Lorsque Marion Guillou m'a décoré de l'ordre de la Légion d'honneur, elle m'a offert cette phrase de Voltaire : l'enthousiasme est une maladie qui se gagne.
La disparition de Marc Julia, chimiste, membre de l'Académie des sciences, ancien président de la Société française de chimie, professeur de chimie à l'Ecole Normale Supérieure, est bien triste, car cet homme avait une passion contagieuse pour la chimie. Il fut de ceux qui nous sortirent de cette minable "chimie au lasso" avec laquelle on voulait faire croire que toute paire d'atomes d'hydrogène pouvait se lier avec n'importe quel atome d'oxygène voisin afin de lier les résidus moléculaires de ces atomes, de ceux qui surent rapidement considérer que la liaison chimique est d'abord une affaire d'électrons. Lors de ses cours, dans ses écrits pédagogiques, on "voit" les électrons bouger, et engendrer des assemblages atomiques variés, qui prennent enfin du sens.
Marc Julia était de ceux qui ne comprenaient pas, je crois (ou ne voulaient pas comprendre) un certain monde fait de coupe du monde de football et autres "poussières", et pour qui le royaume était tout de l'esprit. Il laisse à certains, comme moi, le privilège de l'avoir un peu connu, le regret de ne pas l'avoir mieux connu, et l'envie de poursuivre son oeuvre en militant pour cette science extraordinaire qu'est la chimie.
Vive la chimie !
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
mardi 29 juin 2010
dimanche 20 juin 2010
Décidément, nous avons besoin de lumière!
Le siècle des lumières? Il s'agissait d'un siècle éclairé par la lumière de la Connaissance, plutôt que par l'illumination divine. L'idée n'est pas ternie.
La raison éclaire tous les hommes? Nous en avons bien besoin!
La primauté de l'esprit scientifique sur la Providence ? Si seulement!
Une réflexion politique marquée par le contractualisme? Pas périmé non plus.
L'esprit critique à l'oeuvre? N'hésitons pas une seconde!
L'idée de tolérance? Rien n'est plus nécessaire.
Certes, le déisme peut être contesté, mais au total, les Lumières s'imposent absolument, dans ce siècle de plomb où l'argent tient lieu de valeur morale.
Ne devrions-nous pas lutter pour que s'instaure le Nouveau Siècle des Lumières?
La raison éclaire tous les hommes? Nous en avons bien besoin!
La primauté de l'esprit scientifique sur la Providence ? Si seulement!
Une réflexion politique marquée par le contractualisme? Pas périmé non plus.
L'esprit critique à l'oeuvre? N'hésitons pas une seconde!
L'idée de tolérance? Rien n'est plus nécessaire.
Certes, le déisme peut être contesté, mais au total, les Lumières s'imposent absolument, dans ce siècle de plomb où l'argent tient lieu de valeur morale.
Ne devrions-nous pas lutter pour que s'instaure le Nouveau Siècle des Lumières?
mercredi 16 juin 2010
Communiqué de presse Trophées Louis Pasteur
Directeur scientifique de la Fondation Science & Culture Alimentaire, je suis invité à diffuser ce message qui met ma modestie (légendaire!) à rude épreuve :
Lors de la remise des prix de la 5ème édition des Trophées Louis Pasteur (concours organisé par les ENIL dans le cadre du Pôle Franche-Comté de la Fondation science et culture alimentaire (Académie des Sciences), le 12 mai 2010, un prix spécial a été attribué par le Vice-Président du Conseil Régional de France-Comté, Denis VUILLERMOZ, au projet FRUM’S.
Ce projet était présenté par Stéphanie BARBIER, Anne SCHMIDT et Claire VAN SCHAIK. Il s’agit de sucettes associant le goût sucré d’un bonbon au goût des légumes.
Quelques semaines plus tard, les 3 étudiantes en Licence à l’UFR PEPS Colmar UHA ont pu savourer leur récompense : passer une journée en compagnie du parrain du concours : Hervé THIS, le célèbre chimiste de l’INRA, à l’origine de la Gastronomie moléculaire, auteur de nombreuses publications scientifiques et d’ouvrages sur le sujet.
La journée fut l’occasion d’échanges riches entre les 4 personnes, tant sur des questions scientifiques, technologiques que sur l’intérêt du concours de l’innovation Louis Pasteur au niveau pédagogique, acquisition de compétences et de connaissances.
Hervé This a par ailleurs interpelé les étudiantes sur la mise au point de leurs sucettes et les problématiques associées à cette innovation. Après cette rencontre, les 3 étudiantes ressortent enrichies d’une expérience unique qui leur restera dans la mémoire « une journée agréable, instructive et permettant la rencontre d’un scientifique passionné et passionnant ».
Lors de la remise des prix de la 5ème édition des Trophées Louis Pasteur (concours organisé par les ENIL dans le cadre du Pôle Franche-Comté de la Fondation science et culture alimentaire (Académie des Sciences), le 12 mai 2010, un prix spécial a été attribué par le Vice-Président du Conseil Régional de France-Comté, Denis VUILLERMOZ, au projet FRUM’S.
Ce projet était présenté par Stéphanie BARBIER, Anne SCHMIDT et Claire VAN SCHAIK. Il s’agit de sucettes associant le goût sucré d’un bonbon au goût des légumes.
Quelques semaines plus tard, les 3 étudiantes en Licence à l’UFR PEPS Colmar UHA ont pu savourer leur récompense : passer une journée en compagnie du parrain du concours : Hervé THIS, le célèbre chimiste de l’INRA, à l’origine de la Gastronomie moléculaire, auteur de nombreuses publications scientifiques et d’ouvrages sur le sujet.
La journée fut l’occasion d’échanges riches entre les 4 personnes, tant sur des questions scientifiques, technologiques que sur l’intérêt du concours de l’innovation Louis Pasteur au niveau pédagogique, acquisition de compétences et de connaissances.
Hervé This a par ailleurs interpelé les étudiantes sur la mise au point de leurs sucettes et les problématiques associées à cette innovation. Après cette rencontre, les 3 étudiantes ressortent enrichies d’une expérience unique qui leur restera dans la mémoire « une journée agréable, instructive et permettant la rencontre d’un scientifique passionné et passionnant ».
vendredi 11 juin 2010
Désamalgamer la chimie
Il y a bien longtemps, la chimie était une activité confuse, mal dégagée de l'alchimie, dont le projet technique d'exploration du monde se mêle à un projet métaphysique, voire mystique.
Puis, lentement, la chimie s'est rationnalisée, et la partie hermétique a été rejetée. Alors, la chimie est restée mêlée aux "arts chimiques" que sont la métallurgie, la fabrication de médicaments, de bougies, de teintures, colorants, pigments, de cosmétiques...
Il n'est pas anodin, d'ailleurs, que la chimie, au Muséum national d'histoire naturelle, soit si longtemps restée servante de la pharmacie, puisqu'il s'agissait d'un travail de préparation apparenté à la cuisine.
Toutefois, quelques grands anciens avaient osé dire qu'ils étaient chimistes, philosophes naturels et que, à ce titre, ils effectuaient un travail de recherche de connaissance, d'exploration du monde.
Progressivement, la chimie est devenue une science, qui a conservé des liens avec la technologie, et donc avec l'industrie, pharmaceutique, notamment.
Toutefois, de même que la physique du solide (science) ne se confond pas avec la micro-électronique (technologie), la chimie-science ne se confond pas avec ses applications.
N'est-il pas temps, aujourd'hui, de conserver à la chimie-science le nom de chimie qu'elle a eu historiquement, et de renommer les applications de la chimie ? Je propose technologie atomique (même si je sais que, le public ayant peur du mot "nucléaire", on a eu la faiblesse hypocrite de renommer "IRM" l'imagerie par résonance magnétique nucléaire).
Votre avis?
Puis, lentement, la chimie s'est rationnalisée, et la partie hermétique a été rejetée. Alors, la chimie est restée mêlée aux "arts chimiques" que sont la métallurgie, la fabrication de médicaments, de bougies, de teintures, colorants, pigments, de cosmétiques...
Il n'est pas anodin, d'ailleurs, que la chimie, au Muséum national d'histoire naturelle, soit si longtemps restée servante de la pharmacie, puisqu'il s'agissait d'un travail de préparation apparenté à la cuisine.
Toutefois, quelques grands anciens avaient osé dire qu'ils étaient chimistes, philosophes naturels et que, à ce titre, ils effectuaient un travail de recherche de connaissance, d'exploration du monde.
Progressivement, la chimie est devenue une science, qui a conservé des liens avec la technologie, et donc avec l'industrie, pharmaceutique, notamment.
Toutefois, de même que la physique du solide (science) ne se confond pas avec la micro-électronique (technologie), la chimie-science ne se confond pas avec ses applications.
N'est-il pas temps, aujourd'hui, de conserver à la chimie-science le nom de chimie qu'elle a eu historiquement, et de renommer les applications de la chimie ? Je propose technologie atomique (même si je sais que, le public ayant peur du mot "nucléaire", on a eu la faiblesse hypocrite de renommer "IRM" l'imagerie par résonance magnétique nucléaire).
Votre avis?
vendredi 4 juin 2010
Réponse à des questions
Ce matin, une jeune correspondante (pléonasme, parce que si c'est une correspondante, c'est une femme, et si c'est une femme, elle a toujours 20 ans) m'interroge sur mon métier.
Comme je n'ai évidemment ni le temps ni le droit de détourner mon temps de travail d'Agent de l'Etat (certes, petit ingénieur de recherche de seconde classe) pour répondre à ces questions particulières, j'ai pris le temps de répondre... pour distribuer largement la réponse.
La difficulté essentielle : alors que les étudiants désertent les sciences, il faudrait que je sois démagogique au point de dire "Vive la Science".
Je le dis, mais je dis aussi que, selon moi, seuls ceux qui ont une idée politique de la science en doivent, vu les conditions d'exercice.
J'engage tous mes jeunes amis à ne pas être lâche au point de se diriger vers les sciences alors qu'ils font des études dites scientifiques, à oser aller dans le "vrai monde", qui est celui de l'industrie.
Bref, j'engage tous nos jeunes amis à se diriger plutôt vers une carrière de technicien ou d'ingénieur, où ils auront à la fois un beau salaire, un travail quasi analogue à celui qu'ils auraient en tant qu'agent de l'Etat, le plaisir de changer le monde en pratique (pensons au constructeur du pont de Millau, au concepteur de la Mégane, de l'IPad, au chimiste qui a créé le Taxotère, contre le cancer du sein...).
Bref, vive la science (bien faite) mais surtout, vive la technologie (bien faite), vive la technique (bien faite), vive l'art (bien fait)...
Ouf, cela étant posé, je peux maintenant répondre.
Conditions d'exercice du métier
1, Quelles sont les activités qui caractérisent votre métier?
Mon métier, c'est la recherche scientifique, c'est-à-dire la recherche des mécanismes des phénomènes, par la méthode "scientifique", encore nommée méthode expérimentale, ou méthode hypothético-déductive (en réalité, je crois qu'aucun des trois termes ne convient bien : le premier est pléonasmique, le deuxième est insuffisant, réducteur, et le troisième est une simplification).
Si l'on a bien compris ce qu'est la science, il faut donc faire des expériences pour caractériser des phénomènes dont on cherche les mécanismes ; cette caractérisation est quantitative, ce qui signifie, en pratique, qu'il faut aimer les nombres, le calcul... puisque nos analyses des phénomènes produisent des nombres... en grand nombre. Puis, pour s'en tirer, face à ces montagnes de nombres, il faut chercher à regrouper les données recueillies sous des formes synthétiques (par exemple, des "lois"). Puis, quand ce travail est fait, il faut chercher des explications de ces lois : produire des théories, des modèles, bref trouver la raison de ces lois. A cette fin, il faut beaucoup de calcul, souvent du calcul différentiel et intégral, mais aussi des statistiques, etc. Une fois ces théories (fausses : une théorie est toujours fausse, disons insuffisante) produits, il faut chercher à les réfuter : on cherche des conséquences des théories pour les tester expérimentalement. Puis on repart sur l'expérience, et on boucle à l'infini.
Cela étant, une activité scientifique, dans un laboratoire, ça consiste aussi travailler avec des techniciens (dans les rares cas où l'Etat a de quoi les payer), avec de jeunes chercheurs, et donc faire de l'enseignement puisqu'il s'agit de leur enseigner le métier. Et puis, souvent, la science étant liée à l'enseignement supérieur, il faut aussi enseigner dans l'enseignement supérieur.
De surcroit, quand on travaille, on doit publier le résultat de ses travaux, soit de façon orale (conférences, séminaires...), soit de façon écrite (articles, livres...).
Enfin, pour encadrer tout cela, il faut une bonne dose d'administration... comme dans tous les métiers.
2, Avez-vous des responsabilités? Lesquelles?
Je ne comprends pas la question. Méfions-nous des mots que l'on dit sans les questionner! Par exemple, j'ai reçu récemment un étudiant qui avait l'ambition de diriger une équipe : diriger une équipe alors qu'il était naïvement insuffisant? Quelle présomption! Souvenons-nous quand même de Frère Jean des Entommeures qui répondait, quand on lui proposait de diriger une abbaye : " Comment pourrais-je diriger autrui moi qui ne me gouverne pas moi-même?".
Ma principale responsabilité, c'est d'être à la hauteur des attentes des contribuables qui, par leurs impôts, financent le travail scientifique. Mais, également, c'est d'être à la hauteur de l'estime que semblent me porter quelques collègues remarquables dont le monde estime le travail!
3, Le travail est il répétitif ou les tâches effectuées sont-elles variées?
Le travail est évidemment répétitif, puisqu'il s'agit chaque minute de mettre en oeuvre la méthode expérimentale. Mais je crois que la question est mal posée. Elle sent le questionnaire tout fait!
4, Quelles sont les qualités personnelles et les centres d'intérêt nécessaires pour ce métier?
Il faut travailler 105 heures par semaine au minimum.
Et puis, il faut aimer le calcul. Et aussi être capable de calculer comme chante un rossignol (parce que l'on s'est beaucoup entraîné, voir le point 1)
Et puis, il faut être absolument passionné de production de connaissances.
Et puis, surtout, il faut avoir une idée politique (sans quoi, il vaut mieux faire de la R&D dans l'industrie, où l'on est bien mieux payé, considéré, etc.).
Et puis, il faut une grande culture, parce que la science, c'est de la "philosophie naturelle".
Et puis, il faut de la méthode.
Et puis il faut être précis, attentif, soigneux, rigoureux...
Et puis... il faut aimer ne pas savoir et se réjouir d'être sur le chemin de la connaissance sans avoir atteint celle-ci.
Et puis... voir le livre La Sagesse du chimiste, que j'ai écrit à cet effet.
Perspective de carrière
5, Quels sont les grades successifs de la hiérarchie (les spécialisations, les concours, les formations complémentaires...)
Je n'y connais rien, et ces questions m'ennuient. C'est sans doute pour cette raison qu'après avoir été longtemps en CDD, je ne suis qu'ingénieur de recherche de seconde classe (je rappelle que "second" s'applique quand il n'y a pas de troisième!). Cela dit, voir les règles (souvent idiotes) de la fonction publique.
Mais, de toute façon, vu les questions, je crois que vous n'êtes pas fait pour ce métier : pour faire de la science, il faut vouloir faire de la science, pas imaginer des grades successifs, des hiérarchies...
6, Votre entreprise va t-elle recruter dans un proche avenir? A quel niveau?
Mon "entreprise"? Parlez vous de l'Etat qui m'emploie, ou bien des travaux que j'entreprends?
AU vu des budgets donnés à la science, je crois qu'elle ne se développera pas, et, d'autre part, ce n'est peut-être pas nécessaire... si l'industrie se reprend, et qu'elle effectue les travaux technologiques qui lui reviennent, au lieu de s'en décharger sur l'Etat qui, je crois, dois plutôt produire de la connaissance, de l'encadrement du travail de l'industrie, etc.
Mon conseil : devenez plutôt ingénieur ou technicien, comme dit plus haut.
Conditions d'accès au métier
7, L'anglais ou les langues étrangères sont elles indispensables?
L'anglais? Absolument indispensable... mais le français aussi, puisque Lavoisier a très justement dit que l'on ne pourra pas perfectionner le langage sans perfectionner la science, et vice versa. De surcroit, j'ai bien dit ci dessus qu'il y avait une grosse part de communication dans le travail scientifique.
Vive le travail bien fait. Travaillons!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Comme je n'ai évidemment ni le temps ni le droit de détourner mon temps de travail d'Agent de l'Etat (certes, petit ingénieur de recherche de seconde classe) pour répondre à ces questions particulières, j'ai pris le temps de répondre... pour distribuer largement la réponse.
La difficulté essentielle : alors que les étudiants désertent les sciences, il faudrait que je sois démagogique au point de dire "Vive la Science".
Je le dis, mais je dis aussi que, selon moi, seuls ceux qui ont une idée politique de la science en doivent, vu les conditions d'exercice.
J'engage tous mes jeunes amis à ne pas être lâche au point de se diriger vers les sciences alors qu'ils font des études dites scientifiques, à oser aller dans le "vrai monde", qui est celui de l'industrie.
Bref, j'engage tous nos jeunes amis à se diriger plutôt vers une carrière de technicien ou d'ingénieur, où ils auront à la fois un beau salaire, un travail quasi analogue à celui qu'ils auraient en tant qu'agent de l'Etat, le plaisir de changer le monde en pratique (pensons au constructeur du pont de Millau, au concepteur de la Mégane, de l'IPad, au chimiste qui a créé le Taxotère, contre le cancer du sein...).
Bref, vive la science (bien faite) mais surtout, vive la technologie (bien faite), vive la technique (bien faite), vive l'art (bien fait)...
Ouf, cela étant posé, je peux maintenant répondre.
Conditions d'exercice du métier
1, Quelles sont les activités qui caractérisent votre métier?
Mon métier, c'est la recherche scientifique, c'est-à-dire la recherche des mécanismes des phénomènes, par la méthode "scientifique", encore nommée méthode expérimentale, ou méthode hypothético-déductive (en réalité, je crois qu'aucun des trois termes ne convient bien : le premier est pléonasmique, le deuxième est insuffisant, réducteur, et le troisième est une simplification).
Si l'on a bien compris ce qu'est la science, il faut donc faire des expériences pour caractériser des phénomènes dont on cherche les mécanismes ; cette caractérisation est quantitative, ce qui signifie, en pratique, qu'il faut aimer les nombres, le calcul... puisque nos analyses des phénomènes produisent des nombres... en grand nombre. Puis, pour s'en tirer, face à ces montagnes de nombres, il faut chercher à regrouper les données recueillies sous des formes synthétiques (par exemple, des "lois"). Puis, quand ce travail est fait, il faut chercher des explications de ces lois : produire des théories, des modèles, bref trouver la raison de ces lois. A cette fin, il faut beaucoup de calcul, souvent du calcul différentiel et intégral, mais aussi des statistiques, etc. Une fois ces théories (fausses : une théorie est toujours fausse, disons insuffisante) produits, il faut chercher à les réfuter : on cherche des conséquences des théories pour les tester expérimentalement. Puis on repart sur l'expérience, et on boucle à l'infini.
Cela étant, une activité scientifique, dans un laboratoire, ça consiste aussi travailler avec des techniciens (dans les rares cas où l'Etat a de quoi les payer), avec de jeunes chercheurs, et donc faire de l'enseignement puisqu'il s'agit de leur enseigner le métier. Et puis, souvent, la science étant liée à l'enseignement supérieur, il faut aussi enseigner dans l'enseignement supérieur.
De surcroit, quand on travaille, on doit publier le résultat de ses travaux, soit de façon orale (conférences, séminaires...), soit de façon écrite (articles, livres...).
Enfin, pour encadrer tout cela, il faut une bonne dose d'administration... comme dans tous les métiers.
2, Avez-vous des responsabilités? Lesquelles?
Je ne comprends pas la question. Méfions-nous des mots que l'on dit sans les questionner! Par exemple, j'ai reçu récemment un étudiant qui avait l'ambition de diriger une équipe : diriger une équipe alors qu'il était naïvement insuffisant? Quelle présomption! Souvenons-nous quand même de Frère Jean des Entommeures qui répondait, quand on lui proposait de diriger une abbaye : " Comment pourrais-je diriger autrui moi qui ne me gouverne pas moi-même?".
Ma principale responsabilité, c'est d'être à la hauteur des attentes des contribuables qui, par leurs impôts, financent le travail scientifique. Mais, également, c'est d'être à la hauteur de l'estime que semblent me porter quelques collègues remarquables dont le monde estime le travail!
3, Le travail est il répétitif ou les tâches effectuées sont-elles variées?
Le travail est évidemment répétitif, puisqu'il s'agit chaque minute de mettre en oeuvre la méthode expérimentale. Mais je crois que la question est mal posée. Elle sent le questionnaire tout fait!
4, Quelles sont les qualités personnelles et les centres d'intérêt nécessaires pour ce métier?
Il faut travailler 105 heures par semaine au minimum.
Et puis, il faut aimer le calcul. Et aussi être capable de calculer comme chante un rossignol (parce que l'on s'est beaucoup entraîné, voir le point 1)
Et puis, il faut être absolument passionné de production de connaissances.
Et puis, surtout, il faut avoir une idée politique (sans quoi, il vaut mieux faire de la R&D dans l'industrie, où l'on est bien mieux payé, considéré, etc.).
Et puis, il faut une grande culture, parce que la science, c'est de la "philosophie naturelle".
Et puis, il faut de la méthode.
Et puis il faut être précis, attentif, soigneux, rigoureux...
Et puis... il faut aimer ne pas savoir et se réjouir d'être sur le chemin de la connaissance sans avoir atteint celle-ci.
Et puis... voir le livre La Sagesse du chimiste, que j'ai écrit à cet effet.
Perspective de carrière
5, Quels sont les grades successifs de la hiérarchie (les spécialisations, les concours, les formations complémentaires...)
Je n'y connais rien, et ces questions m'ennuient. C'est sans doute pour cette raison qu'après avoir été longtemps en CDD, je ne suis qu'ingénieur de recherche de seconde classe (je rappelle que "second" s'applique quand il n'y a pas de troisième!). Cela dit, voir les règles (souvent idiotes) de la fonction publique.
Mais, de toute façon, vu les questions, je crois que vous n'êtes pas fait pour ce métier : pour faire de la science, il faut vouloir faire de la science, pas imaginer des grades successifs, des hiérarchies...
6, Votre entreprise va t-elle recruter dans un proche avenir? A quel niveau?
Mon "entreprise"? Parlez vous de l'Etat qui m'emploie, ou bien des travaux que j'entreprends?
AU vu des budgets donnés à la science, je crois qu'elle ne se développera pas, et, d'autre part, ce n'est peut-être pas nécessaire... si l'industrie se reprend, et qu'elle effectue les travaux technologiques qui lui reviennent, au lieu de s'en décharger sur l'Etat qui, je crois, dois plutôt produire de la connaissance, de l'encadrement du travail de l'industrie, etc.
Mon conseil : devenez plutôt ingénieur ou technicien, comme dit plus haut.
Conditions d'accès au métier
7, L'anglais ou les langues étrangères sont elles indispensables?
L'anglais? Absolument indispensable... mais le français aussi, puisque Lavoisier a très justement dit que l'on ne pourra pas perfectionner le langage sans perfectionner la science, et vice versa. De surcroit, j'ai bien dit ci dessus qu'il y avait une grosse part de communication dans le travail scientifique.
Vive le travail bien fait. Travaillons!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
dimanche 16 mai 2010
Vive les "Matériels et Méthodes"
L'examen d'un article d'Antoine Laurent de Lavoisier consacré aux bouillons de viande est troublant, parce que les données sont "ajustées" : Lavoisier a mesuré la densité des bouillons de viande, et il a cherché une relation entre ces densités et la quantité de matière sèche dans les bouillons. Jusque là, rien de particulier.
Sauf que Lavoisier donne des densités avec six chiffres décimaux, qu'un calcul d'incertitudes bien fait montre hors d'atteinte par la méthode qu'il avait utilisée, et que le quotient des densités par les matières sèches montre une relation exacte, absolument exacte, entre les deux séries de données, ce qui n'est pas possible.
Toutefois, je ne propose pas de démolir ici Lavoisier, dont l'article en question révèle en réalité le génie, mais plutôt de considérer pourquoi des imbéciles comme nous sont en mesure, aujourd'hui, de discuter l'article : nous sommes des nains perchés sur les épaules des géants.
La lecture de l'article, essentiellement, montre que la science a considérablement progressé en réclamant de ceux qui la pratiquent une partie intitulée "Matériels et Méthodes", où tout est décrit : les matériels, leurs caractéristiques, les raisons du choix de ces matériels, les produits, les méthodes, les raisons du choix des produits et des méthodes... Tout!
N'est-ce pas une garantie que l'on n'a pas fait les choses au hasard, et, donc, que l'on a fait du mieux que l'on pouvait? L'exercice est parfois fastidieux, mais si les "rapporteurs" des publications sont des gens bienveillants (il faudra un billet à ce sujet), alors nous sommes poussés à faire bien, ce qui est quand même une grande satisfaction : la vertu est sa propre récompense!
Chérissons donc les "Matériels et Méthodes", comprenons que c'est un acquis de la science moderne... et généralisons : dans nos activités, ne pourrions-nous pas nous comporter selon cette idée? Nos comportements s'en trouveraient un peu rationalisés, et des choix arbitraires apparaîtraient mieux. Après tout, on a le droit de dire "j'aime".
Sauf que Lavoisier donne des densités avec six chiffres décimaux, qu'un calcul d'incertitudes bien fait montre hors d'atteinte par la méthode qu'il avait utilisée, et que le quotient des densités par les matières sèches montre une relation exacte, absolument exacte, entre les deux séries de données, ce qui n'est pas possible.
Toutefois, je ne propose pas de démolir ici Lavoisier, dont l'article en question révèle en réalité le génie, mais plutôt de considérer pourquoi des imbéciles comme nous sont en mesure, aujourd'hui, de discuter l'article : nous sommes des nains perchés sur les épaules des géants.
La lecture de l'article, essentiellement, montre que la science a considérablement progressé en réclamant de ceux qui la pratiquent une partie intitulée "Matériels et Méthodes", où tout est décrit : les matériels, leurs caractéristiques, les raisons du choix de ces matériels, les produits, les méthodes, les raisons du choix des produits et des méthodes... Tout!
N'est-ce pas une garantie que l'on n'a pas fait les choses au hasard, et, donc, que l'on a fait du mieux que l'on pouvait? L'exercice est parfois fastidieux, mais si les "rapporteurs" des publications sont des gens bienveillants (il faudra un billet à ce sujet), alors nous sommes poussés à faire bien, ce qui est quand même une grande satisfaction : la vertu est sa propre récompense!
Chérissons donc les "Matériels et Méthodes", comprenons que c'est un acquis de la science moderne... et généralisons : dans nos activités, ne pourrions-nous pas nous comporter selon cette idée? Nos comportements s'en trouveraient un peu rationalisés, et des choix arbitraires apparaîtraient mieux. Après tout, on a le droit de dire "j'aime".
vendredi 30 avril 2010
Emerveillement
Pardon, je m'aperçois que j'ai omis d'ajouter ma voix au concert de ceux qui clament que le calcul différentiel et intégral est une base de la science.
Comment apprendre ces calculs? Il y a mille livres, mais ce serait quasi criminel de ne pas signaler l'existence du livre qui, sous ce titre de "Calcul différentiel et intégral", a été préparé par N. Piskounov.
Le livre était naguère publié par les éditions Mir (Moscou), en français, mais il reste disponible aujourd'hui, chez un éditeur français que vous trouverez facilement sur Google.
Ne manquons la lecture émerveillée (mais critique) de ce livre remarquable, qui a aidé quelques générations d'étudiants, et pourra encore rendre des services à des foules.
Le calcul différentiel et intégral? Mais c'est très simple, ainsi.
Comment apprendre ces calculs? Il y a mille livres, mais ce serait quasi criminel de ne pas signaler l'existence du livre qui, sous ce titre de "Calcul différentiel et intégral", a été préparé par N. Piskounov.
Le livre était naguère publié par les éditions Mir (Moscou), en français, mais il reste disponible aujourd'hui, chez un éditeur français que vous trouverez facilement sur Google.
Ne manquons la lecture émerveillée (mais critique) de ce livre remarquable, qui a aidé quelques générations d'étudiants, et pourra encore rendre des services à des foules.
Le calcul différentiel et intégral? Mais c'est très simple, ainsi.
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