Je combats le mot « arôme » depuis trente ans : non pas quand il est justement employé, mais quand il crée des confusions.
L’arôme, selon le dictionnaire français, c'est l’odeur d’une plante aromatique ou d’un aromate. Là, l'acception est juste.
En revanche, un arôme n'est ni une odeur perçue par la voie rétronasale, ni une préparation industrielle — laquelle peut être merveilleuse — qui apporte une odeur, une saveur, ou les deux, à un aliment.
Ce genre de produit devrait s’appeler « gustativant », mais le mot risque d’avoir du mal à passer. « Aromatisant » correspond à l’anglais flavouring, dérivé de flavour, de sorte qu'il y a une logique à adopter ce terme.
Si l’on veut réconcilier le public avec ces produits, il faut en changer le nom. Maintenant, même mes détracteurs parlent d’« aromatisants » et la communauté scientifique internationale parle d’odorants, en anglais.
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
lundi 7 novembre 2022
Cuisine note à note, molécules odorantes et aromatisants
jeudi 3 novembre 2022
Oui, l'huile se mélange avec l'huile, qu'elle soit solide ou liquide
Oui, l'huile se mélange avec l'huile, qu'elle soit solide ou liquide
On m'interroge, et voici ma réponse :
Oui, et encore oui : les huiles sont miscibles les unes aux autres, et elles sont d'ailleurs également miscibles avec les matières grasses solides à condition que l'on fonde celles-ci.
Commençons avec deux huiles : fixons les idées avec une huile de soja et une huile de tournesol, par exemple. Ces huiles se mélangent parfaitement, et leur propriétés chimiques, physiques et gustatives sont intermédiaires entre celles de l'huile de soja et celles de l'huile de tournesol.
D'ailleurs c'est deux huiles se mélangeraient également très bien avec l'huile d'olive... et c'est d'ailleurs ce type de coupage qui est parfois pratiqué par les malhonnêtes qui font du frelatage (et vendent un produit qu'ils nomment illégalement "huile d'olive").
Mais on peut aussi ajouter de l'huile à du chocolat fondu, puisque ce dernier est une dispersion de particules solides (du sucre ou des fragments végétaux) dans du beurre de cacao : si le beurre de cacao est fondu , il fait huile et une huile végétale qu'on lui ajoute ce mélange parfaitement à lui.
Mieux encore, on sait bien, quand on fait une mousse au chocolat avec une recette classique, que l'on peut mélanger deux matières grasses solides à condition de les fondre : du beurre et du chocolat chauffés "font huile".
D'ailleurs, on pourrait tout aussi bien mélanger du beurre à du saindoux, ou du saindoux à du chocolat. Ou, mieux, du beurre à du foie gras.
Bref, quand une mère grasse est à l'état liquide, elle se mélange à une autre matière grasse à l'état liquide. Pourquoi ? Parce que toutes les matières grasses sont faites de molécules analogue à des peignes à trois dents souples et que l'on nomme les triglycérides. Dans une matière grasse particulière, il y a de très nombreux très nombreuses molécules de triglycérides appartenant à de très nombreuses catégories différentes de triglycérides, et cela vaut pour les huiles comme pour les matières grasses solides à la température ambiante.
D'ailleurs, le fait d'être solide ou liquide n'est qu'une question de température et bien des graisses qui sont solides en hiver deviennent liquides en été.
Bref, on mélange très bien les matières grasses les unes aux autres et l'on hybride alors leurs propriétés.
C'est ainsi que le beurre ou l'huile amollissent le chocolat. C'est ainsi que de l'huile amollirait du beurre.
Et le goût, aussi, s'hybride.
My road of Damascus
Answers to a journalist
As a child, I was a strange boy who spent his time doing chemistry, reading (I love the chiselled style of great writers like Rabelais or Flaubert), and sleeping very little.
I got a chemistry box at the age of six. From then on, all my pocket money and all my weekends were spent practising chemistry. As a teenager, I already loved cooking. When I roamed the seas on sailboats with friends, I always was the cook.
In 1976, my kitchen and my lab were merged together because I lived in a small one-room apartment. So I began to cook using chemistry utensils, for they are identical to cooking tools.
My road-to-Damascus experience happened on Sunday, March 16, 1980. I had friends for dinner, officially to work on our exams, but actually to have a good dinner. I made a Roquefort cheese soufflé from a magazine recipe. The recipe stated: add your eggs two by two. “This is strange”, I thought: “two by two doesn’t make sense, so I’ll add all the eggs together.” And the soufflé went wrong. The following Sunday, I picked up the same recipe and thought: “The only thing I didn’t do according to the book was adding the eggs two by two. I’ll add them one by one.” And the soufflé was a success.
From then on, I decided to write down every culinary trick, saying and tour de main in a notebook, and test them in my lab. Now, I have twenty-five thousands of them. In 1987, some physicians from the École normale in Paris invited me to their seminars; later I got a laboratory in the Collège de France, and I was also the editor of a review.
Molecular gastronomy was created in 1988 as a scientific discipline, and it grew quickly. The international press was, and still is, all abuzz. It should be distinguished from molecular cooking. The former is a science, and my primary interest. Molecular cooking is an entirely different thing that I created to renovate cooking and make life easier for cooks and chefs. Then again, molecular cooking, the technique, is to be differentiated from molecular cuisine, which is the style.
Why did I create that? Because an artist whose ankle is chained to a ball doesn’t go as fast as an artist who has wings on his back. I wasn’t going to leave the poor chefs with outdated whisks and saucepans; I wanted to change their techniques, but they were reluctant. So I used the Parmentier strategy: in the same way that Parmentier offered his potatoes to the king of France so that the people would want to eat them too, I went to see the greatest chefs and presented them with my techniques… And their food had to be very expensive so that people would rush into their restaurants to try it. Many other chefs were interested, bought the products, and now you can find low-temperature cooking everywhere, and my “perfect egg” in any bistrot. Children make my chocolate chantilly. I have won! And now I am trying to kill molecular cooking in order to promote the Note to Note concept, which also has a cooking side and a cuisine side.
Les applications de la chimie en cuisine
Cette image ?
Elle dit tout ce qui concerne l'application des résultats des sciences de la nature à la cuisine : Hermès, le dieu de la chimie, parle à Bacchus, le dieu du bien manger.
mercredi 2 novembre 2022
Heureux de signaler la parution, aujourd'hui de mon dernier livre intitulé Calculating and Problem Solving through Culinary Experimentation
Heureux de signaler la parution, aujourd'hui de mon dernier livre intitulé Calculating and Problem Solving through Culinary Experimentation.
Il s'agit d'un livre pour des études, soit de physico-chimie, soit de chimie, soit de physique, soit de science des aliments, soit de technologie des aliments... mais on peut aussi imaginer que le monde de la cuisine sera intéressé à ces expériences et à ces calculs.
Car c'est ça dont il s'agit :
- des expériences, soit culinaires, soit scientifiques, en vue d'étudier la cuisine,
- et des calculs parce que le livre veut montrer que c'est par une approche quantitative, du calcul donc, que l'on parvient le mieux à cerner les faits.
Naguère, il y avait dans notre groupe de recherche de petites expérimentations que nous faisions le matin, et les calculs qui étaient proposés à la sagacité de chacun, en vue d'une confrontation le lendemain.
Les expériences, il y a lieu de bien les faire, et donc de s'interroger sur la façon dont on les fait, ce qui nécessite de procéder par étape, d'apprendre à manipuler. En faisant d'abord quelque chose de simple, avant de faire quelque chose non pas de plus compliqué mais de plus élaboré.
Pour les calculs, c'est tout simple et il faut surtout mettre en confiance nos amis pour leur montrer qu'avec des connaissances élémentaires, ils peuvent faire déjà beaucoup.
Car, là encore, tout est une question de méthode : méthode d'expérimentation pour les expérimentations dont j'ai déjà parlé, mais aussi méthode de calcul et c'est cela qui manque le plus souvent.
Il faut le répéter : pour le calcul, il n'y a rien de difficile, mais il faut s'entraîner, raison pour laquelle nous nommions ces expérimentations et ces calculs des "joggings" : tout comme on fait un petit jogging le matin, en courant dans la ville ou dans la campagne, on peut faire un jogging expérimental ou un jogging de calcul, et c'est cela l'objet du livre.
Les chapitres sont ordonnées par ordre de complexité du système considéré, des gaz jusqu'au système colloïdaux plus complexes, et, chaque fois, il y a une question qui structure l'expérimentation et le calcul.
Je vous souhaite à lire ce livre autant de bonheur que j'en ai eu à l'écrire... en pensant à tous mes amis à qui il serait utile.
jeudi 20 octobre 2022
mardi 18 octobre 2022
Les scientifiques sont payés pour réfuter les théories anciennes et en produire de nouvelles
À quoi bon payer des scientifiques ? Essayons honnêtement de répondre à cette question au balayant d'un revers de main les déclarations honteuses d'un ancien président de la République qui disait préférer des trouveurs à des chercheurs.
D'ailleurs, cet homme, qui maniait plus l'idéologie que la vérité, utilisait le mot "chercheur", qui correspond mal à ce qu'il voulait désigner.
En effet, un chercheur, c'est quelqu'un qui cherche : il peut y avoir des chercheurs tout aussi bien dans le milieu industriel que dans le milieu artistique. Un ingénieur qui fait autre chose que la coordination, qui se préoccupe de technologie est un chercheur. Un artiste qui veut faire autre chose que reproduire est également un chercheur. Et un historien, à géographe qui font des travaux de recherche sont des chercheurs.
Ce ne sont pas des scientifiques au sens des sciences de la nature : physique, chimie, et cetera. Ces scientifiques-là, quelle est leur mission ? pourquoi l'État les paye t-il ?
La mission principale d'un scientifique, c'est la recherche scientifique, c'est-à-dire l'exploration des mécanismes des phénomènes.
Ces explorations conduisent à des théories, mais on n'a pas assez dit que les scientifiques sont moins intéressés par produire des théories que par réfuter des théories anciennes, en vue d'en installer de nouvelles... dont ils savent que ces nouvelles théories restent insuffisantes, et qu'il faudra continuer à les améliorer.
Bien sûr, il y a aussi la mission de découverte : identifier dans le monde des objets que l'on ne connaissait pas.
Au fond, ces deux missions sont absolument parallèles : les découvertes se font alors que l'on teste les théories ; c'est parce que l'on voit des particularités du monde échapper aux théories anciennes que l'on peut identifier les pistes d'amélioration.
Bien sûr, derrière tout cela, il y a des possibilités de transfert technique, par la technologie : celle-ci doit être au fait des dernières découvertes scientifiques pour aller améliorer la technique.
Mais les scientifiques, doivent rester dans le rôle d'exploration des théories, de découverte de particularités du monde.
Albert Einstein disait : lever un coin du grand voile.