vendredi 11 septembre 2020

Comment structurer un journal ?

Rubrique : science/études/cuisine/politique

 

 

1. Tout le monde n'a pas eu la chance d'avoir été invité, un jour, à tenir son journal, et tout le monde n'a pas eu le bonheur de voir celui du physico-chimiste britannique Michael Faraday : http://faradaysdiary.com/. C'est un exemple merveilleux pour ce qui concerne la recherche scientifique et on aurait intérêt à s'en inspirer.

2. Pour autant, pour considérer la question du journal personnel, du "cahier de laboratoire", on serait avisé de partir des trois maîtres mots des laboratoires de chimie, qui sont sécurité, qualité, traçabilité.
 

3. Oui, dans nos laboratoires, la sécurité prime. Cela signifie évidemment beaucoup de soin, beaucoup de connaissances et beaucoup d'attention, mais ce n'est pas l'objet de ce billet que de discuter de cela. Je préfère ici parler de qualité et de traçabilité.

4. On pourrait penser qu'un journal ne vise que la la traçabilité, gardant trace de tout ce que l'on a fait dans la journée, mais en réalité, avec un peu d'intelligence, cette traçabilité rejaillit considérablement sur la qualité.

5. Je fais cette observation, car ayant d'abord admiré que des collègues aient demandé à des étudiants d'avoir un journal pour consigner le résultat de séances de travaux pratiques, j'ai constaté, à  l'analyse, que ces journaux, qui s'apparentent donc à des journaux de bord comme je l'ai déjà dit dans un autre billet (https://hervethis.blogspot.com/2019/08/un-journal-surtout-un-journal-et-des.html), manquaient de structure. Et, comme souvent, c'est la structure qui nous pousse à faire mieux.

6. Voici en tout cas la structure que nous utilisons dans mon groupe de recherche  :

7. On voit que je distingue d'abord l'administration, la communication et le travail. Certains des amis de notre groupe s'étonnent, par exemple, que je mentionne la rédaction d'articles dans la partie de communication plutôt que dans du travail, car,  après tout,  n'est-ce pas aussi du travail que de rédiger des articles ? Oui, mais pour ce qui me concerne, le travail est le travail scientifique, alors que rédactions d'articles ou  conférences sont  de  la communication. D'ailleurs, la même question vaut pour l'administration, puisque c'est dans cette case là que j'y mets personnellement le remplissage de notre spectroscope de résonance magnétique nucléaire avec de l'azote liquide : bien sûr, cela fait partie de mon travail, mais en réalité, c'est une sorte d'intendance et non pas mon travail scientifique stricto sensu.  

8. Il y a bien des cases passionnantes dans notre moule vide, mais la section la plus importante est certainement celle qui évoque "ce qui a coincé", des "symptômes", car c'est là que nous avons une chance de devenir demain plus intelligent qu'aujourd'hui, en nous entraînant à prendre du recul, à analyser, à soliloquer, et, notamment, à ne pas répéter inlassablement les mêmes erreurs.
Une section d'autant plus importante que, même si nous ne parvenons pas à trouver la solution à la question posée, elle est posée... et l'expérience montre que, souvent, la solution vient pendant la nuit (j'ai oublié de signaler que cette section est remplie le soir).

9. Bref, j'invite mes collègues à bien diffuser ce modèle vide, qui peut être rempli chaque jour. Ou, s'ils le souhaitent, à m'en proposer des améliorations ! Après tout, ne suis-je pas sans cesse à chercher à "tendre avec efforts vers l'infaillibilité sans y prétendre"



mercredi 9 septembre 2020

Exposons nos étudiants à des personnalités remarquables

1. Alors que j'ai publié un billet où je m'étonnais que des étudiants en master technologique hésitent (parce qu'ils sont timorés ou paresseux) à se lancer dans l'industrie, je reçois un commentaire d'un internaute qui dénonce un modèle capitalistique qui justifierait l'attitude des étudiants.
 

2. D'une part, je ne suis pas d'accord avec lui, &, d'autre part, je ne veux pas perdre une seconde à essayer de convaincre quelqu'un qui ne veut pas être convaincu. 

 

3. D'ailleurs, cet interlocuteur omet le fait que toutes les sociétés ne sont pas des multinationales avides : il y a nombre d'artisans et de petites sociétés qui font très bien... à commencer par donner de l'emploi !
Quant aux grosses sociétés, j'y ai des amis, et ce sont des personnes engagées, responsables, de sorte que notre interlocuteur est à la fois bien prétentieux & bien faux : sait-il la fierté de produire des aliments pour ceux qui n'auront plus qu'à descendre de leur appartement pour s'approvisionner, à quasiment n'importe quelle heure du jour ou de la nuit ? et dans des conditions de sécurité sanitaire qui ne sont certainement pas celles de foyer où le réfrigérateur est (mal) réglé à 11 °C, au lieu de la température plus basse qui est préconisée ? Notre interlocuteur a-t-il la prétention de savoir nourrir dix millions de Français qui vivent en Île-de-France, loin des champs ? 

4. Mais ne nous attardons pas, comme j'ai dit. Ce que je pensais, en filigrane de mon billet, c'est que nous avons eu tort de ne pas exposer davantage nos étudiants à des personnalités remarquables du monde industriel.
Car je me souviens de Jean Muller, qui construisit les grands ponts du monde : quel bel exemple ! Et je connais des chimistes de talents à qui l'on doit des composés rétroviraux, des héparines artificielles, des peintures qui ne coulent pas dans les manches, des vitres qui ne se rayent plus, sans parler des ordinateurs que nous ne cessons d'utiliser. 

5. Celles et ceux qui sont à l'origine de ces réalisations : voilà des exemples admirables, voilà ceux que nous devons présenter à nos étudiants. Il faut combattre le panem et circenses cathodiques -qui ne cesse de mettre des minables en valeur- à l'aide d'exemples bien choisis, qui donneront l'envie d'aller contribuer à l'amélioration technique.

lundi 7 septembre 2020

A propos de flammes en cuisine

 Un de ces cuisiniers cathodiques qui a plus une belle gueule (semble-t-il) que de compétences (là, je suis certain) vient de montrer des viandes cuites sur des feux : des flammes insensées venaient lécher la viande, et je propose de bien dire que cette pratique est à la fois idiote et malsaine. 

 Chacun fait bien comme il veut, et l'on sait que la télévision ne brille pas par sa rigueur, mais là, quand même, on verse dans le ridicule, l'incohérent, l'incompétent et le dangereux. 

Lorsque j'étais directeur scientifique de l'émission Archimède, sur Arte, j'avais organisé avec mes collègues de l'INRAE de Toulouse une expérience de dosage des benzopyrènes dans des saucisses que nous faisions griller au barbecue.
1. Avec la grille au-dessus des braises (sans flamme parce que chacun sait que ces dernières déposent des composés toxiques), nous avions vu et montré (le dosage était filmé et expliqué par mes collègues) que la pratique déposait des quantités notable de benzopyrène cancérogènes.
2. Puis nous avons montré que ces quantités étaient divisées par 10 quand on montait la grille de 5 cm.
3. Et elles n'étaient plus mesurables quand la viande était cuite devant le feu et non dessus. 


Car  je rappelle que les rayonnements infrarouges se propagent tout aussi bien latéralement que verticalement : la lumière n'est pas sensible à la gravité. D'autre part, on aura raison de signaler que toute flamme conduit à la production de composés cancérogènes, qu'elle vienne d'un barbecue, du gaz d'un chalumeau, etc. 

Non seulement le goût est répugnant, mais, de surcroît, les composés produits sont dangereux. Certes, on peut manger un barbecue de temps en temps, mais on n'oubliera pas que les populations du nord de l'Europe souffrent massivement de cancers digestifs, dus à la fumée. 


Bref, rien ne vaut une viande cuite devant le feu, comme le font bien les rôtisseurs. Ce qui permet de placer sous la viande une lèchefrite qui récupère les jus délicieux.

Combien de fois faudra-t-il répéter tout cela ? Et quand le public réservera-t-il son admiration pour des personnes qui en valent la peine ? Quand le service public audiovisuel sera-t-il enfin d'une qualité qui méritera nos impôts ?

jeudi 3 septembre 2020

Viser une carrière universitaire pour des étudiants qui font un master les conduisant vers l'industrie ? L'idée est saugrenue !


1. Hier, en discutant avec des étudiants d'un master qui vise à les aider à devenir de très bons ingénieurs, j'ai été étonné (euphémisme) de les entendre vouloir faire des thèses pour occuper ensuite des positions universitaires. Il y a là une contradiction que nous devons analyser.

2. Bien sûr, avec de petites promotions, les fluctuations statistiques peuvent être considérables, d'autant que l'on sait bien que,  dans ces groupes très fermés sur eux-mêmes, il y a des possibilités d'influence du groupe par certains.

3. Puis, je discerne une sorte de paradoxe au fait d'exposer nos jeunes amis à de la très bonne science, en vue de faire la bonne technologie. Expliquons.

4. Oui, si l'on veut de l'innovation, il faut utiliser les résultats les plus récents et les plus puissants de la science.

5. Mais pour faire ce transfert, il faut évidemment connaître ces résultats.

6. Ce qui impose quasi obligatoirement que la présentation soient faite par ceux qui sont à la pointe de la science.

7. Mais ceux qui sont à la pointe de la science :
- connaissent la science
- l'aiment
- connaissent donc mal la technologie.
De sorte que ceux-là seront de puissants aimants pour la science, et de mauvais aimants pour la technologie.

8. Bien sûr, on peut faire confiance aux étudiants pour résister aux influences... Mais, faire confiance à tous les étudiants ? Et je reviens sur mon "bien sûr". Est-ce si sûr ?
 

9. Et puis, même si les professeurs sont sensibilisés à ce paradoxe, comment éviter, quand on aime la science, de s'émerveiller de cette activité ? Bien sûr, on peut consciemment ne pas oublier l'objectif du master, qui est la technologie. Mais quand même, quand on aime la science, cela transpire.

10. Une idée me vient, un peu perpendiculaire, dans cette discussion si linéaire : je n'oublie pas que j'ai fait d'autres billets où je discute le fait que la science ne doit pas être « utile ». Mais, pour autant, je dis que c'est une erreur nationale de ne pas être capable, pour certains, de transformer les résultats de la science en bonne technologie. C'est une erreur industrielle, notamment.

11. J'ajoute que si nos jeunes amis sont intéressés par les matières que nous leur présentons, cela prouve que nous les présentons sans doute bien. Mais nous arrivons au résultat contraire à celui que nous voudrions, à savoir les orienter correctement vers la voie technologique qu'ils avaient choisie.

12. Il y a plusieurs conclusions à toute cette analyse, mais en voici une, qui est essentielle  :  nous devons apprendre cette chose très difficile qui de montrer la science non pas pour elle-même, mais en vu la technologie. La conclusion s'impose facilement n'est-ce pas ?

13. Et puis, tant que nous y sommes, nous ne devons pas oublier d'exposer nos jeunes amis à des personnalités industrielles remarquables : ces chimistes sur qui reposent l'essentiel du chiffre d'affaires des sociétés pharmaceutiques, des constructeurs de ponts géants, ces spécialistes de l'informatique appliquée...
Louis Figuier avait si bien fait cela : https://en.wikipedia.org/wiki/Louis_Figuier. Continuons sans perdre une seconde !