprit,  combattaient les croyances, en même temps qu'elles luttaient contre les tyrannies. Or prétendre à des thèses sans tenir compte des faits, n'est-ce pas le début de la fin en termes de paix sociale ? 

"Toutes recèlent au moins une ombre d'imprécision et d'erreur." 

; Dire que toutes les croyances recèlent imprécision ou erreur me semble une généralisation excessive : dans l'ensemble infini des positions arbitraires, pourquoi n'y en aurait-il pas qui soient justes ? Ou, du moins, qui ne soient pas contraires aux faits ? Et puis, il faut quand même revenir aux "croyances", puisque j'ai parlé de positions. Par exemple, si je fête la Saint Nicolas, au mépris des faits historiques, n'ai-je pas le droit de le faire, très légitimement ? Après tout, il ne tient qu'à moi, sans gêner les autres, d'organiser une jolie fête qui me permettra de réunir ceux que j'aime, non ? 

"On connaît bien les méthodes qui accroissent le degré de la vérité de nos croyances; elles consistent à écouter tous les partis, à essayer d'établir tous les faits dignes d'être relevés, à contrôler nos penchants individuels par la discussion avec des personnes qui ont des penchants opposés, et à cultiver l'habitude de rejeter toute hypothèse qui s'est montrée inadéquate."

Moi, je ne connais rien du tout, et je ne comprends pas comment Russell peut livrer une telle affirmation. D'ailleurs, pourquoi l'intuition ne pourrait-elle pas aussi jouer rôle ? Écouter tous les partis ? Ils sont en n ombre infini, de sorte que, à ce jeu, je risque de n'en prendre aucun. Essayer d'établir tous les faits ? Mais à quoi bon "accroître le degré de vérité de nos croyances", puisque le fait que les croyances soient des croyances est au mépris de faits ? Pourquoi vouloir des "croyances plus fiables", en quelque sorte, et non pas se débarrasser des croyances ? 

Mehr Licht ! Cultiver l'habitude de rejeter toute hypothèse qui s'est montrée inadéquate ? Oui, c'est la moindre des choses, mais on va là dans le chemin de la Raison, en non plus de la croyances. 

"Dans la science, quand il ne s'agit que d'une connaissance qui ne peut qu'être approximative, l'attitude de l'homme est expérimentale et pleine de doutes."; Là, je doute de la traduction, mais, surtout, il y a ce mot "science" qui est bien ambigu, car les sciences de l'humain et de la société ne sont en aucun cas les sciences de la nature. Ces dernières sont les seules dont je puisse parler raisonnablement. Oui, l'attitude est alors expérimentale. En revanche, l'attitude est-elle dans le "doute" ? Proposer la réfutation des théories comme méthode n'est pas la même chose que douter. 

Pour mieux me faire comprendre, je reprends la méthode des sciences de la nature : 1. identifier un phénomène : là, il n'y a pas de doute

 2. le quantifier : encore un travail technique où le doute n'a pas sa place 

3. réunir les données en équations ("lois") : aucun doute non plus, même s'il y a la question de la généralisation,  que je considère maintenant sur un exemple : Mettons-nous dans la peau de Georg Ohm, qui, il y a quelques siècles, mesure l'intensité d'un courant électrique en fonction de la différence de potentiel électrique, dans un circuit très simple fait d'un générateur électrique et d'une résistance. Il applique une différence de potentiel et mesure une intensité ; puis il applique une autre différence de potentiel et mesure une autre intensité ; et ainsi de suite dix ou cent fois de suite. Quand il trace un diagramme de l'intensité en fonction de la différence de potentiel, il voit que les couples (intensité, différence de potentiel) s'alignent environ sur une droite, ce qui montre une proportionnalité... et il introduit la notion de résistance électrique. 

Dans cette proposition, il y a plusieurs idées merveilleuses : - d'une part, Ohm fait l'hypothèse que même pour des valeurs de différence de potentiel, il y aura proportionnalité ; observons qu'on n'en sait rien, mais on fait une hypothèse, que l'on se réserve le soin de tester ; et comme c'est une hypothèse, on ne sera pas désarçonné si la courbe se révèle en réalité être une oscillation, ou des marches d'escalier, par exemple, au lieu d'être une droite - d'autre part, il y a dans la proposition d'une proportionnalité des "approximations", en ce que les expériences ne montrent en réalité aucun alignement parfait de tous les points de mesure. Là, il y a non pas une croyance, mais un acte de foi, exprimé par Galilée dans la sentence  "Le monde est écrit en langage mathématique". Ce qui me conduit au troisième point - souvent, la proportionnalité s'impose, quand il y a des variations continues, en vertu de la nature même du calcul différentiel et intégral, qui a fait la physique classique : dans un petit intervalle, et notamment près de zéro, toute courbe continue et dérivable est assimilable à un segment de droite . Pour en fini avec ce point 3, il n'y a pas de doute, mais de l'ignorance que l'on combat positivement, sur la base de mesures qui ont été faites et qui valent ce qu'elles valent, à savoir ce que valent les instruments de mesure, maniés par des expérimentateurs humains, donc faillibles, d'autant qu'ils sont portés par des théories insuffisantes (mais ils ont le droit de ne pas être imbéciles, et de savoir que le diable est caché derrière tout résultat expérimental et tout calcul, par exemple). 

4. induire une théorie, en introduisant des concepts, des "objets théoriques", quantitativement compatibles avec les lois qui sont réunies dans la théorie. Ici, il y a de l'induction, et non de la déduction, mais : - d'une part, les nouveaux objets ou concepts introduits ne sont que des propositions théoriques, et pas des "vérités", surtout si l'on regarde ce qui suit (5 et 6) - les nouveaux objets et concepts doivent être quantitativement compatibles avec les lois 

5. chercher des conséquences théoriques testables : là, pas de doute non plus. 

6. tester expérimentalement les prévisions théoriques (ce que j'avais nommé les "conséquences théoriques testables") : pas de doute à avoir. Finalement, je ne comprends pas bien Russell, parce que son propos ne colle pas avec ma pratique scientifique quotidienne. 

D'ailleurs, j'ajoute une différence entre la "science" et la "recherche scientifique". Je sais bien ce qu'est la recherche scientifique : une activité que je viens de décrire. Mais la science ? Est-ce un état ? Une pratique ? Un résultat ? 

"Tout au contraire en religion et en politique : bien qu'ici il n'y ait encore rien qui approche de la connaissance scientifique, chacun considère qu'il est de rigueur d'avoir une opinion dogmatique qu'on doit soutenir en infligeant des peines de prison, la faim, la guerre, et qu'on doit soigneusement éviter d'entrer en concurrence par arguments avec n'importe quelle opinion différente."</i> &nbsp; Là, je crois reconnaître que ce texte est un extrait de <i>Two cultures </i>? Cela dit, religion, politique : n'aurions-nous pas raison de nous demander ce qu'aurait dit Denis Diderot de tout cela ? Et le "dogme" ? Et ces "arguments", qui me font immanquablement penser à cette règle numéro 5 de Michael Faraday "Ne jamais participer à une controverse"... Enfin, il y ces "opinions" que je déteste : n'importe quel imbécile aviné a des opinions. Notre humanité ne mérite-t-elle pas mieux ? 

"Si on pouvait seulement amener les hommes à avoir une attitude agnostique sur ces matières, neuf dixièmes des maux du monde moderne seraient guéris ; la guerre deviendrait impossible ; car chaque camp comprendrait que tous les deux doivent avoir tort. Les persécutions cesseraient. L'éducation tendrait à élargir les esprits et non à les rétrécir".Oh le bel idéalisme...  Mais tout cela ne me va guère : où notre homme a-t-il mesuré neuf dixièmes ? Et surtout, avec des "si", on mettrait Paris en bouteille. Je m'étonne même de la naïveté de cette phrase, qui aurait mérité une rhétorique plus affinée. Et une analyse : faut-il de l'éducation ou de l'instruction ? Et aurait-on tout d'un coup oublié les enseignements platoniciens ? Bref, la question est surtout de savoir comment promouvoir un esprit analytique, comment asseoir la Raison, comment allumer les Lumières ? Rien que réunir les hommes, les femmes, les enfants pour discuter de cette question est un pas vers l'amélioration souhaitée par Russell... et par tous les humains de bonne volonté, n'est-ce pas ?

La validation est un état d'esprit


Je suis étonné a posteriori de ne jamais avoir entendu le mot "validation" lors de mes études de physico-chimie point, car c'est  la chose la plus essentielle de la science. Et d'ailleurs dire le mot validation et bien insuffisant parce que très abstrait ; avec ce mot, c'est d'un état d'esprit tout entier dont il est question. En effet, ill ne s'agit pas seulement de vérifier un calcul, mais de douter de tout ce que nous produisons. Ou, plus exactement,  de "remettre en cause" tout ce que nous produisons. Hier, par exemple, lors d'une discussion de laboratoire, j'ai entendu un de mes jeunes collègues dire que il était "sûr" que deux valeurs étaient identiques. Sûr, vraiment ? Rien que prononcer ce mot "sûr" est un symptôme qui révèle que l'état d'esprit de la validation n'est pas suffisamment implanté. En réalité, à l'analyse, il y avait la production de deux valeurs pour une même quantité, et notre notre jeune collègue voyait une égalité de ces deux valeurs obtenues à la suite de  longues expériences qui se répétaient. Or les deux valeurs n'étaient évidemment pas identiques, mais seulement très proches. Une incise rapide : les deux valeurs ne pouvaient pas être identiques, car à l'aide d'un instrument de mesure très précis, on aurait une infinité de décimales. Or la probabilité que deux mesures tombent sur les mêmes décimales (à l'infini) est nulle, stricto sensu ! C'est là un résultat élémentaire de la théorie de la mesure. Et la question était donc plutôt, étant données deux valeurs différentes, de savoir si, connaissant les incertitudes expérimentales, on peut considérer raisonnablement qu'elles correspondent à une même grandeur, ou bien à des grandeurs différentes. C'est  ici que s'introduisent les méthodes statistiques, qui permettent de dire quelle est la probabilité que les deux résultats correspondent à une même grandeur ou, inversement,  que ces deux résultats correspondent à des grandeurs différentes. Il y a une question de probabilité, ce qui exclut absolument la certitude, le "je suis sûr que". Et l'on se référa à d'autres billets qui expliquaient que tout résultat expérimental doit obligatoirement être associée à des incertitude de mesure, à des estimations des incertitudes, à des  déterminations expérimentales de ces  incertitudes,  et l'on retiendra ici que s'impose donc une comparaison statistiques... sans oublier qu'une pièce de monnaie qu'on lance en l'air peut parfaitement tomber 100 fois sur pile. <p class="separator"><a href="https://3.bp.blogspot.com/-0gKcGcKCGCs/XDhIgINv4lI/AAAAAAAABIQ/kZe36J9RztQn3wljWGALIwOar90aL7zegCLcBGAs/s1600/pile%2Bou%2Bface.jpeg"><img src="https://3.bp.blogspot.com/-0gKcGcKCGCs/XDhIgINv4lI/AAAAAAAABIQ/kZe36J9RztQn3wljWGALIwOar90aL7zegCLcBGAs/s320/pile%2Bou%2Bface.jpeg" width="320" height="166" border="0" /></a></p> Mais cette question est bien élémentaire et nous devons revenir à la validation. La validation, cela consiste à répéter les expériences, ce qui conduit donc à comparer les résultats de ces expériences. Mais, la validation, cela consiste aussi à douter du résultat des comparaisons, à imaginer et mettre en œuvre des façons différentes d'attaquer la question par des méthodes différentes. Dans un autre billet, j'ai évoqué le diable qui est caché derrière tout les calculs, derrière tous les  résultats d'expériences, derrière tous les gestes expérimentaux. Mais je veux ici évoquer les exemples. Ainsi quelqu'un qui utilise une balance de précision pour peser un objet dont la température n'est pas exactement celle de la pièce s'expose à ce que des échanges de chaleur engendrent des courants d'air par convection, ce qui faussera résultat de la mesure. Plus élaboré, quelqu'un qui enregistre des spectre de résonance magnétique nucléaire en ignorant que le pH a un effet sur la résonance de certains protons s'expose à confondre les protons lors de l'interprétation ;  de même pour la présence d'ions paramagnétique, par exemple. Notre culture scientifique toujours insuffisante et donc une menace virgule qui justifie que ce soit une bonne pratique d'être très au courant de la science qui se publie chaque jour Le diable est tapi Mais cette observation a des conséquences bien plus grave, quand on se souvient que le ou la scientifique moderne  est loin de tout savoir, et que, par conséquent, même si nous savions tout ce qui a été publié, nous serions ignorant de tout ce qui reste à découvrir. Et c'est cela qui nous menace véritablement ! Les rapporteurs, les pairs à qui nous soumettons nos manuscrits en vue de leur publication sont là pour nous aider à voir les écueils inconnus, mais il y a les autres ! Et c'est une bonne métaphore d'imaginer que les scientifiques sont comme les marins qui naviguent près des côtes, donc ils ignorent tout de la topographie des fonds. <p class="separator"><a href="https://4.bp.blogspot.com/-iPfGp9aCu0Q/XDhIwlKlU1I/AAAAAAAABIY/bhIxGj5kj6EqLLN7kWfbmc3MM6w1USDOQCLcBGAs/s1600/rochers%2Bdans%2Bla%2Bmer.jpeg"><img src="https://4.bp.blogspot.com/-iPfGp9aCu0Q/XDhIwlKlU1I/AAAAAAAABIY/bhIxGj5kj6EqLLN7kWfbmc3MM6w1USDOQCLcBGAs/s320/rochers%2Bdans%2Bla%2Bmer.jpeg" width="320" height="212" border="0" /></a></p> Bien sûr il y a les rochers qui émergent, mais il y a aussi ceux qui sont à une profondeur inférieure au tirant d'eau du navire. C'est cela, le diable qui nous menace à chaque instant. C'est cela qui justifie que nous qu'on servions en tête sans cesse ce mot de "validation". <p class="separator"><a href="https://3.bp.blogspot.com/-Lc4oy-64RkY/XDRlSb_IpEI/AAAAAAAABH0/slWbIuu6WNMiiR_jugerIIAfxYCh-rQTgCPcBGAYYCw/s1600/chimiste%2Bhansi.jpg"><img src="https://3.bp.blogspot.com/-Lc4oy-64RkY/XDRlSb_IpEI/AAAAAAAABH0/slWbIuu6WNMiiR_jugerIIAfxYCh-rQTgCPcBGAYYCw/s1600/chimiste%2Bhansi.jpg" border="0" /></a></p>