Je ne suis évidemment pas d'accord avec un des commentaires publiés sur ce blog et qui prétend que le livre Cours de gastronomie moléculaire N°1 contient des choses déjà publiées (jusqu'à la page 50) : c'est dans ce livre, et dans ce livre seulement, que je présente la distinction entre science, technologie, technique, que je montre les diverses interprétations épistémologiques de la science, et, surtout, que je présente une typologie technologique que je crois tout à fait inédite. Mais passons. Au moins, ce commentaire me permet de faire la mise au point.
Ce matin, beaucoup de correspondance, venant d'élèves de Première, qui font des Travaux personnels encadrés. L'un de ces messages posait deux questions :
La cuisine moléculaire peut-elle améliorer la cuisine traditionnelle ?
La réponse s'impose :
Non. La question est comme « la musique sérielle peut-elle améliorer la musique baroque » : cela n’a pas de sens. La musique baroque est la musique baroque, et la musique sérielle est la musique sérielle.
En revanche, oui, je crois que de nouveaux ustensiles s’imposent, pour mieux filtrer, mieux chauffer, mieux broyer, mieux… Par exemple, l’emploi de l’azote liquide fait des sorbets et des glaces aux cristaux de glace bien plus petits qu’avec une sorbetière. Par exemple, un filtre à verre fritté de laboratoire clarifie mieux qu’une clarification à l’œuf battu.
La cuisine moléculaire doit-elle être considérée comme un art ou comme une réelle avancée scientifique ?
Réponse : je vois que vous confondez cuisine moléculaire (de la cuisine, donc une activité qui donne du bonheur, avec une composante artistique, et une composante technique ; aucune science là-dedans), et la gastronomie moléculaire, qui est une discipline scientifique, et qui n’est donc pas une avancée scientifique, pas plus que la chimie ou l’astronomie ne sont des avancées scientifiques (lisez moi lentement, svp).
Je répète : l’astronomie ou la biologie moléculaire, ou la chimie, ou la physique, ou la gastronomie moléculaire sont des sciences, des disciplines scientifiques. Ce ne sont pas des avancées scientifiques, donc.
En revanche, dans chaque discipline, il y a des découvertes (scientifiques, donc, puisque ce sont des sciences). Par exemple, je crois que le travail que j’avais publié sur la « robustesse » des recettes est un beau travail scientifique, dans le champ de la gastronomie moléculaire.
La cuisine moléculaire, qui est une des applications de la gastronomie moléculaire, n’est donc ni une avancée scientifique, puisque c’est une application de la science, et que, de ce fait, elle sort du champ scientifique, ni une discipline scientifique. C’est de la cuisine. Donc il y aura certains cuisiniers qui la feront dans une direction artistique, et d’autres dans une direction technique. Dans les deux cas, sans volonté de donner du bonheur aux convives, c’est sans intérêt (cette dernière déclaration est un parti pris personnel de quelqu’un qui ne cesse de répéter que « le summum de l’intelligence, c’est la bonté et la droiture »).
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