jeudi 13 juin 2013

Viande pour végétariens

Je dois à un correspondant  la possibilité de répondre à la question :

En tant que végétarien récent ex amateur de bonnes viandes, je voudrais vous demander s'il y a des recherches de substituts au niveau du goût dans ce domaine.

La question est passionnante, car :

1. Si l'on est végétarien (récent ou ancien, quel qu'en soit la raison), pourquoi veut-on manger de la (bonne) viande ?
Notons que cette question a deux facettes : manger de la viande, et bonne viande.

2. Evoquons d'abord le "bonne" viande : qu'est-ce que le bon ? L'être humain est codé pour reconnaître comme bon ce qu'il a appris à manger quand il était jeune. D'ailleurs, j'ai écrit "reconnaître".
En effet, dans l'immensité des comestibles (boeuf, carotte, escargot, grenouilles, criquets, cervelle de singe, durian, munster...), nous sélectionnons généralement ce qui appartient à notre culture.
Le bon en soi n'existe sans doute pas : il y a ce que nous aimons.
 De ce fait, il n'est pas certain qu'un substitut de viande sera considéré comme "bon", puisque ce ne sera pas l'objet auquel nous sommes acculturé. A preuve que les substituts sont souvent nommés des ersatz, avec un relent de privations, de guerres, de mauvaise reproduction.

3. Ce qui nous conduit à la reproduction de la viande. C'est une question terrible, car que veut-on reproduire, d'une part, et, d'autre part, une reproduction n'est pas l'original.
Par exemple, aucune copie de la Joconde ne vaudra le prix de la Joconde... parce que les reproductions ne sont pas l'original. Imaginons même que la Joconde soit un tableau minable, la copie ne serait pas "aussi bien" que l'original.
Or si nous reproduisons de la viande, notre produit sera toujours comparé à la viande.

4. Au fond, pourquoi manger de la (bonne) viande ?
D'abord, il y a la question des "beaux produits", pour laquelle nous avons tenu un débat public, filmé, en podcast sur le site d'AgroParisTech. Il semble que, en partie au moins, un beau produit alimentaire est un produit adapté à son usage. Une viande à griller est "bonne à griller", et mauvaise à braiser, et vice versa.

5. Que serait de la viande "artificielle" ? La viande, c'est majoritairement de l'eau et des protéines, comme du blanc d'oeuf concentré. On peut donc faire de la viande artificielle avec de l'eau et des protéines végétales, par exemple.
OK, cela n'a pas le "goût de la viande". Mais alors, on peut très facilement acheter une composition odoriférante viande, et l'ajouter.
Cela dit, la viande, c'est aussi un paquet de fibres alignées : c'est cette observation qui a conduit à mon invention ancienne des "fibrés". Et cela, on peut le reproduire de mille façons différentes. L'intérêt, c'est alors la "jutosité" : les fibres résistent quand on mastique, puis, quand elles cèdent, elles libèrent du jus. Cela n'est pas difficile à reproduire : n'est-ce pas un peu ce que l'on a avec le surimi (sauf que c'est du poisson, pas de la viande) ?
On peut aussi faire des fibrés avec du goût viande. On peut aussi cultiver des cellules musculaires, on peut aussi... faire mille choses !

6. Mais pourquoi le faire ? Il faut d'abord se demander ce qui nous plaît dans les viandes, puis on cherchera le moyen de le reproduire. Mais j'ai bien peur que la question ne puisse pas être bien posée... de sorte que la réponse ne pourra pas être donnée, non pas par insuffisance de la technique, mais plutôt parce que la question n'est pas posée.

7. Au fait, pourquoi manger de la viande, ou ne pas manger de la viande ? Dans les discussions qui entourent la "cuisine note à note" (voir La cuisine note à note en 12 questions souriantes, Editions Belin), chaque fois que j'évoque la suppression du poulet rôti (par exemple), je reçois la même réponse "Pourquoi supprimer le poulet rôti"... à laquelle j'oppose un "mais pourquoi manger du poulet rôti ?", question à laquelle je n'ai qu'un "j'aime cela". Ce n'est pas avec des arguments si faibles que l'on fera avancer la discussion. J'aime, je n'aime pas... Et alors ? 

Jeudi 13 juin 2013 : Nous sommes ce que nous faisons.


Dans la règle que je me suis fixée, la rubrique « nous sommes ce que nous faisons » arrive le lundi. Et nous sommes jeudi !  Suffit-il de dire que les règles sont faites pour être violées ? C'est ce que fit Michel de Montaigne quand il évoquait ses contradictions,  mais pour moi qui me passionne pour la mauvaise foi, ce serait trop facile. Il vaut mieux admettre  que le week-end dernier a été troublé par des événements familiaux, qui ont dérangé ma stricte et belle organisation de labeur. Et donc, je me rattrape, ou, du moins, j'essaye de me rattraper.

Le lundi, donc, début de la semaine officielle de travail pour le reste du monde, je dois donc afficher les travaux à venir. Il se trouve que, cette semaine, les travaux ont lieu principalement au laboratoire, à l'exception de quelques réunions privées, telle la réunion de la Section « alimentation humaine » de l'Académie d'agriculture de France, dont il n'est pas utile de faire étalage ici, du moins aujourd'hui. Autrement dit, je suis toute la semaine au laboratoire, de 7h30 à 19h00 environ.

Quel bonheur ! Oui, quel bonheur, car il y a du travail : des étudiants en stage à accompagner sur le chemin de l'autonomie, de la réflexion méthodologique, laquelle, dans un stage, est fondée sur un travail de recherche scientifique.
Quel bonheur,  que la rédaction de publications, qui permettent de diffuser au monde  les quelques résultats que nous avons obtenus.
Quel bonheur, et quel confort :  rester dans le laboratoire, sans devoir prendre le vélo, le train, l'avion, pour aller à l'autre bout du monde... faire tourner des ballons sur son nez. Non,  il faut que je me reprenne, car précisément,  comme je n'aime guère faire tourner des ballons sur mon nez, je profite de toutes les conférences à l'extérieur du laboratoire pour partager des idées, susciter des collaborations, transmettre l'enthousiasme, puisque, selon le mot de Voltaire, l'enthousiasme est une maladie qui se gagne.

Toutefois, cette semaine, la transmission de l'enthousiasme se fera d'une autre façon : par des articles, par des billets, par des notes...  Et puis, il y aura aussi le bonheur immense des calculs, le vrai travail, cette exploration du monde qui n'est pas d'abord une communication, mais une véritable exploration où le calcul remplace les outils de l'explorateur : bottes, machettes, sac à dos...
J'invite tous ceux qui ont la chance  de rester à travailler tranquilles de profiter de cette chance. Aucun travail (honnête) n'est meilleur qu'un autre ; n'est-ce pas à nous d'avoir l'intelligence d'y mettre... de l'intelligence ?

mercredi 12 juin 2013

J'ai lu pour vous...


Il y a des jours où il n'est pas nécessaire d'aller chercher très loin les idées. Notamment quand on veut partager de l'enthousiasme que l'on a soi même.
Une proposition : le livre de Bernard Joly, Histoire de l'alchimie, chez Vuibert. Un livre clair, bien documenté, facile à lire. Remarquable !

lundi 10 juin 2013

Lundi 10 juin 2013. La fierté


On dit que la vertu est  sa propre récompense. Voilà une belle idée... mais il y a quand même les faits :  pour certains, il est agréable d'être reconnu ;  un regard bienveillant, encourageant est apprécié, de surcroît, car il est vrai, aussi, que nous sommes des êtres sociaux, sensibles à notre entourage. Pourquoi bouder le plaisir de recevoir des compliments, quand ils viennent de  personnes de qualité, qui  reconnaissent en connaissance de cause la qualité de notre travail ? Pourquoi bouder les médailles, les prix...  Evidemment, il ne faut pas tomber dans le travers qui consiste à courir après le compliment, la médaille, le prix, les « hochets de la vanité », mais pourquoi verserait-on nécessairement dans cette perversion ?

Lors des manifestations de reconnaissance-publique- d'accomplissement, le mot « fierté »  est parfois prononcé. Fierté ? Voilà une notion bien compliquée pour quelqu'un dont le bonheur et de faire ce qu'il n'a pas encore fait. A quoi bon être fier, si le bonheur est dans la production, le travail, le « faire » ?

J'ai posé la  question  il y a quelques années, et l'on m'a répondu, assez justement, que  la question était la même que pour les prix et les médailles : il ne s'agit pas d'en tirer vanité, mais de contribuer à l'embellissement de nos groupes. Faire l'éloge public de quelqu'un qui a fait un beau travail, c'est aussi montrer à d'autres, aux jeunes en particulier, qu'il y a possibilité de faire quelque chose de bien, de grand. Et c'est ainsi que si la vertu est sa propre  récompense, la récompense publique  contribue à l'amélioration de nos sociétés.

dimanche 9 juin 2013

Les beauté de la mesure

Cette fois, le billet du jour a été mis sur http://gastronomie-moleculaire.blogspot.fr/2013/06/samedi-9-juin-2013-les-beautes-de-la.html, parce qu'il s'agissait d'un billet technique : comment faire une mesure précise.

samedi 8 juin 2013

Dans la série "je déteste"

Bien que d'un optimisme forcené, j'ai parfois le nez sur des idées, des livres, des personnages bien nauséabonds.
Depuis quelque temps, il y a des livres tendancieux qui paraissent. Tiens, sans le citer (car cela lui ferait de la publicité), j'en ai un sous la main qui écrit : "Les sciences se présentent souvent comme le coeur de tout progrès et de tout savoir".

Les sciences se présentent ? Les sciences ne sont pas des personnages, et ce sont des personnages qui peuvent présenter les sciences comme source de progrès, pas les sciences.
D'autre part, des phrases telles que celles-ci tombent dans la catégorie des généralités... une grave faute intellectuelle. Est-ce à dire que tous les scientifiques avancent que les sciences seraient le coeur de "progrès" et de "savoir" ?

Décidément, c'est tout mal. Méfions-nous du toc intellectuel ! Vive les sciences quantitatives bien conduites !

Vendredi 7 juin : des questions... à propos de l'estragon et du basilic


L'un des belles questions scientifiques que je connais concerne l'estragon et le basilic. Ces plantes (et d'autres) contiennent en abondance (relative) un composé nommé estragole, qui est cancérogène et tératogène, même à de petites concentrations. Un article de 2010 montre ainsi que le composé, appliqué à des hépatocytes de rat, provoque la transformation cancéreuse de ces cellules. Toutefois, l'application d'estragon, contenant autant d'estragole que lors de la première expérience, ne provoque pas de transformation cancéreuse. Et l'application de la plante avec le composé isolé réduit la toxicité de ce dernier de dix fois environ.
On n'y comprend rien !

Qui élucidera ce mystère ?