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mardi 23 juin 2020

On me parle de respect...

... mais je n'oublie pas le sens des mots :

Empr. au lat. respectus (propr. « action de regarder en arrière ») « considération, égard » [respectu alicujus rei]

Si le respect, c'est du passéisme, cela ne me va pas. Et je n'oublie pas le "mandarinat" de l'université, pas encore si lointain !

Je "considère" ce qui en vaut la peine, pas la "position" (sociale), pas l'apparence, mais le contenu ! 

mercredi 7 février 2018

Métiers de bouche ? Non, métiers du goût

Mes amis cuisiniers sont dans leur monde, mais je crois que nous ne perdons rien (litote) à connaître celui-ci.

Par exemple, dans les cercles culinaires, il est de la dernière grossièreté de mettre le pain à l'envers... parce que, disent-nos amis, ce n'est pas respecter le travail du boulanger. Pourquoi pas : cela ne coûte guère de mettre le main debout, comme il a été cuit.
# Par exemple, pour beaucoup de cuisiniers, le mot "cuistot" est du dernier péjoratif. Qu'à cela ne tienne : nous éviterons de l'utiliser, et nous gagnerons en beauté de langue, même si nous ne voyons pas l'offense.

 Cette introduction pour arriver à l'expression "métiers de bouche", qui est bien utilisée officiellement : on le trouve notamment sur le portail de l'Économie, des Finances, de l'Action et des Comptes publics. C'est dire.
Eh bien, malgré cela, des amis cuisiniers trouvent que la dénomination est scandaleuse, et ils auraient voulu "métiers de la gastronomie"... ignorant que la gastronomie n'est pas de la cuisine élevée, mais la connaissance raisonnée de tout ce qui se rapporte à l'être humain en tant qu'il se nourrit. Désolé, mais ce n'est donc pas une proposition recevable.

Que faire pour les consoler ? J'ai proposé d'utiliser plutôt "métiers du goût", qu'il s'agisse d'ailleurs de technique, de technologie ou d'art. Apparemment, mes amis y trouvent leur compte... et je vais donc rester à cette dénomination.







Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

mercredi 8 novembre 2017

Le respect ? L'autorité ?

Surtout ne pas faire de mauvais devoir de philosophie ! Mais je viens de trouver sous la plume de Kazuo Ishiguro (Un artiste du monde flottant) :

"S'il est juste de toujours respecter les maîtres, il importe aussi de toujours remettre leur autorité en question". 

Je ne sais pas si je veux discuter l'idée, qui n'est donc pas celle de l'auteur, mais de l'un de ses personnages (ne jamais confondre l'auteur et le narrateur dans une oeuvre de fiction), mais le mot "respect" m'arrête. De quoi s'agit-il ? Je me propose non pas de répondre, mais d'explorer le sens des mots.

Utilisant le seul dictionnaire auquel je veux accorder du crédit (le TLFi), même s'il est temps de le perfectionner, je trouve :

Action de prendre en considération quelque chose. 
Prendre en considération ? Cela impose de savoir ce qu'est la "considération". On trouve : "Action d'examiner avec attention quelque chose ou quelqu'un. On aurait donc un "maître" (notion à examiner... avec attention), et il s'agirait de l'examiner avec attention. L'examiner ? Le respect consisterait à analyser la personne du maître, c'est-à-dire son comportement et sa production ? Ce serait donc faire un travail critique, bien éloigné de l'attachement qui se trouve inclus dans le respect.

Estime, égards que l'on témoigne à quelqu'un après avoir pu apprécier sa valeur.
Cette fois, nous arrivons à "estime", qui va avec l'attachement dont il était question. Estime ? "Jugement par lequel on détermine, on marque la valeur que l'on attribue ou doit attribuer à telle personne ou à telle chose abstraite." Là, il y aurait non pas une façon de se comporter par rapport à ces fameux maîtres, mais une idée que l'on aurait d'eux. Et puis, la "valeur"... doit être évaluée. Le Maître est-il bon ? Mauvais ? On conviendra qu'il y aurait quelque incohérence à accorder de l'estime à un mauvais Maître. Pour un bon ? Vaut-il mieux de l'estime ou de la reconnaissance ?
Pour "estime", d'ailleurs, on trouve aussi "Opinion avantageuse mais limitée que l'on témoigne à quelqu'un ou à quelque chose en raison de ses qualités moyennes, normalement attendues, et généralement appréciées." Là, il y a lieu de manquer de... respect au dictionnaire : qui a produit cette définition ? Et en vertu de quoi ? Qui s'invite ainsi à nous faire penser que l'estime est ce qui est dit ici?

Revenons au "respect" :
Sentiment de vénération, attitude de révérence envers le sacré.
Vénération  ?  On trouve "Sentiment, culte religieux rempli de respect et d'adoration" ou "Attachement profond et admiratif". Avec le premier, on tourne en rond pour le "respect", mais il y a l'adoration : "Culte rendu à  une divinité, à des objets sacrés en relation avec la divinité". D'où "culte" : Hommage religieux rendu  à quelque divinité". D'où "hommage" : Promesse de fidélité et de dévouement absolu d'un vassal envers son seigneur. Le respect irait avec un dévouement. Mais on conviendra que seul un bon maître mérite cela. D'où la question : comment savoir si notre "Maître" est bon ?

Mais nous avions la "révérence", en travers de la gorge :  "Respect profond mêlé de crainte, grande considération". Le respect, ce serait le respect. Avec la crainte. La crainte ? Pourquoi aurions-nous peur d'un Maître ? Considération : nous en avons parlé.

D'ailleurs, cette révérence doit nous faire penser à la "déférence", qui n'est pas apparue dans notre promenade linguistique : "Considération respectueuse à l'égard d'une personne, et qui porte à se conformer à ses désirs et à sa volonté." Quoi : il faudrait se conformer aux désirs et à la volonté des Maîtres. Et pourquoi ? On n'oublie pas le "Sapere aude" (aie le courage de penser par toi même) de Denis Diderot, et le "Ni dieu ni maître" des anarchistes.

Dieu ? Nous avons rencontré le "sacré", dont il faut se demander ce que c'est :  "Qui appartient à un domaine séparé, inviolable, privilégié par son contact avec la divinité et inspirant crainte et respect." J'ai bien du mal !
"Relatif au culte, à la liturgie."
Mais culte ?   "Attitude de réserve, de piété envers une chose considérée pour sa valeur morale."
D'où "piété" : "Attachement fervent à Dieu; respect des croyances et des devoirs de la religion." On arrive au respect. On tourne en rond : il faut être respectueux parce qu'il faut être respectueux.

Tient, je n'oublie pas un des sens du respect :  "Fait de prendre en considération la dignité de la personne humaine". Mais... dignité ? 
"Sentiment de la valeur intrinsèque d'une personne ou d'une chose, et qui commande le respect d'autrui." Il faut être respectueux, donc considérer la dignité, mais cette dernière commande le respect. Encore une circularité. A moins que l'on considère la dignité comme "Prérogative (charge, fonction ou titre) acquise par une personne (un groupe de personnes), entraînant le respect et lui conférant un rang éminent dans la société." Décidément non, encore la circularité

Fait de considérer une chose comme juste ou bonne et ne pas y porter atteinte, ne pas l'enfreindre; fait d'y être fidèle.
Ne pas porter atteinte. Pourquoi  porterions-nous atteinte aux Maîtres ? Et, j'y reviens, pourquoi ne porterions-nous pas atteinte aux mauvais "Maîtres".
Quant à "fidèle" : "Qui a le souci de la foi donnée, qui est respectueux de sa parole, de ses engagements." Mais qui a jamais dit que nous avons donné notre parole à notre Maître ? Et si nous nous sommes trompés, n'avons-nous pas lieu de changer ?
Et je trouve encore "Crainte du jugement des hommes, attitude qui conduit à adopter des comportements conformistes dans la crainte de choquer, de déplaire, du qu'en-dira-t-on." Là, que l'on me pardonne de ne pas m'apesantir sur ces histoires de conformisme qui m'ennuyent.

Bref, je reviens à la question du respect que l'on doit ou non aux Maîtres. Elle présuppose la notion de Maître, qui aurait dû venir avant celle du respect. Nous faut-il des Maîtres ? Des "personnes qui ont un pouvoir de domination" ?
Je ne vais quand même pas poursuivre plus longtemps, car je me suis déjà beaucoup expliqué. Disons que je suis heureux d'attribuer honnêtement la paternité d'une belle idée à celui qui me l'a donnée.... avec cette réticence constante que je veux être bien sûr que celui qui l'a transmise est celui qui en est à l'origine.
Par exemple, ce matin, dans une master class, le musicien Benjamin Zander discutait le jeu d'un contrebassiste, et il lui demandait "Quel sera le niveau supérieur suivant ?". Il observait que tout ce qui est humain est imparfait (ce que j'ai publié mille fois), et s'interrogeait sur les possibilités d'amélioration. Oui, quel sera le niveau supérieur ?