Je reviens ici sur une déclaration que je fais parfois, par provocation : contrairement à la technologie, la science ne doit servir à rien.
C'est évidemment un peu iconoclaste, et il faut bien sûr l'interpréter.
Je fais cette précision, parce que j'ai rencontré des interlocuteurs qui prennent ma déclaration au pied de la lettre, sans sourire : ayant compris l'existence de ce type de personnes parmi mes interlocuteurs, je dois à la fois préciser publiquement ma position et peut-être prendre des résolutions pour l'avenir.
Commençons en indiquant qu'il y a une différence entre les sciences de la nature et leurs applications.
Louis Pasteur, parmi d'autres grands scientifiques du passé, a bien dit qu'il n'y a pas de science appliquée... mais qu'il y a des applications des sciences.
Et s'il y a des applications des sciences c'est bien la preuve que les sciences ont une utilité, notamment celle de pouvoir être appliquée.
Mais allons plus loin : les sciences ont deux types d'applications, à savoir des applications pour l'instruction et des applications pour la technique.
Il y a donc beaucoup d'applications et, donc, beaucoup d'utilité des sciences.
Pour les applications techniques, il y a le GPS, qui n'aurait jamais existé sans la théorie de la relativité, laquelle n'avait initialement aucune "application" : pensons, des vitesses proches de celles de la lumière !
Mais, surtout, les sciences sont en quelque sorte l'honneur de l'esprit humain.
Sans elle, sans le questionnement à propos des phénomènes, nous en resterions à croire à des divinités présentes derrière la foudre, l'orage, la pluie, la source, la tempête, les feux de Saint-Elme en haut des navires ou les feux follets dans les marais...
Bref, nous resterions terrorisés par une nature que nous ne comprendrions pas. Alors que, au contraire, les sciences de la nature, c'est précisément la compréhension du monde où nous vivons. Au lieu de nous laisser apeurés, proies de ceux qui en profitent pour nous manipuler, proies d'une nature quand même largement hostile, les sciences de la nature nous rassurent, nous aident à vivre.
Oui, les sciences de la nature sont en réalité extrêmement utiles et quand je dis qu'elles ne doivent servir à rien, je dis surtout que la production des connaissances scientifiques ne doit pas avoir l'œil rivé sur les applications, sans quoi nous n'arrivons jamais à cette relativité d'où découle le GPS (un exemple parmi mille !).
Bien sûr, la technologie a son intérêt et notamment quand elle explore des phénomènes en vue des applications, mais l'histoire des sciences a largement montré combien une recherche scientifique qui n'a pas pour objectif l'application arrive à des résultats extraordinaires.
Ainsi, quand Michael Faraday découvrit l'induction électromagnétique, il reçut la visite du premier ministre britannique dans son laboratoire et celui-ci lui demanda : "A quoi tout cela sert-il ?" Et Faraday de répondre : "Je ne le sais pas, mais à jour vous récupérerez des impôts dessus".
D'ailleurs, je ne dis évidemment pas que la science doit être isolée du monde, au contraire !
Oui, je maintiens qu'elle doit être proche de la technique sans se confondre avec elle, proche de la technologie sans se confondre avec elle : il faut que les technologues et les scientifiques se parlent pour que les seconds fassent usage des connaissances obtenues par les premiers. Le transfert technologique est tout à fait essentiel.
Analysons l'expression "transfert technologique" : c'est bien la technologie qui transfère les connaissances, qui en fait de la technique renouvelée, améliorée...
Finalement on devra se souvenir qu'il faut toujours interpréter les paroles, notamment quand on m'entendra dire que la science ne sert à rien : on devra pas oublier de penser que je considère que la science est évidemment utile, mais que dans les conditions de production, elle ne doit pas chercher à résoudre des problèmes pratiques, mais bien plutôt toujours penser à faire des découvertes car c'est cela son objectif, sa grandeur.