La métaphore ? Elle est essentielle en littérature, et l'on ne saurait donner meilleur conseil que de lire ou de relire le merveilleux Traité des littératures médiévales germaniques de l'écrivain argentin Jorge Luis Borges, pour bien comprendre, comment, avec le rythme, les métaphores sont le socle de la poésie.
Toutefois la question posée ici est plutôt de savoir pourquoi les métaphores sont également essentielles pour la recherche scientifique.
On ne répétera jamais assez que les sciences de la nature explorent les phénomènes par des mesures quantitatives, avant de regrouper ces mesures en lois, à partir desquelles on cherche des mécanismes quantitativement compatibles avec les lois trouvées. Ces mécanismes, ce sont des descriptions des équations par des mots.
Par exemple, quand le physicien observe un faisceau cathodique dévié par un aimant, il commence par calculer la déviation, puis il observe la forme analytique de la trajectoire des électrons, et il en vient finalement à dire que les électrodes du système (une ampoule en verre scellé où l'on a fait le vide et entre les extrémités desquelles ont a placé des morceau de métal) sont due à des électrons qui se propagent, tels de petites billes, de petits boulets de canon, avec une force qui agit sur eux par une force analogue à celle qui avait été vue pour des aimants macroscopiques. Une autre description théorique consiste à voir, dans les particules subatomiques, des ondes : les électrons se comportent comme des vagues, comme des rides à la surface de l'eau.
"Tel", "comme"… : on est là dans la métaphore, et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle la mécanique quantique a paru initialement bien étrange. Les particules étaient-elles des ondes ou de petites billes ? Il a fallu d'autres métaphores pour comprendre : par exemple, un verre cylindrique regardé par la tranche apparaît sous la forme d'un rectangle, alors que, regardé par son axe, il apparaît comme un disque. "Sous la forme", "comme"… On est dans la métaphore Pour comprendre, nous avons besoin de ces métaphores, qui, en quelque sorte sont l'expression sensible des équations qui constituent nos théories. Les mots et les métaphore sont la possibilité de discuter les mécanismes des phénomènes. Or la science introduit de nouveaux mots, quand ceux que l'on avait ne suffisaient pas.
Par exemple, le physico-chimiste anglais Michael Faraday obtint un résidu incolore et odorant quand il distilla la houille, et il nomma benzène ce produit qui était alors inconnu. Par exemple, la découverte de l'électricité imposa une foule de nouveaux mots pour décrire les particularités du monde que l'on ne connaissait pas : électrode, cathode, anode, électrolyse. Plus récemment, les physiciens des particules ont dû inventer des mots : bosons, quarks, hadrons...
Et voilà pourquoi le grand Antoine Laurent de Lavoisier avait bien raison de dire que l'on ne peut améliorer la science sans améliorer le langage et vice versa. Le langage, c'est les mots, qui peuvent déjà être des métaphores, notamment quand ils sont des onomatopées, mais ce sont aussi des métaphores plus explicites : les électrons sont comme des boulets de canon.
On le voit, finalement, si la science fait usage des mots, et pas seulement des équations, alors son usage doit être aussi parfait que possible, de sorte que le scientifique n'est pas loin du poète.