lundi 5 mai 2025

Vers la bonne science !

Sortant de toute une série de lectures scientifiques, je vois mieux que la mauvaise science va souvent avec une recherche insuffisante des prémisses, se nourrit de faits et d'idées mal référencés, mal cités, mal établis... 

Je viens en effet de lire des textes où les auteurs citent, notamment dans l'introduction, une série de faits mal établis, ou d'idées imprécises, douteuses. 

Or, quand je lis un texte scientifique, je ne peux m'empêcher, en vertu d'un entraînement régulier, de m'arrêter à chaque phrase, à chaque référence qui est donnée, pour aller voir ce qui s'est vraiment dit antérieurement à ce propos, tant je n'ai plus confiance dans les publications scientifiques, sachant pertinemment combien les rapporteurs font souvent mal leur travail. Évidemment, dans le lot, il y a de bon rapporteurs, mais il y en a aussi de mauvais, et rien que cette observation doit suffire à nous conduire à la prudence. 

En l'occurrence, dans le texte que je viens de regarder, j'ai trouvé toute une série d'idées qui n'était pas données dans les références pourtant citées à leur propos et les faits rapportés, également avaient été légèrement modifiés, de sorte que, en réalité, les citations données par l'article que je lisais étaient fautives.

Au fond, plus peut-être même que de grandes envolées théoriques intelligentes, il y a cette caractéristique de la bonne science qu'elle s'établit sur des fondations vraiment solides, sur des idées très fermement posées, sur des faits très bien établis, sans interprétation abusive... : la bonne science est précise et rigoureuse, elle avance à pas comptés, et ne fait l'économie d'aucune validation, d'aucune vérification,...

Je  me remémore ainsi des articles de Michel Eugène Chevreul, de Michael Faraday, où tous les détails sont considérés, lentement, méthodiquement... Je me souviens aussi que le chimiste Justus von Liebig a fait courir le bruit que "ce n'est pas Antoine Jérôme Balard qui a découvert le brome, et ce serait le brome qui aurait découvert Balard". Liebig était un méchant jaloux, et c'est parce qu'il n'avait pas découvert le brome dans les mêmes eaux que celles que Balard avait analysées qu'il en voulait à Balard. En réalité, Balard a même été peut-être plus grand que Liebig puisqu'il a découvert le brome là où Liebig ne l'avait pas vu. 

Oui, les bons scientifiques savent prendre de la hauteur, savent embrasser de vastes catégories, savent introduire des concepts, mais il font cela dans le respect absolu des faits et des idées ;  ils ne sont pas négligents, ils ne sont pas imprécis. Et c'est cette double compétence  de rigueur et de grandeur qui leur fait mériter notre admiration.

Je veux qu'on me distingue

Sortant de jury de concours où nous auditionnions des candidats, je comprends mieux que, pour intégrer  une école d'ingénieurs tel qu'AgroParisTech, de simples bonnes notes ne suffisent pas. Pendant l'entretien, à minima, il s'agit de convaincre le jury que l'on est le bon candidat, que l'on a un projet énergique, que l'on a des envies, que l'on est mieux que les autres... car il s'agit quand même d'un concours et non pas d'un examen ; or, dans un concours, ce sont les "meilleurs" qui sont pris. 

Bien sûr, il y aurait lieu de discuter ce mot "meilleur", mais en tout cas, tant qu'on en est à préparer un tel entretien, on aurait intérêt de se préoccuper des critères de sélection  des candidats, non ? 

Par exemple, si un critère est l'ouverture d'esprit, n'aurions-nous pas intérêt à nous préparer à faire état d'une telle  ouverture d'esprit ?
S'il est  question d'être capable de présenter un sujet scientifique ou technique, alors préparons un sujet scientifique ou technique que l'on présentera avec clarté, rigueur, enthousiasme. 

Oui, surtout, donnons envie à nos examinateurs d'en savoir plus ; cessons d'enfiler des phrases creuses et un peu ça plates:  "je suis rigoureux". Rigoureux ? La preuve ? Et puis, combien rigoureux ? Autant donner immédiatement cette information au lieu d'imposer aux examinateurs de la demander. 

Mais surtout, il y a lieu de montrer que l'on est une personnalité unique, avec un projet professionnel très enthousiasmant ; il y a lieu de montrer qu'il y a parfaite adéquation entre ce projet et  la formation qui est proposée aux candidats qui seront retenus. 

Il faut donner envie, il faut montrer qu'on est la personne qu'il faut prendre et je conclurai en revenant à ce mot que je propose partout :  intrinsèque. Il y a dans les activités humaines des caractéristiques extrinsèques, et, d'autre part, des caractéristiques intrinsèques  : si l'on est intéressé par l'agronomie, alors il faut faire état, de façon détaillée, précise, informée, de son intérêt pour l'agronomie. Si l'on préfère les sciences de la vie, alors il y a lieu de montrer les beautés des sciences de la vie et ainsi de suite  :  les conventions n'ont pas leur place dans un tel examen. Montrons que nous sommes intrinsèquement concernés, pas extrinsèquement.
 

 
Vive la chimie (cette merveilleuse science de la nature qui ne se confond pas avec ses applications), bien plus qu'hier et bien moins que demain !

dimanche 4 mai 2025

On me redemande la recette du "chocolat chantilly" (ne pas confondre avec une chantilly au chocolat)

1. C'est amusant de voir combien il faut répéter pour être entendu. Je viens de le voir à nouveau à propos de ce "chocolat chantilly" que j'ai inventé dans les années 90. Il s'agit d'une mousse au chocolat qui ne nécessite pas d'oeufs, et que l'on fait simplement avec de l'eau et du chocolat. 

2. Récemment, lors d'une conférence grand public, j'ai évoqué la chose et je l'ai sans doute fait dans des termes engageants puisque plusieurs personnes m'ont demandé la recette. J'avais  le sentiment de l'avoir donné mille fois, mais je vois qu'il faut m'y remettre et expliquer la chose. 

3. L'objectif tout d'abord est de faire une mousse au chocolat, c'est-à-dire une préparation légère, foisonnée, au chocolat. 

4. Classiquement les mousses au chocolat se font avec des blancs d'œufs battus en neige, d'une part, et du chocolat fondu de l'autre. Parfois, on ajoute du beurre, du sucre, et cetera.

Mais dans le chocolat chantilly, il n'y a que de l'eau et du chocolat. Plus exactement cette eau peut avoir du goût : ce peut-être du thé, du café, un jus de fruits... 

5. Mais bon, indiquons la recette avec de l'eau : 

- on prend une casserole, 

- on y met 200 g d'eau, et 200 g de chocolat à croquer ou de couverture. 

- quand on chauffe doucement, le chocolat fond et s'émulsionne spontanément dans l'eau : cela signifie que le sucre du chocolat se dissout dans l'eau tandis que la matière grasse vient former des gouttelettes liquide dispersées dans l'eau ainsi sucrée.
C'est cela une émulsion, qu'il ne faut pas confondre avec une mousse, laquelle serait faite de bulles d'air dans un liquide et non pas de gouttelettes de matière grasse dans un liquide. 

- vient alors la deuxième étape de l'opération : on pose la casserole dans un récipient rempli d'eau froide, éventuellement avec des glaçons pour aller plus vite, et l'on fouette en essayant d'introduire le plus d'air possible avec le fouet : il ne s'agit pas d'aller faire des allers-retours ou des huit mais bien de fouetter en introduisant de l'air par un mouvement vertical du fouet

- arrive un moment où la préparation s'éclaircit et où les branches de fouet commencent à laisser des marques dans la préparation : c'est à ce stade qu'il faut s'arrêter.
La préparation s'est éclaircie parce que les bulles d'air ont été introduites et que ça a fait blanchir tout comme du blanc d'oeuf blanchit quand on le bat en neige. On peut très bien laisser la préparation au réfrigérateur et la matière grasse cristallisera, mais elle fondra de nouveau quand sortira le chocolat chantilly du réfrigérateur.

6. Ajoutons que le mot le nom chocolat chantilly vient de ce que l'on doit obtenir idéalement la consistance d'une crème chantilly, très légère donc et c'est une démonstration que des œufs sont inutiles pour faire une mousse au chocolat. 

7. Pour le goût maintenant, on a le choix d'ajouter des composés qui sont solubles dans l'eau ou  dans les matières grasses, puisque l'émulsion obtenue initialement contient les deux.
'ai déjà indiqué que l'on peut remplacer l'eau par une "eau qui a du goût" (thé, café, etc.) par exemple, mais non j'aurais pu aussi indiquer que l'on peut faire infuser une matière aromatique dans l'émulsion avant de la fouetter

Et c'est ainsi que l'on constate que l'on règle parfaitement le goût est la consistance de la préparation.

samedi 3 mai 2025

Les gelées qui se liquéfient


A propos de gelée d'ananas, de papaye, de figue, de kiwi, de cassis</strong>, on me fait observer que je me suis insuffisamment expliqué, et voici mieux (j'espère). Commençons par une expérience, à savoir mixer de l'ananas frais, puis y dissoudre de la gélatine. On met le liquide gélatiné dans un moule, et l'on attend : le gel prend. Là, il faut expliquer sans attendre que le jus d'ananas, c'est majoritairement de l'eau; disons de l'eau qui a du goût. Et la gélatine, c'est une matière faite de protéines partiellement dégradées par leur extraction à partir du tissu collagénique. <strong>Du collagène à la gélatine</strong> Mais partons donc de ce dernier : il entoure les cellules animales. Plus en détail, il est fait de "fibres", à savoir des triples hélices de "collagène", chaque hélice étant un enchaînement de "maillons", ces maillons étant des résidus d'acides aminés. Quand on chauffe du tissu végétal (viande, poisson, pattes de poule, pied de veau...), le tissu collagénique se désorganise, les triples hélices se séparent les unes des autres, et les brins des triples hélices se séparent, tandis que les brins libérés perdent des segments, sont partiellement coupés. Bref, il y a finalement dans le liquide de cuisson une série de protéines ou de protéines dégradées, mais aussi des "peptides" (des segments détachés des protéines) ou des acides aminés libres. Tout cela est en solution dans le liquide. C'est la "gélatine". Puis, quand le liquide refroidit, les protéines se ré-associent par leurs extrémités, par trois, ce qui forment un "réseau", une sorte d’échafaudage où sont piégées les molécules d'eau et les molécules qui étaient dissoutes dans l'eau. C'est la prise en gel. &nbsp; <a href="/vivelaconnaissance/wp-content/blogs.dir/141/files/Gel-de-gelatine.jpg"><img class="alignnone size-medium wp-image-1546" src="https://scilogs.fr/vivelaconnaissance/wp-content/blogs.dir/141/files/Gel-de-gelatine-286x300.jpg" alt="" width="286" height="300" /></a> <strong>A partir de l'ananas frais</strong> Cela étant, quand la gelée est faite à partir de jus d'ananas qui n'a pas été chauffé, notamment quand on lui a ajouté un peu d'eau où de la gélatine a été dissoute, alors la gelée prend... mais elle se défait ensuite! Et c'est cela qui alerte souvent cuisinières et cuisiniers... et qui justifie ce billet. Pourquoi cet échec ? Parce que le jus d'ananas frais n'est pas que de l'eau avec du gout : il contient lui-même des protéines, mais des protéines d'une autre sorte, à savoir des protéases, c'est-à-dire des protéines qui coupent les autres protéines. Et les protéases coupent donc les protéines de gélatine du réseau, de sorte que ce réseau est dégradé : le système redevient liquide. <strong>La solution ?</strong> La solution, pour éviter ce désastre culinaire ? Une première solution consiste à chauffer le jus d'ananas, parce que, alors, les protéases sont "dénaturées", à savoir qu'elles perdent leur capacité de couper les autres protéines. Certes, le goût du jus perd un peu en fraîcheur, mais un chauffage rapide fait l'affaire. Sinon, on peut faire le gel avec autre chose que de la gélatine, tel l'agar-agar, qui n'est pas une protéine mais un "polysaccharide" (un "sucre"), lequel n'est pas attaqué par les protéases. Vous trouverez des indications supplémentaires sur le site de Pierre Gagnaire (<a href="https://www.pierregagnaire.com/pierre_gagnaire/pierre_et_herve">https://www.pierregagnaire.com/pierre_gagnaire/pierre_et_herve</a>) et dans mon livre &nbsp; <a href="/vivelaconnaissance/wp-content/blogs.dir/141/files/this_couv-red-red.jpg"><img class="alignnone size-full wp-image-1351" src="https://scilogs.fr/vivelaconnaissance/wp-content/blogs.dir/141/files/this_couv-red-red.jpg" alt="" width="200" height="283" /></a> <strong>Et quels autres végétaux ou parties de végétaux ?</strong> L'ananas n'est pas le seul végétal à contenir des protéases gênantes pour la gélification. Il y a aussi la papaye, la figue, le kiwi, le cassis... et sans doute bien d'autres tissus végétaux. Lesquels ?

vendredi 2 mai 2025

Des composés à l'odeur d'ingrédients classiques

Dans le cadre de cette cuisine note à note qui déplaît tant à quelques activistes réactionnaires, il y a la question des goûts, et de leur reproduction par des composés.

J'allais écrire "composés chimiques", mais un composé est un composé, et, puisque la chimie est une science, ce serait aussi  fautif d'utiliser cette expression que de parler d'animaux biologiques, par exemple.

Bref, il y a, dans les aliments classiques, des composés qui contribuent au goût, et leur contribution peut être :
- par la consistance
- par la saveur
- par l'odeur (rétronasale : quand on mastique, des composés remontent par les fosses rétronasales vers le nez)
- par le nerf trijumeau (piquants, frais)
- par la couleur
- par d'autres modalités sensorielles (pour les ions calcium, pour les acides gras insaturés à longue chaîne, etc.)

Pour les composés odorants, c'est leur ensemble qui détermine l'odeur des aliments classiques, et il faut souvent entre 5 et 20 composés différents, savamment dosés, pour reproduire une odeur classique, comme le font les parfumeurs ou les "aromaticiens" (un mot que je conteste, puisque l'arôme est, en bon français pas gauchi par une législation à réviser, l'odeur d'une plante aromatique).

Cela étant, certains composés, tout seuls, font déjà l'affaire. Par exemple :

- le 1-octen-3-ol a une merveilleuse odeur de champignon

- la vanilline a l'odeur de vanille 

- l'aldéhyde cinnamique a une odeur de cannelle

- le benzaldehyde a l'odeur d'amande amère

- le méthional donne une odeur de pomme de terre cuite

- le méthyl thioburyrate  donne l'odeur de camembert

- l'heptanone 2 a une odeur de roquefort

- le 2-acetylthiazole sent le popcorn

- la gamma nanolactone donne l'odeur de la noix de coco

-le caproate d'allyle donne l'odeur d'ananas

 

Pourquoi ne pas les utiliser en cuisine ?

jeudi 1 mai 2025

Artichauts et asperges

 
Lors de notre séminaire de gastronomie moléculaire de mai 2019, nous étions partis, comme d'habitude, de précisions culinaires, c'est-à-dire de données techniques qui s'ajoutent aux "définitions", dans les recettes. 

Par exemple, à propos des artichauts, la "définition" est la suivante : plonger des artichauts dans l'eau chaude. À cette définition s'ajoutent donc des précisions, par exemple la durée de cuisson, le fait que l'eau doit être salée, ou bien encore que l'on doive attacher un demi citron sur la partie où l'on a enlevé la queue... 

Lors de notre séminaire, nous avons voulu tester expérimentalement la précision qui stipulait que la queue devrait toujours être arrachée, et non coupée, sans quoi le fond d'artichaut aurait été plus amer. 

La question essentielle, pour ce type de tests, c'est la variabilité des ingrédients, de sorte que nous avons décidé de couper en deux des artichauts, selon leur axe, afin d'avoir des moitiés qui seraient donc plus semblables que des artichauts différents. Pour certaines moitiés, la demi queues a été arrachée, et pour les autres moitiés, la queue a été coupée au couteau. Puis les demi artichauts on été mis ensemble, dans la même casserole, donc à la même température et dans la même eau... Ils ont été cuits pendant le même temps, puis on refroidis et préparés de la qu'on ait prépare de la même façon encore et même façon, avant que l'on fasse goûter les fonds, par une méthodologie précise évidemment. 

J'ai déjà décrit ailleurs cette méthodologie que nous utilisons constamment et qui a pour nom "test triangulaire" : il s'agit essentiellement de soumettre trois échantillons aux dégustateurs, deux échantillons étant identiques et le troisième étant différent. Les dégustateurs doivent seulement dire quels sont les deux échantillons identiques. 

Le résultat a été sans appel : les trois dégustateurs, qui ont dégusté chacun plusieurs fois, ont été incapables de voir une différence d'amertume pour les artichaut à queue coupée ou à queue arrachée, de sorte que nous pouvons assez correctement réfuter la précision culinaire qui nous avait été donnée ! 

Et pour les asperges 

Lors de notre dernier séminaire, nous avons également considéré la cuisson des asperges vertes ou blanches. Nous disposions d'une précision culinaire qui stipulait que les asperges vertes allaient jaunir si on les laissait cuire plus longtemps, et nous avions également une précision culinaire disant que les asperges blanches serait plus fermes si, une fois cuites, nous les replongions dans l'eau chaude. 

À noter qu'une des deux précisions datait du 4e siècle de notre ère tandis que l'autre provenait d'un cuisinier contemporain. 

Et les deux précisions ont été expérimentalement réfutées ! Il est amusant d'observer que sur des millénaires donc, la fiabilité des prescriptions culinaires a peu changé et l'on pourra donc s'en étonner. Comment est-il possible que l'on puisse ainsi transmettre des idées fausses sans vergogne, et jusque dans l'enseignement culinaire ? Il y a encore du travail devant nous pour améliorer tout cela !

mercredi 30 avril 2025

Des "composés" : de quoi s'agit-il ?

 
Décidément, la question des "composés" n'est pas résolue, parce que la culture chimique de certains de nos amis n'est pas considérable. Aujourd'hui, un ami cuisinier intéressé par la cuisine note à note m’envoie une coupure de presse à propos de cuisiniers qui utilisent du cannabis, et il m'interroge : s'agit-il de composés utilisables pour la cuisine note à note ? Le cannabis (<em>Cannabis</em> L.) est un genre botanique qui rassemble des plantes annuelles de la famille des Cannabaceae. Bref, il s'agit d'une plante. Et comme toute plante, c'est un mélange de très nombreux composés ! Le premier est l'eau, puis il y a sans doute, dans l'ordre des quantités décroissantes, de la cellulose, de l'hémicellulose, des pectines, des lipides, des protéines, et une foule de composés utiles pour la vie de la plante, avec finalement des "métabolites" tels que les chlorophylles et les caroténoïdes (puisque la plante est verte, et qu'elle est capable de photosynthèse), des sucres, des acides aminés... et les composés psychotropes. Mais la question de mon ami mérite d'être analysée : pourquoi n'a-t-il pas pu comprendre de lui-même qu'une plante n'est pas un composé pur ? Manifestement, parce qu'il ne sait pas ce qu'est un composé. <strong>Et, aujourd'hui, je propose la méthode d'explication historique.</strong> Pensons donc au 18e siècle, quand les chimistes commencèrent à s'intéresser à la constitution de la matière. Pour la chimie minérale, les opérations de calcination, par exemple, montrèrent qu'il y avait des "éléments", à savoir des produits qu'on ne pouvait plus décomposer, et qui, au contraire, entraient dans la composition d'autres matières. Par exemple, quand on fait brûler du soufre (poudre jaune) avec du fer (de la limaille, ou fer broyé), on obtenait du sulfure de fer (pas ce nom là à l'époque). Inversement, quand on s'y prenait bien, on pouvait décomposer le sulfure de fer en soufre et en fer. Bref, le soufre et le fer sont des éléments, alors que le sulfure de fer n'en est pas un. A la même époque, les chimistes s'intéressèrent à la matière organique, mais c'était beaucoup plus difficile, parce que les produits animaux ou végétaux se décomposent quand on les chauffe, et aussi parce que, à l'époque, on ignorait encore la composition des gaz, et notamment des gaz formés lors des combustion de ces matériaux. C'est seulement quand furent identifiés le dioxygène, le dioxyde de carbone, le diazote, la vapeur d'eau, etc. que l'on a pu analyser les gaz produit lors de distillation sèche de tissus animaux ou végétaux Ainsi, quand on met une plante dans une cornue et que l'on chauffe, on récupère des gaz variés, à côté de carbone et d'eau. À la même époque, quelques chimiste qui comprenaient bien que la distillation décompose les matières organiques eurent l'idée de faire des extraits avec des solvants tel que l'eau, l'huile ou l'alcool. C'est ainsi, par exemple, que Louis Jacques Thenard obtint des extraits de viande dans l'alcool, ce qu'il nomma "osmazôme". Ou encore que Beccari et Kesselmeyer séparèrent de la farine une matière qu'ils nommèrent amidon et une autre matière qu'il nommèrent gluten. Ni l'amidon ni le gluten n'étaient des composés purs, puisqu'on pouvait encore les décomposer davantage. Par exemple, le gluten pouvait se séparer en une fraction soluble dans l'eau (les gliadines) et une fraction insoluble dans l'eau (les gluténines). On pouvait encore décomposer ces deux fractions, en différentes protéines, certes apparentées, mais avec quand même des propriétés différentes. Et finalement chaque sorte de protéines est faite de molécules toutes identiques. Autrement dit, la farine n'est pas un "composé" (disons "composé chimique" pour ceux qui en ont besoin) puisque l'on peut le décomposer en gluten et amidon ; et le gluten n'est pas un composé puisque l'on peut le décomposer en gliadines et gluténines ; et la fraction gliadine n'est pas un composé puisque c'est un mélange de plusieurs gliadines particulières. A ce stade, une gliadine particulière, telle l'alpha gliadine est un composé particulier, parce que toutes ses molécules sont identiques. Tout comme l'eau est un composé : dans de l'eau, il n'y a que des molécules toutes identiques, à savoir des molécules d'eau. Et l'éthanol est un composé puisqu'il est fait de molécules toutes identiques, à savoir des molécules d'éthanol. L'huile, en revanche, n'est pas un composé puisqu'elle est faite de milliards de composés différents, certes très semblables mais différents : les "triglycérides". Dans l'huile, il y a donc des milliards de sortes de molécules différentes : on dit des milliards de triglycérides différents. Et pour chacun de tes triglycérides, il y a des milliards de milliards de molécules toutes identiques. Le blanc d'oeuf ? Ce n'est pas un composé non plus puisqu'il est fait d'eau et de protéines, et il existe environ une vingtaine de protéines différentes, avec encore des milliards de milliards de molécules de chaque protéine, c'est-à-dire de chaque de chaque sorte moléculaire. &nbsp; <strong>Ces explications étant données, j'ai rencontré un autre ami qui m'a interrogé sur la possibilité de diviser les molécules.</strong> Oui, on peut diviser une protéine et l'on obtient alors, dans certains cas, des molécules nouvelles qui sont des acides aminés (on en trouve vingt différents dans les protéines des organismes vivants). Oui, on peut diviser de l'eau, c'est-à-dire diviser des molécules d'eau, et l'on obtient alors des atomes : les molécules sont des assemblage d'atomes. Pourrait-on diviser encore les atomes ? Oui, mais cette fois la puissance du feu n'est pas suffisante, et l'on passe la physique subatomique, qui a résulté de l'introduction d'énergies supérieures à celle du feu. C'était la la limite de la chimie, qui, elle, s'intéresse aux assemblages d'atomes.