Le monoglutamate de sodium ? Il y a beaucoup de bêtises dites à son propos, par ses partisans comme par ses détracteurs.
Commençons par les questions qui fâchent.
Et disons qu'il est souvent utilisé en cuisine asiatique, notamment japonaise. Et il a été soupçonné d'être à l'origine du "syndrome du restaurant chinois"... mais ce syndrome est prétendu, car, en réalité, le seul effet concerne ceux qui prennent des médicaments pour le coeur : le monoglutamate de sodium inactive certains de ces composés.
Et disons qu'il figure sur la liste des additifs, ce qui suffit à certains pour croire qu'on les empoisonne... alors que le caramel, aussi, figure sur cette liste.
Disons surtout qu'il a un goût (une saveur) puissant, qui, selon les personnes, est perçu salé, sucré, ou bouillon de poulet.
Et c'est pour cette raison qu'il est utilisé dans nombre de "bouillons cubes". Initialement, il était le principal, avec le sel, mais d'autres composés se sont ajoutés (inositides, par exemple).
Disons surtout que l'acide glutamique, dont le monoglutamate est un sel (de sodium, par exemple) est un acide aminé, un des 20 maillons des protéines. Nous en avons plein l'organisme.
Disons que la société qui en produit et en vend n'a pas un message parfaitement honnête : elle prétend que ce monoglutamate de sodium est le principal composés sapide, elle prétend que c'est "la" cinquième saveur (alors qu'il existe une infinité de saveur), elle le trouve partout, en vante les mérites... alors qu'on a parfaitement le droit de ne pas aimer la saveur de ce composés.
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
samedi 26 février 2022
Je discute le monoglutamate de sodium
Il va falloir que je change mes billets, ou, plus exactement, que j'indique à qui je m'adresse
Un ami cuisinier me dit que beaucoup de billets que je fais sont trop
difficiles parce que, lors de ses études, il n'a pas eu les bases de
chimie et de physique qui lui serait nécessaire pour comprendre ce que j'écris.
De
fait, il est vrai que je fais toujours l'hypothèse que mes amis qui me
lisent savent ce qu'est un acide, une base, un composé, un atome, et
cetera.
Pour bien me faire comprendre de ces amis-là, il faut que j'explique tout
cela.
Inversement, d'autres, qui ont déjà des notions de chimie, peuvent trouver ces informations inutiles, gênantes.
De sorte que je conclus qu'il faut des billets de différentes sortes, selon les amis à qui je m'adresse.
En conséquence, il faudra aussi annoncer à qui je m'adresse et c'est ce que je viens de me résoudre à faire : il y aura une série de billets d'initiation, d'une part, et, d'autre part, une série pour ceux qui en savent plus.
Cela sera annoncé en tout début de texte.
vendredi 25 février 2022
Comment nommer ce qui n'est pas un macaron ?
Le 22 février 2022, nous avons exploré la cuisine note à note, avec une dizaine de chefs étoilés.
Et, lors de nos travaux, nous avons préparé ce joli produit, mis au point par le cuisinier Julien Binz, d'Ammerschwihr :
Cela faisait quelque temps que je nommais cela un "maracon"... mais le terme choquait... Et avec raison !
Car un macaron contient essentiellement de la poudre d'amandes, du blanc d'oeuf et du sucre.
Alors que ce produit est fait d'eau, de protéines de blanc d'oeuf, de glucose.
Ce n'est donc pas un macaron, mais qu'est-ce ?
Réponse : c'est manifestement une meringue fourrée.
jeudi 24 février 2022
La cuisine moléculaire n'a (presque) rien à voir avec la gastronomie moléculaire
Ce matin, construction d'une page wikipédia, parce que la recherche de "cuisine moléculaire" arrivait sur "gastronomie moléculaire"... ce qui n'a rien à voir.
Voici ce qui a été mis :
Cuisine moléculaire
A bien distinguer de la "gastronomie moléculaire" (qui est une discipline scientifique), la cuisine moléculaire est une forme de cuisine qui se définit par l'emploi de matériels venus des laboratoires de chimie, de physique, de biologie.
Elle a été introduite depuis le début des années 1980, notamment quand Nicholas Kurti a proposé l'emploi du vide, ou quand Hervé This a proposé l'emploi de systèmes de foisonnement (pompes, siphons), d'émulsification (sondes à ultrasons), de filtration (ampoules à décanter, frittés de laboratoire), de broyage (broyeurs à billes), de distillation (évaporateurs rotatifs, avec ou sans piège froid), de chauffage (thermocirculateurs). Fut aussi introduit l'emploi de l'azote liquide (Peter Barham, Hervé This, Nicholas Kurti) et, surtout l'ajout de divers gélifiants (alginates, carraguénanes, gommes de guar, caroube, xanthane, etc.).
Philippe Conticini (La Table d'Anvers, Paris), Raymond Blanc (Le manoir des quatre saisons, Oxford) ou Ferran Adria (El Bulli, Espagne) furent parmi les premiers cuisiniers à utiliser ces techniques qui se sont rapidement popularisées.
Le nom de "cuisine moléculaire" a été donné en 1999 par Hervé This, pour éviter la confusion avec la gastronomie moléculaire.
lundi 21 février 2022
Le beurre et l'oeuf
Un enfant m'interroge : pourquoi l'œuf durcit au feu alors que le beurre fond ?
La question est posée, donc, par un enfant, mais elle a de quoi intriguer n'importe quel adulte ! Puisse cet enfant rester assez émerveillé, pour devenir un adulte qui posera des questions analogues.
Pour le beurre, c'est essentiellement de la matière grasse, mais avec un peu d'eau dispersée dedans... comme on le voit en chauffant doucement du beurre : de l'eau trouble se dépose en bas du récipient, et la graisse pure surnage ; cette dernière est ce que l'on nomme le beurre clarifié.
Mais restons à la graisse pure : elle fige à froid, mais fond à chaud. Pourquoi ? Parce que la matière grasse est fait de tout petits objets, que l'on nomme des molécules de triglycérides, et qui sont comme des peignes à trois dent souples. Ces objets sont faits d'atomes (pensons à des boules, pour simplifier) de trois sortes : des atomes de carbone, des atomes d'oxygène et des atomes d'hydrogènes. Et, aux températures assez douces où l'on chauffe du beurre pour le fondre (moins de 60 degrés), les molécules ne sont pas modifiées, et l'énergie que l'on donne sert seulement à faire bouger assez les molécules pour que, au lieu de rester empilées, elles puissent se déplacer, et faire un liquide. Car un liquide, c'est de la matière où les molécules peuvent bouger, au lieu que, dans un solide, les molécules sont immobiles, même si elles peuvent encore vibrer autour de leur position fixe.
Pour l'oeuf, considérons le blanc, qui est plus simple que le jaune (mais le principe est le même) : ce blanc d'oeuf est fait majoritairement (90 pour cent) d'eau, et de 10 pour cent de "protéines", dont les molécules sont comme des colliers de perles repliés sur eux-mêmes (pour ces protéines là). Quand on chauffe du blanc d'oeuf, les molécules d'eau et les molécules de protéines s'agitent plus rapidement, et les colliers de perle sont déroulés (on dit "dénaturés"). Mais il se trouve que des atomes particuliers qui se trouvaient dans les molécules des protéines de l'oeuf, et plus précisément des atomes de soufre, peuvent s'attacher. Les protéines déroulées s'attachent donc, formant un réseau à trois dimensions (imaginons une toiles d'araignée dans toutes les directions), où les molécules d'eau sont piégées. Cette "coagulation" forme ce que l'on nomme un gel, un solide mou, qui ne coule plus.
dimanche 20 février 2022
Mes recettes pour Quatre à table
Mes recettes, pour "Quatre à table"
Si tout se déroule comme on me l'a indiqué, une émission de TF1 intitulée Quatre à table me montre en train de composer un repas pour quatre personnes, avec 30 euros. Et c'est diffusé le samedi 19 février 2022.
En réalité, je n'ai dépensé que 22 euros, pour un repas très conséquent. Je vous en donne les recettes :
1. Bisque de crevettes crémée
Décortiquer des crevettes, et mettre les carapaces avec de l’huile dans une casserole.
Chauffer à feu soutenu jusqu’à ce que les carapaces brunissent.
Ajouter une carotte pelée et détaillée.
Cuire à couvert pendant 20 minutes.
Puis broyer, et passer.
Servir avec une quenelle de crème fouettée.
2. Oeuf 65, crème de parmesan,
Mettre des œufs dans un four à 65 degrés et cuire ainsi pendant 2 heures.
Pendant ce temps, dans une casserole, suer un oignon divisé en dés, dans de l’huile d’olive.
Après cinq minutes, ajouter deux cuillerées à soupe de farine, et pousser le feu pour faire blondir.
Ajouter de l’eau, du sel, une pincée d’acide tartrique.
Cuire à couvert pendant 20 minutes.
Puis ajouter le parmesan, et cuire encore 5 minutes.
Passer au chinois.
Dans un bol, mettre les oignons retenus dans le chinois, en fond de bol.
Puis déposer dessus un œuf à 65 °C, que l’on a cassé en deux pour le déposer dans le bol.
Napper de la crème de parmesan.
3. Crevettes et crème de riz
Cuire à couvert, pendant 20 minutes, du riz avec moitié eau, moitié lait, et une dizaine de gousses d’ail pelées.
Puis mixer finement.
Mettre cette purée d’ail en fond d’assiette.
Chauffer vivement les chairs de crevettes, et les déposer au centre de la crème de riz à l’ail.
Puis ajouter de l’échalotes divisée finement, crue, du piment d’Espelette, un peu de parmesan.
4. Würtz :
Presser trois oranges.
Dans le jus, faire tremper cinq feuilles de gélatine pendant 5 minutes.
Ajouter deux cuillerées à soupe de sucre.
Chauffer rapidement, porter à ébullition, et ne pas prolonger la cuisson.
Aussitôt, mettre la casserole sur des glaçons, et fouetter longuement, jusqu’à éclaircissement de la couleur.
Mettre dans des verres, au frais.
5. Gibbs vanille :
Dans une terrine, mettre deux blancs d’oeuf et ajouter de l’huile en fouettant, comme pour une mayonnaise.
Quand on a obtenu une belle émulsion blanche, ajouter :
- sucre
- acide tartrique
- aromatisant vanille
- quelques pistils de safran.
Répartir cette préparation dans de petites tasses, que l’on emplit aux deux tiers.
Mettre au four à micro-ondes jusqu’à ce que les gibbs gonflent.
Servir chaud.
6. Kugelhopf :
Dans une terrine, mettre :
-250 grammes de farine
-100 grammes de beurre
-50 grammes de sucre
-1/4 de cuillerée à café de sel fin
-1 œuf
-25 cL de lait
-1 sachet de levure lyophilisée, ou de la levure fraîche
Travailler beaucoup la préparation, jusqu’à ce qu’elle soit bien lisse.
Puis la couvrir et laisser fermenter (gonfler).
Quand la pâte a bien gonflé, la travailler quelques instants pour la faire redescendre (on « rabat »).
Puis refaire fermenter, puis rabattre, et ainsi de suite plusieurs fois (5).
Mettre des raisins secs dans une petite casserole, avec de l’eau à niveau et porter à ébullition.
Laisser gonfler pendant la cinquième fermentation.
Puis, quand celle ci est faite, beurrer et sucre un moule à Kugelhopf.
Mélanger les raisins à la pâte, puis déposer dans le moule, et laisser fermenter une dernière fois.
Préchauffer le four, et enfourner à 180 °C ; cuire pendant 50 minutes.
En fin de cuisson, sortir du four et laisser refroidir avant de démouler.
Courses :
6 oeuf, 20 crevettes, 3 oranges, parmesan, 1 carotte, 1 oignon, 1 tête d’ail, riz, crème
Coût total : 22 euros
jeudi 17 février 2022
À propos de quenelles : ne vivons pas au Moyen Âge !
Il n'y a pas lieu de cuisiner comme au Moyen-Âge : de même que nous ne roulons plus en charette, nous n'avons pas de raison de cuisiner avec des procédés qui étaient déjà présents au Moyen-Âge ou à la Renaissance, n'est-ce pas ?
Pour réaliser des quenelles, il y a à la fois le geste technique de les mouler entre deux cuillères, ce qui s'apprend avec la pratique, mais il y a surtout la question de la juste consistance de la préparation, pour que les quenelles se tiennent quand elles tombent dans l'eau bouillante où elles sont pochées.
Commençons par le mot "poché, qui dit bien qu'il s'agit de faire une poche où le reste de la préparation est retenu : il doit y avoir une coagulation de la surface, qui maintient l'intérieur de la quenelle.
S'il y a un pochage, c'est manifestement qu'il y a des protéines dans l'appareil, d'une part, et que ces protéines sont en quantité suffisante pour "coaguler" la couche de surface.
Coaguler ? Ces protéines sont initialement en solution dans un liquide, fût-il pâteux, et il faut que leur concentration soit supérieure à 5 % environ pour que la coagulation, c'est-à-dire la gélification, puisse se faire.
Et c'est ainsi que les cuisiniers ajustent progressivement leur préparation, afin qu'elle ne soit ni trop dur ni trop tendre, à l'aide d'un œuf.
Mais les oeufs -blanc ou jaune- apportent simultanément de l'eau et des protéines, alors que, quand l'appareil ne se tient pas, ce sont seulement des protéines dont on a besoin.
Pourquoi ne pas ajouter tout simplement des protéines à l'état pur ? Cela se trouve chez les pâtissiers : soit de la poudre de blanc d'oeuf, soit de la poudre de jaune. Quelques cuillerées règlent la question.
Décidément, je suis heureux de ne pas vivre au Moyen-Âge.