Savons-nous bien ce qu'est une génoise ?
L'exploration complète est ici : https://nouvellesgastronomiques.com/la-genoise-elle-doit-contenir-des-amandes/
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
Savons-nous bien ce qu'est une génoise ?
L'exploration complète est ici : https://nouvellesgastronomiques.com/la-genoise-elle-doit-contenir-des-amandes/
Oui, modifions les recettes, notamment quand il s'agit de la partie technique.
Car pour la partie artistique, nous risquons de perdre l'intelligence sensible qui a présidé aux choix du créateur.
Ici, je veux discuter la question de l'emploi du sucre, pour les recettes de pâtisserie où le sucre doit être mêlé à la fois à du jaune et à du blanc d'oeuf.
Cela se trouve par exemple dans les recettes de génoise ou de biscuits, où l'on commence par battre le jaune avec du sucre jusqu'à faire le "ruban" (le jaune blanchit, devient mousseux) et où l'on ajoute les blancs en neige ensuite.
Pour de tels cas, il m'arrive fréquemment de changer un peu la recette afin d'être en mesure d'ajouter du sucre dans les blancs d'oeufs que je bats en neige, car cela les stabilise beaucoup ; cela les raffermit et cela permet ensuite un meilleur mélange de la masse de jaune et de la base de blanc, sans que la mousse de blanc en neige ne s'effondre.
À la base il y a cette expérience qui consiste à battre un blanc en neige et à le diviser en deux moitiés. Dans une moitié, on ajoute du sucre et dans l'autre pas. Puis on bat les deux moitiés de la même façon et l'on voit alors que le blanc sucré prend un aspect beaucoup plus lisse et beaucoup plus brillant ; au microscope, on voit que les bulles d'air, dans cette moitié qui a été sucrée, sont beaucoup plus petites que dans l'autre moitié, qui a pourtant été battue de la même façon.
Je n'entre pas dans l'explication de ce phénomène passionnant, mais j'en tire simplement la conclusion que, les bulles étant peu plus petites, cette moitié est beaucoup plus stable, et c'est cela qui permet ensuite qu'on la mélange à une autre sans faire retomber la mousse.
Je crois ainsi qu'il vaut mieux diviser le sucre en deux, moitié pour les jaunes et moitié pour les blancs.
Le texte d'un entretien qu'un journaliste me soumet m'amuse : mon interlocuteur me dit vouloir garder un ton familier, souple, jeune... et je vois surtout un texte mal construit avec beaucoup de fautes de français.
J'ai de l'indulgence, car je me souviens que, après quelques temps à la revue Pour la science, j'étais allé voir le rédacteur en chef pour lui dire que notre langage était bien raide et que, pour attirer des jeunes, nous aurions intérêt à avoir une écriture plus souple.
Plus souple ? Mais comment ? S'agit-il de faire des fautes de français ? S'agit-il d'avoir un usage laxiste des mots ? S'agit-il d'avoir une construction de discours cahotique, désordonnée ? S'agit-il d'utiliser tous les tics et clichés à la mode ("voilà", "effectivement", "du coup", "zy va") ?
Dans le texte que le journaliste me soumet pour correction, je vois tout cela et je sais, puisque je me souviens de l'entretien, que les redites dont je suis responsables m'ont été imposées, parce que mon interlocuteur comprenait... difficilement. Il a retranscrit ce qui était dans le magnétophone, mais les redites ne signalent que son inattention.
Les fautes de français ? J'essaie d'en faire le moins possible, de sorte que je supporte mal que l'on m'en fasse faire. En conséquence, j'ai corrigé toutes les fautes qui m'étaient attribuées, car je ne les ai pas faites.
Et cela raidit évidemment le texte ! Les fautes d'orthographe, bien sûr je ne les ai pas faites non plus, ou, du moins j'ai essayé de les éradiquer le plus possible.
Bref, pour ce qui concerne ma partie de l'entretien, j'ai essayé de faire quelque chose de construit et de propre, comme je veux ma pensée.
Reste des fautes dans les questions que le journaliste me posait, et là, je lui laisse la responsabilité de parler médiocrement
Mais qu'est-ce qu'une écriture plus souple, plus jeune ?
Je le sais de moins en moins. Une écriture "parlée"? Je ne peux m'empêcher, à cette occasion, de penser au gueuloir de de cette question, Gustave Flaubert, cette pièce où il disait à voix haute ses texte écrits, en vue de les corriger ensuite pour leur donner plus de "souplesse".
Mais j'ajoute aussitôt que Flaubert, quand il parlait, ne faisait pas de fautes de français, et que le degré de subtilité de ses corrections dépasse l'entendement de la quasi-totalité des locuteurs.
Bref je reste perplexe et je comprends que mon rédacteur en chef l'ait été naguère.
Il va me falloir réfléchir encore beaucoup.
Alors que mon groupe de recherche a déménagé à Palaiseau le 21 juin, je n'ai toujours pas les droit de manipuler (mes collègues non plus, mais ils ne sont arrivés que fin août).
Est-ce bien raisonnable ?
Ou bien était-ce une stratégie pour que j'utilise mon temps à rédiger des publications en retard ?
Je combats le mot « arôme » depuis trente ans : non pas quand il est justement employé, mais quand il crée des confusions.
L’arôme, selon le dictionnaire français, c'est l’odeur d’une plante aromatique ou d’un aromate. Là, l'acception est juste.
En revanche, un arôme n'est ni une odeur perçue par la voie rétronasale, ni une préparation industrielle — laquelle peut être merveilleuse — qui apporte une odeur, une saveur, ou les deux, à un aliment.
Ce genre de produit devrait s’appeler « gustativant », mais le mot risque d’avoir du mal à passer. « Aromatisant » correspond à l’anglais flavouring, dérivé de flavour, de sorte qu'il y a une logique à adopter ce terme.
Si l’on veut réconcilier le public avec ces produits, il faut en changer le nom. Maintenant, même mes détracteurs parlent d’« aromatisants » et la communauté scientifique internationale parle d’odorants, en anglais.
Oui, l'huile se mélange avec l'huile, qu'elle soit solide ou liquide
On m'interroge, et voici ma réponse :
Oui, et encore oui : les huiles sont miscibles les unes aux autres, et elles sont d'ailleurs également miscibles avec les matières grasses solides à condition que l'on fonde celles-ci.
Commençons avec deux huiles : fixons les idées avec une huile de soja et une huile de tournesol, par exemple. Ces huiles se mélangent parfaitement, et leur propriétés chimiques, physiques et gustatives sont intermédiaires entre celles de l'huile de soja et celles de l'huile de tournesol.
D'ailleurs c'est deux huiles se mélangeraient également très bien avec l'huile d'olive... et c'est d'ailleurs ce type de coupage qui est parfois pratiqué par les malhonnêtes qui font du frelatage (et vendent un produit qu'ils nomment illégalement "huile d'olive").
Mais on peut aussi ajouter de l'huile à du chocolat fondu, puisque ce dernier est une dispersion de particules solides (du sucre ou des fragments végétaux) dans du beurre de cacao : si le beurre de cacao est fondu , il fait huile et une huile végétale qu'on lui ajoute ce mélange parfaitement à lui.
Mieux encore, on sait bien, quand on fait une mousse au chocolat avec une recette classique, que l'on peut mélanger deux matières grasses solides à condition de les fondre : du beurre et du chocolat chauffés "font huile".
D'ailleurs, on pourrait tout aussi bien mélanger du beurre à du saindoux, ou du saindoux à du chocolat. Ou, mieux, du beurre à du foie gras.
Bref, quand une mère grasse est à l'état liquide, elle se mélange à une autre matière grasse à l'état liquide. Pourquoi ? Parce que toutes les matières grasses sont faites de molécules analogue à des peignes à trois dents souples et que l'on nomme les triglycérides. Dans une matière grasse particulière, il y a de très nombreux très nombreuses molécules de triglycérides appartenant à de très nombreuses catégories différentes de triglycérides, et cela vaut pour les huiles comme pour les matières grasses solides à la température ambiante.
D'ailleurs, le fait d'être solide ou liquide n'est qu'une question de température et bien des graisses qui sont solides en hiver deviennent liquides en été.
Bref, on mélange très bien les matières grasses les unes aux autres et l'on hybride alors leurs propriétés.
C'est ainsi que le beurre ou l'huile amollissent le chocolat. C'est ainsi que de l'huile amollirait du beurre.
Et le goût, aussi, s'hybride.
Answers to a journalist
As a child, I was a strange boy who spent his time doing chemistry, reading (I love the chiselled style of great writers like Rabelais or Flaubert), and sleeping very little.
I got a chemistry box at the age of six. From then on, all my pocket money and all my weekends were spent practising chemistry. As a teenager, I already loved cooking. When I roamed the seas on sailboats with friends, I always was the cook.
In 1976, my kitchen and my lab were merged together because I lived in a small one-room apartment. So I began to cook using chemistry utensils, for they are identical to cooking tools.
My road-to-Damascus experience happened on Sunday, March 16, 1980. I had friends for dinner, officially to work on our exams, but actually to have a good dinner. I made a Roquefort cheese soufflé from a magazine recipe. The recipe stated: add your eggs two by two. “This is strange”, I thought: “two by two doesn’t make sense, so I’ll add all the eggs together.” And the soufflé went wrong. The following Sunday, I picked up the same recipe and thought: “The only thing I didn’t do according to the book was adding the eggs two by two. I’ll add them one by one.” And the soufflé was a success.
From then on, I decided to write down every culinary trick, saying and tour de main in a notebook, and test them in my lab. Now, I have twenty-five thousands of them. In 1987, some physicians from the École normale in Paris invited me to their seminars; later I got a laboratory in the Collège de France, and I was also the editor of a review.
Molecular gastronomy was created in 1988 as a scientific discipline, and it grew quickly. The international press was, and still is, all abuzz. It should be distinguished from molecular cooking. The former is a science, and my primary interest. Molecular cooking is an entirely different thing that I created to renovate cooking and make life easier for cooks and chefs. Then again, molecular cooking, the technique, is to be differentiated from molecular cuisine, which is the style.
Why did I create that? Because an artist whose ankle is chained to a ball doesn’t go as fast as an artist who has wings on his back. I wasn’t going to leave the poor chefs with outdated whisks and saucepans; I wanted to change their techniques, but they were reluctant. So I used the Parmentier strategy: in the same way that Parmentier offered his potatoes to the king of France so that the people would want to eat them too, I went to see the greatest chefs and presented them with my techniques… And their food had to be very expensive so that people would rush into their restaurants to try it. Many other chefs were interested, bought the products, and now you can find low-temperature cooking everywhere, and my “perfect egg” in any bistrot. Children make my chocolate chantilly. I have won! And now I am trying to kill molecular cooking in order to promote the Note to Note concept, which also has a cooking side and a cuisine side.