dimanche 19 avril 2020

Pourquoi on ne sent pas le goût du vin en apnée ?


Une question de dégustation, ce matin : pourquoi ne sent-on pas le goût du vin en apnée ?


Pour répondre, il faut d'abord expliquer ce qu'est le "goût".


1. Le goût d'un met, c'est ce que l'on perçoit quand on déguste ce met. Par exemple, quand on mange (ordinairement) une banane, on a le goût de la banane.


2. Ce goût est la résultante de plusieurs perceptions, par des récepteurs différents, situés en des endroits différents de la bouche et du nez   : des récepteurs de la saveur des récepteurs de l'odeur, des récepteurs "trigéminaux", des capteurs de pression, des récepteurs pour certains lipides particuliers, des capteurs de température, des récepteurs de lumière...Et c'est la somme de toutes ces strimulations qui fait le goût, après un traitement dans le cerveau.


3. Mais tout cela est bien compliqué, et rien ne vaut  quelques expériences.


4. Pour commencer, il n'est pas difficile de voir que les aliments ont une apparence visuelle, avec texture, couleurs, brillance...


5. Puis, approchons l'aliment de la bouche : il passe sous le nez, et l'on perçoit alors parfois une odeur : c'est l'odeur anténasale, due à des composés qui s'évaporent de l'aliment, passent dans l'air environnant, et montent dans le nez, où elles sont détectées. Et une bonne indication, c'est que l'on ne sent rien si l'on pince le nez.


6. Puis, une expérience qui consiste à se pincer le nez, puis à mâcher des herbes aromatiques (par exemple, du thym séché) pendant quelques secondes. On ne sent alors rien que la consistance, une sorte d'impression de mâcher du foin.

On conclut que les herbes aromatiques séchées n'ont quasiment pas  de saveur.


7. Après plusieurs secondes (disons 10), de mastication des herbes aromatiques séchées, on  relâche le nez : et soudain il y a une vague de sensation, à savoir que, cette fois, on perçoit  le "goût" ses herbes aromatiques. Ici, c'est simplement que les molécules odorantes libérées par la mastication ont réussi à atteindre les récepteurs du nez. Et l'on est conduit à conclure que le "goût" des herbes aromatiques tient essentiellement dans leur odeur. Une odeur rétronasale, puisque, cette fois, elle résulte de la montée des molécules odorantes par un canal qui relie la bouche au nez, à l'arrière de la bouche. C'est l'odeur "rétronasale".

Conclusion supplémentaire :  les herbes aromatiques séchées ont une odeur, mais quasiment pas de saveur


8. On répète maintenant l'expérience de goûter le nez pincé, puis de libération du nez avec du sucre.

Cette fois, on perçoit bien la saveur sucrée, quand le nez est pincé. Mais rien ne vient s'ajouter quand on libère le nez, de sorte que l'on doit conclure que le sucre a une saveur, mais pas d'odeur (rétronasale).


9. Répétons avec du vinaigre : là, on sent bien l'acidité, quand le nez et bouché, mais une odeur rétronasale s'ajoute : le vinaigre a de la saveur et de l'odeur.

C'est d'ailleurs de cas de nombreux autres aliments.


10. Je fais l'impasse sur d'autres modalités sensorielles : le trigéminal (piquant, frais...), etc., parce que mon objectif, ici, était de répondre à la question de mon correspondant : en apnée, quand on ne permet pas aux molécules odorantes de venir stimuler les récepteurs olfactifs du nez, on ne perçoit pas la composante odorante du goût, et, pour des produits qui ont essentiellement de l'odeur (rétronasale), le goût n'est pas perçu.

vendredi 17 avril 2020

Un priestley, c'est quoi ?

Depuis quelques jours, la culinosphère bruit d'un terme mystérieux "priestley", depuis que mon ami Pierre Gagnaire en a parlé sur Top Chef.

De quoi s'agit-il : qu'est-ce qu'un priestley ? C'est une de mes inventions, qui date d'avant 2008.

Tout d'abord,  expliquons le nom : Joseph Priestley (1733 - 1804) était un chimiste et théologien anglais qui isola de nombreux gaz, tel l’oxygène. Il fut ainsi un des pionniers de la « chimie pneumatique », et fut élu à la Royal Society en 1772, l'année où il publia ses Observations sur différentes espèces d'air. Au moyen d'une cuve à mercure, Priestley isola des gaz, comme l'ammoniac, l'oxyde d'azote, le dioxyde de soufre et le monoxyde de carbone.
C'est en 1774 qu'il produisit pour la première fois de l'oxygène et comprit également son rôle dans la combustion, ainsi que dans la respiration des végétaux (1775). Cependant, partisan de la théorie erronée du phlogistique, il nomma ce nouveau gaz l'air déphlogistiqué et ne comprit l'importance de sa découverte.

Pourquoi avoir donné ce nom ? Parce que j'avais inventé une sorte de généralisation des crèmes anglaise : or Priestley était anglais.

Pour comprendre ce qu'est un priestley, partons de la crème anglaise. C'est une sauce un peu épaisse que l'on obtient classiquement en battant du jaune d’œuf avec du sucre, jusqu’à ce que la préparation prenne une consistance lisse, plus blanche : on dit que la préparation doit « faire le ruban ». Puis on ajoute du lait et toutes sortes de produits qui contribuent au goût de la préparation, et l’on cuit, en faisant des huit au fond de la casserole jusqu’à ce que la crème épaississe.
Longtemps, la crème anglaise a été fautivement décrite comme une émulsion chaude… alors qu’il s’agit d’une « suspension ».  Suspension ? C’est le nom que les physico-chimistes donnent à des systèmes physiques faits d’une phase liquide, où sont dispersés des solides de très petites tailles, ce que l’on nommait naguère des dispersions « colloïdales » (de kolla, la colle). Bref, ce sont nombre de pâtes, par exemple, mais aussi des systèmes plus fluides, comme la classique crème anglaise. Parce que l’œuf coagule quand on le chauffe : la raison pour laquelle la crème « prend », c’est précisément que l’œuf coagule, et l’on voit d’ailleurs, au microscope, une myriade de petits agrégats solides, dans le liquide. Autrement dit, une crème anglaise réussie est pleine de grumeaux microscopiques. Le grumeau n’est dérangeant que lorsqu’il est perceptible.

De la crème anglaise aux priestleys

Que faire de cette connaissance ? De nouveaux mets, bien sûr. Pour faire une crème anglaise, il faut de l’œuf (le sucre est là pour donner une consistance sucrée, mais guère plus) et du liquide (le lait, classiquement, mais tout autre liquide convient.
Des protéines ? Les viandes en sont plein ! Les poissons aussi. Apprenons à broyer finement ces tissus musculaires, et nous récupérerons des protéines en solution. Plus exactement, la quantité de protéines récupérables dans un tissu musculaire broyé sera six à huit fois plus concentrée que dans un blanc ou que dans un jaune d’œuf. A cette chair broyée, ajoutons un liquide : celui que l'on veut convient, en salé ou en sucré. Puis un peu de matière grasse que l'on émulsionne pour retrouver celle de la crème anglaise, qu’elle soit apportée par l’œuf ou par le lait. Puis chauffons, doucement : les protéines coaguleront et la crème prendra.

C'est cela, mon invention que j'ai nommée "priestley", et que Pierre Gagnaire a été le premier à servir en cuisine, puisque je lui donne mes inventions en priorité.

Qu'est-ce que le vinaigre ?

Qu'est-ce que le vinaigre ? Il suffit d'aller ailleurs qu'en France (quand on n'est pas confiné, bien sûr), pour savoir que ce n'est pas toujours obtenu par fermentation du vin, comme on le suppose dans l'Orléanais.
Et c'est ainsi que l'Alsace a dû batailler à propos du Melfor, qui est... du Melfor.

Pour les définitions légales, le bon réflexe est toujours le même  : .gouv.fr.

Et c'est ainsi que je vous livre ce lien :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006066377&dateTexte=20110507

Pour les échanges internationaux, il faut regarder le Codex alimentarius :
http://www.fao.org/fao-who-codexalimentarius/search/en/?cx=018170620143701104933%3Aqq82jsfba7w&q=vinegar&cof=FORID%3A9&siteurl=www.fao.org%2Ffao-who-codexalimentarius%2Fcodex-texts%2Flist-standards%2Fen%2F&ref=duckduckgo.com%2F&ss=1004j208704j7


Hopla !

mercredi 15 avril 2020

This one was in French, but it deserves translation in English : about fair citation in scientific articles


A friend who submits a manuscript to me quotes popular books in an academic text. I point out to him that the authors he quotes are compilers, moreover, but my friend replies that the texts he quotes are those from which he has taken the information he used for his own text, and that it is therefore only fair to quote these people.

What can we conclude? What can we do?



Yes, it is fair, but what about good practice?

First of all, let us observe that it is justice to quote these people... but injustice not to quote those who are at the origin of the works cited by the compilers.

And insofar as lazy scientists -let's say "fast", to be charitable- quote much more the "reviews", synthesis, compilation, works of popularization than the original works, we end up having only the compilers quoted, which is perfectly abnormal.
Injustice is established... all the more so since there is also an injustice in giving credit to compilers for works they did not do. For what are we quoting: the compilers' texts, or the compiled data? This is the first question that should have been asked, and the answer shows that the original works must be cited.

On the other hand, it is not a good practice to start from texts - especially compilations - when they are not perfectly recent, and not to show everyone that one is making one's bibliography, but especially because recent works make useful scientific revisions: this is the state of the art, and any older work, which would have been revised, should therefore not be cited.

All the more so since recent articles, which appear more often than reviews, syntheses or compilations, are published more frequently, and on more precise points. Moreover, if these articles are good, they will have made a tight bibliographical exploration, and which will have more acuity than those of the compilations.

Hence the conclusion: when one cites works, one must directly cite the authors of these works, and the authors of revisions of these results. Not the intermediate texts, and even less the compilations!

But obviously, this requires a lot of work, whereas my friend was lazily relying on reviews, syntheses, compilations... which avoided all the research.

But I end charitable: it was probably less laziness than ignorance of the rules of good scientific practice.




References (only some ;-))

A quote that served me well: Penders B (2018) Ten simple rules for responsible referencing. PLoS Comput Biol 14(4):e1006036. https://doi.org/10.1371/journal.pcbi.1006036

An important article, because it says that quoting is still to have a critical eye: Nature Genetics. Neutral citation is poor scholarship. Nature Genetics. 2017; 49:1559. https://doi.org/10.1038/ng.3989 PMID: 29074946

A "best practice" article: Carol Anne Meyer, Reference accuracy: best practices for making the links, The Journal of Electronic Publishing, 11(2), 2008, DOI: http://dx.doi.org/10.3998/3336451.0011.206


(text still in progress)