lundi 17 juillet 2017

Pourquoi un texte déjà publié dans une revue scientifique ne peut pas être soumis à une autre revue, dans une langue différente.




Partons d'un sain principe : au vingt-et-unième siècle, les scientifiques sont payés par les contribuables, et ils ont l'obligation de mettre à la disposition de la communauté les résultats de leurs travaux. Ils doivent donc publier des articles scientifiques. Mieux encore, on comprend que leur travail sera d'autant plus efficace que leurs publications seront plus lues : ils doivent donc privilégier des revues où leurs publications ne passeront pas inaperçues. Et cela quelle que soit la discipline : science de la nature, ou science de l'humain et de la société, il faut que les publications permettent l'avancée des sciences. Bref, c'est une bonne pratique que de faire des choix de publications qui valorisent le plus possible les travaux.
En quelle langue publier ? La langue anglaise étant à ce jour la langue de la communauté scientifique, il y a lieu de privilégier l'anglais. Peut-on publier le même travail deux fois en anglais ? Certainement pas, car cela impose une double charge sur la communauté, à qui il revient d'organiser et de mettre en œuvre le processus d'évaluation et d'édition : les auteurs qui n'ont pas été éditeurs sous-estiment le temps d'édition, et tous ceux qui ont été rapporteurs savent combien cela prend de temps de faire correctement le travail. Il faut donc économiser les forces, les énergie, l'argent de la communauté ;
Pourrait-on imaginer de publier le même travail en français et en anglais dans deux revues scientifiques différentes ? Pour ce qui serait du même texte, cela n'est pas possible, car l'auteur cède à la revue qui publie son article les droits de reproduction de ce texte ; une fois le texte publié, il n'en est plus le propriétaire, de sorte qu'il n'a plus la possibilité de céder les droits une seconde fois. Et dans une revue « open », où l'auteur paye pour être publié ? Cette fois, je me refuse à considérer ce cas, car je déteste en réalité cette formule, dans laquelle se sont engouffrés des sociétés d'édition assez malhonnêtes, qui deviennent juges et parties : on comprends que, si l'auteur paye, la revue ait moins de scrupules à lui refuser son texte. Et puis, le foisonnement des publications fait peser une charge sur la communauté, dans la mesure où les recherches bibliographiques sont alors compliquées. Il y a une sorte d'irrespect des collègues à multiplier la publication d'un texte.
Pour en revenir à la question, d'une publication d'un même travail, en français et en anglais, il y aurait un argument qui serait que la version anglaise s'adresse à une communauté internationale et que la version française touche mieux le public français. Toutefois, à cet argument, il faut répondre que la communauté scientifique française lit les textes en anglais, et que, quand même, ce choix fait peser une double charge éditoriale sur les mêmes personnes, les rapporteurs d'une bonne revue -qu'elle soit en français ou en anglais- étant choisis internationalement.
Et puis, pourquoi l'auteur d'un texte publié initialement en français, après évaluation, édition, publication, ne se contenterait-il pas de traduire le texte en anglais et de le mettre en ligre sur un site personnel, avec une mention qui signalerait l'origine du texte traduit ? Inversement il est parfaitement possible qu'un texte publié en anglais soit traduit en français dans les mêmes conditions… et toujours dans le respect des règles du droit d'auteur, qui veulent, pour beaucoup de revues scientifiques à l'ancienne, que l'auteur ne puisse en faire qu'un usage privé, à savoir transmettre des tirés à part (aujourd'hui, des documents pdf) à des collègues qui les demandent.

Reste le cas d'un texte qui serait publié dans une langue minoritaire, et que l'auteur voudrait publier dans une autre langue également minoritaire. Le bon principe précédent (il faut publier aussi efficacement que possible) montre qu'un auteur qui est dans ce cas fait deux fois un choix malheureux : or perservare diabolicum ! Et puis, cela impose à nouveau une double charge sur la communauté, car je répète que les rapporteurs nationaux sont en réalités des rapporteurs internationaux. Au nom de quel argument imposer une double évaluation ? Je trouve que cela n'est pas respecter les collègues, et j'invite tous mes collègues qui font un travail d'édition scientifique à refuser de tels textes. Pour ce qui concerne les auteurs, je propose que nous considérions commue une bonne pratique ne pas se mettre dans cette position défavorable.

Enfin, il faut signaler que la traduction automatique, qui nous vient de la révolution numérique, change les choses : un texte en n'importe quelle langue est aujourd'hui accessible. L'argument qui consistait à dire que l'on ferait une diffusion plus efficace en publiant en plusieurs langues ne tient plus.

samedi 15 juillet 2017

cuisson de carottes

Aujourd'hui, je discute la cuisson des carottes sur http://gastronomie-moleculaire.blogspot.fr/2017/07/cuire-des-carottes.html

jeudi 13 juillet 2017

La musique dépasse les notes et les mesures, en cuisine comme en peinture !

Quelques films montrent des cours par de vrais musiciens artistes qui expliquent que la musique n'est pas l'exécution de notes, ni la réalisation de mesures, mais la production de phrases musicales. Ici, je me propose d'observer que cette idée, un peu insuffisante, vaut pour tout !

 Commençons par la musique. Quand un compositeur veut transcrire cette musique qu'il a en lui, comme le mathématicien Poincaré avait en lui des idées mathématiques, il identifie un rythme, et il divise donc sa musique en mesures, selon un rythme donné : valse à deux temps, trois temps..., par exemple. On comprend que, lors de l'exécution, une note isolée ne vaut rien, puisqu'elle doit être inscrite dans un groupe de plusieurs notes, mais on comprends surtout qu'une mesure ne vaut rien non plus, et c'est la phrase musicale qui commence à prendre du sens, s'étendant sur plusieurs mesures. C'est que l'on trouve bien expliqué dans quelques cours ("master class") de quelques beaux artistes : je vous recommande le film de Jean-Louis Comolly, avec Michel Portal, ou les cours publics de Paul Tortelier, également en ligne. Voir par exemple https://www.youtube.com/watch?v=rrspe5ntGfI ou encore https://www.youtube.com/watch?v=DkEYHxpmgSM.
Mais on ne dit pas assez, et pas assez clairement, que la phrase elle-même est insuffisante, parce que l'oeuvre est faite de plusieurs phrases, qui ne sont pas indépendantes et dont l'assemblage forme l'oeuvre. Chaque phrase ne peut donc être jouée que par rapport aux autres, et il ne peut y avoir d'hétéroclite : si quatre accords sont funèbres, à un moment donné du concerto de Mozart pour clarinette, alors il ne peut y avoir ailleurs, dans la pièce, de parties interprétées selon une autre idée que celle qui prendrait en compte ces quatre accords.

Et plus généralement ?

En cuisine, par exemple, il y a bien sûr les vieux plats, qui sont en réalité assez sommairement faits, et des cuisines plus artistiques. Les vieux plats ? Un cassoulet, c'est la totalité des ingrédients qui est mise dans la "cassole", laquelle est placée sur le feu. La part d'interprétation se résume au choix des ingrédients.
En revanche, pour des mets plus modernes, composés de parties qu'il faut réunir, on comprend que leur préparation ne puisse se comprendre, ni donc se faire, sans considération pour les autres parties, et, surtout, sans compréhension de l'idée générale du plat.
En littérature, Flaubert a tout dit, et il suffit de comparer la dixième et la onzième versions de sa Tentation de Saint Antoine pour observer, admirer, comprendre la transposition de l'idée musicale : le changement d'un mot, en un point d'une phrase, fait basculer le sens, la coloration, la tonalité de tout un paragraphe, de toute l'oeuvre. Tout est nécessaire, tout se tient, telle une toile d'araignée qui vibre entièrement quand on agite l'une de ses parties.
En sculpture, en cinéma, en danse, en... Et en science ?
Certes, un autre de mes billets évoque le style en science, mais quand même, nous sommes sur les rails du calcul, des phénomènes saillants du monde, et la question est autre. A part la cohérence de l'Homme et de ses travaux, je vois mal, et j'ai besoin de l'intelligence de mes amis pour y voir plus clair.

mercredi 12 juillet 2017

Qu'est-ce qu'un rapporteur ?


Il semble que j'ai été un peu vite, dans des billets précédents, car des correspondants m'interrogent : qu'est-ce qu'un rapporteur ?
La question est d'autant plus légitime que le Trésor de la langue française informatisé n'est pas bien clair. Expliquons donc, et notamment sur des exemples, que les commissions, les jurys sont composés de membres qui sont chargés de statuer, d'évaluer, de juger, de décider... Bien sûr, il y a des cas où chaque membre se fait individuellement une idée du dossier, après avoir fait lui-même la totalité de l'exploration, mais il y a aussi des cas où des membres sont mandatés pour faire un travail préparatoire, qui est alors exposé au groupe. Ces personnes sont des rapporteurs.

En science, on voit des rapporteurs d'abord pour les publications  scientifiques: l'éditeur en charge d'un manuscrit soumis par publication, afin de rester en position d'arbitrage impartial, envoie le manuscrit  à deux collègues, qui sont chargés d'en faire une analyse, suivie d'un rapport qui permettra  de prendre une décision. Les deux collègues sont des "rapporteurs", et ils ont pour mission de vérifier d'abord que le travail est nouveau, et ensuite qu'il est de bonne qualité. Je passe sur les détails de ce travail, mais je veux quand même signaler que les bons rapporteurs font un travail considérable, de lecture des références, de recherche bibliographique de novo, d'évaluations de chaque mot, de chaque phrase, de chaque calcul... Car l'enjeu est considérable : la publication équivaut à une sorte de "brevet de qualité" scientifique.
Un autre cas se rencontre lors des thèses : deux rapporteurs sont chargés de lire la thèse dans le plus grand des détails, afin de garantir la qualité académique.
Mais il y a aussi les évaluations des scientifiques, avec des dossiers (personnels, d'équipe, etc.) qui sont envoyés à des rapporteurs. Ou encore des discussions, auquel cas les rapporteurs comme comme les examinateurs des examens.

Je propose évidemment que nos amis qui endossent ces habits de rapporteurs soient bienveillants, qu'ils n'abusent pas de la position "d'autorité" qu'ils ont, se souvenant -sans céder sur la qualité des travaux, sans compromission- qu'ils seront également évalués à leur tour. Je crois que les rapporteurs doivent être donc bienveillants, et qu'ils se limitent à interroger, afin de s'assurer, a minima, que les collègues audités n'ont pas fait les choses au hasard, qu'ils ont des réponses rationnelles -et donc justes- à toutes les questions qu'on peut leur poser.

La sécurité alimentaire n'est pas la sécurité des aliments

Il y a des cercles qui ont leur jargon, mais il y a aussi des raisons réelles d'avoir des mots distincts, quand ils s'appliquent à des idées distinctes. Et, notamment, l'usage des adjectifs est toujours compliqué par la possible "faute du partitif" : l'exemple généralement utilisé est "cortège présidentiel", qui ne se confond pas avec "cortège du président". En effet, soit un président, et son cortège. Comme le cortège n'est pas présidentiel lui-même, c'est le cortège du président, et non pas le cortège présidentiel. Et voilà pourquoi j'ai critiqué le nom de la "société chimique de France", qui devrait être la "société française de chimie"... comme cela était le cas avant un remaniement insuffisamment considéré du nom.

Pour la sécurité alimentaire et la sécurité des aliments, s'agit-il de la même distinction ? Oui et non. En réalité, il y a une convention derrière le sens donné à ces deux expressions, et cette convention, qui est connue des bons spécialistes, n'est pas une règle grammaticale, mais une convention.

La sécurité alimentaire : c'est la question de produire assez d'aliments pour nourrir les populations. La sécurité des aliments, c'est la question de savoir si ces aliments sont sains, et le terme de "sûreté" est parfois utilisé, ou encore l'expression "sécurité sanitaire des aliments".


 Il suffit d'être au courant...

mardi 11 juillet 2017

On peut être un rapporteur bienveillant... avec du recul

Faut-il de la naïveté ? Certains, simples, diront que oui, parce que leur simplicité leur fait croire que la naïveté est une qualité, mais c'est en réalité un "petit arrangement avec la vie" (on verra la notion développée dans mon livre qui paraît en septembre aux éditions de la Nuée bleue). D'autres, qui sauront que "naïf" signifie "indigène", "autochtone", se diront que la culture vient quand même faire de nous autre chose que les animaux que nous sommes par nature, de sorte que la naïveté est une sorte de paresse.

Mais, au fait, quel rapport entre naïveté et rapporteur ? Il se trouve que je ne cesse de proposer que les évaluations soient toujours faites par des individus a priori bienveillants, et qu'elles se limitent à s'assurer que les individus ou organisations évalués puissent répondre quand au choix des caractéristiques, comportements, méthodes, structures en place. Par exemple, si l'on fait de la recherche scientifique, il semble essentiel que l'on puisse expliciter le projet scientifique, les questions scientifiques posées. Puis, si l'on met en oeuvre une méthode d'analyse particulière, on doit pouvoir expliquer pourquoi on utilise celle-là et pas une autre. Si l'on publie des articles dans un journal particulier, on doit pouvoir dire pourquoi on a choisi ce journal. Et ainsi de suite.
On le voit, les rapporteurs sont là pour aider à faire mieux, en dépistant ce que l'on fait sans y penser, irrationnellement, c'est-à-dire peut-être mal. Tout va bien quand nos rapporteurs sont honnêtes, amicaux, justes, droits. Et je ne vais certainement pas revendiquer autre chose... mais de tels rapporteurs ne sont-ils pas un peu naïfs ? Ne devraient-ils pas être bienveillants, certes, mais avec plus de recul ?

On a compris au ton de ce billet que je demande plus, aux rapporteurs, que de la droiture et de la bienveillance. Je demande aussi de l'intelligence... et c'est évidemment le plus difficile.

lundi 10 juillet 2017

Les éternels insatisfaits

Il y a des individus malheureux. Jules Renard, que sa mère n'aimait pas, fut malheureux toute sa vie, malgré sa femme charmante et ses enfants merveilleux. Il était malheureux... mais il était charmant. Il reconnaissait sa chance et comprenait que son malheur n'était pas dans les circonstances actuelles, mais dans une enfance terrible.




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A l'opposé, il y a ceux qui, malheureux aussi, sans doute, expriment leurs revendications avec hargne, sans intelligence. Rabelais les nommait des pisse vinaigre, et ils sont ceux qui vous font des procès. Borgès, lui, distinguait l'envie blanche, qui pousse à construire, et l'envie noire, la jalousie qui pousse à détruire.

N'est-il pas indispensable de montrer au moins ces deux possibilités, en espérant que les éternels insatisfaits remontent la pente du côté sombre, pour enfin marcher du côté clair ?