mardi 9 avril 2024

Comment faire une thèse ?

 Comment faire une thèse ? Ce matin, je reçois un e-mail d'une ancienne étudiante du groupe, qui me dit s'apprêter à commencer une thèse. Je la félicite... et lui demande aussitôt si elle s'est demandée comment faire une thèse, puisque c'est là la méthode que je propose : pour chaque acte que nous faisons, ne devons-nous pas "retenir nos mains", qui ne savent pas faire si elles ne sont pas guidées par notre tête, et chercher une stratégie, une méthode, tant il est vrai que pour aller d'un point à un autre, il faut avoir choisi le chemin que l'on va emprunter avant de parcourir celui-ci ? 

Dans notre groupe de recherche, nous avons, en conséquence, une série de documents intitulés « Comment faire » : "Comment peser", "Comment mesurer une température", "Comment utiliser un appareil de résonance magnétique nucléaire", "Comment décomposer un groupe de signaux dans un spectre", etc.
Ces « Comment faire » ne se rapportent pas seulement à des gestes techniques, mais aussi à des comportements : "Comment présenter un poster dans un congrès", "Comment se comporter dans un laboratoire", etc. Ici, la question est : "Comment faire une thèse ?"... et nous avons évidemment un document qui propose des réponses. 

L'objectif est clair : notre jeune amie va passer trois ans dans un laboratoire pour faire un travail. Et il faut donc qu'elle sache comment le faire. Je pourrais bien sûr lui donner immédiatement notre document, mais n'est-il pas plus formateur de lui poser la question : Comment faire une thèse ? N'est-il pas mieux qu'elle réfléchisse, par elle-même, avant de proposer sa réponse, qui pourra ensuite être confrontée à celle que nous avons trouvée ?

Évidemment, mes billets précédents ont largement expliqué que, pour répondre à cette question comme à toutes les autres, il aura fallu définir l'objectif, c'est-à-dire avoir bien compris ce qu'est une thèse, car c'est seulement en connaissance de l'objectif que l'on pourra déterminer le chemin qui y mène... mais je crois que je dois la laisser réfléchir, sans quoi je risque de lui voler le bonheur de trouver la réponse à la question qu'elle se (me) pose, et cela n'est pas bon. Bref, il faut que j'évite de répondre à la question à sa place, et que je me limite à donner quelques indications. 

 

Des indications utiles

Tout d'abord, il faut bien expliquer que, selon la loi, selon les règles internationales, dans le cadre d'accords interuniversitaires, les doctorants ne sont plus des étudiants. C'est la loi, et toute équipe qui n'appliquerait pas la loi serait hors la loi, donc passible de poursuites. 

Cette première observation s'assortit de conséquences, et la première est que, l'étudiant étant un jeune chercheur, il a les droits et les devoirs des chercheurs, même si, pour des raisons matérielles, on leur octroie une carte d'étudiant. Droits : lesquels ? Devoirs : lesquels ? Tout cela est bien détaillé sur les sites du ministère de la recherche ou des écoles doctorales, par exemple. 

D'autre part, les réseaux sociaux et divers forums sont l'occasion de voir des doctorants se plaindre des conditions terribles dans lesquelles ils font leur thèse. J'ai même vu un livre sur ce sujet, dans une librairie. Il est de bon ton, pour ces doctorants, de dire que les "encadrants" (responsable d'équipe, directeur de thèse, etc.) ont des comportements désagréables, qu'ils n'ont pas les conditions nécessaires à l'accomplissement de leurs travaux, qu'ils sont stressés par le manque de temps, le salaire insuffisant, et ainsi de suite.
J'invite ces doctorants-la à se référer aux règles qui figurent sur le site du ministère de la recherche, lequel a bien encadré l'exercice de préparation du doctorat. 

Mais je les invite surtout à cesser de se plaindre (une plainte qui n'est pas suivi d'effet, c'est une sorte d'impolitesse) et à prendre activement des décisions immédiates : soit changer d'équipe, si la leur n'est pas aussi estimable qu'ils l'auraient voulu, soit ouvrir une discussion qui conduira à suivre les règles nationales, soit arrêter la thèse, soit... ce qu'ils auront décidé en fonction des circonstances particulières où ils se trouvent. Au fond, ne retrouve-t-on pas là le même comportement que celui des "travailleurs" qui se plaignent des patrons, ou des étudiants qui se plaignent des enseignants ? Oui, nous ne sommes pas toujours entourés de personnes absolument merveilleuses, mais n'est-ce pas une forme d'intelligence que de voir le verre plus qu'à moitié plein ? 

En tout cas, dans notre groupe de recherche, c'est une règle absolue... car je maintiens que l'optimisme s'apprend, que cet apprentissage demande de l'effort, du travail, du travail quotidien … dont on est immensément récompensé. Et puis, après tout, n'y a-t-il pas mille laboratoires avec des gens merveilleux, où ceux qui sont malheureux pourraient aller ? Pour terminer sur ce sujet de la "lutte des classes", signalons aussi qu'il y a beaucoup d'équipes très soudées, amicales, où la science et la technologie (puisque le mot "thèse" s'applique maintenant aux deux activités) s'exerce de façon joviale, enthousiasmante ! 

 

Autonomie ! 

Sans voler à ma jeune amie le plaisir de comprendre ce qu'est une thèse, je crois important de dire aux doctorants des sciences de la nature comment se passent les thèses en mathématiques : au tout début du travail, le doctorant rencontre son directeur de thèse, et ils discutent du sujet qui sera exploré ; le directeur fait des propositions, présente des possibilités, signale des questions ouvertes, des pistes qui pourraient être suivies... mais le doctorant n'est pas un étudiant ; c'est un jeune mathématicien, qui part ensuite, pour trois ans, faire ses calculs, sa recherche, et qui revient, au terme de ces trois ans (c'est la loi, actuellement), avec le travail qu'il a fait, et qu'il a mis en forme comme on réunit des fleurs en bouquet. 

Bien sûr, en cours de route, le doctorant peut avoir envie de discuter avec son directeur de thèse, comme on discuterait avec un collègue, mais il est parfaitement autonome, et c'est lui qui doit prendre l'initiative des rencontres avec son directeur de thèse. Cette méthode a son intérêt même en dehors des mathématiques, car un doctorant devient rapidement (ou doit devenir rapidement) l'unique spécialiste mondial d'un sujet, de sorte que le directeur de thèse n'est plus un maître qui disposerait des réponses aux questions que l'on se pose. 

"Autonomie" est le mot essentiel pour les thèses, et les doctorants ne sont plus des étudiants en stage ; ils ne sont pas des techniciens téléguidés par les directeurs de thèse... Un doctorant qui se laisserait aller à fonctionner ainsi devrait endosser la responsabilité de cet état de fait... et il ne mériterait pas le titre de docteur. Un autre point important : je sais d'expérience que certains doctorants ont une sorte de passage à vide à la fin de la première année, cette année qui consiste à faire la recherche bibliographique initiale, à mettre en place les méthodes expérimentales, à tester les conditions d'expérimentation qui seront utilisées, à poser des questions scientifiques (qui seront explorées lors de la deuxième année de thèse, la troisième année étant consacrée à la rédaction des publications et de la thèse). 

Pourquoi ce passage à vide et comment l'éviter ? D'abord la question du pourquoi. Parce que le poulain lâché dans le pré a gambadé çà et là, et qu'il a pris du retard ? Autrement dit, parce que le doctorant commençant était resté sur un rythme d'étudiant, sans comprendre que trois ans passent très vite ? Parce que, la recherche bibliographique faite, c'est le moment difficile d'être responsable de son questionnement, et que cela est bien plus difficile que ce que le doctorant a fait jusque alors ? Parce que le doctorant commence à s'apercevoir d'insuffisances scientifiques accumulées au cours de ses études, alors que le maçon est au pied du mur ? Je ne le sais pas, mais il est certain que trois ans passent vite, et que nos jeunes amis ne sont pas toujours assez conscients du temps qui passe, surtout quand ils sont en situation de responsabilité (parce que le directeur de thèse aura joué le véritable jeu de directeur de thèse, et non pas de patron qui fait suivre au doctorant une voie qui est la sienne propre, et n'aura pas laissé le doctorant suivre son propre chemin). 

 

Donnons-nous la possibilité du succès

Raison de plus pour bien poser aux étudiants, avant de commencer une thèse, des questions auxquelles ils devront répondre, des questions telles que celles que j'ai évoquées ici, à savoir comment faire une thèse, par exemple. Ne devrions-nous pas tenir des réunions préalables entre les différentes parties d'une thèse (le doctorant, l'équipe encadrante, le directeur de thèse, l'école doctorale), avant engagement ? Ne devrions-nous pas poser ces questions, en espérant que certains étudiants décident finalement de ne pas se lancer, à partir du moment où ils auraient connaissance de faits qu'ils ignoraient jusqu'alors ? 

Là encore, comme pour l'apprentissage (ce que d'autres nomment enseignement), je crois aux vertus d'un contrat, un contrat très explicite, un contrat discuté point par point, en détail, un contrat dont on se sera assuré que toutes les parties comprennent bien les termes. Je sais qu'il y a des étudiants qui se lancent en thèse, seulement en vue d'avoir une thèse, une sorte de diplôme supplémentaire, parce que cela se fait, parce que les oisillons ont peur de sortir du nid, d'aller dans l'industrie, mais ceux-là n'ont pas assez réfléchi, et je crois qu'ils seront déçus, mais il faut leur dire qu'il ne seront pas déçus du systèmes, mais d'eux-mêmes, ce qui est sans doute la pire des choses. 

Il faut donc agir très positivement pour éviter les déceptions tardives, et le temps perdu par tous. Il faut que les étudiants apprennent à ne pas se lancer dans une thèse s'il s'aperçoivent que le contrat proposé ne leur convient pas ; il faut que les équipes encadrantes n'acceptent pas en thèse les étudiants qui n'auraient pas accepté le contrat en parfaite connaissance de cause. Il faut que les équipes de recherche refusent absolument la pression des systèmes universitaires à accueillir beaucoup d'étudiants en thèse, car il n'est pas vrai que tous les étudiants puissent faire de bon doctorants. Il faut rappeler que la thèse n'est pas une sorte de master prolongé, mais, au contraire, une étape essentielle dont tout le monde n'est pas capable, non pas qu'on n'en est pas capable en théorie, car un travail acharné vient à bout de tout, mais dont on n'est pas capable en pratique, parce que tous n'ont pas l'étude comme objectif principal, et que cela se saurait si tous pouvaient faire de la (bonne) recherche scientifique. 

 

Et reste maintenant la question posée à notre jeune amie : qu'est-ce qu'une thèse ? Cette question s'assortira ensuite de la question : comment faire (bien) une thèse ?

Donner du goût, assaisonner, et plus encore

En matière de cuisine, on a oublié qu'il ne s'agit pas de délivrer les ingrédients vaguement transformés par un traitement thermique (une "cuisson") ; non, il s'agit plutôt de le leur donner du goût. Lequel ? Voilà toute la question. 

 

Commençons en signalant  quelques exemples notoires. Par exemple, les professionnels qui cuisent des marrons ont appris à ajouter du fenouil... pour donner le goût de marrons. Quand ils préparent des fraises, ils ajoutent jus de citron, sucre, eau de fleur d'oranger.... pour donner le goût de fraises. Quand ils cuisent des   courgettes, ils leur ajoutent un peu de menthe. 

Et ainsi de suite : il est très insuffisant de cuire un ingrédient et de croire qu'il aura le goût de ce qu'il est. Cette phrase doit nous faire penser à ce critique gastronomique nommé Maurice Sailland, qui signait  Curnonsky, et qui prétendait que les choses  auraient été bonnes  quand elles auraient eu  le goût de ce qu'elles sont. 

Cela est erroné, parce qu'il n'y a pas LE goût du poulet rôti, LE goût du marron, LE goût d'un mets, mais des possibilités innombrables, qui sont au choix des artistes culinaires. 

En tout cas, l'idée de Curnonsky dépasse l'idée précédente que je viens d'évoquer à savoir qu'il faut donner du goût aux ingrédients pour qu'ils aient le goût de ce qu'ils sont ou de ce que nous voulons qu'ils aient. 

Prenons l'exemple d'un sabayon aux pommes. Pour donner le goût de la pomme, il faudra les pommes dans du beurre, en leur ajoutant du gingembre, du poivre, une pincée de sel, du jus de citron, du sucre... 

Un poulet rôti ? Immédiatement, nous devons nous demander, de même, quoi  ajouter au poulet pour qu'il ait un bon bout de poulet rôti. Cela passe évidemment par le poivre, le sel, mais pourquoi pas le thym, le romarin, le citron, etc. 

Cela nous conduit à évoquer la question des assaisonnement, si importantes en cuisine. J'ai nombre d'amis cuisiniers qui reprochent à leurs jeunes collègues de ne pas goûter assez, de ne pas rectifier l'assaisonnement. 

Mais l'assaisonnement dépasse largement la question du sel ou du poivre :  il y a toute la palette possible que nous pouvons utiliser  pour donner aux ingrédients un goût qui les soutient, voire qu'il les emmène dans des directions différentes. 

Mon ami Pierre Gagnaire sait bien cela, lui qui travaille à l'infini le moindre de ses produits et non seulement pour s'arrêter à l'assaisonnement, mais  pour le dépasser  et arriver à des œuvres où les ingrédients ne sont plus seulement considérés isolément, mais où ce sont des instruments dans un orchestre complet.

A quoi sert l'Académie d'agriculture de France ?

 
A quoi l'Académie d'agriculture de France sert-elle ? A mille choses, mais, notamment, à diffuser de l'information scientifique, technologique ou technique à celles et ceux qui en ont besoin ! 


Il y a plusieurs années, les clubs ECRIN permettaient notamment de diffuser de l'information scientifique et technique à de petites sociétés qui n'avaient pas les moyens de se payer des laboratoires de recherche ou mise au point de méthodes. Notamment, avec un groupe d'amis, nous animions un tel groupe pour ce qui concerne les composés aromatisants. 

Progressivement, nous avions appris à organiser des journées de conférences, où  des scientifiques et des industriels de grosses sociétés venaient faire état de travaux avancés et les expliquer à leurs collègues de ces petites sociétés  qui sont réparties sur le territoire national et qui produisent, embauchent, animent. 

Nous avions le sentiment d'être véritablement utiles, et je viens de comprendre que l'Académie d'agriculture, qui n'a plus la mission confiée à l'INRAE, de développement économique, ni celle qui est confié au CGAAER pour conseiller le ministre, joue ce même  rôle de diffusion de la connaissance scientifique, technologique et technique par ses travaux, et, notamment, par ses séances publiques du mercredi après midi : https://www.academie-agriculture.fr/actualites/academie/seances/seances-hebdomadaires-aaf?direct=

De surcroît, les Notes académiques de l'Académie d'agriculture de France ( https://www.academie-agriculture.fr/publications/notes-academiques ) ont tout leur sens : il s'agit un journal scientifique, technologique et technique, au  modèle diamant (gratuit pour les auteurs comme pour les lecteurs). Il s'agit toujours du même projet et l'on comprend que ce journal trouve toute sa place, notamment pour publier les textes des interventions des séances publiques du mercredi, et plus encore. 

Un exemple de mauvaise foi

Ne nous illusionnons pas ! 

J'ai trouvé hier un bel exemple de mauvaise foi et cela m'a rappelé que j'avais publié un traité sur la question : Le terroir à toutes les sauces, un livre ou la théorisation de la mauvaise foi se double d'un livre de cuisine et d'une histoire d'amour. 


 

Mais revenons hier hier : j'ai vu un groupe de violoncellistes discuter de leur pratique instrumentale  et se justifier de ne pas travailler beaucoup pour diverses raisons. 

L'un d'entre eux disait qu'il avait plus de plaisir à reprendre le violoncelle après s'être arrêté.
Un autre disait que la vie du violoncelliste n'était pas une vie d'ermite.
Un troisième disait que, quand on s'arrêtait, il fallait reprendre progressivement.
Et ainsi de suite. 

Mais je n'ai pas été complètement convaincu (litote) de la façon dont ces violoncellistes jouaient finalement et je me dis qu'ils auraient été  meilleurs musiciens s'ils ne s'étaient pas arrêté : labor improbus omina vincit. 

D'autre part,  je ne peux m'empêcher de penser à Pablo Casals qui, des jours entiers, travaillait la même phrase musicale, sans relâche. 

Au fond, ce discours sur la modération du travail est en réalité de la mauvaise foi et je propose de le confronter à cette phrase merveilleuse  : quelqu'un qui sait, c'est quelqu'un qui a appris. Or  plus on y passe de temps, plus on apprend, et ce ne sont pas des raisons spécieuses qui vont pallier le manque de soin et de travail.

lundi 8 avril 2024

Oui, les bouillons sont au début des livres de cuisine

 J'ai souvent dit et écrit que les livres de cuisine du passé  commençaient généralement par des recettes de bouillon. Là, je viens de prendre un bon moment pour aller regarder ce qu'il en était effectivement, car si je connais bien ces livres, presque par coeur, il fallait voir si mon impression était fondée. 

Elle l'est ! 

Oui, elle l'est, mais les choses sont plus intéressantes que cela car ce sont plus exactement les potages, les bouillons, les bouillid et les sauces  qui font les premières recettes de la plupart des livres du passé. 

Plus exactement, je suis parti du Viandier de Guillaume Tirel, dit "Taillevent", au 14e siècle, et je suis remonté avec les principaux livres : Massialot, Marin, LSR, Viard, etc. Dans la plupart, ce sont bien des potages qui sont les toutes premières recettes, mais avec  quelques exceptions. 

Par exemple le livre de Louis Charles de Bourbon intitulé Le cuisinier gascon commence par des mets solides... mais il ne faut pas oublier que l'auteur n'était pas un cuisinier, mais en un des premiers aristocrates de France. 

Pour les autres donc, mon impression est parfaitement confirmée, et les exceptions qui existaient dans les tous premiers temps disparaissent quand la structure des livres devient plus conventionnel, avec les bouillons d'abord, puis  les préparations qui leur sont dérivées, telles les sauces ou les potages. Le pot-au-feu est très souvent présent qu'il soit nommé ainsi ou différemment par exemple hochepot, ou  bouilli, par exemple.

Car on n'oubliera pas ce fait important :  la cuisine mouille rarement à l'eau, car cette dernière n'a pas de goût, et elle préfère utiliser un fond ou du vin par exemple. Quand c'est un fond, il y a à la base un bouillon.

dimanche 7 avril 2024

Prudence, imprudence, mauvaise foi.

Alors que je marche dans le campus de Palaiseau, je vois tout autour, dans les bordures, des euphorbes...  dont je sais que le lait est parfaitement irritant pour la peau, les yeux et les muqueuses, notamment. 

Ce n'est pas la seule plante de ce type et l'Agence nationale de sécurité des aliments a publié les documents qui disent bien les choses, assortissant leurs observations de numéros d'urgence aux centres anti-poison :



Il ne faut donc pas rigoler avec tout cela ! 

 

Or,  au même moment, je reçois une annonce très enthousiaste à propos de la confection de sirops à partir de plantes...  parmi lesquelles je vois la lavande, dont il a été montré qu'elle contenait des perturbateurs endocriniens, capables de faire pousser les seins de petits garçons qui prenaient leurs bain avec des sels de cette plante. 

Et, évidemment, c'était couru : quand je fais observer aux producteurs de sirop qu'il y a des risques à boire leur breuvage, ils m'opposent la plus grande mauvaise foi,  et en tout cas aucune publication scientifique. 

La prudence, c'est quand ça nous arrange ! 

Dans la foulée, un coup de téléphone d'une journaliste qui m'interroge sur les poêles en téflon (ah, le "très méchant" téflon de la "très méchante industrie")... et qui balaye d'un revers de la mauvaise foi l'indication que je lui donne, à savoir que  faire sauter des viandes conduit à appliquer les températures supérieures à 300 degrés à leur face inférieure, ce qui est bien supérieur au point de fumée des matières grasses qui sont utilisés pour améliorer le la cuisson. Or s'il y a de telles température, il y a la formation de composés toxiques, le plus évident étant l'acroléine, présente dans les huiles qui fument quand on dépasse le point de fumée qui est au maximum de 200 degrés. 

 

Bref, quand certains confrontent une toxicité  éventuelle du téflon à une toxicité avérée de l'acroléine, ils préfèrent l'antique toxique. La tête de l'autruche se plonge rapidement dans le sable quand ça l'arrange. 

 

samedi 6 avril 2024

Et si l’on considérait que la vulgarisation s’arrête à la connaissance, et l’enseignement à la compétence ?

 Dans un autre billet, je mettais la limite entre vulgarisation scientifique et technologique, d'une part, et enseignement scientifique et technologique, d'autre part, à l'utilisation du calcul. 

A la vulgarisation, le discours explicatif, de l'extérieur de l'objet, si l'on peut dire ; à l'enseignement le maniement d'équations, de l'intérieur. Ici, je propose une ligne de démarcation qui semble différente, mais qui ne l'est pas, en réalité : la vulgarisation viserait à transmettre des connaissances, mais l'enseignement veut transmettre des compétences. 

Dans les deux cas, vulgarisation et "enseignement", n'y a-t-il pas les questions suivantes, dans le désordre : 

- pourquoi veut-on apprendre ? 

 - que veut-on apprendre ? 

 - comment apprendre ? 

- surtout, qu'est-ce qu'apprendre ? 

Selon le bon dictionnaire qu'est le Trésor de la langue française informatisé (gratuit, en ligne, fait par le CNRS), le mot "apprendre" signifie seulement étudier, acquérir une connaissance, de sorte que ma distinction entre vulgarisation/connaissances et enseignement/compétences est sans doute abusive, mais à quoi bon passer du temps pour avoir une connaissance qui s'évaporera aussitôt obtenue ? Et puis, tant qu'à faire, pourquoi ne pas aller jusqu'au point où la connaissance devient opérationnelle, où elle devient une compétence ? 

Reprenons, en répondant aux questions précédentes, pour la vulgarisation, d'une part, et pour l'apprentissage des étudiants, d'autre part.

 

La question de la vulgarisation

 Pour la vulgarisation, il y a la volonté de mieux comprendre le monde, mais "en plus", si l'on peut dire. Pour beaucoup, il s'agit d'un délassement, un peu passif, à la façon du Dr Watson qui observe Sherlock Holmes. Il s'agit donc de s'émerveiller, sans prétendre avoir les compétences de produire de la connaissance scientifique (parce que cela prend du temps, et que nos amis qui ont des professions prenantes n'ont pas le temps de se consacrer à la recherche scientifique). 

Que veut-on alors apprendre ? A chacun ses goûts, ses envies, puisqu'il s'agit de "loisirs". Comment apprendre ? Le plus simplement possible. Qu'est-ce qu'apprendre, alors ? Obtenir la connaissances des découvertes récentes. 

Apprendre en vue d'exercer un métier  

 Pour l'apprentissage des étudiants (je ne me résous pas à nommer cela de l'enseignement, depuis que j'ai compris que la question est moins d'enseigner que d'apprendre), il y a deux points de vue à réconcilier : celui de la diffusion de connaissances produites, et celui de la formation professionnelle. Dans le temps, l'université n'était pas faite pour donner un métier, et les professeurs faisaient en réalité oeuvre de vulgarisation. Sont apparues les écoles d'ingénieurs, qui ont formé les ingénieurs ; sont apparus les instituts de technologie, pour former ingénieurs et techniciens. Et, dans le même mouvement, l'université s'est mise à donner de la formation professionnelle, pour ceux qui voulaient se donner le temps de choisir, ou qui ne voulaient pas passer des concours, ou pour diverses autres raisons : il y a eu les BTS, les licences professionnelles, etc. 

Mais ne nous laissons pas égarer sur la voie de la description des formations et restons à nos questions. Pour la formation professionnelle, l'objectif est de contribuer à la formation des professionnels, c'est-à-dire des personnes qui savent exercer un métier, et qui n'ont pas seulement des connaissances, mais des compétences ! Cette analyse devrait éclairer les étudiants sur les objectifs qu'ils doivent se fixer : qu'importe qu'ils sachent ce qu'est une équation ; il faut surtout qu'ils sachent la résoudre, qu'ils sachent utiliser les techniques (éventuellement des programmes et des ordinateurs) de résolution. Idem pour les notions de physico-chimie : c'est évidemment très bien de savoir ce qu'est la force de Laplace, ou la viscosité, ou l'énergie libre... mais l'objectif n'est pas là ; les étudiants doivent savoir utiliser ces notions. 

D'où la nécessité d'exercices et de problèmes, qui sont des moyens de tester des compétences. Les "questions de cours" n'ont pas d'intérêt, dans cette perspective. Il s'agit de mettre en oeuvre les connaissances ! Et comme, en science et en technologie, les notions sont toujours quantitatives, c'est bien le calcul que les étudiants doivent maîtriser !