samedi 2 décembre 2017

Savez vous que vous pouvez recevoir les comptes rendus des séminaires de gastronomie moléculaire ?

Il suffit en effet d'envoyer une demande à icmg@agroparistech.fr


Et voici à quoi ressemblent les comptes rendus  :




Séminaire de gastronomie moléculaire
du
Centre International de Gastronomie moléculaire AgroParisTech-Inra

19 juin 2017
Centre Jean Ferrandi (Chambre de commerce de Paris)


Thème :
Discussion autour de la cuisine note à note





Dans ce compte rendu :

1- introduction : ce que sont ces séminaires
2- points divers
3- choix du thème du prochain séminaire
4- travaux du mois
5- acclimatation « note à note »



1- Introduction :

Les séminaires parisiens de gastronomie moléculaire (il en existe à Nantes
1, Arbois2, Cuba, etc.) sont des rencontres ouvertes à tous, organisées dans le cadre d'une convention entre l'International Centre for Molecular Gastronomy AgroParisTech-Inra (http://www.agroparistech.fr/-Centre-international-de-.html) et le Centre Grégoire Ferrandi de la Chambre de commerce de Paris.
Ils sont animés par Hervé This.

Toute personne qui le souhaite peut venir discuter et tester expérimentalement des « précisions culinaires »3.

Les séminaires de gastronomie moléculaire ont aussi une fonction de formation (notamment continuée), et, depuis octobre 2013, à la demande des participants, les séminaires doivent aussi contribuer à l'acclimatation de la « cuisine note à note » (http://www.agroparistech.fr/-Les-explorations-de-la-cuisine-.html).


Le plus souvent, les séminaires de gastronomie moléculaire ont lieu le
3e lundi du mois (sauf juillet et août), de 16 à 18 heures, à l'École supérieure de cuisine française de la Chambre de commerce de Paris (merci à nos amis de l'ESCF, et tout particulièrement à Bruno de Monte, le directeur du Centre Ferrandi, et Olivier Denizard, qui nous accueillent), 28 bis rue de l'abbé Grégoire, 75006 Paris (amphithéâtre du 4e étage).
L'entrée est libre, mais il est préférable de s'inscrire par courriel à icmg@agroparistech.fr. En outre, en raison du plan vigipirate, il faut se munir d'un laisser passer que l'on obtient sur demande à l'adresse email précédente, et se munir d'une pièce d'identité.
Chacun peut venir quand il veut/peut, à n'importe quel moment, et quitter le séminaire à n'importe quel moment aussi.


2- Points divers
Le 8e International Workshop on Molecular Gastronomy s'est tenu à Paris, du 30 mai au 2 juin 2017. Il réunissait des participants de plus de 15 nationalités. Des actes seront publiés par l'International Journal of Molecular Gastronomy.

La finale du Cinquième Concours international de cuisine note à note s'est tenue à AgroParisTech, le 2 juin 2017.
Les prix ont été décernés à Dao Nguyen et Pasquale Altomonte, pour la catégorie « chefs », et à Shayne Curtin pour la catégorie étudiants.

Lors de la finale, Michael Pontif a présenté les produits Iqemusu, et le chef Andrea Camastra, du restaurant Senses (Varsovie, Pologne) a présenté les travaux récents et les plats note à note servis dans son restaurant.

Le thème du Sixième Concours international de cuisine note à note est annoncé : « But the crackling is superb » (« Les merveilleux croustillants et croquants »).
N'hésitez pas à vous inscrire sur icmg@agroparistech.fr

De Nicole Dufois :
« Suivant le protocole précédent, j'ai mieux réussi les pommes soufflées ; je crois que mes échecs précédents découlaient ce que j'avais lavé les rondelles, et que je les avais mal essuyées.

D'autre part, j'ai trouvé l'appareil à pommes de terre chatouillard sur internet : il est en inox et coûte 9,90 euros (plus 2,50 euros de frais de port) sur le site Deco-fruit.













Sur l'image ci dessus, la couleur très foncée correspond à une pomme de terre vitelotte. La couleur jaune foncée est faite à partir de Rosabelle.


3- Choix du thème du prochain séminaire :

Plusieurs thèmes sont en réserve  :
- dans un rôtissage, a-t-on un meilleur résultat quand on approche ou quand on éloigne la pièce ?
- la crème ferait tourner la mayonnaise
- la salle
- le rôle des os dans les bouillons : apportent-ils quelque chose, ou bien sont-ils nuisibles ?
- les crêpes sont-elles différentes quand on met du sel dans la pâte ?
- on dit que l'on ne peut faire ni mayonnaise ni blancs en neige à partir d'oeufs congelés (en revanche, du blanc en brique mis au congélateur permet d'obtenir des blancs en neige)
  • recettes de cuisine pratique, par les Dames Patronnesses de l’Oeuvre du Vêtement de Grammont, Grammont, sans date, p. 36 : « Ne laissez jamais rebouillir une sauce dans laquelle vous avez mis du vin ou des liqueurs » ; quel serait l'effet ?
  • quand on coupe les carottes en biseau, ont-elles vraiment plus de goût qu'en rondelles ?
  • à propos de frites : on dit que l'huile d'olive pénètre moins dans les frites.
  • du cuivre attendrirait les poulpes ?
  • l'ail bleuirait quand on le place sur des tomates que l'on fait sécher au four ; ou bien de l'ail frais après la cuisson, laissé 15 min ; sur l'aluminium, l'ail bleuirait.
  • le lait chauffé à la casserole et au micro-onde aurait un goût différent
  • le fromage râpé empêcherait la crème fraîche de trancher (Menus et recettes de famille, Valentine de Bruyère et Anne Delange, éditions P. Horay, 1967)
  • les oignons ciselés ont-ils un goût différent d'oignons émincés ?
  • le feuilletage inversé a-t-il des propriétés plus stables que celles du feuilletage direct ? Gonfle-t-il davantage ?
- la cuisson des viandes est-elle différente au four : dans une cocotte, dans un tajine, dans un romertopf ?
- la pâte à choux est-elle différente quand elle est utilisée le jour même ou le lendemain ? (influence sur le gonflement)
-le goût des hollandaises est-il le même avec casserole intérieur inox et intérieur étain
- comparer la pâte levée cuite départ à froid ou départ à chaud ; idem pour les tartes
- on dit que la viande se contracte au réfrigérateur ; est ce vrai ?
- l'arrosage du poulet : par de l'eau, par de l'huile ; différences de croustillances ?
- les noyaux de datte accélérerait la cuisson des tajines
- 1877 : Jourdain Lecointe, Le cuisinier des cuisiniers, p. 104, une sauce étonnante : « sauce anglaise pour légumes et poisson : faites fondre du beurre au bain-marie dans le suc exprimé d’un citron, ajoutez-y sel, poivre, muscade, demi-verre d’eau ; laisser bouillonner un quart d’heure et servez chaud ».
- les changements de couleur de la rhubarbe en cours de cuisson.


Le thèmes retenu est : la peau du poulet est-elle plus croustillante quand elle est salée ? Et quand on a ajouté de la farine ?

4- Le thème du mois :

Ne disposant pas de rhubarbe, l'étude de ses changements de couleur est reportée, et l'on profite de la présence de Michael Pontif pour discuter de cuisine note à note



5- L'acclimatation de la cuisine note à note

Michael Pontif, qui a créé la Société Iqemusu, qui vend des composés odorants purs, en solution dans l'huile ou dans l'éthanol, présente quelques produits, dans le nouveau conditionnement. Les participants du séminaires discutent l'argumentation qu'il met en avant.

La question de l'huile où les composés sont dissous est discutée : l'huile est une huile bio désodorisée, c'est-à-dire traitée par de la vapeur d'eau, afin d'entraîner les composés odorants de l'huile. De la sorte, la pureté de l'odeur de chaque produit est plus nette. Bien sûr, un rancissement de l'huile est possible, mais les flacons sont teintés, ce qui limite le phénomène.

Puis on discute la question de la concentration à laquelle les composés odorants sont présents dans l'huile. A ce jour, les dosages sont déterminés en collaboration avec le chef Andrea Camastra, du Restaurant Senses, à Varsovie (Pologue).
A. Camastra a adjoint un laboratoire à son restaurant. Y travaillent quatre personnes, qui mettent au point les plats note à note qui sont servis dans le restaurant (https://sensesrestaurant.pl/en) : le chef, un microbiologiste, un assistant cuisinier formé à l'université de Varsovie, un technicien. Les plats mis au point sont servis le soir même. Le menu est fixe, mais il y a des variations, selon les nouveaux produits. A noter le tournage de vidéos et la prise de photographies qui seront bientôt en ligne.

La vente se fait en ligne sur le site www.iqemusu.com, encore en construction, notamment pour la prise de commande. A noter qu'une distribution sera bientôt assurée en Europe du sud-est par le chef Sasa Hasic.

On discute de la « naturalité » des produits : les composés odorants sont tous d'origine naturelle, et l'huile est bio.

Les participants du séminaire discutent de l'intérêt de donner des recettes. Cela est prévu. Pour l'instant, ce sont des fiches techniques qui sont ajoutées au site.
A ce propos, on signale que des fiches techniques pour la cuisine note à note sont sur le site https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/cuisine-note-a-note/des-produits
Elles sont classées en vue de construire les mets :
- formes
- consistances
- couleurs
- odeurs
- saveurs
- autres (trigéminal, etc.)
On observera que cette partie de site est en construction, et que des informations pourraient utilement être ajoutées sur propositions à icmg@agroparistech.fr

Lors du séminaire, on discute notamment la question des relations entre l'odeur et le goût. Pour bien comprendre cela, il faut distinguer l'odeur que l'on sent quand on hume, en mettant un produit sous le nez (c'est la voie orthonasale), et l'odeur qui est incluse dans le goût et que l'on perçoit par la voie « rétronasale » : lors de la mastication, l'aliment libère des molécules odorantes (les mêmes que celles que l'on sent par le nez, par la voie orthonasale), qui montent par les fosses rétronasales (la communication entre la bouche et le nez, à l'arrière de la bouche, et dont on perçoit l'existence quand on « boit la tasse) et stimulent le nez.
Autrement dit, goûter un aliment, c'est aussi le sentir par l'arrière du nez, de sorte qu'un aliment construit note à note doit contenir des composés odorants.
Lors du séminaire, il est proposé, pour mieux comprendre ces relations, de sentir les composés odorants en solution, mais aussi de les goûter en mettant un peu de ces solutions sur de petites lamelles de pain.

Plus généralement, on gagnera à bien comprendre et à bien utiliser les mots du goût. On donne ici un article publié il y a quelque temps :

Goût, saveur, odeur, arôme ?
Hervé This


Le 29 avril 2009 s’est tenue à l’Académie d’agriculture de France une séance publique où les mots du goût ont été discutés. A l’origine de cette rencontre, deux observations et une idée.
La première observation : lors de journées plénières du club ECRIN « Arômes et formulation », des collègues pourtant spécialistes des « arômes » ou de l’analyse sensorielle ont désigné par le même mot « arôme » des objets différents. Pour certains, il s’agissait de l’odeur perçue par la voie rétronasale, qui relie le nez à l’arrière de la bouche ; pour d’autres, il s’agissait de la sensation donnée par les molécules odorantes ; pour d’autres encore, le terme désignait un mélange de sensations données par les récepteurs olfactifs et par les récepteurs des papilles, sur la langue et dans la bouche ; pour d’autres encore… Quelle confusion !
La seconde observation : nombre d’articles, notamment dans le Journal of Agricultural and Food Chemistry, une des revues importantes dans le champ de la « chimie des aliments et du goût », étudient les saveurs en conservant le point de vue de la théorie des quatre saveursi… alors que l’on sait cette théorie fausse depuis des décennies : l’acide glycirrhiziqueii, l’éthanol, le bicarbonate de sodium, l’acide glutamiqueiii… ne sont ni salés, ni sucrés, ni acides, ni amers ; l’aspartame n’a pas la même saveur que le saccharoseiv, et les cellules qui réagissent au benzoate de dénatorium (un composé « amer ») ne réagissent pas à d’autres composés pourtant également considérés comme amersv.
Au total, il y a donc beaucoup de confusion, notamment parce que les termes sont insuffisants. Or le père de la chimie moderne, Antoine-Laurent de Lavoisier, a bien mis en avant une idée importante dans l’introduction de son Traité élémentaire de chimievi : «L'impossibilité d'isoler la nomenclature de la science, et la science de la nomenclature, tient à ce que toute science physique est nécessairement fondée sur trois choses : la série des faits qui constituent la science, les idées qui les rappellent, les mots qui les expriment (...) Comme ce sont les mots qui conservent les idées, et qui les transmettent, il en résulte qu'on ne peut perfectionner les langues sans perfectionner la science, ni la science sans le langage. » La « chimie des aliments et du goût » doit donc assainir sa terminologie pour progresser.

Les molécules odorantes

Évidemment, en matière sensorielle, ce sont les récepteurs qui doivent imposer les motsvii, et c’est la raison pour laquelle beaucoup de science est à faire. Depuis longtemps, on sait que le nez comporte des récepteurs olfactifsviii, qui peuvent se lier, directement ou indirectement, à des molécules présentes dans l’air. Directement, par un mécanisme clé-serrure, ou indirectement, puisque l’on a découvert des olfactory binding proteins, auxquelles des molécules se lient avant de se lier aux récepteursix.
Quel que soit le détail de la stimulation des récepteurs, on perçoit une « odeur », et cela justifie que les molécules qui suscitent une odeur soient dites « odorantes ». Pas « aromatiques », toutefois, puisque l’arôme est l’odeur d’une plante aromatique, dite encore aromate ! De ce fait, il faut sans doute corriger nos pratiques… et nos législations, puisqu’elles nomment très abusivement arômes des choses qui n’en sont pas, que l’on parle des odeurs ou bien des produits obtenus soit par assemblage de composés (synthétisés ou extraits de matières végétales ou animales). Insistons, d’ailleurs, pour refuser à tous ces produits, qu’ils contiennent ou non des composés de synthèse, le qualificatif de « naturel » : n’est naturel que ce qui n’a pas fait l’objet de transformation par l’être humain. Ces « compositions odoriférantes », ou ces « extraits odoriférants » ne sont pas naturels, et c’est tromper le consommateur que de le lui laisser croire. Experts, n’oublions pas que la base d’un commerce sain, ce sont des produits « loyaux, marchands et francs » !

La saveur, les sensations trigéminales

La question de la saveur semble plus simple, à cela près que l’on vient de découvrir, en plus des récepteurs des papilles, auxquelles se lient des molécules qui peuvent se dissoudre dans la salive, des récepteurs qui captent les acides gras insaturés à longue chaînex. La découverte est tout à fait remarquable, parce qu’elle s’accompagne de la mise en évidence de toute une chaîne physiologique qui pourrait faire conclure qu’il existe une saveur particulière des acides gras insaturés à longue chaîne. Cette découverte impose-t-elle l’introduction d’un terme nouveau, sachant que, contrairement aux autres molécules sapides que nous reconnaissons plus classiquement, il n’y a pas de saveur reconnaissable comme les autres ?
D’autre part, comment nommer le sens correspondant à la perception des saveurs ? On parle encore parfois de « gustation », mais la gustation devrait être la perception du goût… or nous parlons ici de saveurs. On devrait donc parler de « sapiction », par exemplexi , et de papilles sapictives.
D’autres molécules ont des récepteurs qui ne sont ni olfactifs, ni sapictives, mais associés à une voie nerveuse spécifique, le nerf trijumeau. C’est ainsi que nous percevons les piquantsxii, les fraisxiii… D’ailleurs, il faut indiquer que les molécules peuvent stimuler les récepteurs de plusieurs façons. Par exemple, le menthol sent la menthe, certes, mais il suscite aussi la sensation de fraîcheur. L’éthanol a une odeur, mais pas seulement, etc. Et l'on observera que j'ai parlé des piquants, et non du piquant, car la sensation donnée par la capsaïcine, surtout dans le nez, n'a rien à voir avec la sensation donnée par la pipérine, sur la langue.
D’ailleurs, nous avons omis d’évoquer l’astringence, qui a fautivement été considérée comme une saveur, pendant longtemps, et qui correspond à une sensation d’assèchement de la bouche, notamment quand des protéines salivaires se lient à des composés phénoliques, tels ceux qui sont présents dans certains vins et qui sont souvent, abusivement, nommés taninsxiv.

Le goût, dans tout cela ? C’est un fait de langage classique de dire que, quand on mange un aliment, on sent son goût. Le goût est donc la sensation synthétique que nous avons quand nous mangonsxv, et ce goût résulte donc de la stimulation de tous les récepteurs à la fois : olfactifs, sapictifs, trigéminaux… mais aussi des récepteurs mécaniques, qui nous donnent la sensation de la consistance, des récepteurs thermiques, etc. Perçoit-on un « goût de banane » quand on boit un vin ? Ce goût résulte à la fois des sensations olfactives, sapictives, trigéminales, etc.

A bas la flaveur

Faut-il parler de « flaveur », comme cela a été proposéxvi ? Une norme ISO (fautive, comme on va le voir) la définit comme « l’ensemble complexe des sensations olfactives, gustatives et trigéminales perçues au cours de la dégustation »… mais j'invite tous mes amis à combattre cette la norme ISO. Ne définit-elle pas la couleur comme « la sensation produite par la stimulation de la rétine par des ondes lumineuses de longueur d’onde variables » ? Quoi, des longueurs d’onde variables ? Ce serait une belle découverte, si la lumière, en se propageant, pouvait changer de longueur d’onde ! D’ailleurs, les incohérences abondent, dans cette norme, puisque, par exemple, les « saveurs élémentaires » seraient des saveurs « reconnues », ou que l’on nommerait « renforçateur de flaveur (ou de goût) les substances intensifiant la flaveur de certains produits sans posséder cette flaveur ». Ici, les deux mots « flaveur » et « goût » sont confondus ! Achevons avec la définition de « transparent », qui évoque, comme il y a plusieurs siècles, des « rayons lumineux » !
Faut-il vraiment supporter ces définitions idiotes ? Et devons-nous admettre le terme de « flaveur » ? Je crois que non, et voici les raisons. D’une part, il faut savoir que le mot « flavour » existe en langue anglaise, où il désigne… la sensation synthétique… qu’est donc le goûtxvii. Pas besoin d’invoquer la flaveur, par conséquent, pour désigner ce qui a déjà un nom en langue française. Faut-il réserver le nom de « flaveur » à l’ensemble des « sensations olfactives, gustatives et trigéminales » ? Il faut savoir que cet ensemble de sensations n’est d’abord pas perceptible, puisque l’on ne saurait les séparer des sensations de consistance ou de chaleur, d’une part. D’autre part, cette « flaveur » ne serait pas mesurable, puisqu’elle serait la résultante de stimulations de récepteurs différents.
Je propose de penser que quelque chose qui n’est ni mesurable ni perceptible n’existe pas ! Il faut donc abattre le mot « flaveur », le bannir de notre vocabulaire technique ou courant.

Un débat à organiser

Au total, puisque je sais que les collègues sont des personnes intelligentes auxquelles il est tout à fait maladroit de vouloir imposer une solution, je crois qu’il n’est pas inutile de poser la question des avantages et des inconvénients, afin que nous décidions collectivement.
La position qui consiste à penser que la flaveur existe, tout d’abord, et que c’est la somme de la saveur, de l’odeur, des sensations trigéminales, conduit à admettre que le goût serait la sensation donnée par les papilles. Le mot « saveur » est alors éliminé, alors que c’est un mot de la langue française. L’avantage est que le mot « goût » est alors cohérent avec « récepteurs gustatifs », pour parler des papilles (mais ceux-ci sont encore mal connus : pensons aux acides gras insaturés à longue chaîne). En revanche, l’inconvénient de cette position, c’est que l’on élimine un mot classique, qui a sa place, pour introduire un mot inconnu, sauf de spécialistes. D’autre part, la flaveur désignerait alors quelque chose qui n’est ni mesurable, ni perceptible, dans toute sa pureté.
Évidemment, si l’on adopte maintenant la position qui stipule que le goût est la sensation synthétique, il y a l’inconvénient que les récepteurs des papilles doivent être nommés « sapictifs », ce qui est un mot nouveau, mais on retrouve alors dans « sapictif » le mot « saveur », qui est bien attesté pour désigner la sensation donnée par les papilles. De surcroît, on reste proche de la langue classique et de la langue populaire.
D’autre part, faut-il utiliser le mot « arôme » pour désigner les odeurs, et utiliser l’expression « composé d’arôme » pour désigner les molécules odorantes ? Il n’y a pas d’avantage à cette solution, mais il y a beaucoup d’inconvénients, comme on l’a vu déjà. Ajoutons seulement que, dans la discussion précédente à ce propos, d’autre part, on a omis de signaler le qualificatif « aromatique » qui serait alors donné aux molécules odorantes viendrait heurter le qualificatif « aromatique » donné par les chimistes au benzène et à ses cousins. Ajoutons aussi que l’emploi du mot « arôme » pour le vin est… faible, puisque le nom de l’odeur du vin est le « bouquet ». Et signalons enfin qu’il n’existe pas d’inconvénient à utiliser le mot « odorant », et non « aromatique », pour désigner les molécules qui stimulent les récepteurs olfactifs… avec en outre une cohérence avec le monde anglo-saxon, qui utilisent aujourd’hui, dans les publications scientifiques, le terme « odorant », parlant de  odorant molecules , ou simplement d’odorants.
Reste la question des « arômes » des sociétés qui font des extraits ou des compositions de molécules susceptibles de donner du goût aux produits alimentaires. Je ne crois pas utile de revenir sur l’emploi du terme « naturel », qui me semble tout à fait condamnable, notamment parce que l’on nomme « artificiel » (définition du dictionnaire) ce qui a fait l’objet d’une préparation par l’être humain. Or ces produits sont des préparations, et, de ce fait, ils ne sont certainement pas naturels, qu’ils contiennent exclusivement des composés extraits, ou bien qu’ils incluent des composés de synthèse.
Certes, le mot « arôme » correspond à une réglementation… mais je propose de changer les réglementations qui doivent l’être ! De surcroît, il y a la confusion de noms entre le produit, d’une part, et la sensation, d’autre part. Confusion, donc possibilité de tromperie… et le public ne s’y trompe pas, à critiquer l’emploi de ces « arômes », supportant à peine ceux qui sont dits « naturels ».
Quelle terminologie employer ? L’anglais distingue la flavour, qui est le goût, et les flavourings, qui sont ces compositions et extraits. Au fait, pourquoi ne pas faire aussi la distinction ? Introduire un nom nouveau et le proposer aux législateurs ? Ce n’est pas bien difficile, si la volonté est présente, de ne pas tromper. Je propose « compositions gustatives », et « extraits gustatifs ». Pourquoi pas « compositions odoriférantes » et « extraits odoriférants » ? Parce que, on le sait, nombre de molécules ne stimulent pas seulement les récepteurs olfactifs. Évidemment, au passage, on bannirait le mot « naturel »… et je crois que notre pays y gagnerait.








Prochain séminaire :

Attention: le prochain séminaire se tiendra le lundi 18 septembre 2017 à 16h00 à l'Ecole supérieure de cuisine de la Chambre de Commerce de Paris (centre Jean Ferrandi, 28 bis rue de l'abbé Grégoire, 75006 Paris).

Attention : il devient indispensable de se munir d'un laisser passer et d'une carte d'identité. Personne ne sera admis sans ces documents



3 On rappelle que l'on nomme « précisions culinaires » des apports techniques qui ne sont pas des « définitions ». Cette catégorie regroupe ainsi : trucs, astuces, tours de main, dictons, on dit, proverbes, maximes... Voir Les précisions culinaires, éditions Quae/Belin, Paris, 2012.
i Naissance et obscolescence du concept de quatre qualities en gestation, Annick Faurion, Journ. D’Agric. Et de Bota. Appl., vol XXXV, 1988, 1-19
ii Belitz and Grosch, Food Chemistry, Springer Verlag, Heidelberg, p. 412.
iii An amino-acid taste receptor, Greg Nelson, Jayaram Chandrashekar, Mark A. Hoon, Luxin Feng, Grace Zhao, Nicholas J. P. Ryba, Charles Zuker, Nature, vol 416, 14 mars 2002, pp 199-202.
iv Faurion A. et Mac Leod P., Sweet taste receptor mechanisms, Progress in Sensory Physiology, vol 8.
v Alejandro Caicedo and Stephen D. Roper, Taste receptor cells that discriminate between bitter stimuli, Science, vol 291, 23 february 2001, 1557-1560.
vi A. L. de Lavoisier, Traité élémentaire de chimie, Cuchet, Paris, 1793.
vii A. Uziel, J. G. Smadja, A. Faurion, Physiologie du goût, Encycl. Med. Chir. (Paris, France), Otorhino-laryngologie, 2-1987, 20490 C10.
viii K. Raming, J. Krieger, J. Strotmann, I. Boekhoff, S. Kubick, C. Baumstark, H. Breer, Cloning and expression of odorant receptors, Nature, 28 janvier 1993, 361, 353-356.
ix . Briand, Loiec; Eloit, Corinne; Nespoulous, Claude; Bezirard, Valerie; Huet, Jean-Claude; Henry, Celine; Blon, Florence; Trotier, Didier; Pernollet, Jean-Claude , Evidence of an odorant binding protein in the human olfactory mucus : location, structural characterization, and odorant-binding properties, Biochimie et Structure des Proteines Unite de Recherches INRA 477, Jouy-en-Josas, Fr. Biochemistry (2002), 41(23), 7241-7252. CODEN: BICHAW ISSN: 0006-2960. Journal written in English. CAN 137:105377 AN 2002:360381 CAPLUS
x Fabienne Laugerette, Patricia Passilly-Degrace, Bruno Patris,
Isabelle Niot, Jean-Pierre Montmayeur, Philippe Besnard, CD36, un sérieux jalon
sur la piste du goût du gras, M/S n° 4, vol. 22, avril 2006.
xi Hervé This, Casseroles et éprouvettes, Pour la Science, Paris, 2003.
xii Pourquoi le piment brûle, Bernard Calvino, Marie Conrat. Pour la Science, N0366, avril 2008, pp. 54-61
xiii Stephen Daniells Aroma, taste and texture drive refreshing perception: Study, 14-Jan-2009
xiv Binding of selected phenolic compound to proteins, Harshadari M Rawel, Karina Meidtner, Jürgen Kroll, J. Agric. Food Chem., 14 april 2005, DOI 10.1021/jf0480290 5021-8561 (04)08029-X
xv A brief history of electronic nose, Julian W. Gardner, Philip N. Bartlett, Sensors and Actuators B, 18-19 (1994, 211-20.
xvi A. Pierson and J. Le Magnen, Etude quantitative du processus de régulation des réponses alimentaires chez l'homme, Physiology & Behavior, Volume 4, Issue 1, January 1969, Pages 61-67.
xvii Julie A Mennella, Gary K Beauchamp, Early flavor experiences : when do they start ? Nutrition Today, vol 29, N°5, Sept/oct 1994, 25-31.

Encore la question de la mousse au chocolat !

Ce matin, une question arrive :

Avec mon groupe, nous faisons un projet ( pour le bac) sur la mousse au chocolat. Notre problématique étant :  quels sont les différents éléments qui influent sur l'emulsion de la mousse au chocolat? Nous avons fais plusieurs expériences pour démontrer que c'était l'oeuf qui influencé sur l'émulsion. Nous avons fait plusieurs mousses au chocolat, en mettant du blanc d'oeuf avec du chocolat pour l'une et du jaune d'oeuf avec du chocolat pour l'autre. Nous avons ensuite regardé au microscope et nous avons vu qu'il  y avait des bulles dans les 2 échantillons.  Ma question est donc la suivante: Je sais que la lécithine, qui permet l'émulsion se trouve dans le jaune d'oeuf, donc est ce que c'est grace au jaune qu'il y a l'émulsion? Le blanc d'oeuf ne sert donc à rien ?



En lisant ce paragraphe, j'ai peur que nos amis n'aient confondu. Moi qui suis un homme simple, je lis les mots, et voici ce que je comprends :

1. Il s'agit de mousse au chocolat dont la recette n'est pas donnée, mais c'est donc une mousse "au" chocolat, et non pas une mousse "de" chocolat telle que serait un chocolat chantilly.
 Donc la recette est sans doute de faire foisonner du blanc d'oeuf, afin d'obtenir une mousse. Puis de mêler cette mousse à un mélange de chocolat fondu, possiblement (mais pas obligatoirement) additionné de beurre et de jaune d'oeuf.

2. On me parle d'émulsion, et je sais qu'une émulsion, c'est une dispersion de matière grasse dans une solution aqueuse, ou bien inversement une dispersion d'une solution aqueuse dans de la matière grasse.
 Il n'y a pas d'émulsion dans la mousse de blanc d'oeuf, et je suppose donc que c'est dans la préparation chocolatée qu'il faut que je cherche l'émulsion. Et là, il est exact que le beurre contient un peu d'eau, tout comme le jaune d'oeuf. L'eau du beurre est bien émulsionnée dans le beurre, et l'eau du jaune vient sans doute se disperser également dans cette phase grasse, qui est donc une émulsion de type "eau dans huile" (je rappelle que l'on désigne par "huile" une matière grasse à l'état liquide).

3. Nos amis évoquent la question  : quels éléments influent sur l'émulsion ? Ces éléments sont la nature des graisse, leur teneur, les tensioactifs, la nature de la phase aqueuse, et sa quantité... comme pour toute émulsion.

 4. Les expériences faites visaient à "démontrer que c'est l'oeuf qui influence l'émulsion". Mais...
 Tout d'abord, les sciences de la nature ne démontrent pas, mais elles se contentent de tester des hypothèses, afin de les réfuter.
D'autre part, je ne suis pas d'accord : ce n'est pas l'oeuf, mais les phospholipides et les protéines, qui viennent soit du beurre, soit du jaune d'oeuf.

5. Et je ne comprends vraiment pas pourquoi nos amis ont mis du blanc d'oeuf avec du chocolat. Les deux masses, à savoir la mousse d'une part, et l'émulsion chocolatée, d'autre part, ne sont mélangées (mal) qu'à la fin de la préparation.

6. Nos amis ont regardé au microscope, et ils ont vu des bulles. Mais je ne comprends vraiment rien à ce qu'ils ont fait et pourquoi ils l'ont fait. A vrai dire, j'ai peur qu'ils aient confondu une émulsion avec une mousse.

7. Si les protéines du blanc sont utiles : comment faire une mousse autrement ?

Si vous cherchez des produits pour cuisiner note à note

Ca y est : une société est créée pour vendre des produits pour la cuisine note à note.
C'est la société Iqemusu, à www.iqemusu.com.

Longue vie à elle !

Pâtisserie moléculaire

Gastronomie moléculaire, cuisine moléculaire, pâtisserie moléculaire, mixologie moléculaire  : de quoi s'agit-il ?


Aujourd'hui, je profite de la question d'une correspondante, qui m'écrit :
Je fais mon mémoire sur la pâtisserie moléculaire donc je montre que justement le moléculaire est plus de la de la pâtisserie inventive et évolutive que chimique.
Mais je voudrais un peu en discuter avec vous et comprendre ce qu'est pour vous cette cuisine moléculaire ?
Je sais donc essayer d'être bien clair. 

Commençons avec la "gastronomie moléculaire", qui est la science de la nature qui cherche les mécanismes des phénomènes qui surviennent lors des préparations alimentaires, qu'il s'agisse de cuisine, pâtisserie, charcuterie, cocktails, etc. 
Par exemple, quand un soufflé gonfle, à la cuisson, il y a le phénomène de gonflement. Pourquoi ce gonflement ? Quand on voit un mélange de jaune d'oeuf et de sucre blanchir, quand on le bat, il y a le phénomène de changement de couleur : pourquoi ? Quand on verse doucement du café chaud sur un sirop froid, on voit deux couches séparées : pourquoi ne se mélangent-elles pas ? 
Plus généralement, chaque geste de préparation alimentaire s'accompagne de phénomènes, et il y a la possibilité de travailler "scientifiquement" pour comprendre. 
Par exemple, pour comprendre que c'est surtout l'évaporation de l'eau qui fait gonfler les soufflés. Que c'est l'introduction de bulles d'air qui fait le blanchissement du "ruban". Qu'il y a des diférences de densité entre le café et le sirop. 
Cette recherche scientifique des mécanismes est le fait de scientifiques, et pas de cuisiniers, ni de pâtissiers ou de charcutiers. Elle se fait par la méthode suivante : identification du phénomène, caractérisation quantitative, réunion des données numériques en équations nommées "lois", induction de théories compatibles avec les lois, etc. 

Pour la "cuisine moléculaire", il faut comprendre que l'expression est à la fois un peu fautive, mais surtout "consacrée". 
La "cuisine moléculaire", c'est cette forme de cuisine qui utilise des instruments "nouveaux", venus des laboratoires de chimie : siphons, azote liquide, évaporateurs rotatifs, filtres, sondes à ultrasons, etc. 
On le voit, il ne s'agit pas de cuisiner avec des molécules, mais simplement de rationnaliser la technique culinaire. Evidemment, en pâtisserie, on parlera de "pâtisserie moléculaire" si l'on fait usage de tels outils. Et de mixologie moléculaire si l'on fait des cocktails de façon moderne, donc. 
Nombre de professionnels et de journalistes ont dit n'importe quoi, à propos de cuisine moléculaire, mais je propose de rester à ce que j'en dit ici, puisque c'est moi qui ai introduit la chose, et donné le nom à la chose. 

Passons enfin à la suite : la "cuisine note à note". Dommage que mon interlocutrice ne l'ait pas évoquée, car c'est le futur. Il s'agit cette fois de cuisiner (pâtisser, charcuter, faire des cocktails) à l'aide de composés purs. Cela balayera la cuisine moléculaire, mais évidemment pas la gastronomie moléculaire, qui, elle, continue de se développer dans les laboratoires scientifiques.



A propos des mots du goût

Depuis des années, je vois la communauté scientifique française hésiter entre les mots saveur, goût, odeur, arôme, flaveur même. Récemment, alors que, au terme d'une discussion serrée avec un collègue (et ami), j'avais réussi à lui faire dire qu'il nommait "flaveur" la somme de l'odeur rétrosanase et de la saveur, j'ai eu la surprise de voir son voisin de laboratoire écrire dans une revue scientifique française que la flaveur était la somme de toutes les sensations, texture comprise.
C'est la cacophonie ! Comme si un dieu jaloux des progrès de la physiologie sensorielle voulait mettre la discorde, alors que s'érige une tour de Babel. Il est temps de mettre les termes à plat, et de s'entendre enfin sur des mots qui nous permettront de travailler ensemble.

Pour cela, il faut des faits. Et ces fait sont les suivants :
- il y a une différence entre la sensation et la perception
- même les noms des mets influencent notre perception  : si l'on pense à un citron, on se met à saliver, et le milieu "tampon" qu'est la salive change ensuite la perception de l'acidité
- les "odeurs" perçues par le nez, sans mise en bouche, contribuent à la perception de l'aliment
- la couleur contribue à la perception de l'aliment
- en bouche, des composés se lient à des récepteurs des papilles, et donnent la sensation nommée "saveur"
- en bouche, des composés odorants montent par les fosses rétronasales par l'arrière de la bouche
- en français, on nomme "arôme" l'odeur des plantes aromatiques, de sorte que les composés odorants perçus par voie rétronasale ne peuvent être nommés "arômes"
- l'aliment libère des composés qui peuvent se lier aux récepteurs du nerf trijumeau, dans la bouche et le nez (piquants, frais...)
- la mastication donne une sensation de "texture", qui est une interprétation de la consistance  (un morceau de chocolat est croquant quand on le croque, mais fondant si on le laisse fondre)
- il existe des récepteurs des acides gras insaturés à longue chaîne, décrochés des triglycérides par des enzymes lipases
- la bouche est équipée de capteurs thermiques
- en français, le goût d'un aliment est ce que l'on perçoit, à savoir une synthèse

Voilà, j'en oublie peut-être (par exemple, la perception donnée par les ions calcium, dans la mesure où cette perception ne serait pas une saveur), mais peu importe.

Ce que l'on voit :
- c'est que le mot "arôme" est déjà pris, en français : pour désigner les sensations produites par l'olfaction rétronasale, il faut introduire un autre mot si l'on veut désigner l'odeur rétronasale; au fait, pourquoi pas "odeur rétronasale" ?
- pour nommer les composés odorants, s'il y a le choix entre composés d'odeur et composés d'arômes, il vaut mieux "composés d'odeurs", puisque les arômes ne sont qu'une catégorie d'odeurs (celle des plantes aromatiques"
- on pourrait nommer "flaveur" la somme des saveurs et des odeurs rétronasales... mais à quoi bon ? Cela n'est ni mesurable, ni perceptible
- en tout ça, l'usage du mot flaveur pour goût est fautif, ou irréfléchi (je n'arrive pas penser qu'il soit simplement snob)

J'invite mes collègues à corriger tout cela, mais la logique de la chose me semble une garantie de sa solidité.

De la levure chimique ? La terminologie est fautive et nous valons mieux que cela !

On me connaît  : je suis de ceux que le summum de l'intelligence, c'est la bonté et la droiture. Droiture, honnêteté, loyauté... Rien de pire, donc, que la déloyauté, qui est en réalité une forme de malhonnêteté.
Et c'est la raison pour laquelle j'insiste : nous ne devons pas nommer "levures chimiques" des préparations qui, si elle n'ont rien de mal en elle-même, ne sont pas des levures, mais des poudres levantes. A utiliser le nom usurpé de levures, nous serions sur la pente de la déloyauté.

Bon, cela, je l'ai dit plusieurs fois déjà. Pourquoi suis-je en train d'y revenir ? Parce que je trouve en ligne une recette de génoise qui comporte de la poudre levante. C'est encore une malhonnêteté, comme si l'on confondait le pain de campagne et la brioche. Une génoise, ce n'est pas un gâteau levé par de la poudre levante, mais une préparation qui doit sa consistance très particulière au battage des oeufs entiers. Avec de la poudre levante, on fait quelque chose d'approchant, mais de différent. Tout comme on fait de la rémoulade et non pas de la mayonnaise quand on utilise de la moutarde.

La génoise ? On bat longuement des oeufs entiers avec du sucre, on ajoute beurre fondu et farine, puis on cuit. On obtient une préparation très foisonnée, avec une alvéolation bien particulière.

Au fait : on bat des oeufs entiers ? Oui, et cela peut paraître paradoxal, mais n'est-ce pas ce que l'on fait aussi pour les omelettes soufflées (qui ne sont pas l'apanage de la mère Poulard) ? D'ailleurs, pour bien comprendre pourquoi les génoises ne doivent pas contenir de poudre levante, je vous invite à comparer une omelette soufflée faite seulement d'oeufs battus, et une omelettes soufflée où l'on aurait mélangé des jaunes d'oeufs à des blancs en neige : rien à voir !


Les würtz

Dans les années 1990, j'avais inventé les würtz, en analysant  la crème fouettée. Et c'est ainsi que j'avais obtenu de nouveaux systèmes… qui ont du goût.


Par exemple, quelques auteurs de livres de cuisine ont utilisé de la gélatine pour faire tenir de la crème fouettée. Gomme adragante ou gélatine : tels étaient les deux produits les plus cités. La crème apportait la moussabilité ; la gomme adragante ou la gélatine la tenue, par la formation d’un gel, dans le second cas.
Analysons : une mousse est une dispersion de bulles d’air dans un liquide (pour les mousses liquides) ; si le liquide gélifie, une fois la mousse formée, la mousse liquide devient une mousse solide, parce que les bulles d’air sont alors prisonnières du gel, lequel est une dispersion d’un liquide dans un solide.
Au total, la mousse tient alors durablement.

Que faire de cette analyse ? Observons que le système composé de la crème et de la gélatine a deux raisons de mousser : d’une part, certaines protéines de la crème sont moussantes, mais aussi la gélatine ! Pour faire une mousse, en effet, il suffit d’eau, d’air et d’un agent moussant, c’est-à-dire de se lier à la fois à l’air et à l’eau, et, de plus, de former un raison à la surface des bulles.
La gélatine a ces propriétés, comme le montre l’expérience qui consiste à fouetter de l’eau où l’on a dissout de la gélatine. La quantité de mousse que l’on peut obtenir ? Des litres !
Evidemment, l’eau utilisée peut avoir du goût. Par exemple, on peut faire une mousse de bouillon, mais aussi une mousse de jus d’orange, de vin, etc.
Et cette mousse, une fois formée, tiendra en raison de la gélification de la gélatine.

En pratique ? Dans un liquide chaud bien dégraissé, dissoudre quelques pour cent (en masse) de gélatine (feuille ou poudre), puis fouetter longuement en faisant mousser. Laisser au froid, puis utiliser pour composer une œuvre.



Une recette ?

Pour 200 g de jus d’agrume, 5 g de gélatine,  100 g de sucre

  1. Faire chauffer le jus avec le sucre (en chauffant le moins possible, afin de conserver la "fraîcheur" du jus)
  2. Dans le liquide chaud, incorporer la gélatine ramollie à l’eau froide (s'assurer qu'elle est bien dissoute)
  3. Foisonner en posant le récipient sur de la glace :  on obtient une mousse légère, extrêmement goûteuse.