En doutant, nous nous mettons en recherche, et en cherchant nous trouvons la vérité.
Cette phrase est d'Abélard, ce philosophe du Moyen Âge qui eut bien des ennuis pour avoir trop aimé une jeune fille nommée Héloïse.
On trouve ici une idée qui se rapproche de celle que j'ai discutée ailleurs, à savoir « Devons-nous croire au probable ? ». Oui, il y a la question du doute. Contrairement à ce que des philosophes pessimistes expriment, le doute n'est pas quelque chose de négatif, mais quelque chose de très positif, et c'est cela que j'aime dans cette phrase d'Abélard : il ne s'agit pas d'une philosophie négative, mais d'une philosophie très positive, au contraire.
Douter, ce n'est pas refuser la connaissance, mais au contraire se mettre en recherche de sa validité. La phrase d'Abélard dit en réalité une position philosophique plutôt qu'un fait, mais j'aime beaucoup cette position.
Évidemment la fin de la citation est un peu légère, un peu naïve : trouver la vérité ! Les épistémologues ont raison de critiquer ceux qui ont la naïveté de croire que la science conduit à la vérité : non, la science ne conduit pas à la vérité, mais seulement à des théories dont nous avons qu'elles sont insuffisantes et qui doivent être améliorées.
Cela étant dit, il ne faut quand même pas aller jusqu'à dire que la science n'est rien, ce que font quelque épistémologistes détestables qui oublient, parce qu'ils veulent l'oublier (et c'est pour cela que je dis « détestables ») que les théories les plus élémentaires décrivent très bien les phénomènes.
Considérons, par exemple, la loi d'Ohm, qui permet de calculer l'intensité du courant électrique qui parcourt un fil électrique aux bornes desquelles on applique une différence de potentiel électrique : cette loi élémentaire donc date d'environ un siècle, mais elle reste utilisée par les électriciens et électroniciens du monde entier parce qu'elle est « très bonne ». Imparfaite, certes, mais très bonne, au point qu'elle permet de construire les ordinateurs les plus puissants, de faire marcher les automobiles, les avions, les fusées… Oui, la loi d'Ohm est approximative, ce n'est pas la vérité, mais elle est quand même extraordinairement efficace, et décrit merveilleusement les phénomènes.
La science moderne est dans un mouvement inouï, à savoir qu'on demande aujourd'hui des adéquations des théories aux phénomènes à des précisions considérables. Pour certaines « constantes de la nature », on connaît les valeurs à des dizaines décimales près. Autrement dit, oui, par principe, on ne peut pas trouver la vérité avec la science, mais on s'en approche sans cesse, sans cesse, sans cesse... et c'est précisément ce mouvement merveilleux, parce qu'il fait apparaître des notions, concepts, idées, méthodes que l'on n'avait pas auparavant, qui fait une partie de la fascination des sciences de la nature.